Entre « fille » et « garçon », il faut choisir : les traitements médicaux normalisateurs des personnes inter* à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’Homme
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Cet article fait partie de « Mémoires »
Introduction
§1 Imaginez la situation suivante. Votre meillaire1 amix et su compaign attendent un réjouissant événement. Dans quelques semaines, als seront les heureux parents d’une petite fille. La liste de naissance est prête depuis plusieurs jours. Parmi les nombreux cadeaux qui la composent, il y a un berceau orné de fleurs rouges et violettes, une tétine sur laquelle il est écrit « I’m a girl », un lit « bébé » évolutif en bois, une berceuse mobile dernier cri agrémentée de princesses Disney, un pyjama et des chaussettes roses et une très imposante peluche Hello Kitty. Le jour de l’accouchement, vous accourez à la maternité. Vous entrez dans la chambre d’hôpital et vous lisez un profond malaise sur le visage de votre meillaire amix et de su compaign. Vous comprenez très vite que quelque chose ne va pas.
Vous interrogez les nouveaux parents. Als vous informent que leur progéniture « n’est ni une fille, ni un garçon, mais quelque chose entre les deux* *». C’est un enfant inter* : ses caractéristiques sexuées2 sont « atypiques », c’est-à-dire qu’elles varient par comparaison à celles des autres « filles » et « garçons ». Vous pensez que cet enfant est « anormalx » et demandez aux parents s’il existe des solutions permettant d’« ajuster » les caractéristiques sexuées du nouveau-né, d’autant que vous rêviez d’être lu parrane d’une petite fille.
Votre meillaire amix et su compaign vous répondent par la positive. Les médecins leur ont affirmer que des chirurgies correctives et normalisatrices étaient nécessaires s’als voulaient éviter que leur enfant subisse, en raison de ses différences marquées, des stigmas sociaux-culturels et puisse, à terme, savourer les plaisirs d’avoir des relations sexuées « normales » et sans encombre. Vous voilà soulagae. Le « problème » est résolu. Oui, mais qu’en est-il de l’enfant ? Sera-t-il heureuz dans ce corps « nouvellement construit », dans ce sexe qu’on lu a, de force, assigné ? Ne va-t-on pas, via ces interventions invasives et souvent irréversibles, porté atteinte à sun autonomie corporelle ?
§2 Cette histoire n’est pas une fiction. Elle illustre la réalité de ce qu’ont vécu ou vivent encore actuellement de nombreuses personnes inter*.
Depuis quelques années, beaucoup dénoncent les pratiques médicales qui consistent à « normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* parce que leurs caractéristiques sexuées sortent du champ des normes socio-culturelles qui ont fondé et fondent encore aujourd’hui notre société3. De telles pratiques seraient contraires aux droits humains des personnes inter* dans la mesure où elles auraient pour effet de porter atteinte de manière discriminatoire à leur intégrité physique et mentale. Elles auraient pour seul objectif de répondre à des attentes sociales biaisées et non-justifiées par une nécessité thérapeutique. Les associations de défense de droits humains des personnes inter* revendiquent, donc, l’interdiction de ces pratiques et demandent qu’un cadre juridique contraignant soit adopté à cette fin4.
Cet article5 a pour ambition d’évaluer les traitements médicaux normalisateurs des personnes inter* au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après, la « Convention »)6 et de la jurisprudence de son organe de contrôle, la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après, la « Cour »). Plus particulièrement, nous tentons de déterminer la réponse que la Cour devrait apporter si, demain7, elle était saisie d’une requête introduite par une personne inter* à l’encontre de l’un des États parties à la Convention et que cette personne invoquait une atteinte discriminatoire à son intégrité physique et mentale, telle que protégée par les articles 3, 8 et 14 de la Convention.
Nous réaliserons cette évaluation au départ d’un cas qui constituera le point de départ de notre analyse et qui invitera lu lectaire à réfléchir sur ce qui constitue, à notre estime, un « problème de société ». C’est le récit de Hanne Gaby Odiele, célèbre mannequaine belge, qui a retenu notre attention. Al a effectué son « coming-out » inter*, largement médiatisé, il y a trois ans8. Même s’il est incomplet, nous avons choisi su récit parce qu’il parlera probablement à lu lectaire et illustre parfaitement la matérialité de ce qu’endurent les personnes inter* à la suite des chirurgies correctives et autres traitements du même type qu’elles subissent.
Nous partons de l’hypothèse que la Cour devrait constater une violation des garanties consacrées par la Convention au titre de l’autonomie corporelle.
§3 La présente contribution s’inscrit dans une approche pragmatique du droit. Selon Benoit Frydman, cette approche vise à étudier « *les règles de droit telles qu’elles s’appliquent effectivement dans les contextes de leur mise en œuvre. […] Le droit positif désigne non pas l’ensemble des règles posées par les autorités légitimes ou inscrites dans les sources formelles en vigueur, mais l’état effectif du droit tel qu’il peut être observé au départ des applications qu’il reçoit *»9. C’est pour cette raison que cet article privilégie l’étude de la jurisprudence de la Cour. Elle permet, d’une part, de « saisir » au mieux les dispositions de la Convention qui protège les personnes inter* contre les atteintes discriminatoires qui seraient portées à leur autonomie corporelle et, d’autre part, de comprendre la façon dont le droit, en tant qu’outil, résout le « problème de société » que nous proposons d’étudier.
Ce « droit » ne doit, par ailleurs, pas être perçu de manière étanche. L’approche pragmatique se couple à une approche globale du droit10, dont elle est en réalité indissociable. Ainsi, notre analyse ne se limite pas au droit de la Convention, ni à la jurisprudence de la Cour, mais s’inscrit dans une perspective plus large qui inclut l’étude, par exemple, de rapports de Rapporteurs spéciaux près l’Organisation des Nations Unies ou de décisions des Comités onusiens, qui, s’ils ne sont pas juridiquement contraignants, n’en produisent pas moins des effets en droit11. Mais, plus encore, nous avons jugé utile d’opérer une approche à « 360° par le moyen d’une approche transdisciplinaire »12 qui intègre des apports métajuridiques comme, par exemple, de la littérature médicale, que nous jugeons indispensable pour comprendre non seulement les variations des caractéristiques sexuées qui existent, mais aussi les motifs qui poussent les médecins à vouloir, envers et contre tout, les « ajuster ».
§4 Cette contribution a également pour ambition de donner une visibilité à une réalité que beaucoup ignorent ou enterrent délibérément parce qu’elle « dérange »13. Jusqu’à il y a peu, le droit lui-même n’était pas perméable à cette réalité et ce n’est que récemment qu’il a commencé à s’en inquiéter. La mise en lumière à laquelle nous espérons contribuer s’accompagne d’un effort de vulgarisation. Nous sommes conscients que le droit est une discipline qui emploie un vocabulaire et recourt à une logique qui lui sont propres et que, lorsqu’il est couplé à d’autres disciplines – ici, des sciences dites exactes –, il peut paraître incompréhensible à çauz qui ne le pratiquent pas.
§5 Nous tenons enfin à souligner une importante limite à cette contribution. Malgré notre démarche inclusive, il n’est pas possible de traiter l’ensemble des revendications des personnes inter*. Ces revendications ne se limitent pas aux traitements médicaux normalisateurs qui, lu lectaire l’aura compris, constituent notre point d’attention à titre exclusif14. Des recherches sont ainsi nécessaires s’agissant des revendications liées aux marqueurs de sexe ou de genre15, aux discriminations en matière d’emploi ou de sécurité sociale, aux problématiques liées à l’asile et la migration, à l’accès à la justice, à l’accès aux soins de santé et bien d’autres domaines encore.
§6 Quatre sections structurent le présent article. Dans la première (§§7-9), nous clarifions la terminologie que nous employons et expliquons les raisons pour lesquelles cette clarification s’impose. Dans la deuxième (§§10-12), nous détaillons le récit de Hanne Gaby Odiele qui constitue la base de notre analyse afin d’identifier les préjudices subis par les personnes inter* en raison des pratiques médicales consistant à « normaliser » leur apparence corporelle. Dans la troisième (§§13-16), nous exposons que le cadre juridique national des États membres du Conseil de l’Europe16 est insuffisant car il ne protège pas, de manière effective, les personnes inter* contre ces préjudices. Dans la quatrième (§§17-41), nous démontrons que la Cour devrait conclure que les traitements médicaux normalisateurs violent l’intégrité physique et mentale des personnes inter* et engager la responsabilité internationale des États qui ne les interdisent pas. Ces traitements sont qualifiables de mauvais traitements et, pour certains d’entre eux, d’actes de torture. Dès lors qu’ils sont ancrés dans des stéréotypes, la Cour devrait constater qu’ils violent le principe de non-discrimination. Nous clôturons cette contribution avec une conclusion générale et observons que notre démonstration repose sur une « tendance internationale » sur laquelle la Cour pourra s’appuyer (§§42-44).
Pour une terminologie respectueuse des droits humains des personnes inter*
§7 Cette contribution ne saurait se passer d’une mise au point terminologique. Celle-ci s’avère indispensable pour plusieurs raisons.
Premièrement, les termes et notions qui ont, par le passé, été utilisés ont une origine qui est pour l’essentiel médicale et qui, de ce fait, présentent une connotation péjorative dans la mesure où ils ont un effet pathologisant17. Ils désignent les personnes inter* comme des êtres « malades » qu’il conviendrait de « soigner » parce que ces personnes seraient différentes des autres (quod non, nous le verrons).
Le consensus international de 200618, revisité en 201619, sur le « management » des « troubles intersexes » est un exemple frappant. Ce consensus, qui prend la forme d’un protocole médical international faisant office d’autorité, qualifie de « troubles » les variations du développement sexué. Ces variations sont ensuite répertoriées sous la forme d’un classement et pathologisées. Elles sont perçues comme des « ambiguïtés », auxquelles les professionnels de la santé devraient remédier selon les lignes de conduite dégagées dans le cadre du protocole médical. À cela, s’ajoute le fait que la classification proposée met largement l’accent sur les préoccupations psychosociales des professionnels de la santé et, surtout, des parents d’enfants inter*.
Ce consensus, et la terminologie qu’il emploie, encourage explicitement des pratiques médicales qui, nous le verrons, portent atteinte à l’autonomie corporelle des personnes inter*20, allant même parfois jusqu’à leur ôter leur dignité humaine. Il ne serait pas cohérent, ni même concevable, de s’y référer. La protection effective des droits humains des personnes inter* commence en effet par l’usage d’un vocabulaire qui ne leur cause pas préjudice. À défaut, la protection à leur conférer ne serait, à l’instar de ce qu’a déjà jugé la Cour, que théorique et illusoire21.
Deuxièmement, à côté de ces termes et notions qui ont une connotation péjorative parce que médicalisés, il en existe d’autres qui induisent des représentations sociales erronées dans le chef de l’auditorium. Par exemple, certains circonscrivent la réalité des personnes inter* aux « hermaphrodites (vrais) » alors que ces personnes, qui sont nées avec des tissus testiculaires et ovariens22, ne représentent qu’une infime partie des variations des caractéristiques sexuées qui existent et ont été répertoriées.
Troisièmement, beaucoup créent des amalgames entre des termes ou des notions qui ont, en réalité, une signification et des implications distinctes. À titre d’exemple, la littérature francophone utilise parfois le terme « intersexualité » en lieu et place d’« intersexuation »23. Elle mélange ainsi le terme « intersexe » avec le terme « sexualité », alors qu’ils se rattachent à deux notions différentes : les caractéristiques sexuées dans le premier cas, l’orientation sexuelle dans le second.
La Cour n’est pas en reste. Par exemple, dans son arrêt A.P., Garçon et Nicot c. France24, elle qualifie l’« identité de genre » d’« identité sexuelle ». Or, dans ce contexte, l’adjectif « sexuel » se rapporte à l’orientation sexuelle, de sorte que l’« identité sexuelle » aboutirait à faire dépendre l’orientation sexuelle d’une personne de son identité de genre, ce qui est inexact.
Quatrièmement, la terminologie relative à la situation des personnes inter* varie d’un acteur à l’autre, d’une personne à l’autre. Elle est éminemment personnelle et est fonction de la sensibilité de chacun. Ainsi, la question de savoir s’il est préférable de parler, en français, de « personne intersexe » ou de « personne intersexuée »25 diffère selon l’acteur ou la personne concernae, chacan ayant ses raisons de chérir l’usage de l’un de ces deux qualificatifs plutôt que l’autre26. Pourtant – sans verser dans la critique –, il s’agit de deux versants d’une même réalité que, à des fins de sécurité juridique, il convient d’appréhender de manière uniforme. À titre de comparaison, la littérature anglophone utilise un seul vocable : « intersex person ».
Dans cette contribution, nous avons fait le choix de couper court aux obstacles que nous venons d’identifier. Les termes que nous employons et les définitions y relatives sont respectueux, d’une part, de la dignité et des droits humains des personnes inter* car ils s’affranchissent de tout vocabulaire pathologisant et, d’autre part, de la diversité des variations des caractéristiques sexuées existantes. Nous privilégions également l’usage d’un vocabulaire neutre, qui tente de s’affranchir de toute forme de subjectivité.
§8 Ci-après, nous dressons une liste de ces termes et, dans chaque cas, nous les définissons.
Une « personne inter* » est celle qui présente des variations de ses caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires. On estime que les personnes inter* représentent 1 à 2% de la population27, ce pourcentage étant fonction de la variation considérée.
Une « personne dyadique » est celle qui ne présente pas de variations de ses caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires.
Les « caractéristiques sexuées primaires » sont celles qu’une personne présente à la naissance (structures chromosomiques et hormonales, organes génitaux internes et externes).
Les « caractéristiques sexuées secondaires » sont celles qu’une personne développe durant l’adolescence, souvent pendant la puberté (pilosité, masse musculaire, poitrine, stature, etc.).
Le « sexe (femelle, mâle ou comme incluant des variations) » est employé comme terme générique pour désigner les caractéristiques sexuées primaires et secondaires d’une personne. Le sexe doit être perçu davantage comme un spectrum que comme se divisant en deux catégories bien distinctes.
Par « variation des caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires » ou « intersexuation », nous visons les caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires qui ne correspondent pas à la norme socio-médicale, à savoir la binarité femelle-mâle ou féminin-masculin, selon que l’on considère respectivement le sexe ou le genre.
Les « traitements médicaux normalisateurs » sont les traitements chirurgicaux et/ou hormonaux ayant pour seul objectif de mettre en conformité les caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires des personnes inter* avec la norme socio-médicale, à savoir la binarité femelle-mâle ou féminin-masculin, selon que l’on considère respectivement le sexe ou le genre.
Une « personne trans* » est celle dont l’identité de genre et/ou l’expression de genre ne correspond(ent) pas au genre assigné à la naissance (notamment par les marqueurs d’identité). Les personnes transexuelles ou transgenres sont des personnes trans*. Cette énumération n’est pas exhaustive.
L’« identité de genre » est le sentiment d’appartenance intime et personnel d’une personne au genre féminin, masculin ou à un autre genre défini individuellement, qu’il corresponde ou non au genre assigné à la naissance (notamment à travers les marqueurs d’identité).
L’« expression de genre » désigne la manière dont une personne manifeste extérieurement une identité de genre (féminine, masculine ou définie individuellement) ainsi que la façon dont elle est perçue par les autres (ce qui se traduit par l’usage de codes sociaux comme, par exemple, les vêtements, les discours ou l’attitude).
Le « genre (féminin ou masculin ou individuellement défini) » désigne les caractéristiques socialement construites qu’une personne présente et qui peuvent être – mais ne sont pas nécessairement – basées sur ses caractéristiques sexuées primaires et/ou secondaires. Le genre doit être perçu davantage comme un spectrum que comme se divisant en deux catégories bien distinctes.
L’« orientation sexuelle » est un terme désignant la profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle qu’une personne présente et ressent pour une autre, ce qui inclut les relations intimes et sexuelles qu’elle peut entretenir avec celle-ci.
La « sexualité » se rapporte aux comportements, aux relations, aux désirs sexuels d’une personne.
§9 Ce glossaire a été rédigé sur la base des définitions proposées et/ou arrêtées par les acteurs de défense des droits humains28. Il n’est pas rigide et nous serions heureux de discuter des adaptations à y apporter avec çauz qui seraient d’avis que notre terminologie mériterait d’être revue et/ou d’être complétée.
Nous n’avons par ailleurs pas la prétention d’imposer cette terminologie à la Cour. C’est elle qui est maîtresse du vocabulaire qu’elle emploie. A minima toutefois, son attention doit être attirée sur l’utilisation d’un vocabulaire cohérent en français et en anglais29 qui soit respectueux de la dignité humaine des minorités sexuées. À cet égard, notre terminologie constitue une proposition qui pourrait alimenter sa réflexion.
Avec ce détour terminologique, lu lectaire est désormais armae pour comprendre avec plus d’aisance notre cas d’étude, que nous détaillons dans la section suivante.
Hanne Gaby Odiele, an icône inter*, un cas topique
§10 Hanne Gaby Odiele est an mannequaine belge de renommée internationale.
Le 23 janvier 2017, al effectue son « coming-out » dans deux interviews qu’al a accordées, l’une au quotidien USA Today30 et l’autre au magazine de mode Vogue31.
Al révèle être une personne inter* et nous partage, dans les grandes lignes, su parcours de vie qui, nous le verrons, est devenu pénible en raison de ses caractéristiques sexuées « atypiques » et de su diversité corporelle qui « gênait ».
Hanne nous raconte qu’à l'âge de deux semaines, al a développé une infection. Al fut conduite à l’hôpital et, après avoir procédé à une analyse sanguine, les médecins informèrent ses parents que « leur petit garçon allait se rétablir ». Hanne expose que ses parents étaient « stupéfaix » car als pensaient que leur enfant était une fille.
Al poursuit en expliquant que les analyses sanguines ont révélé que su sexe chromosomique était mâle – caryotype XY32 –, que su sexe gonadique était mâle – al avait des testicules internes –, mais que les cellules induisant la formation de su sexe phénotypique étaient résistantes aux androgènes, raison pour laquelle al n’avait notamment pas d’utérus.
Cette variation des caractéristiques sexuées est appelée « insensibilité partielle aux androgènes ». Selon la littérature médicale33, c’est un « défaut » naturel dans les gènes qui en est à l’origine. Ce « défaut » rend les cellules réceptrices des androgènes34 peu performantes. Or, ces cellules sont responsables de la détermination des organes génitaux internes et externes. Comme ces cellules sont partiellement insensibles aux androgènes, la formation des organes génitaux internes et externes « typiquement » mâles est « imparfaite ». Résultat : des organes génitaux internes et externes « typiquement » femelles s’y substituent.
Hanne nous expose ensuite que ses parents ont été déféraes chez un spécialiste, qui leur a précisé que des chirurgies correctives étaient nécessaires, entre autres pour éviter les stigmas sociaux car leur enfant était « différent » des autres, et qu’il convenait de garder su variation et ses traitements médicaux normalisateurs secrets, en ce compris auprès d’al.
