Panel 4: Lieu stratégique / lieu de stratégies
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Introduction
Vaios Koutroulis
§1 Nous avons trois intervenants pour discuter de la Cour pénale internationale en tant que lieu stratégique ou lieu de stratégie. C’est donc autour de cette grande thématique que les interventions de nos trois panélistes vont s’articuler. Nous avons la chance d’avoir deux panélistes qui viennent de la Cour elle-même.
Réalisations et défis de la Cour pénale internationale : une perspective centrée sur les activités en matière d’examen préliminaire menées par le Procureur de la Cour
Vaios Koutroulis
Notre premier panéliste est analyste adjoint, chargé des situations auprès du Bureau du Procureur de la Cour. Il y travaille depuis 2013. Il a un diplôme en droit international de l’Institut des Hautes Études Européennes à Strasbourg et il va nous parler des réalisations et défis de la Cour pénale internationale, une perspective centrée sur les activités en matière d’examen préliminaire menées par le Procureur de la Cour. Nous en avons déjà discuté, nous avons fait mention de la stratégie ou de la politique suivie par la Cour dans le choix de ses examens préliminaires. Donc, je suis certain que c’est avec une grande attention qu’on va suivre votre présentation.
Paolo Proli
§2 Merci beaucoup pour cette invitation et pour l’organisation de ce colloque que je trouve, et en tant que professionnel du Bureau du Procureur et en général comme passionné des questions de droit pénal international, très passionnant, et en particulier l’approche multidisciplinaire du colloque, car on n’a pas forcément toujours la chance au Bureau du Procureur, dans notre travail, à pouvoir en effet aborder autant d’angles, autant de perspectives différentes. Comme on l’a dit, ma présentation va porter sur les examens préliminaires encore une fois, on essaie de mettre en perspective certains questionnements qui sont souvent adressés à la Cour et au Bureau du Procureur. C’est donc la perspective de l’examen préliminaire — ce qui est mon travail aussi — l’examen préliminaire des situations mené par le Bureau du Procureur. On va commencer tout de suite in medias res.
§3 Donc, demain, 5 décembre 2018, pas loin d’ici, à La Haye, commence la dix-septième Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Mon chef, le Procureur de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, dans ce cadre, va présenter le huitième rapport annuel en matière d’examen préliminaire. Donc, il s’agira d’en livrer plus ou moins un comme celui-là, détaillant les activités menées par le Bureau au cours de cette année, notamment en 2018. On le fait régulièrement depuis 2011. À ce jour, depuis le début de la Cour, notre Bureau a mené 27 examens préliminaires, dont 10 sont en cours — 9 à 10 sont en cours, j’expliquerai pourquoi — et ceci touche les quatre continents, dans la plupart des régions du monde. Or, les examens préliminaires, effectivement, ont acquis une visibilité croissante depuis qu’on a commencé à publier les rapports ; on discute de plus en plus les examens préliminaires de la Cour. Pourtant, depuis toujours, il s’agit d’une pièce maîtresse du dispositif du Statut de Rome. Cela dépend des examens préliminaires. C’est la façon d’enclencher le processus légal de la Cour. Quelles seront les enquêtes de demain et les affaires d’après-demain ?
§4 Même si le Bureau s’efforce de rendre ces processus plus connus, malgré nos publications, les rapports, les activités de communication au public, c’est un processus qui reste largement méconnu, pas seulement du public, mais des commentateurs aussi. Dans les points de ma présentation, je crois qu’une meilleure compréhension de ce processus d’examen préliminaire permettrait — justement, c’est en ligne avec le sujet du colloque — de mieux placer en perspective certains des questionnements, certaines des idées reçues, des critiques fondamentales qui sont adressées au Bureau et à la Cour.
§5 Comme on l’a dit, c’est méconnu, même si j’imagine que beaucoup d’entre vous connaissent ce processus, et notamment ils connaissent les examens préliminaires qui sont menés par notre Bureau — on y reviendra — je vais passer par une petite présentation. Je vais être bref, juste pour vous donner le cadre général, un aperçu de ce qu’on fait, notre travail et ce que fait le Bureau. Donc, un examen préliminaire n’est pas une enquête, mais c’est la première étape à franchir pour déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête. D’après le Statut de Rome, il incombe au Bureau du Procureur, comme c’est le cas dans les tribunaux pénaux internationaux, de déclencher le processus juridique de la Cour, à savoir : il incombe de déterminer si une situation répond aux critères juridiques fixés par le Statut de Rome — retenir à l’esprit « critères juridiques fixés par le Statut de Rome » — permettant au Bureau d’ouvrir une enquête. Pour ce faire, le Bureau procède à l’examen préliminaire des situations et communications portées à son attention sur la base des critères en question et des renseignements disponibles.
§6 Donc, très rapidement, un examen préliminaire. Il y a plusieurs façons d’enclencher la compétence de la Cour, et donc d’ouvrir ou, disons, d’enclencher l’ouverture d’un examen préliminaire. Il peut s’agir des communications reçues au titre de l’article 15, des communications de crime, il peut s’agir d’un renvoi d’un État ou du Conseil de sécurité des Nations Unies, ou bien ce qu’on appelle l’article 12(3). L’article 12(3), c’est la déclaration d’un État qui n’est pas partie au Statut de Rome, mais qui accepte la compétence de celui-ci. On a parlé des critères juridiques fixés par le Statut de Rome. Alors, il y a un nombre clair. Cela comprend trois critères, pas plus. C’est le critère de la compétence, à savoir si un crime a été commis — un crime relevant de la compétence de la Cour — dans le territoire ou par un ressortissant d’un État Partie, ou bien un État ayant accepté la compétence au titre de l’article 12(3). Ensuite, la recevabilité — on l’a déjà évoquée plusieurs fois — qui comprend un examen de la complémentarité. Est-ce que les crimes en question font déjà l’objet de procédures, d’enquêtes ou de poursuites au niveau national ? Est-ce que ces procédures sont authentiques ? Et la gravité : est-ce que les crimes sont suffisamment graves pour déclencher, pour justifier l’intervention de la Cour ? Et les intérêts de la justice, si les intérêts de la justice ne s’y opposent pas. Le processus est toujours mené de manière identique. Ça, c’est aussi une partie importante, j’y reviendrai.
§7 Donc, les points, c’est de réfléchir sur ces examens comme outils de mise en perspective. Dans quelle mesure une meilleure compréhension des examens préliminaires peut aider à comprendre ou à remettre, à placer dans une perspective appropriée certaines des questions de la Cour ? J’y viens. Donc, en général, il y en a plusieurs. La palette des critiques, idées reçues qui concernent la Cour, comme l’illustre le colloque, est large, et le temps est très limité. Je me suis amusé à regarder quelles sont les critiques les plus récurrentes. Il y en a beaucoup. D’une certaine manière, il y a une critique générale et une certaine partie d’idées reçues aussi, qui se déclinent de différentes manières, mais qui concernent la base des décisions de la Cour ou du Bureau, parce que ma perspective est surtout celle du Bureau du Procureur, à savoir est-ce qu’il y a des décisions fondées sur des facteurs politiques ? Est-ce que les décisions sont fondées sur d’autres facteurs ? Donc, ceci se décline de différentes manières : manque de prévisibilité, double standard, des préjugés contre le continent africain, l’attitude plutôt révérencielle, selon certains commentateurs ou critiques, vis-à-vis des grandes puissances, ou bien la Cour comme une Cour politisée et instrumentalisée. Or, je pense qu’un premier élément de réflexion par rapport à ce qu’on vient de dire, pour essayer de remettre cela en perspective, est de regarder la nature de l’examen préliminaire. L’examen préliminaire, je dis bien, c’est très important, que c’est une pièce maîtresse parce que ça dépend de ça ce qui va arriver à la Cour, ce que vont être les affaires de demain. L’examen préliminaire, si on regarde de plus près, c’est basé sur un processus qui est strictement et intrinsèquement légaliste ou juridique. En fait, de par son régime normatif dans le Statut, de par les rôles spécifiques qu’on mène, nous, en ce qui concerne les analyses préliminaires et les processus internes de travail, il s’agit de l’application et de l’interprétation stricte des règles de droit, sur la base d’une procédure définie sur l’ensemble des paramètres, gouvernant ce qui doit être analysé, comment on doit l’analyser et dans quel but. Donc, s’il y a des fonctions qui peuvent dépasser ce cadre, comme par exemple favoriser la complémentarité positive, la fonction essentielle de cet examen, c’est justement apporter une réponse légaliste, juridique, à une question juridique, savoir si les critères prévus par le Statut de Rome sont remplis en l’espèce.
