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Volume 8

La réécriture de jugements : repenser l’art de juger

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Introduction

§1 Dès lors qu’un jugement a été rendu, son texte est, en principe, définitif ; le rôle de la littérature juridique se cantonne généralement à critiquer un jugement donné. Il en va différemment de la réécriture de jugement, dont la démarche consiste non seulement à discuter et à critiquer un jugement donné, mais à en proposer une nouvelle version, en révisant le texte du jugement, y compris les arguments apportés, le raisonnement, ou encore le langage employé. Ainsi, la réécriture se caractérise par le fait que les autaires endossent virtuellement le rôle de juge et recréent – en d’autres termes, iels réécrivent – des jugements existants à partir de cette position1.

§2 Au cours des dernières années, les projets de réécriture des jugements se sont multipliés, avec l’émergence et l’aboutissement de Feminist judgment projects ou Critical judgment projects à travers le monde anglophone, principalement dans des pays de droit commun (common law)2. Ces projets ont rassemblé des personnes avec des expériences, expertises et points de vue différents, animés par la volonté de participer à un effort créatif, à savoir s’attaquer à un certain nombre de jugements existants et en proposer une version différente, notamment en mobilisant des cadres théoriques féministes et critiques. Ces démarches collectives ont également accordé une place importante à la réflexion à propos des objectifs, possibilités et limites de la réécriture de jugements. L’un des éléments-clés qui ressort de nombreux projets est que l’exercice de la réécriture permet de mener une réflexion critique très riche à propos du rôle de la personne qui juge ainsi que la manière dont sa positionnalité sociale, son positionnement théorique et sa posture influenceront son analyse juridique. Ces considérations sont aussi pertinentes en dehors du cadre de la réécriture de jugements et peuvent par exemple nourrir une réflexion plus générale à propos du rôle des juges, de leur impossible neutralité et de la figure des juges « engagé·e·s ».

§3 Nous estimons qu’il est aujourd’hui possible de concevoir la réécriture comme une véritable méthode juridique, à savoir un « ensemble ordonné de principes, de règles, d’étapes, qui constitue un moyen pour parvenir à un résultat »3. En effet, même s’il n’y a pas une « marche à suivre » et que les réécritures mobilisent des cadres théoriques et stratégies variables, on peut identifier un certain nombre d’éléments qui caractérisent la majorité des réécritures. C’est précisément l’objectif du présent article : analyser les contours de la réécriture, comprise comme une méthode juridique novatrice, d’abord de manière générale, puis en examinant ses caractéristiques principales. Notre démarche est dans une large mesure descriptive. Nous souhaitons exposer en détail la réécriture et la façon dont elle est mobilisée et mise en œuvre dans les différents projets qui en font leur objet. Il s’agit dès lors de contribuer à mieux faire connaître cette méthode qui reste encore largement inconnue de la littérature francophone. Notre démarche n’est cependant pas dépourvue de vision analytique. En effet, au-delà de leur seule description, nous avons mobilisé de nombreux projets de réécriture afin d’en extraire les points saillants, les constructions et les mécanismes, qui constituent à notre sens les éléments substantifs de cette méthode juridique novatrice. Ces points ressortent de l’analyse de l’ensemble des projets publiés jusqu’en 2023 à l’aide de grilles de lecture4 et constituent le fil rouge – les différentes sections et sous-sections – de notre article.

§4 Notre analyse a fait ressortir deux caractéristiques principales au cœur de la méthode : réfuter la neutralité du droit et questionner le rôle des juges d’une part, et récréer et réimaginer le droit en réécrivant des jugements existants d’autre part. Après une brève présentation historique de la méthode, dessinant ses contours de manière générale, ce sont précisément ces deux caractéristiques principales qui constitueront le cœur du présent article. Nous exposerons notamment comment ces caractéristiques sont concrétisées à l’aide de différentes stratégies.