Hanne souligne « avoir passé une grande partie de ses vacances scolaires dans des cabinets médicaux, les étudiants en médecine [lu] voyant souvent [nux] sans son consentement ». « What the hell is wrong with me ? » : c’est une question qu’al se posait souvent et à laquelle al n’a, pendant longtemps, pas obtenu de réponse.
Al affirme qu’à 10 ou 11 ans, les médecins lu ont retiré ses testicules internes car, selon eux, en n’étant pas descendus, ils étaient susceptibles de provoquer un cancer. Les médecins ont enjoint à ses parents de ne pas lu expliquer les tenants et aboutissants de l’opération et de « simplement [lu] dire [qu’al] avait un problème à la vessie ». Conséquence : Hanne est devenux stérilx. Dans leur témoignage, ses parents expliquent qu’als se sont « sentiz seulz » et « démuniz ». À l’époque, sans Internet, l’accès à l’information était limité et les médecins ne leur fournissaient que peu d’éclaircissements.
C’est également depuis cet âge que, selon su dossier médical auquel al n’a eu accès que récemment, Hanne est contrainx de prendre un traitement hormonal substitutif (pilules contraceptives de bas niveau). Al soutient que « c'est comme être en ménopause dès le plus jeune âge ».
Enfin, à l’âge de 18 ans, Hanne explique qu’al a subi une vaginoplastie35. Al souligne que cette opération chirurgicale, qui consiste à construire artificiellement un vagin, fut particulièrement pénible. Cette opération oblige le patient à procéder à des dilations du vagin nouvellement construit au moyen d’une barre en métal (appelée « bougie »).
C’est pour « mettre fin à ce [qu'al] appelle “les opérations folles, irréversibles et non consensuelles, pratiquées quand on est beaucoup trop jeune” » que Hanne est sortix de sa réserve. En effet, ces opérations, qui sont des traitements médicaux normalisateurs, causent des préjudices graves et aigus aux personnes qui sont contraintes de les endurer.
§11 À la lecture d’autres témoignages36, nous avons pu identifier cinq types de préjudices dont sont victimes les personnes inter*.
Le premier préjudice est physique. Les personnes inter* exposent ne pas être en mesure d’avoir de vie sexuée ou, pour certaines, le plaisir sexué est presqu’inexistant car elles souffrent d’une insensibilité des labia majora et minora, du clitoris, du vagin ou de la verge. Celles dont les gonades ont été retirées sont devenues stériles. Les personnes inter* dont le vagin a été construit artificiellement, comme dans le cas de Hanne, révèlent que les dilatations (à l’aide de la « bougie ») et les pénétrations en cas d’activité sexuée sont d’une douleur souvent extrême et qu’elles engendrent des saignements. Pour plusieurs personnes inter*, leurs organes génitaux sont enflammés de manière récurrente, ce qui, parfois, les empêche d’uriner normalement. Beaucoup nous disent aussi avoir de multiples cicatrices sur le corps. Enfin, les personnes inter* qui prennent des traitements hormonaux substitutifs, comme de l’œstrogène, sont confrontées à de fortes migraines, à une impossibilité de réguler leur température corporelle ainsi qu’à une ostéoporose précoce.
Le deuxième préjudice est mental. De nombreuses personnes inter* subissent un choc post-traumatique et sont dans l’incapacité de consulter de médecins, non pas parce qu’elles n’en ont pas envie, mais parce qu’elles en ont peur et/ou qu’elles ne leur font plus confiance. Elles exposent aussi faire des cauchemars et des insomnies, avoir le sentiment presque constant d’être « taillées dans leur chair » et d’être confrontées à de sévères phases de dépression les amenant, dans des cas extrêmes, à vouloir se suicider. Pour les personnes inter* dont les gonades ont été retirées – ce qui est le cas de Hanne –, la perspective d’avoir des enfants est mise à néant et celle de construire une vie de famille est rendue bien plus compliquée. Celles dont le vagin a été construit artificiellement révèlent avoir (eu) le sentiment d’être violées par leurs parents lorsque, à l’époque où elles étaient enfant, ils pratiquaient les dilatations ou de s’automutiler lorsque, à l’âge adulte, elles devaient ou doivent toujours elles-mêmes y procéder.
Le troisième préjudice est social. Nombre sont les personnes inter* qui nous disent être repliées sur elles-mêmes et être effrayées du regard des autres. L’intégration sociale est, par conséquent, extrêmement difficile. Pour beaucoup, elles ont fait l’objet d’un dénigrement complet, caractérisé par le mutisme médical et parental, pendant leur enfance et leur adolescence. Elles ont aussi dû faire face à des moqueries, des jugements de valeurs, des intimidations et des attaques verbales, voire physiques, de la part de leurs camarades de classe, de leurs professeurs, de leurs proches et de leur entourage parce qu’elles étaient « différentes » des autres.
Le quatrième préjudice est professionnel. Certaines personnes inter* ne parviennent pas à trouver un emploi, malgré les nombreuses démarches entreprises. Lorsqu’elles sont engagées, les conditions de travail ne s’accommodent souvent pas avec leur condition, car elles sont en situation de handicap et les employeurs ne mettent pas en place des aménagements raisonnables ou sont réticents à le faire face à cette réalité qui « dérange ». Pour les personnes inter* qui, malgré elles, sont sans emploi, elles ne peuvent que prétendre aux allocations de chômage ou, pire, à un maigre revenu d’intégration sociale. Elles sont contraintes de s’en remettre à la générosité de leurs proches, pour autant qu’elles ne soient pas esseulées (ce qui est fréquemment le cas).
Le cinquième préjudice est identitaire. Quelques personnes inter* nous expliquent que les opérations chirurgicales et les traitements hormonaux engendrent des répercussions sévères sur leur identité (de genre ou non), qu’elles ne sont parfois pas en mesure de déterminer.
§12 La liste de ces préjudices et de leurs composantes n’est pas exhaustive37. Nous avons toutefois, compte tenu de la longueur limitée de la présente contribution, préféré mettre en exergue les préjudices qui sont, d’une part, dénoncés par Hanne dans les interviews qu’al a données et, d’autre part, les plus fréquemment cités par les personnes inter* dont nous avons pu lire les témoignages et par les associations qui assurent la défense de leurs intérêts.
Il convient désormais de déterminer si l’histoire de Hanne et, plus généralement, celle des personnes inter* est prise en considération par le droit des État membres du Conseil de l’Europe, forum dans lequel la présente contribution s’inscrit. En d’autres termes, les pays du Vieux Continents disposent-ils d’une armature juridique qui protège, à la fois en théorie et en pratique, les personnes inter* contre les préjudices qu’elles subissent lorsque leur sont infligés des traitements médicaux normalisateurs ?
Un cadre juridique national inadéquat
§13 À la demande de la Commission européenne, l’European Equality Law Network a réalisé, dans un rapport paru en 201838, un aperçu des dispositifs d’égalité mis en place pour les personnes trans* et inter* par les 28 États membres de l’Union européenne, la Norvège, l’Islande et le Lichtenstein (en d’autres termes, les États membres de l’Espace économique européen ; ci-après « l’EEE »)39.
D’emblée, les autaires du rapport signalent qu’« une limite importante de l’analyse faite dans ce rapport, qu’il est important de souligner dès le départ, est l’absence d’informations détaillées pour le régime juridique s’appliquant aux personnes inter* »40. Als observent qu’il existe « visiblement plus de données et d’analyses » s’agissant du cadre légal s’appliquant aux personnes trans* et à l’identité de genre41.
Les autaires ajoutent que « les limites de l’analyse de leur rapport ne fait que refléter un problème plus large des droits nationaux (et du droit de l’Union européenne) qui ne parviennent pas à s’emparer de l’expérience » des personnes inter*42. Als soulignent qu’« une caractéristique frappante et constante » de leur analyse « est l’étendue avec laquelle l’Union européenne et les États membres de l’EEE ont échoué à adopter des dispositifs ou des politiques qui s’accommodent ou protègent » les personnes inter*43. Als poursuivent en précisant que « les variations [inter*] et ceux qui les vivent sont particulièrement invisibles dans la sphère du droit national de la non-discrimination »44.
Les autaires concluent que leur rapport « révèle l’expérience accablante d’ambiguïté et d’invisibilité » des personnes inter*. Elles ne peuvent « prétendre qu’à peu de protections juridiques contre les traitements inégaux »45. Selon auz, les États membres de l’EEE ont été négligents car ils n’ont pas pris les mesures visant à contrer les traitements médicaux normalisateurs, que les autaires qualifient de « non-nécessaires », des personnes inter*46.
§14 Ces conclusions ne sont pas étonnantes.
Déjà en 2015, OII-Europe et ILGA-Europe posaient le constat selon lequel « l’Europe n’est pas un espace sûr » pour les personnes inter* car, à l’exception de Malte47 et, depuis 2018, du Portugal48, « aucun autre État européen n’a adopté de dispositions protégeant l’intégrité physique, l’autonomie corporelle et l’autodétermination » de ces personnes49.
La même année, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « l’Agence ») estimait que les « opérations chirurgicales de conversion [sexuée] ou liées au sexe sont réalisées sur des enfants et des jeunes intersexués dans au moins 21 État membres de l’UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède). La fréquence de ces opérations n’est cependant pas connue »50.
L’Agence observe que :
« Dans huit États membres (Autriche, Belgique, Bulgarie, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque et Suède), la législation ou la pratique médicale requiert le consentement du représentant légal, indépendamment de la capacité de l’enfant à décider. […]
Le consentement du patient est également légalement requis dans au moins 18 États membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède), à condition que l’enfant soit considéré comme ayant les facultés cognitives nécessaires et la capacité de décider.
Dans 14 États membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Irlande, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie et Suède), l’on considère que l’enfant possède ces capacités une fois qu’il atteint un certain âge »51.
Ce cadre législatif national parait de prime abord séduisant : il protègerait les personnes inter* et, plus particulièrement, les enfants inter* des pratiques médicales normalisatrices sans qu’ils n’y consentent ou qu’ils ne soient capables d’y consentir. Non sans importance cependant, l’Agence ne manque pas de préciser que :
« [Il] est souvent fait preuve de flexibilité lors de l’évaluation de ces capacités, aussi bien dans les États membres qui fixent un âge de référence spécifique (par exemple, 12 ans en Belgique, 14 ans en Allemagne, Autriche et Bulgarie, 15 ans en Slovénie et 16 ans en Lituanie et au Royaume-Uni) que dans les États membres qui exigent une évaluation individuelle (par exemple la Finlande, la France et l’Italie). Si cette flexibilité est nécessaire au vu des différences au niveau du développement cognitif, elle comporte le risque d’imposer des procédures médicales à des enfants contre leur propre volonté »52.
L’Agence observe d’ailleurs que, en dépit de ces régimes juridiques, dans la pratique, « des opérations chirurgicales de “normalisation sexuelle” ou de chirurgie esthétique sont […] encore réalisées sur des enfants sans leur consentement éclairé »53. Par exemple, l’Agence souligne qu’en Belgique, « aucune procédure ne garantit que l’enfant exerce son droit à consentir à un traitement médical » et qu’en Suède, « l’enfant subit généralement une opération chirurgicale avant l’âge de deux ans »54.
Ainsi que le rapport de l’European Equality Law Network l’illustre, les choses n’ont pas quasiment pas évolué depuis le rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne paru en 2015. Très récemment, ILGA-Europe a confirmé ce constat. Dans sa Rainbow Map publiée le 14 mai 2020 qui donne un aperçu des régimes juridiques SOGIESC55 des États membres du Conseil de l’Europe56, nous observons que seuls Malte et le Portugal – ainsi que certaines régions d’Espagne57 – prohibent explicitement les interventions médicales sur le corps des personnes inter* sans que leur consentement éclairé ne soit requis58.
§15 Il nous faut encore ajouter que, généralement, les professionnels de la santé appliquent des protocoles médicaux qui ne requièrent pas explicitement que soit obtenu le consentement préalable, libre et éclairé de la personne inter* ou, dans d’autres cas, sont ambigus sur ce point. Le consensus de 2006, que nous évoquons plus haut, en constitue un parfait exemple.
À aucun moment ce consensus qui, rappelons-le, fait internationalement office d’autorité, n’évoque la question du consentement du patient, si ce n’est pour quelques affaires citées en annexe dans les legal issues59. Lorsque ce consensus a été revu en 2016, les préoccupations des personnes inter* et des acteurs internationaux de protection des droits humains ont été mises en évidence, sans pour autant toutefois que les autaires du consensus ne se positionnent de manière claire et définitive sur la nécessité d’obtenir le consentement du patient. Als concluent uniquement que les médecins devraient être conscients que « la tendance ces dernières années est que les organes de protection des droits humains ont de plus en plus mis l’accent sur la préservation de l’autonomie du patient »60.
Les protocoles médicaux sont, donc, susceptibles de mettre à mal les régimes juridiques nationaux qui, en théorie – et à supposer qu’il y en ait –, établissent un cadre protégeant les personnes inter* contre les chirurgies correctives et/ou les traitements hormonaux non désirés.
§16 Il ressort des éléments que nous venons d’évoquer qu’à l’exception de Malte et du Portugal, le droit des États membres du Conseil de l’Europe est impuissant, dans la mesure où il ne prémunit pas, de façon effective, les personnes inter* contre les traitements médicaux normalisateurs et les préjudices, que nous avons énumérés plus haut, qu’ils engendrent. À notre estime, il en résulte un vide juridique, le droit national des États membres du Conseil de l’Europe n’étant pas perméable à cette réalité qui altère le schéma binaire traditionnel du sexe et du genre61 sur lequel il se fonde. Hanne et toutes les personnes inter* sont, donc, les grandes oubliées du droit national de ces États.
Il nous appert que c’est en se tournant vers le droit global des droits humains, et notamment le droit de la Convention, que ces grandes oubliées obtiendront une protection effective de leur autonomie corporelle et que seront mises en lumière – et condamnées – les pratiques médicales dont elles sont les victimes. Dans la suite de notre exposé, nous déterminerons la réponse que la Cour devrait apporter au vide juridique que nous avons identifié dans l’hypothèse où elle serait, à l’avenir, saisie d’une requête introduite par Hanne ou toute autre personne inter*.
La Cour européenne des droits de l’Homme, « garante ultime » des droits et libertés des personnes inter* ?
§17 Ce sont les articles 3 et 8 de la Convention qui garantissent et protègent l’intégrité physique et mentale62. La première de ces dispositions, qui prohibe la torture et les traitements inhumains et/ou dégradants, confère une protection absolue à ses destinataires63. La seconde, qui réprime les atteintes au droit au respect à la vie privée, n’offre qu’une protection relative à ceux qui l’invoquent64. À ces deux dispositions, s’ajoute l’article 14 de la Convention qui interdit toute forme de discrimination dans la jouissance des droits et libertés garantis par cet instrument65. Les droits humains étant universels, ces trois dispositions s’appliquent sans aucun doute aux personnes inter*66.
La présente contribution s’inscrit dans une approche combinée des articles 3, 8 et 14 de la Convention car, ainsi que nous le verrons, les traitements médicaux normalisateurs méconnaissent simultanément la protection qu’ils leur confèrent67.
§18 Dans les points qui suivent, nous verrons que la Cour devrait conclure qu’il existe une ou plusieurs atteinte(s) à l’autonomie corporelle des personnes inter* (§§19-30) ; que cette(es) atteinte(s) est(sont) qualifiable(s) de mauvais traitement(s) (§§31-33) et, dans certains cas, d’acte(s) de torture (§§34-36) ; et qu’elle(s) est(sont) discriminatoire(s) (§§37-40).
Les traitements médicaux normalisateurs violent l’autonomie corporelle des personnes inter*
§19 Prenant comme point de départ les principes de liberté et de dignité qui constituent, comme la Cour l’a rappelé à de nombreuses reprises, l’« essence » de la Convention68, nous démontrons que les chirurgies normalisatrices et autres traitements médicaux du même type violent l’intégrité physique et mentale des personnes inter* dans la mesure où ils ne satisfont pas, spécialement dans le cas de Hanne, à l’exigence du consentement préalable, libre et éclairé (§§20-24) et que, en tout état de cause, ils ne sont pas nécessaires d’un point de vue thérapeutique (§§25-29)69.
« Normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* envers et contre tout, malgré l’absence de consentement préalable, libre et éclairé
§20 Dans sa jurisprudence, la Cour a eu l’occasion de reconnaitre qu’« [e]n matière médicale, […] l'imposition [même a minima]70 d'un traitement médical sans le consentement du patient s'il est adulte et sain d'esprit [s'analyse comme] une atteinte à l'intégrité physique de l'intéressé […] »71. En se fondant sur les principes de la Convention d’Oviedo sur les droits de l’Homme et la biomédecine (ci-après, la « Convention d’Oviedo »)72, la Cour a également détaillé les trois conditions pour que le consentement d’un patient adulte soit exprimé valablement : il doit être préalable, libre et éclairé73.
Préalable, en ce sens que le consentement doit être donné avant l’opération chirurgicale ou l’administration d’un traitement médical74. Libre, car il ne peut être vicié d’une quelconque manière, que ce soit du fait de la loi ou du fait d’intimidations de tiers75. Éclairé, dès lors que le consentement doit être entouré de suffisamment d’informations sur les circonstances et les causes du traitement, les bénéfices espérés, les risques encourus, les conséquences à moyen et long terme ainsi que les alternatives existantes76.
Ce faisant, la Cour s’inscrit résolument dans une logique dépaternalisante et privilégie les choix que le patient effectue de manière indépendante (c’est-à-dire, sans être influencé par les recommandations et/ou décisions médicales). La Cour a, dans cette veine, consacré le principe de l’autonomie corporelle des bénéficiaires de soins77.
§21 La jurisprudence que nous venons d’évoquer ne concerne que les patients adultes. Les traitements médicaux normalisateurs étant, dans la grande majorité des cas, infligés aux enfants mineurs78, nous déterminons, dans les lignes qui suivent, les principes qui leur sont applicables.
Dans sa jurisprudence, la Cour perçoit les enfants mineurs comme des « êtres particulièrement vulnérables » en raison de leur âge79. C’est pour cette raison qu’elle juge qu’ils ne sont pas capables de se défendre seuls contre les atteintes à leurs droits fondamentaux et que les adultes sont chargés d’assurer la protection de leurs droits et libertés80.
Ces principes s’appliquent en matière médicale. La Cour a ainsi jugé que, lorsque l’enfant est mineur, la personne la mieux placée pour consentir à un traitement médical est celle qui est titulaire de l’autorité parentale81. Dans ce cas, les conditions pour que le consentement à un traitement médical soit valablement exprimé doivent être rencontrées dans le chef du titulaire de l’autorité parentale82. À défaut, l’intégrité physique de l’enfant est violée83.