§8 Mais ce qui peut être plus intéressant, c’est de voir l’application de celui-là par rapport à un certain nombre de cas sujets à controverses, un certain nombre de cas qui se prêtent à des questionnements de la Cour. Donc, pour mettre cela en perspective davantage, on regarde quelle est la situation dans notre travail. Là, comme vous l’avez dans l’agenda, on a les examens préliminaires en orange, les enquêtes en vert et les examens préliminaires qui ont été déjà clôturés, clos, en rouge. En plus, en bleu, ce sont les États Parties du Statut de Rome. Donc, vous allez déjà comprendre. Première constatation : on est amplement au-delà du cadre africain. Les examens préliminaires, à ce jour, ils sont en cours dans tous les continents. En 2016, la Cour ouvrait sa première enquête en Géorgie — vous la voyez. Cette année, on a ouvert des examens préliminaires aux Philippines, au Venezuela et au Bangladesh-Myanmar. Donc, des affaires en Asie et une affaire en Amérique. Mais il y a encore une autre considération que cette carte suggère. Je vais vraiment donner l’essentiel — le temps est très limité — à savoir une autre considération qui porte sur les marges de manœuvre, les contraintes de la Cour au niveau des compétences. Donc, vous le voyez, les États qui ont adhéré au Statut de Rome sont en bleu. En général, au-delà de ça, les marges de manœuvre de la Cour sont limitées, à savoir si un crime a été commis par un ressortissant d’un État Partie ou bien s’il y a, comme c’est le cas pour Bangladesh-Myanmar, si le crime s’est perfectionné aussi en partie sur le territoire d’un État Partie. Donc, des questionnements qu’on reçoit très souvent aussi dans les présentations que je donne à la Cour, qui sont par exemple les suivantes. Pourquoi la Cour ne s’en est pas prise à Daesh sur des crimes de l’État islamique ? Ou bien, pourquoi la Cour épargne les grandes puissances ? Alors, vous savez, les crimes — et je m’apprête à finir — pour ce qui concerne les crimes de Daesh, une large partie de ces crimes sont allégués en Syrie et en Irak. Ni la Syrie ni l’Irak sont États Parties au Statut de Rome. Il y a des marges de manœuvre par rapport aux ressortissants, mais la base n’est pas une base robuste. Par contre, la Cour peut enquêter sur des faits qui auraient été commis par des organisations associées à ISIS, c’est une autre situation. Et ça peut effectivement être le cas, on le verra, en Afghanistan, où on attend toujours l’autorisation d’ouvrir une enquête. C’est peut-être le cas au Mali et également pour ce qui est de la Libye. De même, pour ce qui concerne la situation des pouvoirs comme Israël, les États-Unis ou la Russie, vous le savez bien, ces États-là ne sont pas États Parties. Par contre, potentiellement, ces États-là pourraient être sujets à des examens ou des enquêtes par la Cour. C’est le cas par exemple en Afghanistan, où potentiellement les agissements de la CIA peuvent être mis en question. Également, c’est le cas, pour ce qui concerne Israël, en Palestine, où on procède et on espère finir dans un délai raisonnable l’examen pour la situation en Palestine. Et pareillement pour la Russie, pour ce qui concerne la situation en Ukraine et en Géorgie.
§9 Pour finir, c’est qu’en effet, pour regarder la question si effectivement la Cour choisit de laisser a cote les situations qui sont les plus graves sur la base des critères juridiques pertinents, situations concernant l’ensemble des États Parties, il faut regarder les contraintes juridiques qui sont les nôtres. Et notamment, faute de ratification universelle du Statut de Rome et faute de saisine de la part du Conseil de sécurité, certains crimes, même épouvantables, peuvent être commis dans des situations qui échappent à la compétence ratione loci et ratione personae de la Cour. Voilà. Merci.
Vaios Koutroulis
§10 Très bien, merci beaucoup. Je suis certain qu’on aura l’occasion de revenir sur des points de votre présentation dans le cadre des questions.
§11 And I'm now moving to the second presentation of the panel and I have the pleasure of welcoming Rogier Bartels, who is a legal officer in the trial division of the International Criminal Court. He has a law degree from the University of Utrecht and specialized LLM from the University of Nottingham. He has given several lectures on international humanitarian law. He's currently working on a thesis dealing with the relations of international humanitarian law and international criminal law. And in this context, he will talk about the application of international humanitarian law during international criminal trials, criticisms, challenges and prospects. We're looking forward to your intervention.
Applying International Humanitarian Law During International Criminal Trials: Criticism, Challenges, and Prospects
Rogier Bartels
§12 Good morning everyone. I’ll start with a thank you to the organisers for inviting me here, allowing me to speak as part of this interesting conference. I was introduced as working at the International Criminal Court, so I also have to start with a disclaimer. I’m here in my personal capacity, I'm not speaking on behalf of the Court.
§13 And then if this cannot count towards my time, I want to start with a little bit related to the previous session, so that the interplay between international humanitarian law — IHL — and international criminal law — ICL — is like what at conferences is referred to as the interaction between human rights law and the international humanitarian law. Persons who are bilingual, so to say who speak both the human rights law and IHL language, they’re not that many, and equally it’s often said that there are not enough bilingual IHL-ICL lawyers. But talking about different languages in the translation, I do want to say that in relation to my comment during the previous session, even though we have a lot of translation issues at the international level, the interpreters are doing an amazing job and it’s actually only when you sit in that courtroom and you realize how quick they are with the direct translation that you understand how good it is what they do and how important it is, even if you think: “okay, I know French and English so I can do that, going from Swahili to French”. So, just that, on the record at least that I am not understood as not appreciating their work.
§14 So, about the interplay between international humanitarian law and international criminal law. So, when stage first regulated warfare, when they first drafted the IHL treaties, these rules were not envisioned to be applied in a courtroom. IHL was not and it still is not intended to be the international equivalent of a comprehensive domestic criminal code. It has a different purpose, or rationale if you will, than a criminal code because IHL aims to protect those who are not or are no longer taking part in hostilities, so the second wounded combatants, prisoners of war, civilians or their non-international armed conflict counterparts or equivalents. And in fulfilling this aim of protection, the drafters of the rules of IHL were realistic, they placed certain restrictions on the belligerents, but they acknowledged the realities of war. And in addition, so even though you have military lawyers who may be part of a targeting process, a targeting cycle, generally IHL in practice, so that is on the battlefield, is applied by non-lawyers. So, the rules of IHL therefore differ significantly from those that are normally part of a criminal code where you have a setting where it’s only criminal lawyers who are dealing with the rules. And as I said, IHL is related to… when it was drafted, it wasn’t meant to be a criminal code but it wasn’t even meant to deal with individual criminal responsibility because it addressed a conduct of States as such, related to State responsibility for broader military operations. And this also explains why IHL has very subjective notions like military necessity, military advantage, excessive damage. These notions are not easy to apply correctly during combat, but because they’re hard to qualify or quantify, they provide a certain flexibility in discretion that is necessary in such a combat situation, but precisely because these notions involve value-based and individual judgment made at the time of the attack, they’re really difficult to deal with in a courtroom setting in retrospect. And fair criminal proceedings demand clear rules that describe criminal conduct in a strict manner and elements of an alleged crime can be assessed. None of that is in itself included in international humanitarian law.