L’émergence de la réécriture de jugements comme méthode du droit

§5 La méthode de la réécriture des jugements – initialement et encore aujourd’hui majoritairement une réécriture féministe des jugements (d’où l’appellation courante des Feminist Judgments Projects5) a été inaugurée au début des années 2000 par le Tribunal des femmes canadien6. Un collectif de personnes avocates, universitaires et militantes a ainsi décidé de constituer une Cour suprême « alternative », se donnant comme tâche de juger une nouvelle fois plusieurs affaires que la Cour suprême canadienne avait connues, cette fois-ci en donnant priorité à la notion d’égalité, définie à l’article 15 de la Charte, et en interprétant celle-ci comme visant une égalité substantielle plutôt que formelle. Pour chaque affaire, le Tribunal des femmes du Canada est parvenu à une conclusion différente du jugement d’origine. Ses efforts ont été acclamés, y compris par des juges, et ont été considérés comme une démonstration de l’art du possible : une argumentation et une issue certes différentes, mais pas moins « crédibles » ou réalistes. En d’autres termes, ces jugements réécrits ont dessiné un résultat auquel la Cour suprême canadienne aurait très bien pu parvenir, si seulement sa composition et la posture de ses juges avaient été différentes.

§6 Par la suite, la méthode de la réécriture de jugements s’est répandue, le Tribunal des femmes canadien ayant inspiré aussi bien des réécritures isolées que des projets collectifs de réécriture, qui ont vu le jour en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Écosse, en Inde, en Australie ou encore en Nouvelle-Zélande7. Selon les projets, des personnes praticiennes du droit, militantes ou académiques y ont participé. Aux projets s’inscrivant dans les méthodes féministes du droit se sont ajoutés d’autres se réclamant d’autres approches critiques du droit, voire des projets animés par une volonté plus générale de réconcilier des analyses et cadres théoriques du droit avec leur mise en pratique. Ces projets sont regroupés sous l’appellation de Critical judgment projects8. Dans le cadre du présent article, nous nous intéressons principalement aux projets de réécriture féministe, tout en prenant aussi en compte les projets ayant adopté d’autres approches critiques. Ces projets, qu’ils se réclament d’une approche féministe, queer, autochtone ou encore écocentrée du droit, ont en commun l’ambition de proposer une mise en pratique et l’application concrète d’approches critiques, et, par ce biais, de créer un terrain fertile pour une réflexion critique au sujet de l’art de juger.

§7 Ainsi, loin de constituer un exercice de « fiction académique »9, la réécriture cherche au contraire à créer des liens entre théorie et pratique. En appliquant des préceptes issus des approches critiques – et notamment féministes – du droit, à une situation concrète, la réécriture vise d’abord à concrétiser la théorie par son application effective. Elle tend ensuite à démontrer que le recours à des approches critiques peut changer la manière de raisonner en droit : il n’apporte pas seulement un éclairage nouveau sur une affaire, mais peut modifier le raisonnement, voire l’issue d’un jugement (à savoir, son résultat final). Ce faisant, la réécriture permet de tester la mesure dans laquelle les approches théoriques résistent à leur confrontation avec la réalité d’un jugement et les contraintes que ce cadre apporte ; elle permet aussi de démontrer que le droit n’est pas neutre, mais est au contraire le résultat de divers facteurs, dont font partie la positionnalité sociale et le positionnement théorie adopté – consciemment ou inconsciemment – par les juges. Parce que les autaires prétendent réfuter l’idée de la neutralité du droit, la méthode crée aussi un terrain fertile pour la réflexion sur le droit et sa création par voie jurisprudentielle, sur l’art de juger et le rôle de juge ; elle participe par ailleurs à la démystification du droit, en rendant visibles ses diverses influences.

§8 Forte de son ancrage dans les approches féministes et critiques, la méthode de réécriture sert alors de moyen pour perturber l’autorité unique des tribunaux et de la prise de décision juridique, tout en s’appropriant les codes juridiques qui restent, pour leur part, incontestés10. À cet égard, les autaires de réécritures adoptent différentes approches, qui s’apparentent plus ou moins à l’exercice judiciaire qu’iels qualifient de « traditionnel » ou de « conventionnel »11. Celui-ci comprend un ton, un langage, un raisonnement, une forme et des principes juridiques distincts. Autrement dit, la rédaction de jugements est interprétée comme un genre particulier soumis à des contraintes qui lui sont propres, au sein duquel les autaires s'efforcent de naviguer, pour parfois s’en éloigner12. Alors que l’art de juger traditionnel diffère selon les contextes sociaux, économiques et politiques, les autaires de réécriture s’entendent généralement pour lui attribuer les éléments suivants : la référence aux autorités juridiques et aux règles procédurales existantes, la prétention à une certaine dignité dans le ton employé, ainsi que l’adoption d’un style d’écriture franc et équitable13. De plus, les autaires de réécritures dénoncent une prétention des jugements à être le résultat d’un raisonnement neutre et d’une logique systématiquement rigoureuse14. S’ajoute à ces éléments l’évacuation de formes de personnification de la personne juge15.