La Cour a toutefois précisé, non sans importance, que, si les titulaires de l’autorité parentale jouent un rôle protecteur, leurs intérêts propres ne sauraient l’emporter, en cas de conflit(s), sur l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer dans les décisions qui le concernent84. C’est sur fondement de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (ci-après, « la Convention des droits de l’enfant »)85 que la Cour a édicté cette importante précision86.
C’est d’ailleurs dans cette ligne que le Comité des droits de l’enfants a observé que l’enfant doit pouvoir exprimer librement son opinion dans les décisions qui l’intéressent87, en ce compris en matière médicale88. Cette opinion doit être prise en considération en fonction de son âge et de sa maturité. Ceci implique que l’enfant capable de discernement jouit d’une autonomie corporelle et peut poser, de manière indépendante, ses propres choix dans les traitements médicaux à lui administrer89.
§22 Si nous appliquons les principes que nous venons de dégager aux traitements médicaux normalisateurs infligés aux personnes inter*, le constat est sans appel. Ces traitements violent leur intégrité physique et mentale et, partant, leur autonomie corporelle. Nous le démontrons en prenant comme exemple le cas de Hanne que nous évoquons plus haut et, plus particulièrement, la gonadectomie – l’ablation de ses testicules non-descendus – dont al a fait l’objet à l’âge de 10 ans.
Tout d’abord, ce sont les conditions à rencontrer pour que le consentement soit valablement exprimé, comme le requiert la Cour, qui n’ont pas été satisfaites.
S’il semble que les parents de Hanne ont donné préalablement leur aval pour que les médecins retirent ses testicules internes, nous soutenons que leur consentement, compte tenu du contexte dans lequel il a été donné, n’était pas libre, ni éclairé.
D’une part, le consentement des parents de Hanne était vicié. Deux raisons nous permettent de l’affirmer.
Primo, en raison de « l’interaction des attentes légales, sociales et médicales »90. Juridiquement, les parents de Hanne étaient contraints d’assigner un sexe à leur enfant91. Le droit interne de la majorité des États membres du Conseil de l’Europe requiert d’ailleurs que le sexe d’un nouveau-né inter* figure dans l’acte de naissance ou dans un document officiel92. Cette mention doit être généralement faite dans les jours qui suivent la naissance. Lorsque le sexe est « ambigu », il est fait mention de celui qui est « prépondérant »93, avec le risque d’erreurs que cela comporte. Socialement, en raison des attentes socio-culturelles qui leur avaient été répercutées par les médecins – raison pour laquelle il fallait « taire » la variation de Hanne, même à ses yeux, car elle était « dérangeante » –. Médicalement, parce que les médecins ont, de manière non-équivoque, affirmé qu’une chirurgie corrective et normalisatrice était nécessaire (quod non, nous le verrons).
Secundo, se sentant « démuniz », les parents de Hanne ont été influencae et impressionnae par les décisions prises et les recommandations faites par les médecins. C’est pour ce motif qu’als ont caché la vérité à leur enfant et qu’als ont préféré lu dire qu’al devait se faire opérer car al avait « un problème à la vessie ». Ceci n’est pas étonnant car il existe, dans les faits, une inégalité de pouvoir et de connaissances entre les médecins et les patients – ou les titulaires de l’autorité parentale s’ils sont mineurs –94. Ce faisant, les parents de Hanne ont, sans pour autant le vouloir, fait primer les aspirations des médecins, devenues les leur, sur l’intérêt supérieur de leur enfant95.
D’autre part, le consentement des parents de Hanne n’était pas éclairé. Deux raisons nous permettent de l’affirmer.
Primo, la quantité des informations qui leur a été donnée n’était visiblement pas suffisante, alors que la gonadectomie est une opération chirurgicale très invasive, qui a pour conséquence, d’une part, de rendre la personne stérile et, d’autre part, de la contraindre à prendre un traitement hormonal substitutif non-désiré. Ainsi, les parents de Hanne affirment ne pas avoir été adéquatement encadrae et n’avoir reçu que peu d’éclaircissements au sujet de cette opération, de ses risques et de ses conséquences pour l’avenir.
Secundo, la qualité des informations reçues posait aussi une difficulté, dans la mesure où, comme nous le verrons, la gonadectomie n’était pas justifiée par une nécessité thérapeutique (§§25-29).
Ensuite, Hanne n’a pas été associae à la prise de décision lu concernant, alors même que sun opinion devait être prise en compte en fonction de su âge et de su maturité ou, à tout le moins, avait-al le droit d’être informae de la nature de l’opération dont al allait faire l’objet, même à l’âge de 10 ans. À cet égard, il y a lieu de réprimer, et la Cour le fera probablement, l’attitude paternaliste des médecins, qui s’est répercutée sur le comportement des parents de Hanne. Ceci est d’autant plus vrai que, compte tenu de la nature des traitements médicaux normalisateurs, sun intérêt constituait une, si pas la96, considération primordiale.
Nous pouvons conclure de ce qui précède que les parents de Hanne, titulaires à l’époque de l’autorité parentale, n’ont pas valablement consenti à l’ablation des testicules non-descendus de leur enfant, pas plus que l’opinion de Hanne à ce sujet n’a été prise en compte. Nous pensons que la Cour devrait juger que, pour cette chirurgie normalisatrice, il a été porté atteinte à sun autonomie corporelle.
§23 S’agissant de la vaginoplastie qu’a subie Hanne, nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments permettant d’affirmer ou d’infirmer la démonstration que nous venons de réaliser pour la gonadectomie. En revanche, il s’avère que, sur la base des témoignages que nous avons lus97, les conditions pour qu’un consentement soit valablement exprimé ne sont pas, dans la plupart des cas de vaginoplastie, réunies.
§24 Ce constat est confirmé par des données empiriques. Dans une récente étude menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, sur l’ensemble des personnes inter* à qui un traitement médical a été administré ou une intervention chirurgicale a été réalisée afin de modifier leurs caractéristiques sexuées98, 62% ont subi des chirurgies correctives sans y avoir, ni leurs parents, consenti de façon libre et éclairée99. Ce pourcentage s’élève à 49% pour les traitements hormonaux100.
La Cour devrait, donc, juger que la majorité des traitements médicaux normalisateurs sont réalisés sans que les conditions pour qu’un consentement puisse être valablement exprimé ne soient satisfaites. Pire encore, ces traitements ne sont pas justifiés par une nécessité thérapeutique.
« Normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* envers et contre tout, malgré le fait que cela ne soit pas nécessaire médicalement
§25 La Cour a, à l’époque, jugé que « ne saurait, en général, passer pour inhumaine ou dégradante une mesure dictée par une nécessité thérapeutique »101. Elle semblait ainsi considérer qu’un traitement administré à un patient sans son consentement ne constituait pas une atteinte à son autonomie corporelle à partir du moment où ce traitement poursuivait un but médical et était nécessaire à la réalisation de ce but.
Il n’en va plus de même aujourd’hui. La Cour a relégué au second plan cette exigence de la nécessité thérapeutique et privilégié, comme nous l’avons vu (§20), une approche centrée sur les droits du patients et son consentement. Même si, à notre estime, la Cour devrait conclure à une atteinte à l’intégrité physique et mentale des personnes inter* parce qu’elles ne consentent pas de manière préalable et/ou libre et/ou éclairée aux traitements médicaux normalisateurs, nous pensons que des développements sur la prétendue nécessité thérapeutique de ces traitements sont indispensables, dans la mesure où c’est sur ce fondement (erroné) que la littérature médicale s’autorise, encore aujourd’hui, à les justifier.
Dans les lignes qui suivent, nous démontrons, d’une part, que ces traitements poursuivent un objectif qui n’est pas médical et sont le reflet de stéréotypes et de préjugés (§§26-27) et, d’autre part, qu’il n’est pas nécessaire de les administrer (§§28-29)102.
Des chirurgies et traitements esthétiques fondées sur des stéréotypes et la bi-hétéro-cis-normativité
§26 Nous sommes parvenus à identifier, au sein de la littérature médicale, des autaires qui reconnaissent explicitement que les traitements médicaux normalisateurs poursuivent un but esthétique (ou cosmétique), autre que thérapeutique103. Il s’agit de « normaliser » l’apparence d’un corps qui présente des caractéristiques sexuées « ambigües », ceci afin de répondre à des besoins que les médecins ont, mais que nous partageons tous collectivement – même inconsciemment –, de rattacher une personne au sexe femelle ou mâle et au genre féminin ou masculin104.
En effet, selon une conception socio-culturelle communément répandue, le sexe et le genre se divise en deux catégories immuables, ne laissant pas de place aux personnes qui ne rentrent dans aucune de celles-ci105. Comme cette binarité constitue la « norme », toute personne qui s’en écarte est perçue comme une « déviance » qu’il appartiendrait au milieu médical de « soigner »106. Les personnes inter* n’échappent pas à ce constat, elles sont même parmi les premières concernées.
L’exemple de Hanne l’illustre parfaitement. La vaginoplastie dont al a fait l’objet est une chirurgie corrective dont l’objectif est non seulement d’améliorer l’apparence cosmétique de ses organes génitaux (ici internes) afin qu’ils s’ajustent à la binarité107, mais aussi de favoriser les relations hétérosexuelles108. Plus globalement, les traitements administrés à Hanne étaient supposés, d’un côté, lu assurer un développement sexué « sain » et lu permettre de s’épanouir personnellement109 et, d’un autre côté, atténuer l’anxiété de sun entourage110.
Au final, ces différents objectifs ne sont que le reflet de stéréotypes fondés sur le sexe et le genre et de préjugés liés à l’interphobie111. « [I]ls traduisent une forme de présomption selon laquelle tout individu ressemble, se comporte et s’identifie à des situations associées communément avec une personne “typique” ou “normale” de sexe femelle ou mâle – aussi présumée être cisgenre112 et/ou hétérosexuelle113* *»114. En d’autres termes, les chirurgies normalisatrices et autres traitements du même type se situent au confluent de la binarité du sexe et du genre, de l’hétéronormativité115 et de la cisnormativité116, ce que nous appellerons, dans la suite de notre exposé, la bi-hétéro-cis-normativité.
§27 Les traitements médicaux normalisateurs poursuivent une finalité qui est, donc, illégitime car autre que thérapeutique117. Ceci vaut d’autant plus que Hanne et toutes les autres personnes inter* ne sont pas « atteinte » d’une « pathologie »118 et que les variations des caractéristiques sexuées sont le résultat d’un processus naturel et biologique.
Ainsi, nous avons déjà expliqué que la variation des caractéristiques sexuées de Hanne s’explique par une « insensibilité partielle aux androgènes » (§10). Bien qu’al soit nae avec un sexe chromosomique mâle (caryotype XY) et un sexe gonadique mâle (des testicules non-descendus), « un défaut » naturel dans les gènes a eu pour effet de rendre les récepteurs aux androgènes peu performants. La testostérone n’a alors atteint qu’en partie les cellules cibles (à savoir, celles qui déterminent les organes génitaux internes et externes) et des variations sont apparues au niveau de su sexe phénotypique externe (absence d’utérus notamment).
Rien ne permet de considérer que cette variation – comme toutes les autres d’ailleurs, sauf certaines exceptions que nous verrons – est « pathologique » et qu’il appartiendrait au milieu médical de la « soigner ». À ceci, s’ajoute l’absence d’indication médicale que nous discutons dans le point suivant.
Des chirurgies et traitements esthétiques réalisés sans aucune nécessité
§28 Les traitements médicaux normalisateurs ne sont pas nécessaires pour deux motifs.
Tout d’abord, ces traitements ne se fondent aucunement sur des études ou des données qui en commanderaient le caractère nécessaire : ils laissent, donc, la place à une grande incertitude119. Eu égard aux risques accrus, futurs et, partant, inconnus que les chirurgies correctives et les traitements hormonaux présentent pour la santé des personnes inter*120, ils ne sont pas simples121 et peuvent être assimilés à des traitements expérimentaux122. À cela s’ajoute le fait qu’ils entrainent, comme nous l’avons vu pour Hanne, plus d’inconvénients que de bénéfices123. Enfin, et non sans paradoxe, la communauté médicale est divisée sur la question124/125. En revanche, les acteurs internationaux de défense des droits humains parlent, comme nous le montreront, d’une même voix (§43).
Ensuite, des alternatives moins contraignantes aux traitements médicaux normalisateurs existent, comme, par exemple, l’individualisation de la situation des personnes inter*126, la psychothérapie et les groupes de parole. On le voit, le « bien-être » de la personne inter* et son épanouissement personnel peuvent être atteints autrement que par des chirurgies invasives127.
La nécessité de « normaliser » l’apparence du corps des personnes inter* fait, donc, défaut.
§29 Il est toutefois des cas où certaines variations des caractéristiques sexuées, même si elles demeurent naturelles, sont susceptibles de mettre en péril la vie de l’individu et, pour cette raison, constituent des urgences médicales128. À ce titre, nous pouvons observer que l’ablation des testicules non-descendus de Hanne ne saurait être assimilée à pareille urgence dans la mesure où le risque de développer de lésions tumorales dangereuses pour su vie n’est pas démontré à suffisance de droit129. Par contre, dans le cas où un enfant inter* nait sans urètre, il appert indispensable, voire urgent, d’en « créer » un de manière artificielle, à défaut de quoi il serait dans l’impossibilité d’uriner.
Conclusion : postposer les traitements médicaux normalisateurs jusqu’à ce que la personne inter* puisse y consentir
§30 Nous avons démontré que les traitements médicaux normalisateurs violent le principe de l’autonomie corporelle des personnes inter*. Ces traitements sont administrés/réalisés sans que les personnes inter* n’y consentent de manière préalable et/ou libre et/ou éclairée et ne sont pas nécessaires d’un point de vue médical. En « corrigeant » l’apparence corporelle des personnes inter* dont les caractéristiques sexuées sont vues comme « anormales », les médecins ne cherchent qu’à satisfaire à la bi-hétéro-cis-normativité ou, pour le dire autrement, à des stéréotypes.
Plus fondamentalement, nous pensons qu’il convient de cesser de percevoir les enfants inter* mineurs comme des êtres vulnérables, comme des objets de droit qu’il conviendrait de protéger130. Car les enfants sont, comme les adultes, des sujets de droit autonome131 et, en fonction de leur âge et de leur maturité, ils doivent être associés à la prise de décision les concernant, voire y participer lorsqu’ils sont doués de discernement.
S’agissant plus particulièrement des traitements médicaux normalisateurs, nous pensons, avec les associations inter*132, que, compte tenu de leur caractère invasif et de leurs conséquences – souvent irréversibles et permanentes – et autres effets (néfastes) pour l’avenir, il convient de les postposer et d’attendre que l’enfant inter* soit capable d’exprimer librement son opinion et d’y consentir, d’autant que ces traitements ne sont pas, mis à part quelques exceptions, indiqués médicalement.
Sur la base de tous ces éléments, la Cour devrait, donc, juger que les chirurgies normalisatrices et autres traitements médicaux du même type violent les principes de dignité et de liberté et, ainsi que nous allons le voir dans le point qui suit, constituent des mauvais traitements discriminatoires.
Les traitements médicaux normalisateurs sont constitutifs d’actes de torture ou de traitements inhumains et/ou dégradants discriminatoires
§31 Nous démontrons que les pratiques médicales qui consistent à assigner un sexe aux personnes inter* engendrent de graves souffrances de nature à rendre applicable l’article 3 de la Convention (§§32-33), que ces pratiques peuvent, dans certains cas, être constitutives d’actes de torture (§§34-36) et qu’elles violent le principe de non-discrimination consacré à l’article 14 de la Convention (§§37-40).
« Normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* : une pratique qui déclenche l’application de l’article 3 de la Convention
§32 La Cour a, à maintes reprises, jugé de façon prétorienne que l’interdiction des mauvais traitements prescrite par l’article 3 de la Convention ne vise que ceux qui atteignent un « seuil minimum de gravité* *», à savoir « des lésions corporelles effectives ou une souffrance physique ou mentale intense »133. En d’autres termes, une violation simple de l’intégrité physique et mentale d’une personne ne peut mener à l’applicabilité de l’article 3, mais elle peut, en revanche, conduire à un constat d’ingérence injustifié dans le droit au respect à la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention.
L’appréciation du seuil minimum de gravité est relative. «* *Elle dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime »134.
§33 Nous démontrons, dans le présent point, que ce seuil minimum de gravité est atteint et que la Cour devrait conclure à l’applicabilité de l’article 3 de la Convention et qualifier les traitements médicaux normalisateurs de mauvais traitements interdits par cette disposition.
Ainsi que nous l’avons vu, les procédés médicaux par lesquels l’apparence corporelle des personnes inter* est « normalisée » ont des « incidences sur de multiples aspects de l’intégrité de [leur] personne, y compris [leur] bien-être physique et mental et [leur] vie émotionnelle, spirituelle et familiale »135.
Ces procédés peuvent tout d’abord avoir pour conséquence de rendre les personnes inter* infertiles136. C’est particulièrement vrai pour Hanne qui, en raison de l’ablation de ses testicules internes, est devenux stérilx. La Cour s’est déjà montrée particulièrement sensible à ce type de chirurgie corrective non-désirée, car la stérilisation entraîne une « atteinte majeure » à la capacité reproductive de la personne qui la subit et touche à l’une de ses fonctions corporelles essentielles137.
Ensuite, les traitements médicaux normalisateurs ont des répercussions physiques et psychologiques majeures pour la santé des personnes inter*138. On rappellera que ces personnes ne peuvent, dans la plupart des cas, avoir une vie sexuée ; qu’elles font face à des effets secondaires particulièrement douloureux139 ; que beaucoup subissent un choc post-traumatique et ne font plus confiance aux tiers ; qu’elles sont confrontées à des exclusions sociales et professionnelles, l’intégration étant difficile, voire impossible ; qu’elles doivent supporter des injures verbales et des violences physiques ; qu’elles sont en quête de leur identité qu’elles ne parviennent pas à déterminer ; etcetera. Les souffrances vécues par les personnes inter* sont permanentes140 et irréversibles car elles inscrites définitivement dans leur chair. Le contexte141 dans lequel les traitements médicaux normalisateurs sont administrés/réalisés est aussi problématique dans la mesure où, pour ne prendre que le cas de Hanne, les personnes inter* ne sont pas associées à la prise de décision les concernant, surtout lorsqu’elles sont mineures.
Enfin, les personnes inter* (et, surtout, les enfants inter*) sont dans une situation de vulnérabilité qu’il ne faut pas ignorer142. Cette situation permet d’apprécier plus souplement les exigences liées à l’applicabilité de l’article 3 de la Convention et renforce, de ce fait, le caractère absolu de cette disposition143. Trois facteurs caractérisent la vulnérabilité des personnes inter* : leur âge, lorsqu’elles sont mineures144 ; leur sexe, ou plutôt leurs caractéristiques sexuées « atypiques » en ce qu’elles présentent des variations ; et leur appartenance à une minorité sexuée (§8, note 27).