§15 So, despite this underlying problem, there can be no doubt that in dealing with alleged serious violations of international humanitarian law, international criminal tribunals and courts such as the ICTY, which interestingly, even though they also dealt with crime against humanity and genocide, the formal name of the ICTY is the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia for the prosecution of serious violations of international law since 1992. So, serious violations of international humanitarian law, it was really in its name a pure kind of war crimes court as it often also is referred to, even though of course they also dealt with genocide and crimes against humanity, and even mostly crimes against humanity.
§16 So, the ICTY and ICTR have significantly contributed to the development and clarification of IHL, so you have notable examples, like in the very first case for the ICTY, the Tadić case, where the Appeals Chamber in the 1995 decision on jurisdiction held that, because of customary law now in times of non-international armed conflict, the large number of the IHL rules also applied in such situations, in non-international armed conflict. And they also put forward a definition of the notion of armed conflict, the so-called Tadić definition. And then other important developments are the lower threshold of non-international armed conflict and the criteria and the indicators for this. This was in a number of the first cases and accumulated in the end to the Boškoski and Tarčulovski trial and then appeals judgment. There are things like the acknowledgement of rape as a war crime in Akayesu, Furundžija, the ICTR, and then later on in Kunarac, where it was all kind of put together at the ICTY. And also a known example: the first case dealing with conduct of hostilities, proper conduct of hostilities as opposed to Blaškić, where it was kind of on the side, is the prohibition to terrorize civilians or civilian population and the criminalization thereof. This was in Galić and later also in Dragomir Milošević for the ICTY.
§17 So, the impact of these judgments is demonstrated because of the many references States make in their military manuals, domestic courts to these findings, UN fact-finding bodies, but it’s also very much shown by the, at that time, very unexpected success of the Rome Conference in 1998 to include war crimes for situations of non-international armed conflict, so I had to go (A to C and I to E). Because only five years before, in 1993, the ICRC, so the International Committee of the Red Cross, which is said to be the guardian or named to be the guardian of international humanitarian law, they said in the context of the setting up of the ICTY that there was no such thing as war crimes in the context of a non-international armed conflict. Yet five years later we had an international treaty acknowledging this was the case, and very shortly only after the Tadić decision on this. And of course, there’s the famous ICRC study on customary law, which names 161 rules of customary law but relies a lot under the jurisprudence of the case law of the ICTY-ICTR.
§18 However, when applying IHL for the purpose of criminal trials and in the process of this clarification, the courts and tribunals may not always have struck the right balance between the two opposing impulses of military necessity, on the one hand, and humanitarian considerations, on the other hand, of IHL. And as such, it is also a risk that IHL sets unrealistic standards and thereby creates a law that parties can no longer adhere to on the battlefield. Then, of course, there are practical challenges. How do you investigate after the fact whether the effects of a bomb or a missile that landed somewhere were intended or the missile actually went astray and missed its intended target? Or how do you obtain evidence on the information available at the time to the commander on the attack that was launched? Because military intelligence is normally confidential, targeting procedures or even rules of engagement are restricted information and not publicly available. So, the ICTY, for example, even though it had a fair amount of persons in its ranks which had military experience, it has nonetheless been criticized by governments and military lawyers for failing to understand the reality of warfare. For example, in Gotovina, when it introduced… and this was misunderstood, it was merely a way to retrospectively assess or infer the intent of the commanders of the Croatian army, but they were seen to introduce a 200-meter rule in terms of targeting by use of artillery. Also, its use of its decisions on belligerent reprisals were criticised in the ICC at its very first case. Lubanga was criticised for expanding the scope of active participation in hostilities, and even the ICRC criticized this, thereby subjecting the alleged child soldiers to a bigger target ability. And even as recent as last year, the Court received both praise but also criticism in the Ntaganda case, finding that the protection under IHL extends to crime or alleged crimes committed by members of the same force against… by persons of the same force against each other. And generally, when passing judgments that are seen as more favorable to the military, the human rights and the victim communities will complain, on the other hand when a judgment is seen as too humanitarian, the military will complain about the loss of non-conflict community. So, there is criticism from both sides, both on the law, but also on the perceived lack of knowledge of military operations amongst staff. And whilst at the ICC the early cases may not have had to deal with IHL in detail, the ongoing investigations, potential forthcoming cases are very likely to deal with large scale military operations, then as such require a good understanding of such operations but also require a real application of IHL, also when it comes to targeting into the court room.
§19 So, this is the challenge, and then I’ll close off if I can use this example as some extra time. Sometimes it’s a challenge to deal with this in practice, mostly through two different branches of public international law. And that’s not always easy but it can be done, and as an example of this system, and is the issue that in IHL you have the inbuilt protection of protection. That’s how IHL tries to give its protection in circumstances of armed conflict, which are by definition chaotic. So, if you don't know if someone is a civilian or a legitimate military target, you have to assume the person is a civilian. You can’t actually attack if you don’t know if a building or an object is a military objective, you have to assume it’s civilian. In international criminal law, which is part of criminal law, on the other hand, you have the presumption of innocence. And because of the presumption of innocence, the Prosecution has to prove beyond reasonable doubt that the accused has committed the crimes as charged — for the ICC, this is Article 66 of the Statute. So, if you have the in dubio pro reo principle that the accused is entitled to the benefit of doubt as to whether defence is proven, this clash is basically with the IHL presumption of innocence. So, a solution has to be found then and the ICTY was considering this carefully in the Galić case, so they found, and this has been applied in cases afterwards, that the Prosecution must show that a reasonable person could not have believed that the individual he or she was attacking was a combatant — combatant obviously presumes it’s an international armed conflict, but otherwise a fighter, you can replace the word combatant. And this has subsequently been applied as cases, and I think this is a good example to show that if people put their mind to it and are careful and bear in mind that pronouncements on international humanitarian law can have unintended consequences for that body of law if done in the context of an international criminal trial, it should be okay in the future. So, that's where I’ll close off. If care is taken, then we should be okay. Thank you.
La requalification des faits en cours de procédure par la Chambre de première instance : la Norme 55, un danger pour les droits de la défense ?
Vaios Koutroulis
§20 Elle fait sa thèse sous la direction de la professeure Muriel Ubéda-Saillard sur précisément la problématique de la notion de gravité en droit international pénal. Dans le cadre de cette thèse, elle a regardé plus spécifiquement la Norme 55 . Vous avez la parole.
Jenifer Prades
§21 Je vous remercie, Monsieur le Président. Avant de commencer, je souhaite tout d’abord vous remercier, également remercier Damien Scalia pour l’organisation de ce colloque, et vous remercier de me permettre d’y participer afin d’aborder la requalification des faits en cours de procédure et les enjeux de ce mécanisme lié aux droits de la défense devant la Cour.
§22 Le propos sera structuré par une brève présentation du mécanisme contenu dans la Norme 55 pour, dans un second temps, aborder une question essentielle, est-ce que ce mécanisme est un danger pour les droits de la défense ? En réalité, oui, et ces difficultés sont étayées par un premier constat, la mise en péril des droits de la défense dans la rédaction de la Norme 55, et un second constat, la mise en péril des droits de la défense par l’utilisation contestable de la Norme 55.
§23 Une présentation d’abord. La Norme 55 est un mécanisme intégré dans le Règlement de la Cour, adopté par les juges de celle-ci en mai 2004, qui permet de procéder à ce que l’on appelle une modification de la caractérisation légale des faits en cours de procès, c’est-à-dire une fois que les charges ont été confirmées par la Chambre préliminaire en application de l’Article 61. Pourquoi est-ce que ça pose problème ? Ce mécanisme de requalification a fait couler beaucoup d’encre et fait l’objet de nombreuses critiques liées au non-respect des droits de la défense ou à l’absence de célérité de la procédure, des impératifs très importants pour la Cour afin de promouvoir et légitimer son action. Cependant, avant d’attaquer la question de la mise en péril des droits de la défense, c’est un mécanisme qui a le mérite d’exister, car il évite une dénaturation des faits et assure que la personne soit poursuivie sur une base juridique qui correspond à la réalité des faits. Ainsi, les juges de la Chambre de première instance vérifient l’exactitude du lien entre faits et qualification. Ils s’assurent une conviction ferme. Il ne faut pas oublier que les crimes présentés devant la Cour sont d’une extrême complexité, et qu’il est absolument nécessaire de disposer de tels mécanismes d’adaptation. De plus, il convient de souligner les nombreuses références directes aux droits de la Défense intégrées dans la formule de la Norme 55 et les garanties qui sont posées comme le non-dépassement du cadre des faits et circonstances décrits dans les charges.