§9 Si la pratique de réécriture est intrinsèquement subversive, remettant radicalement en question le droit comme l’art de juger, il existe des différences considérables entre les réécritures quant au respect des contraintes imposées à l’époque du jugement initial réécrit16. Ainsi, certaines réécritures choisissent de respecter fidèlement les contraintes juridiques et institutionnelles existant au moment où le jugement d’origine a été rendu. Mobilisée de cette manière, la réécriture permet aux autaires de démontrer la viabilité d’arguments ou de raisonnements alternatifs, dans le respect des contraintes imposées par un système qu’il n’est parfois pas nécessaire d’anéantir pour rendre des décisions différentes17. À l’inverse, d’autres réécritures choisissent de se défaire de ces contraintes. Libéré·e·s des contraintes de forme et de contenu inhérentes à l’exercice judiciaire – le langage juridique employé18, les normes régissant la preuve ou les règles de procédure plus généralement, la constitution du tribunal, etc. –, ces autaires mobilisent la méthode de réécriture comme une stratégie efficace pour remettre en question l'hégémonie des principes inhérents aussi bien à la posture de juge qu’au droit lui-même, en se les réappropriant19.

§10 Notre analyse a permis de mettre en lumière deux caractéristiques principales que nous examinerons successivement dans ce qui suit. La première caractéristique des réécritures est de réfuter la neutralité du droit et, ce faisant, de s’interroger de façon critique sur le rôle des juges. Cette interrogation critique est notamment possible parce que la réécriture renverse le monopole des juges en impliquant d’autres personnes dans la création du droit, fût-il fictif, et, par ce biais, contribue à démystifier et à démocratiser le droit. Elle est aussi facilitée par le fait que les autaires, en s’imaginant à la place des juges, s’imposent l’adoption d’une posture réflexive, qui s’interroge sur la positionnalité sociale et le positionnement théorique des personnes à l’origine d’une décision. La seconde caractéristique de la réécriture est de récréer et réimaginer le droit, et, par la même occasion, mener une réflexion sur les biais structurels sous-jacents aux règles de droit et au raisonnement juridique. Elle s’exprime à travers la réécriture proprement dite, à savoir la création d’un nouveau jugement. Dans ce processus, les autaires mobilisent diverses techniques afin d’imaginer une application concrète des préceptes issus des théories critiques, comme une prise en compte accrue du contexte ou encore une révision du langage ou du raisonnement judiciaire.

La réfutation de la neutralité au cœur d’un exercice réflexif

§11 La méthode de réécriture tient pour acquis que la fonction de juger est une performance qui n’est ni apolitique ni impartiale20, rejoignant en cela les méthodes critiques du droit, parmi lesquelles les approches féministes en font partie. Elle reconnaît que la manière de raconter un récit juridique et la personne qui le raconte sont autant des facteurs qui influencent le résultat. La méthode est donc basée sur la conception de l’exercice judiciaire comme une application de la règle juridique par une personne juge qui n’est ni neutre ni objective21. Ainsi, une réécriture implique d’être conscient·e du fait que la perspective qu’un·e juge apporte à une affaire est induite par son expérience de vie, son éducation, sa formation professionnelle, ses croyances, le contexte social dans lequel l'affaire se déroule, sans compter la dynamique entre les différentes parties actrices impliquées. La réécriture sert d’outil critique du droit pour remettre en question le principe de neutralité que les autaires associent à l’art de juger conventionnel, et permet d’offrir une vision différente des prémisses conventionnelles de l’art de juger22. Elle est dès lors une mise en application des théories critiques du droit.

§12 S’inspirant notamment du scepticisme féministe concernant l’impartialité des principes et des méthodes juridiques, la réécriture est plus attentive que les jugements originaux au fait que les idées d’apparence objective sont basées sur des opinions qui ne sont pas toujours explicitées, mais qui répondent aux besoins et aux normes dominantes23. Sur ce point, Harriet Samuels écrit que chaque juge a sa propre opinion ; les féministes sont tout simplement plus honnêtes et ne cherchent pas à incarner une prétendue neutralité judiciaire. Les autaires Bridget J. Crawford, Kathryn M. Stanchi et Linda L. Berger renchérissent sur ce point en écrivant que les jugements réécrits qui adoptent une perspective féministe mettent les juges au défi de comprendre les divers éléments influençant leur propre perspective et d’envisager des points de vue ou des approches différents24. Le concept de biais n’est pas propre à la méthode de réécriture, mais constitue un thème général propre aux théories féministes25 ; en revanche, la réécriture permet de rendre visibles les biais et influences sous-jacentes au droit et de les analyser de manière critique, tout en mettant les autaires au défi de reproduire l’exercice judiciaire en rendant une décision écrite, avec les contraintes que cet acte implique nécessairement.