On le voit, les traitements médicaux normalisateurs ont des incidences telles sur l’intégrité physique et mentale des personnes inter*, et Hanne n’est pas épargnae, que la Cour n’aura d’autre choix, à notre estime, que de décider que l’article 3 de la Convention est applicable et de qualifier ces traitements de mauvais traitements. Reste à déterminer le type de mauvais traitements dont il s’agit.
« Normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* peut constituer un acte de torture
§34 Au stade de son application, l’article 3 de la Convention interdit trois types de mauvais traitements (la torture, les traitements inhumains et les traitements dégradants), dont la Cour a précisé les contours dans sa jurisprudence145. Le critère principal de distinction est celui de l’intensité des souffrances infligées146, ce qui laisse présager que ces mauvais traitements font l’objet d’une gradation147.
Dans les lignes qui suivent, nous démontrons que les traitements médicaux normalisateurs devraient, pour certains d’entre eux148, être qualifiés d’actes de torture et pas simplement de traitements inhumains et/ou dégradants. À notre estime, la Cour est armée juridiquement pour recourir à cette qualification.
§35 Selon la Cour, il y a lieu d’entendre par « torture » les « traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances » 149. Elle s’est inspirée150 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après, « Convention contre la torture »)151 pour affiner cette définition.
L’article 1er de cette Convention pose quatre conditions pour qu’un mauvais traitement puisse être qualifié d’acte de torture. Ce mauvais traitement doit être administré par des agents de l’État (première condition) dans l’intention de causer (deuxième condition) des douleurs ou des souffrances aigües, physiques et/ou mentales (troisième condition) aux fins particulières d’intimidation et/ou de discrimination (quatrième condition)152.
§36 Nous analysons ces conditions ci-après, à l’exception de la troisième que nous avons déjà étudiée plus haut (§§32-33) et sur laquelle nous estimons qu’il n’est pas utile de revenir tant les sévices sont graves.
La première condition ne pose pas de difficulté si les médecins sont des « agents de la fonction publique »153, ce qui sera, selon nous, le cas s’ils sont employés dans un hôpital dans lequel les pouvoirs publics ont une participation majoritaire154. La question est, en revanche, plus délicate pour les médecins qui agissent à titre privé. Dans ce cas, ils ne peuvent être considérés comme des « agents de la fonction publique »155. Nous pensons toutefois que la Cour pourrait passer outre cette difficulté en se fondant sur les obligations positives à charge des États. À l’inverse des obligations négatives qui s’inscrivent dans une approche verticale156, les obligations positives contraignent les États à prendre des mesures visant à empêcher que, dans une relation de particulier à particulier (et, donc, purement privée), des actes de torture ne soient commis157, ceci indépendamment de la nature de la fonction occupée par le(s) auteur(s) de ces actes158. Nous ne voyons pas pour quelles raisons les médecins, notamment ceux qui ont opéré Hanne afin de « corriger » sun apparence corporelle, devraient jouir d’une impunité sur ce point lorsqu’ils ne sont pas des « agents de la fonction publique ».
Il faut néanmoins reconnaitre que le contrôle exercé par la Cour lorsqu’elle est amenée à connaitre d’un grief pris sur fondement de l’article 3 est plus souple lorsqu’elle examine ce grief sous l’angle des obligations positives des États. La Cour considère en effet qu’il s’agit d’obligations de moyens et non de résultat159 et s’abstient d’identifier de manière expresse le type de mauvais traitement dont il s’agit160.
Rien ne justifie pourtant que la Cour s’oppose (même involontairement) à qualifier un mauvais traitement administré/réalisé par un particulier. Selon nous, ceci vaut d’autant plus dans le cas des personnes inter*, dont les lésions et souffrances sont à ce point graves et aigües qu’elles s’inscrivent dans un processus de déshumanisation de ces personnes161 et les empêchent de vivre dans la dignité humaine. Autrement dit, s’affranchir de la qualification d’un mauvais traitement – comme une chirurgie corrective infligée aux personnes inter* – qui est analysé sous l’angle des obligations positives des États reviendrait à vider l’article 3 de la Convention d’une partie de sa substance. En pareil cas, la protection que cette disposition confère aux personnes inter* ne serait que partiellement effective, ceci alors même que la Cour combat les procédés qui ne garantissent que théoriquement les droits et libertés162.
La deuxième condition – l’élément intentionnel163 – est celle qui prima facie pose le plus de difficultés lorsqu’il s’agit déterminer si les traitements médicaux normalisateurs sont des actes de torture. En effet, lorsqu’ils « normalisent » les organes génitaux des personnes inter*, les médecins peuvent être animés de « bonnes intentions » visant à anticiper le « bonheur » de ces personnes164. Nous pensons toutefois qu’il est possible de démontrer, mais cette démonstration est fonction des circonstances particulières du cas dont la Cour sera saisie, que les médecins agissent dans le but de causer des douleurs ou des souffrances aigües165. Deux raisons appuient notre démonstration.
Tout d’abord, l’intention ne doit pas s’apprécier de manière subjective, mais objective166. Cela signifie qu’elle est indépendante de la motivation sous-jacente de l’auteur de l’acte167. En d’autres termes, à partir du moment où l’article 3 de la Convention « reconnait que tout être humain a un droit absolu et indéniable à ne pas être soumis à la torture […], quelles que soient les circonstances »168, peu importe que les médecins agissent avec des « bonnes intentions ». Leur comportement ne pourrait pas être justifié par ce mobile.
Ensuite, l’intention d’agir « dans le but de » de l’auteur de l’acte peut être inférée sur la base de deux éléments169.
Le premier élément est le caractère stéréotypé et discriminatoire des traitements médicaux normalisateurs. Dans cette veine, le Rapporteur spécial sur la torture des Nations Unies a déjà considéré que :
« [d]ès lors qu’un acte vise des femmes parce qu’elles sont des femmes ou des personnes en raison de leur sexe, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – ou de leur non-conformité aux normes sociales relatives à la sexualité et au rôle dévolu aux hommes et aux femmes, il remplit les critères d’intention et de finalité requis par la définition de la torture. La ligne de démarcation entre définition de la torture et définition des mauvais traitements est souvent floue. L’intégration, dans l’analyse, du point de savoir si l’acte considéré a été commis pour un motif discriminatoire fondé sur le sexe ou l’identité de genre permet d’éviter que les violations commises contre des femmes, des filles et des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres soient systématiquement classées dans la catégorie des mauvais traitements alors qu’elles s’apparentent plutôt à des actes de torture »170.
Ce raisonnement vaut a fortiori pour les actes visant les personnes inter* parce qu’elles sont inter* et qu’elles présentent des caractéristiques sexuées « atypiques ».
Ceci vaut d’autant plus que les personnes inter* sont, dès lors qu’elles appartiennent à une minorité sexuée, des personnes vulnérables et qu’elles ont, pour ce motif, une plus grande propension à être exposées à des pratiques discriminatoires171. Sir Nigel Rodley observe d’ailleurs à ce sujet qu’« [i]l semble que les minorités [sexuées] sont plus souvent victimes de tortures et d’autres formes de sévices, parce qu’elles n’entrent pas dans le schéma sexuel habituel de la société. En fait, la discrimination fondée sur la préférence ou l’identité [de genre] contribue souvent au processus de déshumanisation de la victime, qui précède généralement les actes de torture et les sévices »172.
Le second élément est l’intensité des douleurs et des souffrances causées à la victime. La Cour a, dans sa jurisprudence, déjà inféré l’intention sur cette base173.
Nous estimons, donc, qu’il est tout à fait possible pour la Cour de juger que les médecins qui administrent des traitements médicaux normalisateurs le font avec le dessein de causer aux personnes inter* des souffrances aigües. Comme nous l’avons vu, ces médecins n’ignorent pas les conséquences et les risques inhérents à de tels traitements qui sont, pour la plupart, expérimentaux. Ils sont aussi susceptibles d’abuser de la position d’infériorité des personnes inter*, dont les parents, lorsqu’elles sont mineures, n’ont pas accès à toutes les connaissances dont le milieu médical peut se targuer d’avoir. C’est particulièrement vrai pour le cas de Hanne : les médecins ont abusé de su vulnérabilité (et de celle de ses parents) et décidé de procéder à des chirurgies correctives irréversibles et permanentes uniquement parce qu’al avait une variation de ses caractéristiques sexuées.
S’agissant de la quatrième condition – la finalité –, le Rapporteur spécial sur la torture des Nations Unies observait, en 2013, que « [l]a discrimination doit occuper une place essentielle dans l’analyse des atteintes aux droits […] en tant que forme de torture ou de mauvais traitements, parce que les préjugés fondés sur le sexe ou le genre sont fréquemment à l’origine de ces violations »174. Nous avons déjà souligné brièvement que les traitements médicaux normalisateurs constituent des pratiques discriminatoires175. Dans la section qui suit, nous détaillons ce point, qui mérite d’être étudié en profondeur dès lors qu’il soulève des questions sous l’angle de l’article 14 de la Convention.
« Normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* est constitutif de pratiques discriminatoires interdites
§37 Nous pensons que les personnes inter* sont les victimes de pratiques discriminatoires qui non seulement ont une incidence sur la qualification des mauvais traitements, mais sont aussi interdites par l’article 14 de la Convention176. Nous démontrons ainsi que les personnes inter* font l’objet d’une différence de traitement (§38) qui se fonde sur un motif de discrimination interdit par cette disposition (§39) et qui est discriminatoire dès lors qu’elle n’est pas susceptible d’être justifiée de manière objective et raisonnable (§40).
§38 Dans sa jurisprudence, la Cour a jugé que, par « différence de traitement », il fallait entendre le fait, pour les autorités nationales, de traiter de manière différente des personnes se trouvant dans des situations analogues177.
Dans le cas qui nous occupe, les personnes inter* sont traitées différemment que les personnes dyadiques, alors que ces deux catégories de personnes se trouvent dans une situation similaire, si pas identique.
En effet, même si les personnes inter* possèdent des caractéristiques sexuées qui sont « atypiques », ces variations ne sont pas pathologiques et les traitements qui visent à les « normaliser » ne sont pas nécessaires d’un point de vue médical. En d’autres termes, à l’instar des personnes dyadiques, le corps et les organes génitaux des personnes inter* étaient « sains ». Appliqué à notre cas d’étude, ceci implique que Hanne n’est pas différenx d’une personne dyadique. Al a pourtant été traitae comme tel par le milieu médical, uniquement parce que ses caractéristiques sexuées ne s’accommodaient pas à la norme binaire du sexe et du genre.
§39 Nous admettons que les « caractéristiques sexuées » ne constituent pas un motif de discrimination énumérés à l’article 14 de la Convention178. Il n’en demeure pas moins que la liste des motifs de discrimination interdits par cette disposition est ouverte179. À titre d’exemple, la Cour a étendu cette liste à l’orientation sexuelle180 et à l’identité de genre181.
Rien ne s’oppose à ce que la Cour élargisse l’énumération faite à l’article 14 de la Convention aux « caractéristiques sexuées »182, ce qui permettrait de garantir pleinement le respect de la dignité humaine des personnes inter*183 et de les prémunir contre le processus de déshumanisation auquel elles font face184/185.
À notre avis, la Cour pourrait d’emblée qualifier ce nouveau motif de discrimination de « suspect »186, dans la mesure où les traitements médicaux normalisateurs touchent aux aspects les plus intimes de la vie des personnes inter* 187 – à savoir leur intégrité physique et mentale. À cela, s’ajoute le fait qu’elles font partie d’un groupe vulnérable qui a été soumis à des pratiques discriminatoires considérables par le passé et qui l’est encore aujourd’hui188.
Qualifier un motif de discrimination de « suspect » présente l’intérêt que seules des « raisons particulièrement graves et convaincantes » sont susceptibles de servir de justification à la différence de traitement fondée sur ce motif189, ce qui n’est pas le cas pour un motif de discrimination « simple »190.
§40 Même si la charge de la preuve pèse sur les États191, nous estimons que ceux-ci seraient bien en peine de faire état de « raisons particulièrement graves et convaincantes » justifiant la différence de traitement dont nous faisons état. Il est fort à parier que, comme cela a été le cas pour Hanne, les raisons avancées se fondent sur des facteurs socio-culturels, à savoir des stéréotypes basés sur le sexe et le genre, l’hétéronormativité et la cisnormativité (§26).
La Cour devrait, selon nous, juger que ces raisons ne sont ni « particulièrement graves », ni « convaincantes ». En effet, sur la base du principe suivant lequel les trois caractéristiques essentielles des sociétés démocratiques sont le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture192, la Cour a décidé, à plusieurs reprises, que les justifications de différences de traitement fondées sur des stéréotypes ne pouvaient en soi passer pour suffisantes193. La Cour a ainsi rejeté avec fermeté les justifications qui puisent leur origine dans les préjugés 1) liés au rôle de la femme dans la société194 ; 2) qu’une majorité hétérosexuelle avait envers une minorité homosexuelle195 ; et 3) que les autorités nationales avaient à l’encontre d’une minorité ethnique196.
Il est, donc, vain pour les États d’espérer justifier les traitements médicaux normalisateurs sur ce qui constituent de véritables, et nous osons le terme, « clichés ». Au contraire, la diversité corporelle des personnes inter* devrait être perçue comme une source de richesse197 qui devrait, pour reprendre les propos de Zeid Ra'ad Al Hussein, « être célébrée et protégée sous toutes ses formes »198, dès lors qu’elle est bénéfique à la société dans son ensemble199. Nous considérons que la bi-hétéro-cis-normativité constitue une menace pour les droits humains des minorités qu’il convient de rejeter de manière catégorique.
Conclusion : de la torture, oui mais pourquoi ?
§41 Nous venons de démontrer que les pratiques médicales qui consistent à « normaliser » l’apparence corporelle des personnes inter* et de leurs caractéristiques sexuées, comme celles qui ont été infligées à Hanne, sont discriminatoires et qu’elles sont qualifiables de mauvais traitements et, pour certaines d’entre-elles, d’actes de torture (encore que les conditions d’application de la torture doivent être réunies) interdits par les articles 3, 8 et 14 de la Convention. Les États membres du Conseil de l’Europe, dont le droit national est inadéquat (c’est-à-dire, la quasi-unanimité de ces États), devraient, donc, engager leur responsabilité internationale et être condamnés par la Cour si, demain, elle était saisie d’un recours introduit par une personne inter*.
Notons que qualifier les traitements médicaux normalisateurs d’actes de torture présente trois intérêts majeurs.
Le premier est pécuniaire. Les États condamnés en raison de pareilles sévices sont tenus de payer aux victimes – et, donc, aux personnes inter* – une satisfaction équitable dont le montant est généralement proportionnel à la gravité des actes perpétrés200. Le deuxième est politique. Les États engagent leur crédibilité internationale et leur réputation201. Le troisième est la sensibilisation. Les personnes inter* et la lutte pour le respect de leurs droits humains manquent considérablement (et le mot est faible) de visibilité, que ce soit au niveau sociétal ou politique202. Condamner un État au motif que ses agents sont responsables d’actes de torture ou parce qu’il n’a pas su protéger les personnes inter* contre la commission de tels actes par des particuliers leur conférera une connotation émotionnelle propre203 et servira d’incitant à la faveur d’un plus grand rayonnement d’une réalité ignorée ou délibérément enterrée, outre la déconstruction des stéréotypes que cette condamnation engendrera. Nul doute qu’elle servira également d’impulsions nationales et internationales à une protection effective des droits humains des personnes inter*.
Ceci étant, la qualification de torture ne vaut pas pour tous les traitements médicaux normalisateurs. Elle est fonction des circonstances de la cause et de la nature de ces traitements. À défaut de juger qu’il s’agit d’actes de torture, la Cour devrait les qualifier de traitements inhumains et/ou dégradants discriminatoires204.
Conclusion générale
§42 Cette contribution a été l’occasion de mettre en lumière la réalité des personnes inter* et des traitements médicaux normalisateurs qu’elles ont subis ou subissent encore à l’heure actuelle. La matérialité de ces traitements constitue un « problème de société » que nous avons étudié, selon la méthode pragmatique, à partir d’un cas d’étude, celui de Hanne Gaby Odiele. Le récit de céa mannequaine belge de renommée internationale révèle les graves sévices vécus par les personnes inter* et, surtout, par celles en bas âge du fait des pratiques médicales qui consistent à « normaliser » leur apparence corporelle.
Après avoir démontré que le droit national des États membres du Conseil de l’Europe, forum dans lequel la présente contribution s’inscrit, ne protège pas en pratique l’intégrité physique et mentale de Hanne et des autres personnes inter* et est, par-là même, inadéquat, nous avons tenté de déterminer la réponse que la Cour européenne des droits de l’Homme apporterait si, à l’avenir, elle était saisie d’un recours introduit par Hanne ou une autre personne inter*.
Nous avons démontré que la responsabilité internationale de l’État défendeur pourrait être engagée sur pied des articles 3, 8 et 14 de la Convention et ce, en deux temps.
Dans un premier temps, nous avons établi, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que les pratiques médicales en cause constituent une atteinte à l’autonomie corporelle des personnes inter* pour deux raisons.
D’une part, leur consentement à de telles pratiques – et/ou celui des titulaires de l’autorité parentale – peut ne pas être préalable et/ou libre et/ou éclairé. Cette exigence pourrait être respectée si les traitements médicaux normalisateurs étaient postposés jusqu’à ce que les personnes inter* puissent y consentir.
D’autre part, ces traitements ne sont pas indiqués médicalement. Primo, la littérature médicale admet qu’ils poursuivent un but esthétique. Comme nous l’avons expliqué, le besoin pour les médecins de « normaliser », par des chirurgies correctives notamment, le corps des personnes inter* reposent sur un modèle stéréotypé de société selon lequel un être humain « normal » est irréfragablement présumé être dyadique, hétérosexuel et cisgenre. Pour le dire autrement, c’est sur fondement de ce que nous avons appelé la bi-hétéro-cis-normativité que les médecins s’autorisent à poser, sur le corps des personnes inter*, des actes qui ont des conséquences irréversibles pour leur intégrité physique et mentale et les « déshumanisent ». Secundo, la littérature médicale est divisée sur la question de savoir si les traitements médicaux normalisateurs sont nécessaires et reconnait qu’il existe une incertitude quant à leur résultat. C’est pour toutes ces raisons que de tels traitements devraient, selon nous, être circonscrits aux cas d’urgence médicale.
Dans un second temps, nous avons montré que la Cour devait constater que les traitements médicaux normalisateurs constituent des mauvais traitements, voire, dans certains cas, des actes de torture, contraires à l’article 3 de la Convention. Ceci vaut d’autant plus qu’en « normalisant » l’apparence corporelle des personnes inter* parce qu’elles ont des caractéristiques sexuées « atypiques », les médecins posent des actes qui violent le principe de non-discrimination consacré par l’article 14 de la Convention. Nous avons vu que la prise en compte de la dimension discriminatoire des traitements médicaux normalisateurs devrait permettre à la Cour d’inférer l’intention, deuxième condition d’application de la torture, et de faciliter le recours à une telle qualification.