§24 Est-ce que la Norme 55 est un danger pour les droits de la défense ? Ce sera notre premier point, la mise en péril des droits de la défense dans la rédaction de la Norme 55. Deux difficultés principales. La première difficulté dans la formule du texte, c’est le caractère potentiel de la requalification des faits. Les juges décident d’une possible modification qui ne se concrétisera ou pas qu’au moment de la décision de jugement en application de l’Article 74, ce qui fait peser une épée de Damoclès insoutenable sur l’accusé et qui contrevient, en partie, au droit d’être informé de manière suffisante de la nature des charges retenues contre lui. D’ailleurs et à titre d’exemple, pour le moment, la seule décision de potentielle requalification qui a débouché sur une réelle modification au stade du jugement, c’est l’affaire Katanga. Deuxième difficulté dans la formule du texte, ce sont les nombreux termes très vagues utilisés dans le dispositif, à l’image de l’ambiguïté du terme de délai opportun. Le mécanisme offre, à la Défense, un temps opportun pour faire des observations écrites ou orales dès que les juges de la Chambre ont pris la décision de requalification. Ce temps opportun pose plusieurs difficultés. En réalité, on est face à un double impératif. Que ce temps opportun soit à la fois suffisamment long pour que la Défense ait le temps de se préparer et d’adapter sa stratégie de défense, mais aussi il doit être nécessairement court pour que l’accusé soit jugé sans retard excessif. Dans l’affaire Lubanga, les juges de la Chambre d’appel ont pu considérer qu’une modification, en vertu de la Norme 55, n’entraîne pas nécessairement un retard et qu’il faut vérifier cela au regard des circonstances de l’espèce considérée. Mais tout de même, c’est la difficulté d’une procédure excessivement longue qui pèse sur l’accusé, si tant est que ce temps opportun lui soit offert.
§25 C’est aussi, à travers l’utilisation du dispositif, que les droits de la défense sont mis en péril, ce qui nous amène à notre second point, la mise en péril des droits de la défense dans l’utilisation de la Norme 55. Également ici, des difficultés. La première difficulté, c’est le fait, pour les juges du procès, de vouloir modifier un crime ou un mode de responsabilité a déjà été instruit ou évoqué au moment de la phase préliminaire. Cela a été le cas dans trois affaires où la Norme 55 a été activée. C’est ce qui c’est ce qui s’est notamment passé dans l’affaire Gbagbo où les juges de la Chambre de première instance ont fait part de la possibilité de modification de la qualification juridique du mode de responsabilité sous l’Article 28, une base juridique qui avait été pourtant formellement rejetée par la Chambre préliminaire au moment de la confirmation des charges, tout cela à la demande du procureur. En plus de faire perdre à la phase préliminaire son utilité, cela pose un problème au regard de la qualité de l’information dont dispose l’accusé, puisque même si une qualification est écartée à un stade de la procédure, il est possible qu’à un autre stade, elle puisse fonder sa base d’accusations. Cela illustre la mise en péril du droit de connaître, dans le plus court délai et de façon détaillée, de la nature et de la cause des charges retenues contre lui. Deuxième difficulté liée à l’utilisation du mécanisme, c’est le moment de la décision de requalification. Les juges prennent cette décision à n’importe quel moment du procès, ce qui est extrêmement vaste et qui pousse à connaître, de manière très précise, le cadre du procès. C’est justement le fait de savoir quand commence le procès et quand celui-ci prend fin qui a alimenté le débat de la Norme 55, notamment quand celle-ci est activée à un stade discuté de la procédure. Premier exemple, l’affaire Katanga où la décision de requalification est intervenue au stade des délibérés, une fois les juges ayant entendu les prétentions des parties, auditionné l’ensemble des témoins, après la présentation des preuves et le dépôt des conclusions finales. Si l’on regarde l’Article 63 paragraphe 1 du Statut, celui-ci a précisé que l’accusé doit être présent tout au long du procès. Seulement l’accusé n’est pas présent au moment de la phase des délibérés, alors cela ne signifie-t-il pas que les délibérés ne font pas partie de la phase de procès, donc que la requalification ne peut pas intervenir à ce moment-là ? En tout cas, les juges de la Chambre d’appel ont pu considérer que ce qui pose réellement difficulté, ce n’est pas tant le moment de la décision, mais plus son ampleur qui pose difficulté. Ensuite, l’affaire Gbagbo où la Défense a estimé que la requalification était intervenue trop tôt, avant l’ouverture du procès. Les juges de la Chambre de première instance ont, quant à eux, considéré qu’ils pouvaient notifier aux participants que la qualification est susceptible de changer avant l’audience de déclaration de l’ouverture du procès. D’ailleurs, les juges de la Chambre d’appel ont considéré que la décision intervenant à ce stade n’était pas incompatible. Toujours est-il qu’une telle décision, qui implique pour la Défense de revoir l’ensemble de sa stratégie de défense, concentre principalement deux difficultés. La première difficulté, c’est face au droit de ne pas s’auto-incriminer puisque se défendre sur la base d’une accusation tout au long du procès peut amener la personne poursuivie à s’auto-incriminer pour un crime ou un mode de responsabilité dont il ne fait pas l’objet dans l’acte d’accusation initial. C’est notamment ce qui a posé problème dans l’affaire Katanga au regard du caractère antithétique des modes de responsabilité confirmée puis requalifiée. La seconde difficulté pèse sur le droit d’être jugé sans retard excessif.
§26 Aujourd’hui, qu’en est-il ? Très brièvement, on constate que les deux dernières demandes de modification émanent du procureur, ce qui illustre très nettement son opposition aux décisions de confirmation des charges. De plus, la pratique des charges alternatives utilisées dans l’affaire Gbagbo couplée avec la potentialité de requalification implique, pour la défense, de faire front à tous les modes de responsabilité possibles. En termes de réalité pratique, comment est-ce que peut faire la défense ? On constate une sorte d’instrumentalisation de la Norme 55 dans la pratique et une réelle mise en difficulté de la défense. La solution idéale résiderait très certainement dans une mobilisation raisonnée et raisonnable du dispositif pour qu’il soit mené dans le but pour lequel il a été institué, tout en évitant une mise en difficulté absolument pas nécessaire de la défense afin que la Cour puisse répondre aux standards de respect de la défense que l’on attend de la part d’une telle institution. Je vous remercie.
Discussion
Vaios Koutroulis
§27 On a eu des visions plutôt positives à l’égard de la Cour, tant en ce qui concerne l’examen préliminaire où tout serait question au juge d’application des règles juridiques, que par rapport au droit applicable où on nous disait qu’avec un peu d’attention, tout ira bien. De l’autre côté, on a eu une vision plutôt critique dans l’application de cette fameuse Norme 55 et la requalification qu’elle implique. Vous avez maintenant la parole celles et ceux qui souhaiteraient poser des questions.