§13 Alors que l’adoption de la méthode de réécriture par un·e autaire peut servir de multiples objectifs, nous avons ciblé l’une des priorités qui ressort le plus souvent de notre analyse. Il s’agit de démontrer l’impact de la perspective située des juges qui est informée par le genre, la race, la classe, la religion, la capacité, la nationalité, la langue et l’orientation sexuelle26. Cette perspective (souvent non reconnue dans les décisions originales) peut être cruciale pour le raisonnement et l’issue des affaires. En ce sens, la méthode de réécriture tient pour acquis que l’opinion des juges peut influencer la jurisprudence autant que la règle du « stare decisis »27.

§14 Dans cette prochaine partie de l’article, il sera question d’aborder la manière dont la méthode de réécriture permet de contester l’omnipotence de la figure de juge par la « réimagination » et la « réinvention » des jugements en mobilisant le concept de performativité justifiant la subversion ou la révision des normes propres à l’art de juger. Pour ce faire, les autaires de réécriture rejettent et défient le mythe de neutralité propre au processus judiciaire traditionnel en mobilisant une diversité de pratiques réflexives. Il s’agit de révéler leurs biais, leurs choix, leurs motivations et leurs défis rencontrés. Le principe de point de vue situé permet de reconnaître et de repenser la positionnalité sociale des juges, en plus de la mobilisation assumée des cadres théoriques militants.

Une méthode réflexive

§15 La méthode réflexive est au cœur de la réécriture. Elle infuse la réécriture autant qu’elle la justifie. Tout ce que la réécriture permet est le résultat factuel de ce que la réflexivité engendre de prise de conscience et d’analyse chez les autaires. Les réécritures de jugements s’accompagnent généralement d’un commentaire qui explicite l’ensemble des éléments influant sur le jugement, compris à la fois comme un texte, mais aussi comme un ensemble d’actes, voire une performance28. Selon les cas, celui-ci est rédigé par la personne responsable de la réécriture ou par une autre personne chargée de commenter. Cet effort de rendre transparents les différents éléments informant le processus de création d’un jugement, et de les analyser de façon critique, est au cœur de la réécriture de jugement et de son approche réflexive. Cette réflexivité vise à rendre compréhensible pour le lectorat la façon dont la conception que les juges se font du droit influence leur décision, l’analyse de la preuve, la considération des faits, le ton employé et la forme rendue du jugement. Elle permet aussi de rendre compte des codes ou des normes adoptés, repensés ou rejetés par l’autaire. Autrement dit, il s’agit de réfléchir à la façon dont l’autaire incarne ou performe la posture de juge : celle-ci peut être très réaliste, proche des expériences habituelles, ou plus imaginative, en proposant de nouvelles manières de concevoir l’acte de juger et son produit, le jugement. Ce travail démontre qu’une décision n’est pas uniquement le fruit des contraintes de l’époque, elle résulte également de choix, produits d’influences incarnées par un·e juge que la posture réflexive propre à la réécriture permet d’identifier clairement29.

§16 Nous qualifions la méthode de réécriture de « réflexive », puisqu’elle implique une prise de conscience et une visibilisation des croyances et des valeurs des juges, et donc d’exposer des réflexions qui sont traditionnellement passées sous silence dans les jugements30.

§17 En d’autres mots, la méthode de réécriture implique une réflexion sur la nature et le rôle de la personne juge dans le raisonnement judiciaire, tout en suggérant des façons dont la neutralité avouée d’un tel raisonnement peut être efficacement contestée par l’adoption d’une posture, d’un ton ou d’une voix judiciaire alternatifs31.