L’État défendeur serait par ailleurs bien en peine de justifier la différence de traitement dont sont victimes les personnes inter* par rapport aux personnes dyadiques dans la mesure où la Cour devrait assimiler les caractéristiques sexuées à un motif de discrimination « suspect », qu’elle n’admettrait alors que des « raisons graves et particulièrement convaincantes » à titre de justifications et que, en tout état de cause, elle rejette avec force les « raisons » fondées sur des stéréotypes car de telles « raisons » sont susceptibles de nuire à une société démocratique plurielle et diversifiée.
§43 Notre démonstration repose, en outre, sur une forte « tendance internationale ». En effet, la lutte pour les droits humains des personnes inter* et la protection de leur intégrité physique s’intensifie sur le plan global.
Certes, la Cour devrait constater qu’il n’existe pas de consensus européen sur l’interdiction formelle des traitements médicaux normalisateurs205. Ceci étant, nous sommes d’avis que la Cour pourrait, en se fondant sur l’affaire Christine Goodwin c. Royaume-Uni rendue en Grande Chambre, « attacher moins d'importance à l'absence d'éléments indiquant un consensus européen relativement à la manière de résoudre les problèmes juridiques et pratiques qu'à l'existence d'éléments clairs et incontestés montrant une tendance internationale continue »206, d’une part, vers une acceptation sociale accrue des personnes inter* et, d’autre part, vers la nécessité d’interdire les traitements médicaux normalisateurs qu’elles subissent.
Quatre exemples illustrent cette « tendance internationale ».
Le premier est la résolution n°2191 du 12 octobre 2017 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe visant à promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes. L’Assemblée parlementaire ordonne aux États membres d’« interdire les actes chirurgicaux de « normalisation sexuelle » sans nécessité médicale ainsi que les stérilisations et autres traitements pratiqués sur les enfants [inter*] sans leur consentement éclairé » et de « garantir que, hormis dans les cas où la vie de l’enfant est directement en jeu, tout traitement visant à modifier les caractéristiques sexuelles de l’enfant […] est reporté jusqu’au moment où cet enfant est en mesure de participer à la décision, en vertu du droit à l’autodétermination et du principe du consentement libre et éclairé » 207.
Le deuxième est la résolution n°2018/2878 du 14 février 2019 du Parlement européen sur le droit des personnes intersexuées. Les députés européens « [condamnent] fermement les traitements et la chirurgie de normalisation sexuelle » et « [saluent] les lois qui interdisent de telles interventions chirurgicales, comme à Malte et au Portugal, et [encouragent] les autres États membres à adopter dès que possible une législation similaire »208.
Le troisième est le rapport du 12 novembre 2015 de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme sur la violence contre les personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, trans et intersexes en Amérique, dans lequel la Commission souligne « que la stérilisation forcée et involontaire des personnes intersexes constitue une violation grave des droits de l'Homme. La stérilisation forcée peut avoir des conséquences graves pour l'intégrité physique et psychologique, le droit à l'autonomie de la reproduction et le droit à l'autodétermination des personnes intersexes » 209.
Le quatrième se caractérise par les 49210 Observations finales des Comités onusiens de protection des droits fondamentaux. Non sans importance, certains Comités élèvent au rang de « pratiques préjudiciables » les traitements médicaux normalisateurs211 et se disent « sérieusement préoccupés »212 par ceux-ci213.
Nous insistons sur le fait que ces exemples ne sont pas exhaustifs et qu’une place importante doit être réservée aux tiers-intervenants dont le rôle sera de les systématiser. Cette courte énumération illustre une forte « tendance internationale » à la faveur d’une plus grande reconnaissance des droits humains des personnes inter*. Cette reconnaissance a, au demeurant, été appelée de ses vœux par un consortium d’experts internationaux en droits fondamentaux214 et s’inscrit dans le droit-fil du Principe n°32 des Principes de Yogjakarta+10215.
§44 À l’heure où nous assistons à une recrudescence des actes homophobes, transphobes et interphobes sur le Vieux Continent, nous pensons que la Cour, en tant que garante « ultime » des droits et libertés, a un rôle moteur à jouer dans la protection des droits humains des personnes SOGIESC. Elle l’a montré très récemment en condamnant sévèrement l’attitude des autorités géorgienne pour ne pas avoir diligenté de façon proactive et effective une enquête dans le cadre de violences policières perpétrées à l’encontre d’activistes SOGIESC216.
Comme nous l’avons démontré, la Cour est armée juridiquement pour s’inscrire dans cette voie s’agissant des personnes inter* et occuper une place de premier rang dans la protection de leur autonomie corporelle et de leur dignité humaine.
Nous avons utilisé, dans le présent article, l’écriture inclusive (le genre « neutre ») proposée par Alpheratz sur son site internet, consulté le 16 octobre 2020 in [https://www.alpheratz.fr/linguistique/genre-neutre/] et dans son ouvrage Grammaire du français inclusif (Vent Solars Linguistique, 2018). Nous recourons à cette écriture chaque fois que notre propos peut être relié à une personne identifiable. ↩
L’adjectif sexué est préféré à celui de sexuel car, dans le cas qui nous occupe, il n’est pas question de sexualité. ↩
Voy. parmi d’autres : ILGA-Europe et OII-Europe, « Standing up for the human rights of intersex people – how can you help? » (Décembre 2015), mis en ligne le 16 février 2016, consulté le 3 mars 2018 in [https://oiieurope.org/standing-up-for-the-human-rights-of-intersex-people-how-can-you-help/]. ↩
Déclaration de Malte publiée au lendemain du troisième forum inter* international (La Valette, 29 novembre-1er décembre 2013), mise en ligne le 1er décembre 2013, consultée le 10 mars 2018, in [https://oiieurope.org/malta-declaration/]. ↩
Cette contribution est une refonte de notre mémoire intitulé « Venir à bout des procédures médicales de normalisation des personnes inter* : une requête à la Cour européenne des droits de l’Homme » in Working Paper du Centre Perelman de philosophie du droit (Faculté de droit et de criminologie de l’ULB), n°2018/01, mis en ligne en décembre 2018 in [http://www.philodroit.be/Venir-a-bout-des-procedures-medicales-de-normalisation-des-personnes-inter-une]. Nous tenons à remercier tout particulièrement Isabelle Rorive (professeure ordinaire à l’Université Libre de Bruxelles), Benjamin Moron-Puech (maître de conférence à l’Université Paris II – Panthéon Assas), Nathan Genicot (chercheur en droit à l’Université Libre de Bruxelles), Thierry Bosman (militant inter*), François Cuvelier (avocat au barreau de Bruxelles), Louise Daelman (psychologue) et Alicia Cattoir (juriste) pour leur disponibilité et leurs très judicieux commentaires à la lecture du projet de cette contribution. Il va toutefois sans dire que les opinions que nous émettons n’engagent que notre seule responsabilité. ↩
Signée à Rome le 4 novembre 1950. ↩
C’est d’ailleurs le cas. Une requête a été introduite le 4 septembre 2018 par une personnes inter* à l’encontre de la France (CrEDH, M. c. France, requête n°42821/18). Elle a été communiquée au gouvernement français le 22 septembre 2020. ↩
USA Today, « Model Hanne Gaby Odiele reveals she is intersex », mis en ligne le 23 janvier 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://eu.usatoday.com/story/news/nation/2017/01/23/model-hanne-gaby-odiele-reveals-she-intersex/96622908/] ; Vogue, « Model Hanne Gaby Odiele on What It Means to Be Intersex - And Why She's Going Public », mis en ligne le 23 janvier 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://www.vogue.com/article/hanne-gaby-odiele-model-intersex-interview]. ↩
Frydman B., « Les défis du droit global », in Frydman B. (dir.), Les défis du droit global, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 10 et suiv. ↩
Frydman B., Petit manuel pratique de droit global, coll. L’Académie en poche, Série L’Économie de marché est-elle juste ?, t. 4, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 2014. ↩
Frydman B., « Les défis du droit global », op. cit., p. 10. ↩
Ibid., p. 14. ↩
Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », mis en ligne en juin 2015, consulté le 15 mars 2018 in [https://book.coe.int/fr/commissaire-aux-droits-de-l-homme/6680-droits-de-l-homme-et-personnes-intersexes.html], pp. 13 ; 45 et suiv. ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », Rapport au sujet de la Résolution n°2191 de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (Comité sur l’égalité et la non-discrimination), mis en ligne le 25 septembre 2017, consulté le 28 mars 2018 in [https://pace.coe.int/files/24027/pdf], pp. 9-10. ↩
Ce choix, nous le justifions par le fait que mettre un terme à de telles interventions constitue une revendication primordiale des personnes inter* (voy. not. Déclaration de Malte publiée au lendemain du troisième forum inter* international (La Valette, 29 novembre-1er décembre 2013), op. cit. ; Déclaration de Riga qui fait suite à la réunion européenne des personnes inter* (Riga, 8 octobre 2014), consultée le 10 mars 2018 [https://oiieurope.org/statement-of-riga/] ; Déclaration de Vienne publiée au lendemain du premier événement européen de la communauté inter* (Vienne, 30-31 mars 2017), mise en ligne le 20 avril 2017, consultée le 10 mars 2018 in [https://oiieurope.org/statement-1st-european-intersex-community-event-vienna-30st-31st-march-2017/]. ↩
À ce sujet, voy. le rapport au sujet de l’arrêt n° 099-2019 de la Cour constitutionnelle du 19 juin 2019 annulant partiellement la loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres, et de ses conséquences en droit belge à la lumière du droit comparé réalisé par l’Equality Law Clinic de l’Université Libre de Bruxelles à la demande de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, mis en ligne en octobre 2020, consulté le 6 novembre 2020 in [https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/rapport_elc_-cc_099-2019-_fr.pdf]. ↩
C’est-à-dire, les États parties à la Convention. ↩
Parmi d’autres : ILGA-Europe et OII-Europe, « Défendre les droits humains des intersexués – Comment être un allié efficace ? » (janvier 2017), mis en ligne le 3 janvier 2017, consulté le 20 février 2018 in [https://oiieurope.org/fr/defendre-les-droits-humains-des-intersexues-comment-e%CC%82tre-un-allie-efficace/], p. 20 ; Amnesty International, « First, do no harm. Ensuring the rights of children with variations of sex characteristics in Denmark and Germany » (mai 2017), mis en ligne le 9 mai 2017, consulté le 29 mars 2018 in [https://www.amnesty.org/en/documents/eur01/6086/2017/en/], pp. 18-19. ↩
Lee P.A. et al., « Consensus Statement on Management of Intersex Disorders », in Pediatrics, Vol. 118, 2/2006, pp. 488-500. ↩
Lee P.A. et al., « Global Disorders of Sex Development Update since 2006: Perceptions, Approach and Care », in Hormone Research in Pediatrics, Vol. 84, 3/2016, pp. 158-180. ↩
De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., p. 10, §25. ↩
Pour faire référence au principe d’interprétation que la Cour emploie notamment dans son arrêt Y.Y. c. Turquie et qu’elle lie au caractère « vivant » de la Convention (CrEDH, Y.Y. c. Turquie, anc. deuxième section, req. n°14738/08, 10 mars 2015, §103). ↩
Fausto-Sterling A., Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, 1ère éd., New-York, Basic books, 2000, p. 51. ↩
Pour un exemple : Hiernaux G., « Approche de la transsexualité en droit belge », in Gallus N. (dir.), Droit des familles, genre et sexualité, Limal, Anthemis, 2012, pp. 36 et 40. ↩
CrEDH, A.P., Garçon et Nicot c. France, cinquième section, req. n°79885/12, n°52471/13 et n°52596/13, 6 avril 2017 et les commentaires de B. Moron-Puech parus dans « L’arrêt A. P., Nicot et Garçon c. France ou la protection insuffisante par le juge européen des droits fondamentaux des personnes transsexuées », in La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, mai 2017. ↩
Sur cette distinction : Bastien-Charlebois J., « Les sujets intersexes peuvent-ils (se) penser ? », in Socio, vol. 9, 2017, Combien de sexes ?, pp. 143-162, note 2. ↩
Collectif Intersexes et Allié.e.s-OII France, « Intersexe, c’est quoi ? », mis en ligne le 3 juillet 2018, consulté le 28 juillet 2018 in [https://cia-oiifrance.org/2018/07/03/intersexe-cest-quoi-2/]. ↩
En 2000, A. Fausto-Sterling estimait que la prévalence de personnes inter* était de 1,728 pour 100 naissances (de la même autaire, Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit., p. 53). Pour ILGA-Europe et OII-Europe, cette prévalence est de 1 naissance sur 200 (des mêmes organisations, « Standing up for the human rights of intersex people – how can you help? », op. cit., p. 19). Dans une récente étude menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, les personnes inter* représentent 1% des personnes sondées. 1.519 personnes s’estiment être inter* sur un total de 137.508 personnes interrogées (de la même agence, « A long way to go for LGBTI equality » (mai 2020), mis en ligne le 14 mai 2020, consulté le 14 septembre 2020 in [https://fra.europa.eu/en/publication/2020/eu-lgbti-survey-results], p. 58). ↩
« Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre » (mars 2007), consulté le 12 juin 2018 in [http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2016/08/principles_fr.pdf], pp. 6-9 ; « Principes additionnels et obligations des États sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle, d’identité de genre, d’expression de genre et de caractéristiques sexuelles complétant les Principes de Jogjakarta » (novembre 2017), consulté le 12 juin 2018 in [http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2017/11/A5_yogyakartaWEB-2.pdf], pp. 6-7 ; Agius S. et Tobler C., « La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers les personnes trans et intersexuées » (juin 2011), mis en ligne le 21 septembre 2012, consulté le 16 juin 2018 in [https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/9b338479-c1b5-4d88-a1f8-a248a19466f1], pp. 96-98 ; Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective » (novembre 2013), consulté le 18 juin 2018 in [https://rm.coe.int/168047f2a8], pp. 60-63 ; Christian Ghattas D., « Human Rights between the Sexes: A preliminary study on the life situations of inter* individuals », Vol. 34, Ed. Heinrich Böll Foundation, 2013, p. 10 ; Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », op. cit., pp. 13-17 ; Organisation Mondiale de la Santé, « Sexual health, human rights and the law » (juin 2015), mis en ligne en juin 2015, consulté le 18 juin 2018 in [https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/175556/9789241564984_eng.pdf;jsessionid=4099DE1EA82CFE41A53CA269B5601990?sequence=1] ; ILGA-Europe et OII-Europe, « Défendre les droits humains des intersexués – Comment être un allié efficace ? » (janvier 2017), op. cit., pp. 10 et 20-21 ; Amnesty International, « First, do no harm. Ensuring the rights of children with variations of sex characteristics in Denmark and Germany » (mai 2017), op. cit., pp. 5-6 ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., pp. 6-7, §7 ; Commission interaméricaine des droits de l’Homme, « Basic concepts on LGBTI », consulté le 20 juin 2018 in [http://www.oea.org/en/iachr/multimedia/2015/lgbti-violence/lgbti-terminology.html] ; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « A long way to go for LGBTI equality » (mai 2020), op. cit., p. 9. ↩
Il s’agit des deux langues officielles de la Cour. Selon l’exposé introductif de la Convention, elles sont les seules à faire foi. ↩
USA Today, « Model Hanne Gaby Odiele reveals she is intersex », op. cit. ↩
Vogue, « Model Hanne Gaby Odiele on What It Means to Be Intersex - And Why She's Going Public », op. cit. Voy. aussi d’autres interviews : Young Change Maker, « Le mannequin belge Hanne Gaby brise le tabou des intersexués », mis en ligne le 27 avril 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://www.youtube.com/watch?v=isKpnAPvhZ0&t=16s] ; Teen Vogue, « Model Hanne Gaby on what it’s like to be an intersex », mis en ligne le 27 juin 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://www.youtube.com/watch?v=86cNy7tN04k] ; Teen Vogue, « What was done to intersex people was not okay », mis en ligne le 28 juin 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://www.youtube.com/watch?v=mT4dDO-ZwcQ]. ↩
Le caryotype est le profil chromosomique d’une personne. Généralement, une personne possède 23 paires de chromosomes, se ventilant en 22 paires d’autosomes et une paire de chromosomes sexués (a priori XX ou XY) (voy. NHMRC Research Program in Disorders of Human Sex Development, « Sex chromosomes », mis en ligne le 15 juillet 2015, consulté le 16 décembre 2019 in [http://www.dsdgenetics.org/index.php?id=24]). Des variations des chromosomes sexuées sont toutefois possibles (par exemple, X0 ou XXY). ↩
Callens N. et al., « Do Surgical Interventions Influence Psychosexual and Cosmetic Outcomes in Women with Disorders of Sex Development? », in ISRN Endocrinology, mis en ligne en mars 2012, consulté le 6 juin 2018 in [https://doi.org/10.5402/2012/276742] ; Hugues A. et al., « Androgen insensivity syndrome », in The Lancet, Vol. 380, 2012, pp. 1419-1428 ; Schober J. et al., « Disorders of sex development: Summaries of long-term outcome studies », in Journal of Pediatric Urology, Vol. 8, 2012, pp. 616-623 ; Callens N., The past, the present, the future: genital treatment practices in disorders of sex development under scrutiny, Gand, 2014, consulté le 12 juin 2018 in [https://biblio.ugent.be/publication/4302891/file/4302923.pdf], pp. 22-43 ; NHMRC Research Program in Disorders of Human Sex Development, « Sex determination and formation of gonads », mis en ligne le 15 juillet 2015, consulté le 16 décembre 2019 in [http://www.dsdgenetics.org/index.php?id=25]. ↩
Il s’agit d’hormones (que nous connaissons mieux sous le vocable de « testostérone ») synthétisées par les testicules (voy. NHMRC Research Program in Disorders of Human Sex Development, « Sex determination and formation of gonads », op. cit.). ↩
D’un point de vue strictement médical, il semble plus facile de féminiser (via une vaginoplastie) un enfant dont les organes génitaux présentent des variations que de le masculiniser (via une phalloplastie) : voy. par ex. Commission nationale suisse d’éthique pour la médecine humaine, « Attitude à adopter face aux variations du développement sexuel – Questions éthiques sur l’“intersexualité” » (août 2012), consulté le 25 juin 2018 in [https://www.nek-cne.admin.ch/inhalte/Themen/Stellungnahmen/fr/NEK_Intersexualitaet_Fr.pdf], pp. 8-9 ; Zillén K., Garland J., et Slokenberga S., « The Rights of Children in Biomedicine : Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties » (janvier 2017), mis en ligne le 4 juillet 2017, consulté le 25 juin 2018 in [https://rm.coe.int/16806d8e2f], pp. 41-42. ↩