Eric David
§28 Merci de me donner la parole. Je voudrais réagir. Je pourrais réagir aux trois exposés, mais je me limiterais uniquement au dernier, sans trop de surprise pour ceux qui me connaissent. Autant j’apprécie les critiques qui ont été adressées à la Norme 55, autant personnellement, je vous dis tout de suite que je suis totalement favorable à cette norme. Je trouve qu’il y a dans l’histoire de la jurisprudence pénale internationale, un certain nombre de jugements qui sont de véritables scandales, je n’ai pas peur du mot, de véritables scandales parce que justement, il y a eu des mauvaises qualifications. Exemple, l’affaire Rwamakuba au TPIR, les affaires Ntagerura et Bagambiki au TPIR. C’étaient des gens qui étaient ministres ou préfets dans le gouvernement génocidaire, qui ont pu être acquittés parce qu’effectivement, on n’avait pas pu démontrer qu’ils étaient sur des barricades, occupés à haranguer des foules, occupés à haranguer des milices avec des machettes à la main, disant « Tuez-les, tuez-les », alors qu’il y avait une responsabilité personnelle évidente de ces gens qu’on aurait pu faire valoir simplement par le jeu de l’entreprise criminelle commune qui, en l’occurrence, est restée totalement sous le boisseau. Je crois que dans ces conditions, la Norme 55 permet justement de réparer, dans une large mesure, ces situations. C’est vrai que c’est un problème pour les droits de la défense, mais à condition, comme l’a très bien observé la Cour européenne des droits de l’homme, je crois dans l’affaire Pelletier, où elle a dit qu’il faut évidemment que la défense soit en mesure de pouvoir s’exprimer à ce sujet. L’opinion dissidente de ma compatriote collègue, et néanmoins amie, Christine Van Den Wyngaert dans l’affaire Katanga, ne m’a pas du tout convaincu. D’ailleurs, dans le Liber Amicorum qui lui était consacré, je n’ai pas hésité à lui dire ma façon de penser à ce sujet. Elle m’a simplement répondu qu’il fallait qu’on en discute, mais je n’ai toujours pas reçu la raison de cette discussion. Je crois que vraiment si on veut que justice soit faite, conformément au principe selon laquelle iura novit curia, la Cour connaît le droit. Hélas, bien souvent, elle ne le connaît pas. Elle croit le connaître, mais elle ne connaît rien du tout. C’est triste à dire, mais c’est comme ça. On l’a encore vu récemment, j’en parlais hier ici avec un autre des participants, à propos d’une affaire en Belgique, mais comme vous ne connaissez pas cette affaire, je ne vais pas entrer dans les détails, où il y avait parfaitement moyen de modifier la qualification des faits qui étaient en cause et on ne l’a pas fait. Résultat des courses, le défendeur, en l’occurrence l’État belge, a pu échapper ainsi à une quelconque condamnation qui pourtant eût été largement justifiée si on avait appliqué correctement le droit. Le problème, c’est ça, justement. À partir du moment où le procureur ne fait pas ce travail, c’est souvent le cas, il faut que la Cour puisse éventuellement corriger le tir à ce moment-là. Merci.
Eugène Bakama
§29 Merci. Eugène Bakama. Ma question s’adresse à Monsieur Proli. Ma question concerne la durée des examens préliminaires. Comme vous le savez, pour la Côte d’Ivoire, vous avez mis sept ans pour arriver à mener des enquêtes, dans d’autres situations aussi, comme le Nigéria. Je voulais savoir pourquoi, au niveau du Bureau du Procureur, les examens préliminaires prennent autant de temps. Je ne sais pas si vous avez des solutions pour résoudre ce problème de la durée. Merci.
Martyna Fałkowska-Clarys
§30 So my question goes for Rogier. When I was listening, I was wondering whether you thought there would be differences in how International Criminal Court and the tribunals, the different bodies, interpret or appreciate the strictness of IHL rules when they deal with armed groups or when they deal with official State armies, and whether the Court would have a specific approach if or when it gets its hands on high-ranking officials and State armies and whether there would be an influence, according to you, or not. Thank you.
Paolo Proli
§31 Merci pour ces questions très pertinentes. C’est une question qui a été soulevée par plusieurs commentateurs. La réponse la plus directe, c’est parce qu’il y a un problème de moyens à la base. Juste pour donner ma perspective. Nous travaillons sur un examen préliminaire. Nous sommes 12 analystes. Les examens préliminaires demandent quand même un examen rigoureux d’un certain nombre de critères. Il y a évidemment une correspondance, une problématique entre la disparité de moyens et la charge de travail. Après, comme vous le dites, vous soulevez le problème de savoir si par rapport à ça, si j’ai bien compris, c’est une question de cohérence dans les examens préliminaires. Il faut d’abord préciser le cadre. Le Statut de Rome, c’est quelque chose qu’on a clarifié dans notre document de politique générale, n’impose aucun délai pour mener à bien un examen préliminaire. Il s’agit d’un examen qui est mené par le procureur en fonction des critères qui sont les siens. Cet examen, en fonction des circonstances, prend un délai plus ou moins important. Ce qu’on essaie de faire, c’est d’expliquer les démarches et les examens accomplis pour essayer d’être les plus transparents possible. Pourquoi un tel examen préliminaire — c’est le cas de la Palestine, de la Géorgie — prend un certain temps ? C’est dans les prérogatives qui sont les nôtres, mais c’est un effort qu’on fait systématiquement. On le fait dans le rapport annuel qu’on publie, chaque année, pour expliquer les activités qu’on a menées et on le fait dans toutes les occasions pertinentes, donc en consultation avec les États Parties, en consultation avec les organisations non gouvernementales. Il y a des analyses sur un angle plutôt académique sur le problème de la durée de l’examen préliminaire. Il faut savoir, ce sont des choses qui sont un peu méconnues, je pense, y compris de la Chambre même, que c’est un travail qui exige un examen très rigoureux des critères qui sont les nôtres. J’ai un exemple, encore une fois comme c’est le cas pour Rogier. Je suis ici en ma qualité personnelle. Comme vous le savez sans doute, récemment, la Chambre préliminaire a décidé que les allégations concernant les affaires des crimes contre l’humanité commis à l’encontre des Rohingyas pouvaient déclencher la compétence de la Cour dans la mesure où le crime de déportation dans l’État du Bangladesh qui appartient au Statut de Rome. Il a ordonné au bureau du procureur qu’il souhaite voir finir l’examen préliminaire dans un délai raisonnable. Or, le Statut fonde notre compétence, comme on l’a dit dans notre communication, on va devoir partir de là pour notre examen préliminaire, mais l’examen reste à mener sur tous ces aspects que j’évoquais, donc la compétence. Un crime a été commis, un crime relevant de la compétence de la Cour dans les territoires ressortissants d’un État Partie. Ensuite, sur l’examen qui porte sur la responsabilité. C’est un élément de défi particulier parce que comme vous le savez sans doute, souvent, les examens préliminaires qui ont pris des délais, ce sont des examens préliminaires où un effort de dialogue avec les autorités nationales s’installe ou un effort de suivi des procédures menées au niveau national. Ce sont des critères qu’il faut bien considérer lorsqu’on se penche sur la question de la durée de l’examen préliminaire. Le cadre est précis. Nous avons aussi une responsabilité. On va essayer de faire au mieux et d’expliquer comment on applique ces critères en vue du délai que prend l’examen préliminaire. Merci.