§18 Ce mouvement de contestation et de démystification de la figure emblématique de la personne juge est d’ailleurs mené à son paroxysme dans le Scottish Feminist Judgments project32. Pour ce faire, iels mobilisent des méthodes alternatives et créatives de rédaction juridique, de raisonnement et d’interprétation du droit écossais en revisitant notamment « les pratiques d’exclusion du pouvoir juridique [traduction libre] »33. Plus précisément, les autaires de réécriture se questionnent sur les différentes façons d’incarner l’exercice judiciaire et l’art de juger en repensant la place des juges et des juristes plus généralement dans la justice, ainsi que le rôle que pourraient jouer les personnes non-juristes dans ces décisions34. Ce processus réflexif interroge alors jusqu’au médium même du droit, soit la langue. Ainsi, dans le cadre du Scottish Feminist Judgments Project, le processus de réécriture proposé sort du domaine strictement juridique en examinant le droit sous un angle artistique et performatif. Les contributions d’artistes sous la forme de réécritures, comme des toiles ou des photographies, servent à réfléchir à la complexité éthique et à l’impact des décisions judiciaires sur les personnes35. Par exemple, les histoires des victimes ont été racontées, à travers l’art, d’une manière à impliquer le public et les autaires prenant le rôle de juge dans ces histoires humaines36. De manière générale, les images et les interprétations non académiques et non textuelles des jugements servent à réfléchir aux implications et aux façons d’incarner la posture de juge en se détachant des nécessités de langage37.

§19 Dans tous les cas, les réécritures visent à mettre en évidence les raisons qui justifient les choix des différentes composantes constituant leur proposition d’une vision alternative du jugement choisi. En plus de démontrer comment une réécriture s’écarte ou non de l’art de juger traditionnel, la méthode réflexive mobilisée par la majorité des autaires permet également de questionner et de réfléchir à la posture de juge quant aux éléments concrets qui motivent leurs choix ; ce qui entraîne des questionnements sur leur identité ainsi que sur leur ancrage théorique.

La reconnaissance de la positionnalité sociale des juges

§20 L’adoption d’une posture réflexive par la plupart des autaires de réécritures permet de comprendre et d’identifier les choix différents qu’iels ont apportés au raisonnement juridique ou à l’issue du jugement initial. En adoptant la posture de juge, certain·ne·s autaires justifient ces décisions en revendiquant une vision différente, distincte, influencée par leur positionnalité sociale. Pour cette raison, le cœur des réflexions qui émanent des pratiques réflexives propres à la méthode de réécriture repose sur le principe de point de vue situé, dont l’objectif est de reconnaître et de remettre en question les valeurs culturelles et les relations de pouvoir qui contribuent à la subordination ou à l’oppression de certains groupes sociaux. Issue des épistémologies féministes, la théorie du point de vue situé attire l’attention sur les connaissances qui découlent des conditions et des expériences communes, sans pour autant essentialiser les caractéristiques des membres du groupe en question (par exemple, le fait d’avoir des ovaires ou d’être blanc·he·s)38.

§21 Or, l’épistémologie des savoirs situés et des questionnements sur le point de vue situé se retrouve également dans d’autres courants épistémologiques, tels que ceux des études décoloniales et autochtones39. Le premier courant reconnaît que la « localisation géopolitique »40 à partir de laquelle on s’exprime donne accès à un type de savoirs particuliers tout en y questionnant « la suprématie de la science positive et du discours de la modernité »41, ainsi qu’en s’opposant à « l’idée d’universalisme et de neutralité portée par l’épistémologie occidentale »42. Le concept de colonialité du savoir propre aux épistémologies décoloniales consiste à hiérarchiser les « savoirs occidentaux considérés comme supérieurs à tous ceux qui lui sont extérieurs »43. Ce concept sert à critiquer la hiérarchisation des « savoirs occidentaux considérés comme supérieurs à tous ceux qui lui sont extérieurs »44. La posture décoloniale prône la pluriversalité et rejette la notion d’universalisme en valorisant l’abolition de la suprématie occidentale et la décolonisation du savoir. Dans le cas de l’épistémologie autochtone, la théorie du point de vue situé consiste à reconnaître que les expériences individuelles des personnes (particulièrement les femmes) autochtones sont particulières en raison des oppressions croisées produites par les conditions sociales, politiques, historiques et matérielles. Il s’agit également de reconnaître leur résistance en tant que sujets féminins autochtones souverains, en plus des différences culturelles respectives entre communautés autochtones45.