The Interface Project, « Communicating the lived experiences of intersex people », consulté le 6 juin 2018 in [https://www.interfaceproject.org], témoignages de Kitty Anderson, Amanda Saenz, Lynnell Stephani Long, Sean Saifa M. Wall, Nthabiseng Mokoena, Dawn Vago, Georgiann Davis, Kris Günther ; Venthola M., « Paediatric Surgeon Mika Venhola on INTERSEX », mis en ligne le 8 avril 2013, consulté le 20 juillet 2018 in [https://www.youtube.com/watch?v=riNtxjntqZE&feature=youtu.be] ; Zwischengeschlecht.org et al., « Mutilations génitales intersexes – Violations de droits fondamentaux des enfants présentant des variations sexuelles – Rapport d’ONG présenté à l’occasion des 2ème, 3ème et 4ème Rapports périodiques de la Suisse déposés auprès Comité des droits de l’enfant » (mars 2014), mis en ligne le 29 avril 2015, consulté le 12 juillet 2018 in [https://intersex.shadowreport.org/post/2014/04/09/Shadow-Report-CRC-2014], témoignages n°2 et 5, pp. 33-36 et 40-41 ; Libération, « Sans contrefaçon, je suis fille et garçon », mis en ligne le 1 juillet 2015, consulté le 10 mars 2018 in [http://next.liberation.fr/sexe/2015/07/01/sans-contrefacon-je-suis-fille-et-garcon_1341211] ; Arte, « France : n’être ni fille ni garçon », mis en ligne le 7 janvier 2017, consulté le 10 mars 2018 in [http://info.arte.tv/fr/france-netre-ni-fille-ni-garcon] ; Zwischengeschlecht.org et al., « Mutilations génitales intersexes – Violations de droits fondamentaux des enfants présentant des variations sexuelles – Rapport d’ONG présenté à l’occasion du 7ème Rapport périodique de l’Italie déposé auprès Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes » (juin 2017), mis en ligne le 9 juillet 2017, consulté le 10 mars 2018 in [https://www.stopigm.org/Intersex-Genital-Mutilation-NGO-Testimony-Italy-CEDAW67], témoignages n°1 et n°2, pp. 18-20 ; InterACT et Human Rights Watch, « “I Want to Be Like Nature Made Me” – Medically Unnecessary Surgeries on Intersex Children in the US », mis en ligne le 25 juillet 2017, consulté le 9 octobre 2020 in [https://www.hrw.org/report/2017/07/25/i-want-be-nature-made-me/medically-unnecessary-surgeries-intersex-children-us#_ftn296] ; OII-Europe, « #MyIntersexStory – Personal accounts by intersex people living in Europe » (novembre 2019), consulté le 9 octobre 2020 in [https://myintersexstory.oiieurope.org/]. Les critères de sélection pour les témoignages étaient au nombre de trois : il fallait que la personne concernée ait une variation de ses caractéristiques sexuées ; qu’elle ait vécu des souffrances aigües, physiques et/ou mentales, liées à des traitements médicaux normalisateurs ; et qu’elle se sente victime d’une ou de plusieurs discriminations. Cette méthode inductive nous a été recommandée lors d’échanges avec S. Aguirre, docteure en sciences psychologiques et de l’éducation (Université Libre de Bruxelles), que nous remercions vivement. Nous renvoyons également aux auditions qui se sont tenues le 8 juin 2020 devant la Commission Santé et Égalité des chances de la Chambre des représentants de Belgique dans le cadre des propositions de résolutions n°550043 visant à reconnaître le droit à l’intégrité physique des mineurs intersexes et n°550974 visant à établir un cadre juridique en vue de garantir la protection des droits fondamentaux des personnes intersexes (http://www.lachambre.be/media/index.html?sid=55U0664, consulté le 8 octobre 2020). ↩
On renverra, par exemple, aux témoignages contenus dans OII-Europe, « #MyIntersexStory – Personal accounts by intersex people living in Europe » (novembre 2019), op. cit. Par ailleurs, dans son ouvrage, A. Fausto-Sterling procède à une review de la littérature médicale et observe qu’elle est « truffée d’indices démontrant les effets négatifs » des traitements médicaux normalisateurs, ce qui lui permet de mettre en exergue une série de préjudices vécus par les personnes inter*, dont certains que nous n’énumérons pas ici (de la même autaire, Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit., pp. 78 et suiv.). ↩
Van den Brink M. et Dunne P., « Trans and intersex equality rights in Europe – a comparative analysis » (novembre 2018), mis en ligne le 15 novembre 2018, consulté le 20 septembre 2020 in [https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f63460ca-ebac-11e8-b690-01aa75ed71a1]. ↩
La présente contribution traite du droit national des États membres du Conseil de l’Europe. Nous verrons que ce qui vaut pour les États membres de l’EEE vaut aussi pour les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’EEE. ↩
Van den Brink M. et Dunne P., « Trans and intersex equality rights in Europe – a comparative analysis » (novembre 2018), op. cit., p. 33. ↩
Ibid. ↩
Ibid. ↩
Ibid., p. 109. ↩
Ibid., p. 110. ↩
Ibid. ↩
Ibid. ↩
Loi maltaise du 14 avril 2015 sur l’identité de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles, consultée le 16 décembre 2019 in [http://justiceservices.gov.mt/DownloadDocument.aspx?app=lom&itemid=12312&l=1]. ↩
Loi portugaise n°38/2018 du 7 août 2018 relative à l’établissement du droit à l’autodétermination de l’identité de genre et de l’expression de genre et le droit à la protection des caractéristiques sexuelles de chaque personne, consultée le 16 décembre 2019 in [http://app.parlamento.pt/webutils/docs/doc.pdf?path=6148523063446f764c324679595842774f6a63334e7a637664326c75644756346447397a58324677636d393259575276637938794d4445344c3078664d7a68664d6a41784f4335775a47593d&fich=L_38_2018.pdf&Inline=true]. ↩
ILGA-Europe et OII-Europe, « Standing up for the human rights of intersex people – how can you help? » (Décembre 2015), p. 14. ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « La situation des droits fondamentaux des personnes intersexes » (mai 2015), mis en ligne le 12 mai 2015, consulté le 25 mars 2018 in [https://fra.europa.eu/en/publication/2015/fundamental-rights-situation-intersex-people], p. 7 ; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles dans l’UE » (décembre 2015), mis en ligne le 11 décembre 2015, consulté le 25 mars 2018 in [https://fra.europa.eu/fr/publication/2017/protection-contre-la-discrimination-fondee-sur-lorientation-sexuelle-lidentite-de], pp. 82-87. ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « La situation des droits fondamentaux des personnes intersexes » (mai 2015), op. cit., p. 7. ↩
Ibid. ↩
Ibid. ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles dans l’UE » (décembre 2015), op. cit., pp. 86-87. ↩
« SO » pour sexual orientation, « GI » pour gender identity, « GE » pour gender expression et « SC » pour sex caracteristics. Cet acronyme est aujourd’hui préféré à l’acronyme LGBTQI+ pour sa plus grande inclusivité. ↩
ILGA-Europe, « Rainbow Map 2020 » (mai 2020), consulté le 10 octobre 2020 in [https://www.ilga-europe.org/rainboweurope/2020]. ↩
Il s’agit des îles Baléares (article 23 de la loi n°8/2016 du 30 mai 2016 pour garantir les droits des personnes lesbiennes, gays, trans, bisexuelles et intersexuées et pour éradiquer la phobie LGTBI), de Madrid (article 7, §1er de la loi n°3/2016 du 22 juillet 2016 sur la protection complète contre la LGTBIphobie et la discrimination pour motif d'orientation et d'identité sexuelle dans la Communauté de Madrid), de l’Aragon (article 15 de la loi n°4/2018 du 19 avril 2018 sur l'identité et l'expression du genre et l'égalité sociale et la non-discrimination de la communauté autonome d'Aragon) et de Valence (articles 48 et 49 de la loi n°23/2018 du 29 novembre 2018 sur l'égalité des personnes LGTBI). ↩
Dans le même sens : Pikramenou N., Intersex rights – Living between sexes, Springer Nature Switzerland, 2019, pp. 161 et suiv. ↩
Lee P. A. et al., « Consensus Statement on Management of Intersex Disorders », op. cit., p. 497. ↩
Lee P. A. et al., « Global Disorders of Sex Development Update since 2006: Perceptions, Approach and Care », op. cit., p. 177. ↩
Voy. sur ce schéma binaire traditionnel : Fausto-Sterling A., Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit. ↩
Pour l’article 3 de la Convention : CrEDH, V.C. c. Slovaquie, quatrième section, req. n°18968/07, 8 novembre 2011, §105 ; CrEDH, Gäfgen c. Allemagne, Grande Chambre, req. 22978/05, 1er juin 2010, §108. Pour l’article 8 de la Convention : CrEDH, X. et Y. c. Pays-Bas, Chambre, req. n°8978/80, 26 mars 1985, §22 ; CrEDH, K.A. et A.D. c. Belgique, première section, req. n°42758/98 et n°45558/99, 17 février 2005, §83. ↩
En effet, l’article 3 de la Convention consacre « l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques ». Cette disposition ne peut faire l’objet d’aucune limitation, peu importe les circonstances et le comportement de la victime (voy. par ex. CrEDH, Svinarenko et Slyadnev c. Russie, Grande Chambre, req. n°32541/08 et n°43441/08, 17 juillet 2014, §113). L’État défendeur ne peut, en outre, y déroger (art. 15, §2 de la Convention). En conséquence, l’État défendeur ne jouit en principe d’aucune marge nationale d’appréciation tant au stade de l’applicabilité que de l’application de l’article 3 (voy. Harris D., O'Boyle M., Bates E. et Buckley C., Law of the European Convention on Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 2014, pp. 235 et suiv.). ↩
En effet, l’article 8 de la Convention peut faire l’objet de limitations, conformément à son §2, et l’État défendeur peut, sous conditions, y déroger (article 15, §1 de la Convention). ↩
CrEDH, Thlimmenos c. Grèce, Grande Chambre, req. n°34369/97, 6 avril 2000, §44. ↩
L’article 1er de la Convention prévoit qu’elle s’applique à toute personne relevant de la juridiction d’un État Membre. ↩
Voy. CrEDH, Identoba et autres c. Géorgie, quatrième section, req. n°73235/12, 12 mai 2015, §63. Dans cette affaire, la Cour a jugé que, pour déterminer s’il fallait examiner la situation litigieuse sous l’angle des articles 3 et 14 de la Convention de manière séparée ou simultanée, il convenait d’avoir égard aux circonstances concrètes de la cause et à la nature de la demande. La Cour reste toutefois maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause. Il lui appartiendra, le cas échéant, d’indiquer le fondement juridique qu’elle estime être le plus approprié (voy. CrEDH, Aydogdu c. Turquie, quatrième section, req. n°40448/08, 30 août 2016, §48). ↩
CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, quatrième section, req. n°2346/02, 29 avril 2002, §65 ; CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §105 ; CrEDH, Y.Y. c. Turquie, op. cit., §58. ↩
Nous systématisons notre raisonnement de la même manière que dans l’affaire Bogumil c. Portugal. Dans cette affaire, la Cour distingue entre, d’une part, l’exigence du consentement et, d’autre part, celle de la nécessité thérapeutique (CrEDH, Bogumil c. Portugal, deuxième section, req. n°35228/03, 7 octobre 2008, §§71-80). ↩
Sur cette précision, voy. ComEDH, Peters c. Pays-Bas, deuxième ch., req. n°21132/93, 6 avril 1994, p. 79 ; CrEDH, Y.F. c. Turquie, quatrième section, req. n°24209/94, 22 juillet 2003, §33 ; CrEDH, Bogumil c. Portugal, op. cit., §84. L’article 3 de la Convention requiert cependant, pour être appliqué, que soit atteint un seuil minimum de gravité (§§31-33). ↩
CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §64 ; CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §105. ↩
De son nom complet : Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997. La Cour fait référence à cet instrument dans les affaires suivantes : CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §114 ; CrEDH, Glass c. Royaume-Uni, quatrième section, req. n°61827/00, 9 mars 2004, §75 et §82 ; CrEDH, M.A.K. et R.K. c. Royaume-Uni, quatrième section, req. n°45901/05 et 40146/06, 23 mars 2010, §77. ↩
Voy. l’article 5, al. 1er et 2 de la Convention d’Oviedo qui dispose qu’« une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé ». ↩
CrEDH, Codarcea c. Roumanie, troisième section, req. n°31675/04, 2 juin 2009, §104 ; CrEDH, Csoma c. Roumanie, troisième section, req. n°8759/05, 15 janvier 2013, §48. Ces deux affaires, traitées sous l’angle de l’article 8 de la Convention, concernent des cas de « medical negligence ». Les principes énoncés demeurent toutefois pertinents. ↩
Par ex., voy. CrEDH, A.P., Garçon et Nicot c. France, op. cit., §§129-132. ↩
CrEDH, Bogumil c. Portugal, op. cit., §71 ; CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §112 ; CrEDH, N.B. c. Slovaquie, ancienne quatrième section, req. n°29518/10, 12 juin 2012, §74 ; CrEDH, I.G. et autres c. Slovaquie, ancienne quatrième section, req. n°15966/04, 13 novembre 2012, §123 ; CrEDH, Y.Y. c. Turquie, op. cit., §14, p. 38 de l’opinion concordante commune aux juges Keller et Spano. ↩
CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §114 ; §119. ↩
Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », op. cit., p. 23 ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit. ↩
CrEDH, K.U. c. Finlande, quatrième section, req. n°2872/02, 2 décembre 2008, §46 ; CrEDH, Söderman c. Suède, Grande Chambre, req. n°5786/08, 12 novembre 2013, §81. ↩
Voy. par ex. : CrEDH, M.A.K. et R.K. c. Royaume-Uni, op. cit., §77 ; CrEDH, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, première section, req. n°13178/03, 12 octobre 2006, §51. ↩
CrEDH, Glass c. Royaume-Uni, op. cit., §70 ; CrEDH, I.G. et autres c. Slovaquie, op. cit., §123. ↩
CrEDH, Glass c. Royaume-Uni, op. cit., §82. ↩
Ibid., §70. ↩
CrEDH, Fretté c. France, ancienne troisième section, req. n°36515/97, 26 février 2002, §42 ; CrEDH, Yousef c. Pays-Bas, deuxième section, req. n°33711/96, 5 novembre 2002, §73 ; CrEDH, Söderman c. Suède, op. cit., §81 ; CrEDH, A.B. et autres c. France, cinquième section, req. n°11593/12, 12 juillet 2016, §151. ↩
Signé à New York le 20 novembre 1989, cet instrument de droit international sectoriel – en ce sens qu’il protège spécialement l’enfant mineur (article 1er) – dispose que, dans toutes les décisions qui concernent l’enfant, l’intérêt supérieur de celui-ci doit être « une considération primordiale* *» (article 3, §1er). ↩
CrEDH, A. c. Royaume-Uni, Chambre, req. n°25599/94, 23 septembre 1998, §22 ; CrEDH, A.B. et autres c. France, op. cit., §150. ↩
ComDE, Observation générale n°14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1), 29 mai 2013, CRC/C/GC/14, §§77-78. Voy. aussi ComDESC, Observation générale n°14 (2000) – Le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 11 août 2000, E/C.12/2000/4, §§23-24 ; article 12, §1er de la Convention des droits de l’enfant. ↩
ComDE, Observation générale n°14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1), op. cit., §§77-78. ↩
Grover A., Rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 64ème session, 10 août 2009, A/64/272, §§47-48. Dans le même sens, voy. l’article 6, §§1 et 2 de la Convention d’Oviedo et le Rapport explicatif de cette Convention, consulté le 20 juillet 2018 in [https://rm.coe.int/16800cce7e], §45 ; l’article 12, §1er du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et ComDESC, Observation générale n°14 (2000) – Le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), op. cit., §§22-23. ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles dans l’UE » (décembre 2015), op. cit., p. 81. ↩
Ancien article 57 du Code civil belge (avant sa modification par la loi du 15 mai 2007 modifiant l'article 57 du Code civil en ce qui concerne la mention du sexe d'un enfant souffrant d'ambiguïté sexuelle (M.B., 12 juillet 2007), qui complète le 1° cette disposition avec l’alinéa suivant : « Pour les enfants souffrant d'ambiguïté sexuelle, le sexe de l'enfant peut être déclaré par le père ou la mère ou par les deux auteurs dans un délai de trois mois, moyennant une attestation médicale »). ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles dans l’UE » (décembre 2015), op. cit., pp. 81-82. Selon la Rainbow Map 2020 d’ILGA-Europe, seuls 6 États européens et certaines régions d’Espagne reconnaissent un droit à l’autodétermination dans lequel les caractéristiques sexuées ne constituent pas une « contre-indication » (ILGA-Europe, Rainbow Map 2020, op. cit.). ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles dans l’UE » (décembre 2015), op. cit., p. 81. ↩
À ce sujet, voy. Grover A., Rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 64ème session, op. cit., §92. ↩
À ce sujet, voy. Newbould M., « When parents choose gender: intersex, children, and the law », in Medical law review, vol. 24, 4/2017, pp. 474-496, spéc. pp. 478-479. ↩
L’« intérêt supérieur de l’enfant » fait l’objet d’une appréciation certes relative, mais la situation de vulnérabilité de l’enfant – non pas ici en raison de son âge, mais de son appartenance à une minorité – est un facteur à prendre en considération aux côtés de son opinion et de son identité. Ces éléments permettent de renforcer tant la portée que le contenu de l’intérêt supérieur de l’enfant pour en faire, dans certains cas, la considération primordiale dans la prise de décisions le concernant – comme en matière d’adoption. Le Comité des droits de l’enfant a eu l’occasion d’observer que, s’il appartient aux détenteurs de l’autorité parentale de déterminer, à l’égard de l’enfant, ce qui est ou n’est pas dans son intérêt supérieur, l’appréciation subjective de ceux-ci ne peut primer l’obligation de respecter les droits et libertés qui découlent de la Convention, tels que la protection contre toute forme de violence (article 19, §1er), l’interdiction de subir des mauvais traitements (article 37, a)) ou encore le droit au meilleur état de santé possible (article 24, §1er). Sur ces éléments d’interprétation, voy. ComDE, Observation générale n°14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1), op. cit., §4 ; §§32-40 ; §44 ; §§53-56 ; §§75-76 ; ComDE, Observation générale n°13 (2011) – Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, 18 avril 2011, CRC/C/GC/13, §61. ↩
Voy. supra, note de bas de page n°35 et, plus particulièrement : Zwischengeschlecht.org et al., « Mutilations génitales intersexes – Violations de droits fondamentaux des enfants présentant des variations sexuelles – Rapport d’ONG présenté à l’occasion du 7ème Rapport périodique de l’Italie déposé auprès Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes » (juin 2017), op. cit., témoignage n°1, pp. 17-19 ; InterACT et Human Rights Watch, « “I Want to Be Like Nature Made Me” – Medically Unnecessary Surgeries on Intersex Children in the US », op. cit. ; OII-Europe, « #MyIntersexStory – Personal accounts by intersex people living in Europe » (novembre 2019), op. cit., pp. 61-62. ↩
Il ne s’agit pas nécessairement d’une gonadectomie ou d’une vaginoplastie. ↩
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « A long way to go for LGBTI equality », op. cit., pp. 53-55. ↩
Ibid. ↩
CrEDH, Herczegfalvy c. Autriche, Chambre, req. n°10533/83, 24 septembre 1992, §82 ; confirmé dans CrEDH, Jalloh c. Allemagne, Grande Chambre, req. n°54810/00, 11 juillet 2006, §69. Dans ce dernier arrêt, la Cour précise néanmoins que la « *nécessité médicale doit avoir été démontrée de manière convaincante *» et que des « *garanties procédurales entourant la décision [doivent avoir] été respectées *» (ibid.). ↩