Rogier Bartels
§32 The first aspect is the strictness of the IHL rules if they’re interpreted… I think there’s no doubt that international criminal courts and tribunals approach questions of IHL with an ICL lens, and sometimes this is not the correct lens because they have different rationale. An example is the declassification of armed conflict, where the jurisdiction of the tribunals derives from the fact that there has to be an armed conflict, (internationally in humanitarian law apart from) the few peacetime, rules apply only in times of armed conflict, so you need an armed conflict for war crimes to have been committed, and with the ICTY, you even need an armed conflict as a jurisdictional requirement for crimes against humanity to have been committed. So, they really wanted to find that there was an armed conflict, and for example in Boškoski/Tarčulovski, that case, there was real doubt whether or not the facts as proven represented the existence of a non-international armed conflict, but because this was only raised at the end of the trial, no judge or anyone in their right mind was going to find that no armed conflict existed because then the entire trial would have been void. So the threshold for armed conflict has been set quite low, and initially the ICRC always supported this: in his original commentaries were saying that Common Article 3 had to be applied as widely as possible, but this was when IHL only had a restrictive function and nowadays international humanitarian laws actually often relied on its enabling function to target extraterritorially and to sort of use their right to kill even though IHL doesn’t give you a right to kill, it just has the combatant immunity. But that’s what this relied on, and that’s not always taken into account in international criminal law, and the same with the issue of active participation. The Appeals Chamber in Lubanga clarified that active participation as it was applied by the Trial Chamber should be read in the context of Article 8 in any case, the child soldier crime, and for that reason may be broader than the concept of active participation into international humanitarian law. This is, of course, odd, because it based on international humanitarian law, even though this particular crime is actually not so much based on international humanitarian law, but it was relied on a lot and they relied on the Paris Principles in a lot of human rights law aspects in that case. So, there is a tendency to broaden IHL rules which the military side of the laws of armed conflict wants to keep indeed stricter, but I think it makes sense because of the different approaches. When it comes to State armed forces and armed groups, we haven’t really had a situation, of course, to look into this (with you). In the situation, the Prosecution did not charge war crimes, even though in my view it could have, and maybe it would have been easier, but this was, of course, the first state armed forces where it could have been otherwise addressed. If you look at the ICTY where State armed forces were used, or State-like armed forces, the VRS in Bosnia Herzegovina situation, you see that because of the ethnic aspect of the conflict, the assessment generally kind of just skipped the IHL assessment and steps that you would have to take in relation to targeting, for example in the siege of Sarajevo, and it was generally just kind of like “well, they did this because they were Bosnian Muslims”, and it wasn’t so much the aspect of were they civilians or were they potentially fighters, etc., and the discussion on proportionality or a disproportionate use of force in relation to some shelling incident was kind of… it was disproportionate because the Muslims only fired like one shell, and then they fire 30 in response, but that’s obviously not what IHL proportionality is about. But today, they kind of skipped over that, so where you have normally in IHL the discussion, shoot an armed force that has better and more precise weapons, (so it is supposed to be) held to a higher standard. In principle, you can be discriminated (when you have to), of course. So yes, IHL does require that, but how that would have to be dealt with in a criminal trial has not come up, although you do see aspects where the Defence issues whether you can raise IHL matters as a defence, like saying: “it was a legitimate target” or that it was “collateral damage”. It’s also raised in the situations that we’ve dealt with at the court, in Katanga for example, at some point the Defence made a submission on something having been proportionate, like: “there was collateral damage”, but this related to the use of a machete and you can’t possibly cause collateral damage with a machete, of course, it’s not like you can, well, maybe accidentally hit someone there when you wanted… but still it’s not… So the IHL sometimes is also just used by criminal lawyers in the context of the trial, but equally then used for situations where the actual fighting is not so much regulated by international humanitarian law but it’s purely used as a retrospective means to come to a form of accountability. The fact that they charged war crimes, I mean, that was just a fall back option in case that they couldn’t get a conviction for genocide or crimes against humanity because what was happening on the ground really went against the entire rationale of international humanitarian law that you only do whatever is militarily necessary, and, of course, the pure attacking of a group of civilians in order to wipe them out goes entirely against the idea of what is militarily necessary, so IHL can’t be used to regulate the fighting itself, if it’s even fighting, the violence itself. But it has been used retrospectively to kind of mould it into a way that you have criminal responsibility. One interesting aspect recently, of course, in relation to how you would have, because I don’t think there’s an official policy in place at least at the moment, because we haven’t (headed) and the Prosecution may have a policy in place but it won’t be public yet, in how to deal with high-ranking officials of a state army. If you look at Bemba, the majority in the Appeals Chamber judgement recently, and of course, the command responsibility is a mode of (labelling) that derives from international humanitarian law, it’s kind of imported into international criminal, doesn’t exist on the national level because of international humanitarian law Article 86 or 87, I think, additional Protocol I. There, you see that the majority reflected on this aspect whether you could hold Bemba as the commander of a non-State actor to the same standard in terms of reporting and punishing as a member of a State enforcer, and I think there you will see in the future. So, it’s more about the mode of liability, I think, that there may indeed be a divergence between how the practice assesses the conduct of members of armed groups versus state enforcers.
Jennifer Prades
§33 Monsieur le professeur David, je partage aussi votre avis favorable de la norme 55, surtout parce qu’elle mérite d’avoir une petite place, en tout cas, dans la procédure. Elle est utile, cette norme 55. Elle est utile, parce qu’en plus elle fait écho aux standards de preuve extrêmement difficiles lors du procès, le fait pour les juges de devoir prouver au-delà de tout doute raisonnable, donc il faut absolument s’assurer de l’exacte qualification juridique des faits. Elle permet de réparer, de corriger. En fait, je pense qu’il faudrait trouver un point d’équilibre entre le but de cette norme 55 et la manière dont elle est mise en œuvre, puisqu’on voit qu’elle met en péril les droits de la défense. On le voit bien dans l’affaire Katanga. Quand on a presque 18 mois de retard dans la procédure, puisque la norme a été activée six mois après la fin du procès, soit quatre ans à peu près après la confirmation des charges, ça pose un réel problème. Il faudrait trouver un point d’équilibre entre le but de cette norme et la manière dont elle est mise en œuvre. Il faut qu’elle soit bien faite et qu’elle assure un principe de cohérence entre l’accusation et la sentence, comme c’est préconisé dans l’affaire Fermín Ramírez de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Et je pense qu’elle mérite d’être utilisée de façon respectueuse et en évitant une mise en difficulté des droits de la défense. Elle en gagnerait certainement en crédibilité et en légitimité aussi.
Patryck Labuda
§34 Patryck Labuda, New York University. Juste une petite question pour Paolo Proli concernant la légitimité des examens préliminaires. Ça rejoint un peu une question qui a été posée hier. Ça concerne aussi la durée, mais quand vous dites que le cadre légal est précis, ça m’étonne un peu, j’avoue. Parce que la réalité, c’est qu’il n’y a pas de cadre légal pour les examens préliminaires. Il y a juste une mention dans l’article 15-6 du Statut de Rome. Si on regarde les négociations en 1998 et avant, les examens préliminaires ne faisaient pas partie des négociations. C’est vraiment un développement dans la pratique du Bureau du Procureur. Ça s’est manifesté en quelque sorte après 2003, et maintenant c’est devenu vraiment fondamental pour la Cour ; on est tous d’accord. Le problème est que le Statut de Rome nous en dit très peu sur le processus lui-même. Quand on parle du cadre légal, on parle en fait de quelque chose qui a été inventé par le procureur. Le procureur a créé certaines règles pour elle-même, et maintenant elle les applique. Elle est procureur et juge en ce qui concerne l’examen préliminaire, je pense, brièvement, mais c’est plus compliqué que ça. Disons que la légitimité de cette procédure est controversée, notamment en ce qui concerne la durée. La question que je voudrais vous poser, c’est : est-ce qu’au niveau du bureau du procureur, il y a une discussion sur ça ? Est-ce qu’on se pose cette question ? Est-ce qu’on réfléchit sur la manière dont on exécute les examens préliminaires, et notamment sur la durée ? Ce serait peut-être utile d’avoir de l’aide de la part des juges. Ce serait peut-être plus légitime si les juges pouvaient intervenir et dire au procureur qu’il faut faire comme ça ou comme ça. Ça, c’est une première chose. Est-ce que vous pensez que c’est une bonne idée ? Et est-ce qu’il y a une discussion au sein du Bureau du Procureur qui se fait à ce niveau-là ? Une deuxième question très rapidement. Ce que vous faites dans l’examen préliminaire, est-ce que c’est quelque chose qui continue après le lancement d’une enquête ? Parce que ce que vous avez très bien décrit dans votre présentation, il me semble que dans les conflits qui continuent, ça devrait continuer. Par exemple, en RDC, le gouvernement continue à commettre des violences contre les gens là-bas — pour prendre un exemple, mais ce n’est pas le seul exemple. Est-ce que l’examen préliminaire continue, en quelque sorte, après que l’enquête soit lancée ? Merci beaucoup.
Julian Fernandez
§35 Merci beaucoup. Julian Fernandez, Paris 2. Peut-être une opinion partiellement dissidente avec ce que Patryck vient de dire. Si l’idée, c’est que le procureur, au stade de l’examen préliminaire, sollicite davantage les juges, mais sur quelles bases ? On ne va pas reparler ici, on ne va pas refaire la situation des Rohingyas, mais je suis plutôt d’accord avec l’opinion dissidente de Marc Perrin de Brichambaut. Il n’y a pas d’avis consultatif possible en principe. Ce serait peut-être dans un cadre plus informel.
§36 Mais deux observations toujours pour Paulo Proli, et je le remercie aussi de sa liberté de ton. Sur les examens préliminaires, je suis tout à fait d’accord. C’est le génie du premier procureur. Il en a eu quand même un peu, il faut le dire. C’est son génie, c’est d’avoir inventé ici un stade qui n’existe pas dans le Statut de Rome. L’expression même d’examen préliminaire, vous l’avez dit, n’est mentionnée qu’à une reprise. Les pouvoirs en théorie du Bureau du Procureur à ce stade sont très faibles. Recueillir quelques informations, solliciter, mais ne surtout pas enquêter. Or, le Bureau du Procureur a trouvé ici une formidable occasion de faire du naming and shaming, d’avoir une communication offensive, de publier des cartes, de publier des rapports, de sous-diviser son examen préliminaire en différents stades, bref d’en faire un levier de pression sur les États. Alors, on peut le regretter et on peut s’en étonner. Ce qui est certain, c’est que si les États avaient su, à Rome, ce que le Bureau du Procureur ferait publiquement de l’examen préliminaire, aucun doute pour moi qu’ils l’auraient davantage contraint. Je pense que ç’aurait été juste, d’ailleurs ne serait-ce qu’au regard de l’intérêt ici d’avoir un contrôle de la Chambre préliminaire sur ses activités, sur ce qu’il a fait, de manière sui generis, de l’examen préliminaire. Il y a quand même un vrai problème de légitimité. Il n’y a certainement pas un cadre légal, en tout cas ici, à mon sens.
§37 Ma deuxième observation, toujours sur la pratique du Bureau du Procureur, est en lien avec l’article 12-2, qui est central — on le sait — dans le Statut de Rome : les conditions préalables à la compétence. Ce qui peut peut-être étonner, c’est qu’on voit qu’au fil des ans se développe une interprétation très extensive du critère de rattachement territorial, et dans le même temps une interprétation très restrictive du critère de rattachement personnel. Le rattachement territorial, la situation des Rohingyas, sur le fond, c’est tout à fait discutable. Qu’il y ait un élément d’une infraction sous-jacente du crime contre l’humanité qu’il suffise ici pour établir la compétence de la Cour au regard de la situation, je suis désolé, c’est tout à fait discutable. Pour le rattachement personnel, en revanche, considérer au regard de la situation au Levant que le fait que des ressortissants français ou britanniques soient impliqués à un stade élevé dans des katibas de l’État islamique n’est pas suffisant, en revanche, pour aller plus loin, pour ouvrir un examen préliminaire. Ça aussi, on peut le discuter. Donc, ma question était : est-ce qu’au sein du Bureau du Procureur, ça suscite — et je vous remercie de votre liberté de ton — des réflexions et des discussions, voire des disputes ? Merci beaucoup.
Julie Goffin
§38 Merci. C’est directement en lien avec les deux précédentes interventions. J’en ai parlé hier, la fameuse décision du 15 novembre dans les dossiers Comores avec justement l’introduction d’un délai de six mois. Je sais que c’est un cas un peu particulier, mais il y a en fait une décision de la Chambre préliminaire qui donne injonction au procureur de rendre une décision dans les six mois. Dans ce dossier, le procureur avait rendu une première décision de ne pas ouvrir d’affaire et les juges de la Chambre de première instance reprochent au procureur d’avoir laissé passer plus de deux ans entre le refus de possibilité d’appel de la première décision de la Chambre qui s’est prononcée sur l’explication du Procureur, et la deuxième décision du Procureur. Les juges disent que c’est inadmissible. Depuis le début, cet examen préliminaire traîne. Il y a eu deux ans dans une phase de procédure, dans laquelle le Procureur aurait dû prendre une décision beaucoup plus rapidement. J’ai parlé hier du préjudice qui en résultait pour les victimes, mais indépendamment de ça, les juges disent que ça ne répond pas à l’obligation du procureur de respecter un délai raisonnable. Donc, on lui donne injonction maintenant de se prononcer, encore une fois, sur sa décision dans un délai de six mois. Donc, je voulais voir un peu votre impression par rapport à ça. Je sais que vous avez demandé à pouvoir interjeter l’appel de la décision, donc j’espère que vous ne nous direz pas que vous ne pouvez absolument pas vous prononcer sur le dossier, mais je voulais voir si vous y voyez encore une forme montante ou grimpante de contrôle de la Chambre préliminaire sur l’action du procureur, dans la façon dont il gère les examens préliminaires. Merci.
Public
§39 So, my question is for Jennifer and thank you for bringing to life such a technical matter. From a Defence perspective, clearly this is a matter that in other tribunals also we see with concern as setting a very difficult precedent in case law. And you know, I really agree with Professor about the fact that it’s a very useful tool, but it needs to have a very limited correctional role, in the sense that the two important aspects we need to see are the extent to which the charges are changing and then the timing, as was really pointed rightly by Jennifer. But I also, from a Defence perspective, agree that we need maybe a better charging from the Prosecution, but this has led to the other side where, in the ongoing case, Defence is facing 70 charges. I really don’t know how these people are working to prepare against 70 charges, which is also a clear fishing expedition. So, if this does not work, then we go to something else and somehow maybe they’re going to avoid the recharacterization because they’ve included everything that is in the Rome Statute in 70 charges. So, I would like your comment about the two sides of recharacterization, but also maybe too much of alternative charging basically.
Jenifer Prades
§40 Je vous remercie pour cette question. En fait, c’est tout l’enjeu de cette norme 55. On a des garanties qui sont posées dans le texte, mais malheureusement ces garanties, les juges ont été, au départ en tout cas de l’activation de la norme 55, à tâtonnements. Aujourd’hui, on constate dans l’affaire Gbagbo le danger de cette norme 55, avec la pratique des charges alternatives, couplée avec la potentialité de requalification, qui fait que la défense doit faire face à une multitude, notamment, de modes de responsabilités, en plus qui parfois sont antithétiques — on le disait dans l’affaire Katanga, pour le mode de responsabilité confirmé puis requalifié, à titre d’auteur principal confirmé et à titre de participant requalifié. Donc, c’est tout l’enjeu. Dans les dernières affaires, en tout cas dans les affaires Ongwen, Ntaganda et Al Mahdi, la norme 55 n’a pas été activée. Et le procureur a affirmé au moment de la phase préliminaire, notamment dans l’affaire Ntaganda, que confirmer les charges sous plusieurs modes de responsabilité favorisait l’efficacité judiciaire et réduisait le risque perturbateur de la norme 55, si tant est qu’elle ne soit pas activée à un stade ultérieur de la procédure, à sa demande ou à la demande des juges.
Vaios Koutroulis
§41 Mais la question, je pense, était plutôt : est-ce que finalement on n’a pas le même effet perturbateur pour la défense qu’à la norme 55, avec cette multiplicité de qualifications ? Donc est-ce qu’on ne fait pas finalement la même chose qu’on ferait avec l’article 55, en listant 70 crimes dans le cas d’Ongwen ?
Jenifer Prades
§42 Oui, c’est justement ce à quoi on fait face, à une réelle mise en difficulté de la défense, ce qui laisse un peu planer le doute, et une certaine mise en difficulté de la présomption d’innocence aussi, notamment dans ces procès-là, où la défense doit faire face à tout ce qui est… je ne suis pas avocate, mais ce qui je pense, est très compliqué.