Nous structurons notre raisonnement de la même manière que la Cour l’a fait dans l’affaire Bogumil c. Portugal (CrEDH, Bogumil c. Portugal, op. cit., §§77-80). ↩
Creighton S. et al., « Timing and nature of reconstructive surgery for disorders of sex development – Introduction », in Journal of Pediatric Urology, 8/2012, pp. 602-610, spéc. p. 603. ↩
En ce sens : Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., §§144-145 ; Jones M., « Intersex Genital Mutilation – A Western Version of FGM », in International journal of children’s rights, 25/2017, pp. 396-411, spéc. pp. 400-401. ↩
Fausto-Sterling A., Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit., p. 8. ↩
Reis E., « Culture and cutting », in Hasting Center Report, Novembre-Décembre 2012, p. 3 ; Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., §§139-140 ; Newbould M., « When parents choose gender: intersex, children, and the law », op. cit., p. 484 (le besoin de considérer ce qui est normal est une conception qui a imprégné le milieu médical, de sorte qu’il existe aujourd’hui une nécessité d’avoir des organes génitaux « normaux » ; d’où la dénomination choisie de « traitements médicaux normalisateurs »). ↩
Jones M., « Intersex Genital Mutilation – A Western Version of FGM », op. cit., p. 403. ↩
Fausto-Sterling A., Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit., p. 44. ↩
Car toute personne « déviante » ne pourrait être que malheureuse. ↩
Voy. par ex. : Creighton S. et al., « Timing and nature of reconstructive surgery for disorders of sex development – Introduction », op. cit., pp. 602-609 et la note de bas de page n°34. Repris entre autres par : Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », op. cit., pp. 16 ; 24-25 ; 45 ; Zillén K., Garland J. et Slokenberga S., « The Rights of Children in Biomedicine : Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties », op. cit., pp. 41-42 ; Amnesty International, « First, do no harm. Ensuring the rights of children with variations of sex characteristics in Denmark and Germany », op. cit., p. 10 ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., p. 8. ↩
Agius S. et Tobler C., « La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers les personnes trans et intersexuées », op. cit., pp. 13-14. ↩
Personne dont l’identité de genre et l’expression de genre correspondent au genre assigné à la naissance (notamment par les marqueurs d’identité). ↩
Se dit de quelqu’un dont l’orientation sexuelle s’exprime envers des personnes de « l’autre » sexe. ↩
Zillén K., Garland J. et Slokenberga S., « The Rights of Children in Biomedicine: Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties », op. cit., p. 39 (notre traduction). ↩
Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’hétéronormativité est « ce qui fait que l’hétérosexualité semble cohérente, naturelle et privilégiée » (de la même agence, « Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity in the EU Member States: Part II - The Social Situation », mis en ligne le 2 juin 2009, consulté le 23 octobre 2020 in [https://fra.europa.eu/en/publication/2011/homophobia-and-discrimination-grounds-sexual-orientation-and-gender-identity-eu], p. 25 ; notre traduction). ↩
Selon Agius S. et Tobler C., la cisnormativité vise les « pratiques et institutions légitimant et privilégiant les personnes qui se reconnaissent dans le genre lié au sexe qui leur a été assigné à la naissance » (des mêmes autaires, « La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers les personnes trans et intersexuées », op. cit., pp. 13-14). ↩
Pour autant, dans la suite de l’exposé, nous continuerons à parler de « traitements médicaux normalisateurs » car ils demeurent, à l’heure actuelle, médicalisés. ↩
Moron-Puech B., « Aspects juridiques et éthiques des actes médicaux de conformation sexuée réalisés sur des personnes mineures », in Revue Droit et Santé (fr.), 50/2013, pp. 200-214 ; Moron-Puech B., « Le droit des personnes intersexuées – Chantiers à venir – 2ème partie », in La Revue des droits de l’Homme, Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux (Nanterre), 2017, pp. 5-8. ↩
Lee P. A. et al., « Consensus Statement on Management of Intersex Disorders », op. cit., pp. 488-490 ainsi que la mise à jour faite dans Lee P. A. et al., « Global Disorders of Sex Development Update since 2006: Perceptions, Approach and Care », op. cit., pp. 158-160 ; Creighton S. et al., « Timing and nature of reconstructive surgery for disorders of sex development – Introduction », op. cit., pp. 603-607 ; Schober J. et al., « Disorders of sex development: Summaries of long-term outcome studies », op. cit., pp. 616-623, spéc. p. 617. C’est à la fois le moment et la manière de procéder qui ne sont pas alimentés par des données suffisantes. ↩
Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., §137 ; §§153-155 ; HCDH, ONU Femmes, ONUSIDA, PNUD, FNUAP, UNICEF et OMS, « Éliminer la stérilisation forcée, coercitive et involontaire : une déclaration interagence », mis en ligne en mai 2014, consulté le 2 juillet 2018 in [https://www.who.int/reproductivehealth/publications/gender_rights/eliminating-forced-sterilization/en/], p. 7 ; Zillén K., Garland J. et Slokenberga S., « The Rights of Children in Biomedicine: Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties », op. cit., pp. 7-8 ; p. 43 ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., p. 10 ; Carpenter M., « The human rights of intersex people: addressing harmful practices and rhetoric of change », in Reproductive Health Matters, 24/2016, pp. 74-84, spéc. p. 76. ↩
Pour reprendre la terminologie employée par la Cour dans son arrêt Bogumil c. Portugal (CrEDH, Bogumil c. Portugal, op. cit., §78). ↩
Un traitement expérimental non consenti ne fait pas obstacle à ce que la Convention puisse trouver à s’appliquer : ComEDH, X. c. Danemark, assemblée plénière, req. n°9974/82, 2 mars 1983, p. 285 ; voy. aussi Jones M., « Intersex Genital Mutilation – A Western Version of FGM », op. cit., p. 406 qui souligne la nature expérimentale et non-nécessaire des traitements médicaux normalisateurs. ↩
Moron-Puech B., « Aspects juridiques et éthiques des actes médicaux de conformation sexuée réalisés sur des personnes mineures », op. cit., pp. 200-214. ↩
D’aucuns considèrent que les débats médicaux oblitèrent considérablement le respect des droits fondamentaux des personnes inter*. Voy. à ce sujet : Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., §9. Voy. aussi l’interview de Venthola M., « Paediatric Surgeon Mika Venhola on INTERSEX », op. cit., et son discours devenu célèbre : « Why operate on the child’s body if the problem is in the minds of adults ? ». Voy. enfin : Commission nationale suisse d’éthique pour la médecine humaine, « Attitude à adopter face aux variations du développement sexuel – Questions éthiques sur l’ “intersexualité” », op. cit., p. 14 ; Conseil d’éthique allemand, « Intersexualité : avis », mis en ligne le 23 février 2012, consulté le 13 juin 2018 in [https://www.ethikrat.org], p. 111 ; Commission nationale d’éthique luxembourgeoise, « Avis n°27 relatif à la diversité des genres », mis en ligne en juillet 2017, consulté le 10 juillet 2018 in [https://cne.public.lu/dam-assets/fr/publications/avis/avis-27.pdf] ; Meyrat B., « Captation de la journée Bioéthique : reconnaître et respecter les droits des personnes intersexuées, organisée à l’Assemblée Nationale française », mis en ligne le 17 juin 2019, consulté le 10 octobre 2020 in [https://youtu.be/-6zNZawl-8Q]. ↩
D’autres clament que les traitements médicaux normalisateurs sont indispensables afin d’atteindre des fonctions (hétéro)sexuelles satisfaisantes. Voy. par. ex. : Mouriquand P. et al., « The ESPU/SPU standpoint on the surgical management of Disorders of Sex Development (DSD) », in Journal of Pediatric Urology, 10/2014, pp. 8-10, spéc. p. 9. ↩
Si la situation des personnes inter* était individualisée plutôt que d’être traitée sur fondement de présupposés, les professionnels de la santé se rendraient compte qu’aucun traitement n’apparait comme étant nécessaire à leur santé. ↩
Moron-Puech B., « Aspects juridiques et éthiques des actes médicaux de conformation sexuée réalisés sur des personnes mineures », op. cit., pp. 200-214 ; Moron-Puech B., « Le droit des personnes intersexuées – Chantiers à venir – 2ème partie », op. cit., pp. 8-10. ↩
« Urgence » parce que la vie de la personne est en jeu, d’autant plus que l’article 2 de la Convention protège le droit à la vie (voy. en ce sens CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §54). En pareille situation, il est possible de passer outre l’avis de l’enfant, et celui-ci doit être protégé contre les éventuels refus opposés par ses parents. Pour éviter les abus, il est important de circonscrire la notion d’urgence médicale à des cas précis. Voy. par ex., Grover A., Rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 64ème session, op. cit., §49 ; Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., §143 ; Zillén K., Garland J. et Slokenberga S., « The Rights of Children in Biomedicine: Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties », op. cit., p. 43. Cette approche correspond à l’article 8 de la Convention d’Oviedo. ↩
En effet, si, lorsque l’enfant nait avec des testicules non-descendus, des lésions tumorales se forment dès avant la naissance, la progression vers une tumeur envahissante n’a lieu, dans la plupart des cas, qu’à l’adolescence. En conséquence, l’ablation des gonades, ayant pour effet de rendre l’enfant stérile, peut être postposée, moyennant un suivi jusqu’au début de l’adolescence, à un âge où celui-ci peut y consentir : voy. Fausto-Sterling A., Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit., p. 65 ; Lee P. A. et al., « Consensus Statement on Management of Intersex Disorders », op. cit., pp. 491-492 ; 496 ainsi que la mise à jour faite dans Lee P. A. et al., « Global Disorders of Sex Development Update since 2006 : Perceptions, Approach and Care », op. cit., p. 170 ; 173 ; Schneider E., « Les droits des enfants intersexes et trans’ sont-ils respectés en Europe ? Une perspective », op. cit., p. 32, note 25. ↩
Rasson A.-C., « La protection juridictionnelle des droits fondamentaux de l’enfant : une utopie ? », in Rev. tr. dr. h., 106/2016, pp. 481-521, spéc. pp. 482-486. ↩
ComDE, Observation générale n°13 (2011) – Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, op. cit., §3. ↩
Voy. OII-Europe, Déclaration de Vienne publiée au lendemain du premier événement européen de la communauté inter* (Vienne, 30-31 mars 2017), op. cit. ↩
CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §52 ; CrEDH, Jalloh c. Allemagne, op. cit., §67. ↩
Parmi d’autres : CrEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, Grande Chambre, req. n°30696/09, 21 janvier 2011, §219. On ajoute parfois le but d’humiliation ou de rabaissement du traitement, sans qu’il ne s’agisse toutefois d’un critère déterminant (CrEDH, Svinarenko et Slyadnev c. Russie, op. cit., §114). Les facteurs à prendre en compte ne sont, en principe, qu’intrinsèques au litige (Pastre-Belda B., « La protection à géométrie variable de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme », in Rev. tr. dr. h., 107/2016, pp. 604-605). La Cour a toutefois opéré un glissement et se réserve une marge d’appréciation dans la manière dont l’article 3 trouve à s’appliquer (CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §50 ; CrEDH, Jalloh c. Allemagne, op. cit., §76 et l’opinion concordante du juge Bratza, pp. 38-39 du jugement). Certains ont ainsi considérer que l’applicabilité de cette disposition était à « géométrie variable » (Pastre-Belda B., « La protection à géométrie variable de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme », op. cit., pp. 603-609). ↩
CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §106. Pour d’autres exemples : CrEDH, Z et autres c. Royaume-Uni, Grande Chambre, req. n°29392/95, 10 mai 2001, §74 ; CrEDH, Krastanov c. Bulgarie, première section, req. n°50222/99, 30 septembre 2004, §53 ; CrEDH, Identoba et autres c. Géorgie, op. cit., §§68-71. ↩
Voy. dans le même sens : CrEDH, V.C. c. Slovaquie, *op. cit. *; CrEDH, N.B. c. Slovaquie, *op. cit. *; CrEDH, I.G. et autres c. Slovaquie, op. cit. au sujet de la stérilisation forcée des femmes roms. ↩
CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §106. ↩
Voy. dans le même sens : CrEDH, A.P., Garçon et Nicot c. France, op. cit., §139 à propos de la condition d’irréversibilité de la transformation de l’apparence corporelle des personnes trans* ; CrEDH, Jalloh c. Allemagne, op. cit., §74, mais spécifiquement lié à la protection des personnes détenues. ↩
Voy. par ex. : CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §118 ; CrEDH, N.B. c. Slovaquie, op. cit., §80. ↩
Sur la durée, voy. par ex. : CrEDH, Krastanov c. Bulgarie, op. cit., §53 ; CrEDH, Gäfgen c. Allemagne, op. cit., §102. ↩
CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §118 ; CrEDH, I.G. et autres c. Slovaquie, op. cit., §123. ↩
La Cour a, par exemple, jugé qu’étaient vulnérables les personnes menottées (CrEDH, Gäfgen c. Allemagne, op. cit., §106), les demandeurs d’asile (CrEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, op. cit., §233) et les participants à un rassemblement pacifique LGBT (CrEDH, Identoba et autres c. Géorgie, op. cit., §68). ↩
Pastre-Belda B., « La protection à géométrie variable de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme », op. cit., pp. 595-598. ↩
Pour ne citer que cet arrêt, voy. CrEDH, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, op. cit., §51 ; §55. ↩
CrEDH, Irlande c. Royaume-Uni, assemblée plénière, req. n°5310/71, 18 janvier 1978, §167 ; CrEDH, Selmouni c. France, Grande Chambre, req. n°25803/94, 28 juillet 1999, §96 ; CrEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, op. cit., §220. ↩
CrEDH, Irlande c. Royaume-Uni, op. cit., §167 ; CrEDH, Īlhan c. Turquie, Grande Chambre, req. n°22277/93, 27 juin 2000, §85. La torture requiert également un élément intentionnel, ce qui n’est pas le cas des traitements dégradant et inhumain (voy. à ce propos : Harris D., O'Boyle M., Bates E. et Buckley C., Law of the European Convention on Human Rights, op. cit., p. 241 ; p. 261). ↩
Le mauvais traitement le « moins grave » étant le traitement dégradant. Le traitement inhumain est le stade intermédiaire tandis que la torture est le dernier échelon sur une échelle d’intensité croissante des souffrances (voy. en ce sens : Velu J. et Ergec R., « Convention européenne des droits de l’Homme », in X., Répertoire pratique du droit belge, 2ème éd., Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 244). ↩
Cette qualification est fonction des circonstances particulières de la cause. ↩
CrEDH, Irlande c. Royaume-Uni, op. cit., §167. ↩
CrEDH, Selmouni c. France, op. cit., §97 ; CrEDH, Īlhan c. Turquie, op. cit., §85 ; CrEDH, Gäfgen c. Allemagne, op. cit., §90-93 (dans cette affaire, la Cour a considéré qu’un risque réel et immédiat de subir des mauvais traitements, comme une menace proférée, peut tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention). ↩
Signée à New York le 10 décembre 1984. ↩
Voy. la systématisation de la définition proposée par le juge Zupančič dans son opinion concordante dans CrEDH, Jalloh c. Allemagne, op. cit., p. ↩
Article 1er, §1er de la Convention sur la torture. ↩
Voy. par ex. CrEDH, V.C. c. Slovaquie, op. cit., §9 et §109 où la Cour a jugé que l’État slovaque a violé son obligation négative de ne pas commettre de mauvais traitement en raison de stérilisations forcées pratiquées sur le corps d’une femme rom dans un hôpital placé sous l’autorité du Ministère de la Santé. ↩
ComCT, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – Observation générale n°2 – Application de l’article 2 par les États parties, 24 janvier 2008, CAT/C/GC/2, §15. ↩
L’article 3 de la Convention impose « aux États l’obligation essentiellement négative de s’abstenir d’infliger des lésions graves aux personnes relevant de leur juridiction* *» (CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §50). ↩
Sur le principe des obligations positives : CrEDH, Pretty c. Royaume-Uni, op. cit., §51 ; Harris D., O'Boyle M., Bates E. et Buckley C., Law of the European Convention on Human Rights, op. cit., pp. 274 et suiv. Toutefois, la frontière entre les obligations négatives et positives des États « ne se prête pas à une définition précise » (CrEDH, Verein gegen tierfabriken schweiz (vgt) c. Suisse (n° 2), Grande Chambre, req. n°32772/02, 30 juin 2009, §82). ↩
Malgré la portée limitée de l’article 1er de la Convention contre la torture aux actes posés par les « agents de la fonction publique », le Comité contre la torture a « clairement indiqué que si les autorités de l’État ou toute autre personne agissant à titre officiel ou au nom de la loi savent ou ont des motifs raisonnables de penser que des actes de torture ou des mauvais traitements sont infligés par des acteurs non étatiques ou du secteur privé et n’exercent pas la diligence voulue pour prévenir de tels actes, mener une enquête ou engager une action contre leurs auteurs afin de les punir conformément à la Convention, l’État partie est tenu pour responsable et ses agents devraient être considérés comme les auteurs, les complices ou les responsables d’une quelconque autre manière, en vertu de la Convention, pour avoir consenti, expressément ou tacitement, à la commission d’actes interdits. Le fait que l’État n’exerce pas la diligence voulue pour mettre un terme à ces actes, les sanctionner et en indemniser les victimes a pour effet de favoriser ou de permettre la commission, en toute impunité, par des agents non étatiques, d’actes interdits par la Convention, l’indifférence ou l’inaction de l’État constituant une forme d’encouragement et/ou de permission de fait. […] » (ComCT, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – Observation générale n°2 – Application de l’article 2 par les États parties, op. cit., §18). ↩
Pastre-Belda B., « La protection à géométrie variable de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme », op. cit., pp. 592-616, spéc. pp. 612-614. Ceci tient, entre autres, du fait que les obligations positives sont de création prétorienne (ibid.). ↩
Voy. par ex., CrEDH, A. c. Royaume-Uni, op. cit., §24. ↩
De manière similaire : Rodley N., Rapport intérimaire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 3 juillet 2001, A/56/156, §19. ↩
CrEDH, Y.Y. c. Turquie, op. cit., §103. ↩
L’exigence de l’élément intentionnel a été explicitement rappelée dans CrEDH, Īlhan c. Turquie, op. cit., §85. ↩
Par ex., éviter les stigmatisations ou permettre à la partie requérante d’avoir des rapports sexuels. ↩
Pour reprendre les termes du juge Zupančič dans son opinion concordante dans CrEDH, Jalloh c. Allemagne, op. cit., p. 43. ↩