Paolo Proli
§43 Merci. Beaucoup de questions, j’essaierai d’y répondre avec un caveat, que vous pouvez déjà imaginer, à savoir, encore une fois, je suis ici dans ma qualité personnelle, mais je vais essayer quand même de vous présenter quelques perspectives, pas forcément du point de vue du Bureau, mais de mon point de vue, travaillant aussi dans le Bureau du Procureur. Et donc pour clarifier, ce que je voulais dire, c’est que l’exercice des examens préliminaires est un exercice qu’on peut qualifier de légaliste. Après, je ne suis pas sûr que ce soit le bon terme en français, mais légaliste dans le sens où le processus se base sur l’interprétation d’un certain nombre de critères juridiques, sur la base d’un processus qui est aussi un processus juridique. Or, je comprends très bien la question de Patryck, et il faut dire aussi que la structure de l’examen préliminaire — vous l’avez présentée comme un institut prétorien de création du Procureur — a été cautionnée, dans les critères juridiques qui sont analysés, plusieurs fois par la Chambre, notamment dans le cadre des autorisations pour des enquêtes, dans plusieurs situations, où l’analyse de la part du Bureau, dans la demande d’autorisation d’enquête, s’est penchée précisément sur ces critères, qui sont des critères ensuite détaillés sur la base de nos documents de politique générale.
§44 Et pour ce qui concerne en particulier — parce que je pense à un aspect qui permet d’en illustrer d’autres — l’aspect de la durée des procédures, la durée d’examen préliminaire, — ça a été évoqué aussi par rapport à la décision récente des Comores, sur laquelle encore une fois ma possibilité de m’exprimer est limitée — je crois qu’on est dans une dynamique semblable à ce qui s’est passé déjà, je crois, en 2005 par rapport à la Centrafrique, à savoir que la Chambre avait prié le Procureur (elle l’avait convié à une status conference) et ensuite aussi essayé, ou de toute manière indiqué que l’examen préliminaire devait être complété sans délai, dans un délai rapide. Et dans ce même cas — comme peut-être certains d’entre vous se souviennent — le Bureau du Procureur a gardé ses prérogatives sur l’interprétation de l’article 53. Et pourtant, il a présenté le rapport sur la conference status, en exprimant le souhait que les décisions puissent être prises aussitôt que possible, dans les meilleurs délais. Pour ce qui concerne la décision de la Chambre, je pense qu’on est dans un contexte semblable. Ça veut dire que dans ce cas-là, la Chambre de première instance dit que « notre reconsidération des critères pertinents n’a pas été faite selon leur idée de critères pertinents », ils nous donnent un délai de six mois, je ne peux pas ni prévoir l’avenir ni dire ce que le Bureau va faire, mais on est dans un cas tout à fait similaire. C’est dans ce contexte qu’on peut comprendre par certains égards — passez-moi le terme aussi — des « power struggle » par rapport à ce type de dynamique.
§45 Et il y avait un autre point sur lequel je voulais répondre, c’est l’aspect du rattachement territorial et rattachement personnel. C’est complexe, dans le sens où la Chambre, comme vous le savez, avec l’opinion dissidente du juge français, ils ont autorisé notre demande, ils ont donné suite à notre demande en ce qui concerne l’affaire des Rohingyas et entre Bangladesh et Myanmar, ce qui n’exclut pas que nous, en tant que Bureau du Procureur, on applique les mêmes critères sur des situations qui portent sur l’élément ratione personae. Or, en avril 2015, le Bureau du Procureur a publié un « statement », une déclaration de la part du procureur, qui explique pour quelle raison la situation concernant les crimes allégués d’ISIS n’a pas abouti à l’ouverture d’un examen préliminaire. C’est toujours la situation aujourd’hui, je m’occupe directement de ce dossier. C’est vrai qu’il y a des allégations que des ressortissants d’États Parties, y compris des Belges, des Français, des Anglais, des Jordaniens, auraient fait partie des rangs d’ISIS, à un certain niveau de responsabilité aussi. Mais ça ne suffit pas sur la base des noscritères et aussi les politiques de poursuite, dans le sens où dans le cas de figure, beaucoup de ces personnes-là ont été depuis éliminées par des raids de la coalition, d’autres ont fait l’objet de procédures domestiques dans les États concernés. Et lorsqu’il s’agit de viser les responsables, qui ne font pas forcément partie du commandement de l’organisation — qui était en large partie irakienne et syrienne, qui sont des États non Parties au Statut de Rome — notre politique prévoit qu’effectivement ceci puisse être fait dans la mesure où ceci permet de remonter à des responsables principaux. Or, on est dans un cas de figure différent de ce qui se passe avec le Royaume-Uni. Là, potentiellement, il y a une marge de manœuvre beaucoup plus importante, parce que potentiellement on peut remonter jusqu’au commandement de l’armée et aux leaders civils. Pour Daesh, c’est très différent parce qu’on a affaire à une organisation qui, dans son organigramme, sur la base des informations à notre disposition, est largement composée de ressortissants d’États qui ne sont pas parties au Statut de Rome. Donc, je comprends très bien, mais dans ce qui est notre effort, c’est justement dans la mesure où c’est compatible avec la responsabilité (proactive) d’un Bureau du Procureur, c’est d’essayer de clarifier quels sont les critères qui sont appliqués dans toutes ces situations, qu’il s’agisse d’un crime commis sur le territoire d’un État partie, ou bien par un ressortissant d’un État partie. Et la situation, par ailleurs, des crimes allégués de Daesh fait toujours l’objet d’une analyse. Il n’y a pas d’examen préliminaire en tant que tel, il fait toujours l’objet d’une analyse, justement pour voir si effectivement, sur la base de la politique des poursuites et des critères du Statut de Rome, la situation pourrait faire l’objet d’un véritable examen préliminaire de la part du Bureau.
Rogier Bartels
§46 The issue with preliminary investigations is not really dealt with in the Rome Statute, but it’s not the only thing, there are many gaps in the Statute. The State Parties didn’t realise that there was going to be a lot of work spent on that issue. It goes from Article 61 to 62, kind of assuming that after the pretrial stage the next day the trial will start. But in reality, this is a year, a year and a half, and that period is entirely unregulated under the Rome Statute and there are many important decisions issued in that period about the preparation of witnesses, etc. And the aspect of the Regulation 55 kind of comes in there as well, because you have this issue: prior to confirmation, the charges are owned by the Prosecution, then they’re up to the commencement of trial and we’ve had litigation as to when does a trial commence. Is that after a year and a half or the day after the confirmation when it’s handed over to the Trial Chamber? It was decided it’s really due with the opening statement when the charges are read to the accused, so this could be a year after the confirmation, or longer. Then the charges only become owned by the Trial Chamber. So, prior to that period, you don’t even need Regulation 55 because it’s the Pre-Trial Chamber, which can just modify the charges. But yes, there is a lot where there’s kind of gaps and the interesting thing with the preliminary investigation stage, of course, is because there’s no case, there’s no suspect or accused who is represented, so it’s the States that may raise an issue on behalf of the victims. But then if it’s not, you need to legalize it in order to be able to test whether it was done correctly. One aspect in closing but bringing it to my own presentation, when it comes to Ongwen, 70 counts is of course in part also because it’s the fragmentation of international crimes. One killing can fulfil four different counts of murder as a crime against humanity, murder as a war crime, persecution or one shell fired can feed five or six counts, if it’s also destruction of property, intentionally directing an attack against the protected object. So, one of the important things, same with Regulation 55, is notice, of course, and there it’s important that all the participants not necessarily work together in the sense Prosecution has to charge properly, the Defence has to contest it if it’s not clear, so then the relevant Chamber can actually pronounce on it, because it’s the conduct that the Defence, of course, is defending about, so a raid on one village can include 20 counts but it might still be a one-hour raid on one village. So, the notice, that’s the important thing and it involves all parties that need to be diligent there.