ComCT, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – Observation générale n°2 – Application de l’article 2 par les États parties, op. cit., §9 ; Tamar-Mattis. A., « Medical treatment of people with intersex conditions as torture and cruel, inhuman or degrading treatment or punishment », in X., Torture in healthcare settings: reflections on the Special Rapporteur on Torture’s 2013 thematic report, Washington College of Law, Center for Human rights and humanitarian law, février 2014, pp. 91-104, spéc. pp. 99-101. ↩
CrEDH, Gäfgen c. Allemagne, op. cit., §107. ↩
Ibid. ↩
Tamar-Mattis A., « Medical treatment of people with intersex conditions as torture and cruel, inhuman or degrading treatment or punishment », op. cit., pp. 99-101. ↩
Méndez J. E., Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57, §8. Voy. aussi : ComCT, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – Observation générale n°2 – Application de l’article 2 par les États parties, op. cit., §20 ; ComEDEF, Recommandation générale n°35 sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n°19, 26 juillet 2017, CEDAW/C/GC/35, §17. ↩
Méndez J. E., Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1er février 2013, A/HRC/22/53, §26 ; §32. Ce qui est particulièrement vrai à l’égard des personnes handicapées (voy. Nowak M., Rapport intérimaire du Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 28 juillet 2008, A/63/175, §49 : « l’élément de l’intention […] peut être invoqué effectivement lorsqu’une personne a été victime de discrimination en raison de son handicap* *»). ↩
Rodley N., Rapport intérimaire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, op. cit., §19. ↩
Voy. par ex., CrEDH, Aydin c. Turquie, Grande Chambre, req. n°23178/94, 25 septembre 1997, §§80-88. ↩
Méndez J. E., Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1er février 2013, op. cit., §37. ↩
Outre la connotation discriminatoire des traitements médicaux normalisateurs infligés, il pourrait aussi être fait argument du fait du motif de l’intimidation en ce que «* *l’objectif d’intimidation coexiste fréquemment avec l’objectif thérapeutique affiché » (voy. Méndez J. E., Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1er février 2013, op. cit., §22). ↩
Si l’article 14 de la Convention n’a pas d’existence indépendante, en ce sens qu’il interdit les discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus par cet instrument (voy. à ce propos : CrEDH, Marckx c. Belgique, assemblée plénière, req. n°6833/74, 13 juin 1979, §32 ; CrEDH, Abdulaliz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, assemblée plénière, req. n°9214/80, n°9473/81 et n°9474/81, 28 mai 1985, §72 ; CrEDH, Thlimmenos c. Grèce, op. cit., §44), il a néanmoins une portée autonome. En effet, la disposition avec laquelle cet article est combiné ne doit pas nécessairement être violée pour qu’il trouve à s’appliquer (voy. CrEDH, Marckx c. Belgique, op. cit., §32). ↩
Il s’agit de la première facette de l’article 14, qui en comprend également une seconde. Dans son arrêt Thlimmenos c. Grèce, la Cour a jugé qu’il y a différence de traitement lorsque des personnes placées dans des situations différentes sont traitées de la même manière (CrEDH, Thlimmenos c. Grèce, op. cit., §44). ↩
Sont énumérés à l’article 14, les motifs liés au sexe, à la race, à la couleur, à la langue, à la religion, aux opinions politiques ou toutes autres opinions, à l’origine nationale ou sociale, à l’appartenance à une minorité nationale, à la fortune et à la naissance. ↩
Par l’usage des termes « notamment » et « toute autre situation ». Ceci procède du caractère dynamique de la Convention (sur ce principe : CrEDH, Y.Y. c. Turquie, op. cit., §103). ↩
CrEDH, Salgueiro Da Silva Mouta c. Portugal, quatrième section, req. n°33290/96, 21 décembre 1999, §28 ; CrEDH, Fretté c. France, op. cit., §33 (se fonde sur le terme « notamment ») ; CrEDH, E.B. c. France, Grande Chambre, req. n°43546/02, 22 janvier 2008, §50. ↩
CrEDH, Identoba et autres c. Géorgie, op. cit., §96. ↩
L’inclusion d’un nouveau motif est d’ailleurs recommandée par différentes instances internationales de défense des droits humains (§43). Il est aussi préférable de privilégier le motif des « caractéristiques sexuées » à celui d’« intersexe » ou d’« intersexué » (et les motifs similaires). D’une part, en plus de jouer un rôle éducatif, le motif des caractéristiques sexuées inclut tout individu, et pas seulement les personnes inter*. D’autre part, l’usage des termes « intersexe » ou « intersexué » (et leur interprétation) divergent selon les acteurs considérés (§7). Partant, une ou plusieurs catégorie(s) de personnes risquerai(en)t d’être exclue(s). Voy. dans le même sens, De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., pp. 17-18 ; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « La situation des droits fondamentaux des personnes intersexes » (mai 2015), p. 4. ↩
Dans le même sens : CrEDH, Svinarenko et Slyadnev c. Russie, op. cit., §118. ↩
Dans le cas contraire, il conviendrait, à notre estime de privilégier le motif du sexe, et pas celui de l’orientation sexuelle ou celui de l’identité de genre. Si la Cour opte pour le motif du sexe, l’avantage est que les personnes inter* pourront bénéficier de l’arsenal de jurisprudence qui en découle. L’inconvénient tient au fait que leurs besoins spécifiques risquent d’être oblitérés. Voy. Agius S. et Tobler C., « La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers les personnes trans et intersexuées », op. cit., p. 90 ; Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », op. cit., pp. 47-48 ; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (mai 2015), « La situation des droits fondamentaux des personnes intersexes » (mai 2015), op. cit., p. 3 ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., pp. 17-18. ↩
Il pourrait être soutenu que le motif des « caractéristiques sexuées » pourrait être compris dans celui du sexe, car ce dernier est perçu davantage comme un spectrum que comme se divisant en deux catégories immuables. Cependant, nous pensons qu’il ne s’agit pas de la voie dans laquelle s’engager. À nos yeux, la jurisprudence de la Cour est – sans que cela ne soit un reproche – enracinée dans une conception binaire du sexe, ne laissant que peu de place aux personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ne s’y rattache pas (et sont, donc, exclues). Il est donc préférable, pour le moment, de reconnaitre que les « caractéristiques sexuées » constituent un motif de discrimination à part entière. ↩
Aux côtés de la race et de l’origine ethnique (voy. CrEDH, D.H. et autres c. République tchèque, Grande Chambre, req. n°57325/00, 13 novembre 2007, §176) ou du sexe (CrEDH, Abdulaliz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, op. cit., §78). Voy. à ce sujet : Gerards J., « The Margin of Appreciation Doctrine, the Very Weighty Reasons Test and Grounds of Discrimination », in Balboni M. (dir.), The principle of discrimination and the European Convention of Human Rights, Editoriale Scientifica, 2017. ↩
Voy. dans le même sens : CrEDH, Smith et Grady c. Royaume-Uni, troisième section, req. n°33985/96 et n°33986/96, 27 septembre 1999, §89 ; CrEDH, E.B. c. France, op. cit., §91. ↩
Voy. dans le même sens : CrEDH*, Alajos Kiss c. Hongrie*, deuxième section, req. n°38832/06, 20 mai 2010, §§42-44. Sur le concept de vulnérabilité : Arnadóttir O., « Vulnerability under Article 14 of the European Convention on Human Rights - Innovation or Business as Usual ? », in Oslo Law Review, Vol. 4, 2017/3, pp. 150-171. ↩
CrEDH, Smith et Grady c. Royaume-Uni, op. cit., §89. ↩
Dans ce cas, l’État défendeur doit démontrer que cette différence de traitement poursuit un objectif légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime visé (CrEDH, E.B. c. France, op. cit., §34 ; §§40-41 ; CrEDH, Konstantin Markin c. Russie, Grande Chambre, req. n°30078/06, 22 mars 2012, §§125-126). En pareille situation, l’État défendeur jouit d’une marge d’appréciation, qui varie au gré des circonstances, ce qui implique une mise en balance des intérêts en présence. ↩
Puisqu’il existe un commencement de preuve : CrEDH, D.H. et autres c. République tchèque, op. cit., §177-178 ; Harris D., O'Boyle M., Bates E. et Buckley C., Law of the European Convention on Human Rights, op. cit., pp. 810-811. ↩
CrEDH, Smith et Grady c. Royaume-Uni, op. cit., §87. ↩
CrEDH, Konstantin Markin c. Russie, op. cit., §143. ↩
Ibid. ; CrEDH, Abdulaliz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, op. cit., §§79-82. ↩
CrEDH, Smith et Grady c. Royaume-Uni, op. cit., §87. ↩
CrEDH, D.H. et autres c. République tchèque, op. cit., §201 ; CrEDH, Horváth et Kiss c. Hongrie, deuxième section, req. n°11146/11, 29 janvier 2013, §119. Dans le même sens : CrEDH, I.G. et autres c. Slovaquie, op. cit., §159. ↩
CrEDH, D.H. et autres c. République tchèque, op. cit., §176 ; CrEDH, Horváth et Kiss c. Hongrie, op. cit., §101. ↩
Pour reprendre les propos tenus par Ra'ad Al Hussein Z., Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, lors de la réunion d’experts sur la fin des violations des droits de l’Homme contre les personnes intersexuées, Genève, mis en ligne le 16 septembre 2015, consulté le 2 juillet 2018 in [https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=16431&LangID=E]. ↩
CrEDH, D.H. et autres c. République tchèque, op. cit., §181. ↩
Harris D., O'Boyle M., Bates E. et Buckley C., Law of the European Convention on Human Rights, op. cit., p. 237. ↩
Ibid. ↩
Commissaire européen aux droits de l’Homme, « Droits de l’Homme et personnes intersexes », op. cit., p. 13 ; 45 et suiv. ; De Bruyn P., « Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes », op. cit., pp. 9-10. ↩
Jones M., « Intersex Genital Mutilation – A Western Version of FGM », op. cit., p. 399. ↩
Comme cela est recommandé par Méndez J. E. (Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, op. cit., §17). Le traitement inhumain est celui infligé « avec préméditation pendant des heures et [qui cause] soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales » (CrEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, op. cit., §220). Le traitement est dégradant « s’il humilie ou avilit un individu, s’il témoigne d’un manque de respect pour sa dignité humaine, voire la diminue, ou s’il suscite chez l’intéressé des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à briser sa résistance morale et physique » (ibid.). ↩
La quasi-unanimité des États membres du Conseil de l’Europe n’interdisant pas explicitement les traitements médicaux normalisateurs (§§13-16). ↩
CrEDH, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, Grande Chambre, req. n°28957/95, 11 juillet 2002, §85. ↩
§§7.1.1. et 7.1.2., consulté le 16 décembre 2019 in [https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=24232&lang=FR]. ↩
§2, consulté le 16 décembre 2019 in [http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2019-0128_FR.pdf]. ↩
§192 et §§194-195, consulté le 16 décembre 2019 in [http://www.oas.org/en/iachr/reports/pdfs/violencelgbtipersons.pdf]. ↩
À la date du 25 octobre 2020. ↩
Ce faisant, les Comités onusiens placent les traitements médicaux normalisateurs sur le même niveau que les mutilations génitales féminines (voy. ComEDEF et ComDE, Recommandation générale/observation générale conjointe n°31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n°18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, 4 novembre 2014, CEDAW/C/GC/31/CRC/C/GC/18, spéc. §§15-16 et §19). ↩
Selon Brems E., les termes « préoccupé par » sont l’équivalent le plus proche d’un constat de violation des droits fondamentaux (Brems E., « Intégrer le droit des droits de l’homme : une exploration », in E.J.H.R., 4/2014, p. 463). ↩
Comité des droits de l’Homme : ComDH, Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Suisse, 22 août 2017, CCPR/C/CHE/CO/4 ; ComDH, Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Australie, 1er décembre 2017, CCPR/C/AUS/CO/6 ; ComDH, Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Mexique, 4 décembre 2019, CCPR/C/MEX/CO/6* ; ComDH, Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Belgique, 6 décembre 2019, CCPR/C/BEL/CO/6 ; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : ComEDEF, Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques combinés de la France, 25 juillet 2016, CEDAW/C/FRA/CO/7-8 ;ComEDEF, Observations finales concernant le sixième rapport périodique des Pays-Bas, 24 novembre 2016, CEDAW/C/NLD/CO/6 ; ComEDEF, Observations finales concernant les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Suisse, 25 novembre 2016, CEDAW/C/CHE/CO/4-5 ; ComEDEF, Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques combinés de l’Allemagne, 9 mars 2017, CEDAW/C/DEU/CO/7-8 ; ComEDEF, Observations finales concernant les sixième et septième rapports périodiques combinés de l’Irlande, 9 mars 2017, CEDAW/C/IRL/CO/6-7 ; ComEDEF, Observations finales concernant le septième rapport périodique du Chili, 14 mars 2018,CEDAW/C/CHL/CO/7 ; ComEDEF, Observations finales concernant les sixième et septième rapports périodiques du Luxembourg, 14 mars 2018, CEDAW/C/LUX/CO/6-7 ; ComEDEF, Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la Nouvelle-Zélande, 20 juillet 2018, CEDAW/C/NZL/CO/8 ; ComEDEF, Observations finales concernant le neuvième rapport périodique du Mexique, 20 juillet 2018, CEDAW/C/MEX/CO/9 ; ComEDEF, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Lichtenstein, 20 juillet 2018, CEDAW/C/LIE/CO/5 ; ComEDEF, Observations, finales concernant le huitième rapport périodique de l’Australie, 20,juillet 2018, CEDAW/C/AUS/CO/8 ; ComEDEF, Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Népal, 14 novembre 2018, CEDAW/C/NPL/CO/6. Comité contre la torture : ComCT, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Allemagne, 12 décembre 2011,CAT/C/DEU/CO/5 ; ComCT, Observations finales concernant le septième rapport périodique de la Suisse, 7 septembre 2015, CAT/C/CHE/CO/7 ; ComCT,Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Autriche, 27 janvier 2016, CAT/C/AUT/CO/6 ; ComCT, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la Chine pour ce qui est de Hong-Kong, 3 février 2016, CAT/C/CHN-HKG/CO/5 ; ComCT, Observations finales concernant le rapport du Danemark valant sixième et septième rapports périodiques, 4 février 2016, CAT/C/DNK/CO/6-7 ; ComCT, Observations finales concernant le septième rapport périodique de la France, 10 juin 2016, CAT/C/FRA/CO/7 ; ComCT, Observations finales concernant le septième rapport périodique des Pays-Bas, 18 décembre 2018 CAT/C/NLD/CO/7 ; ComCT, Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Royaume-Uni de GrandeBretagne et d’Irlande du Nord, 7 juillet 2019, CAT/C/GBR/CO/6. Comité des droits de l’enfant : ComDE, Observations finales concernant les deuxième à quatrième rapports périodiques de la Suisse, soumis en un seul document, 26 février 2015, CRC/C/CHE/CO/2-4 ; ComDE, Observations finales concernant le rapport du Chili valant quatrième et cinquième rapports périodiques, 30 octobre 2015, CRC/C/CHL/CO/4-5 ; ComDE, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, 23 février 2016, CRC/C/FRA/CO/5 ; ComDE, Observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’Irlande, 1er mars 2016, CRC/C/IRL/CO/3-4 ; ComDE, Observations finales concernant les troisième et cinquième rapports périodiques du Népal, 8 juillet 2016, CRC/C/NPL/CO/3-5 ;ComDE, Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 12 juillet 2016, CRC/C/GBR/CO/5 ; ComDE, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la Nouvelle-Zélande, 21 octobre 2016 CRC/C/NZL/CO/5 ; ComDE, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Danemark, 26 octobre 2017, CRC/C/DNK/CO/5 ; ComDE, Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Afrique du Sud, 27 octobre 2016, CRC/C/ZAF/CO/2 ; ComDE, Observations finale concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Espagne, 5 mars 2018, CRC/C/ESP/CO/5-6 ; ComDE, Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Argentine, 1er juin 2018, CRC/C/ARG/CO/5-6 ; ComDE, Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de la Belgique, 1er février 2019, CRC/C/BEL/CO/5-6 ; ComDE, Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Italie, 1er février 2019,CRC/C/ITA/CO/5-6 ; ComDE, Observations finales concernant les troisième à sixième rapports périodiques de Malte, 26 juin 2019, CRC/C/MLT/CO/3-6 ;ComDE, Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Australie, 1er novembre 2019, CRC/C/AUS/CO/5-6 ; ComDE,Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques du Portugal, 9 décembre 2019, CRC/C/PRT/CO/5-6 ; ComDE, Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques de l’Austriche, 6 mars 2020, CRC/C/AUT/CO/5-6 ; Comité des droits des personnes handicapées : ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial de l’Allemagne, 13 mai 2015, CRPD/C/DEU/CO/1 ; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial du Chili, 13 avril 2016, CRPD/C/CHL/CO/1 ; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial d l’Uruguay, 30 septembre 2016, CRPD/C/URY/CO/1 ; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial de l’Italie, 6 octobre 2016, CRPD/C/ITA/CO/1 ; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial du Maroc, 25 septembre 2017, CRPD/C/MAR/CO/1 ; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 3 octobre 2017,CRPD/C/GBR/CO/1 *; ComDPH, Observations finales concernant le rapport périodique initial de l’Inde, 29 octobre 2019, CRPD/C/IND/CO/1 ; ComDPH,Observations finales concernant les deuxièmes et troisièmes rapports périodiques de l’Autriche, 15 octobre 2019, CRPD/C/AUS/CO/2-3. ↩
« Mettre fin à la violence et aux pratiques médicales préjudiciables contre les enfants et les adultes intersexes, exhortent des experts régionaux et onusiens », mis en ligne le 24 octobre 2016, consulté le 10 mars 2018 in [https://ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20739&LangID=F]. ↩
Qui dispose que « [t]oute personne a le droit au respect de son intégrité physique et mentale, de son autonomie et de son autodétermination indépendamment de son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuelles. Toute personne à le droit de ne pas être soumis à de la torture, des traitements ou des peines inhumain(e) et dégradant(e) pour des raisons liées à son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuelles. Nul ne doit être soumis à des procédures médicales invasives et irréversibles qui altèrent les caractéristiques sexuelles sans son consentement libre, préalable et éclairé, à moins qu’elles ne soient nécessaires pour éviter un préjudice sérieux, urgent et irréparable pour la personne concernée* » (« Principes additionnels et obligations des États sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle, d’identité de genre, d’expression de genre et de caractéristiques sexuelles complétant les Principes de Jogjakarta », op. cit., p. 10 ; notre* traduction). ↩
CrEDH, Aghdgomelashvili et Japaridze c. Géorgie, cinquième section, requête n°7224/11, 8 octobre 2020. ↩