§22 Dans le cadre de réécritures de jugements, le principe de point de vue situé permet de critiquer le fait que les expériences marginalisées n’ont pas servi de référence aux catégorisations juridiques dominantes46. Les autaires reconnaissent également que les juges qui interprètent le droit représentent souvent des membres du groupe dominant, et cherchent à mettre la lumière sur les connaissances et les expériences des membres des groupes subordonnés47. Ainsi, un ensemble d’autaires profitent de la réécriture de jugement pour proposer une façon de rejeter la neutralité judiciaire, mais également de faire de la place aux voix invisibilisées par le droit48. Ainsi, telle qu’une performance, les autaires s’approprient l’art de juger afin de rendre explicite et de reconnaître leur propre positionnalité sociale marginalisée à titre de juge en mobilisant le concept de point de vue situé49. Cette stratégie est souvent utilisée pour revendiquer une décision moralement et politiquement engagée qui a comme objectif de produire un autre mode de raisonnement valide compris à travers une posture identitaire différente par rapport aux critères d’objectivité, d’impartialité et de neutralité rattachés à l’exercice judiciaire traditionnel50.

§23 De cette façon, la plupart des autaires de réécritures justifient leur processus et leur raisonnement par l’idée que les identités des juges influencent leurs décisions. Pour ces raisons, certain·ne·s plaident en faveur de l’inclusion des personnes concernées par les problématiques juridiques traitées lors des procès afin d’assurer une diversité dans les identités représentées sur le banc des juges. Leur raisonnement s’explique par l’idée qu’il y a des perspectives à partir desquelles, aussi bien intentionnée qu’une personne puisse être, les relations réelles des humains entre eux et avec le monde naturel ne sont pas visibles51. En effet, dans l’introduction du Australian Feminist Judgments : Righting and rewriting law, Heather Douglas, Francesca Bartlett, Trish Luker et Rosemary Hunter écrivent : «[s]ome of the chapters in this collection illustrate that women who speak from an identity informed by an intersection of their sex and race, or sex and sexuality, may bring unique, and perhaps disruptive, ideas about judging and the meaning of justice »52. En citant l’ouvrage d’Erika Rackley, elles reconnaissent que les différents expériences, bagages et identités affectent la façon dont la personne juge remplit son rôle53. Selon ces dernières, un système judiciaire plus diversifié améliorerait la qualité de la justice ; ce qui implique notamment les voix autochtones, immigrantes ou encore provenant de classes économiques marginalisées. Alors que l'expérience de celleux qui sont marginalisé·e·s a été dévalorisée ou ignorée dans la création et l’interprétation du droit par les juges, elle devrait être considérée comme une source pertinente d’informations et d’objectivisation.

§24 Étant donné la diversité des réécritures, il n’existe pas une unique manière prescrite de mettre en pratique l’essence des caractéristiques de la méthode de réécriture. On constate néanmoins que, contrairement aux réécritures féministes, celles qui mobilisent des approches autochtones ont tendance à mettre en pratique le principe de point de vue situé de manière assez directe dans le corps du jugement réécrit : les juges reconnaissent leur propre identité autochtone54. Cette mention a comme objectif de justifier une compréhension plus accrue de certains enjeux juridiques qui touchent les communautés autochtones ou de la manière dont elles définissent la justice.

§25 Par exemple, certaines réécritures faisant appel à des approches autochtones tentent de rendre visibles les rapports de pouvoir, les perspectives historiques autochtones et les actes de résistance en faisant état des expériences personnelles des autaires55. Dans la réécriture Members of the Youth Yorta Aboriginal Community v Victoria, Marcelle Burns se présente au début du jugement comme suit : « I am a Gomeroi-Kamilaroi woman. My family connections are to Bingara on the Gwydir River in north-west New South Wales. My grand-mother was a member of the stolen generations – her removal from Country meant that we were denied the opportunity of learning language and culture »56. Similairement, dans la réécriture « Intersectional Theory: Where Gender Meets Race, Ethnicity and Violence », Megan Davis se présente comme une « Aboriginal and Indigenous woman »57. Puis, en parlant d’une posture de juge, d’un point de vue situé et de son expérience personnelle en tant que femme autochtone, cette dernière explique que certains de ses choix diffèrent du jugement initial puisqu’elle est elle-même sensible aux expériences des membres de minorités culturelles et ethniques par rapport aux institutions gouvernementales58. Dans sa réécriture de ACCC v Keshow 59, Heron Loban se présente comme un « Indigenous judge »60. Il ajoute que lorsque les parties impliquées sont autochtones, « the bench must include an Indigenous judge »61.

§26 Un autre exemple du point de vue situé autochtone est celui de la réécriture Kartinyeri v Commonwealth par la professeure Irène Watson62. Cette dernière refuse de prendre la posture de juge, puisqu’elle la considère comme irréconciliable avec une position de souveraineté autochtone. Dans les mots de Kathy Bowrey, chargée de rédiger un commentaire sur cette réécriture : « To understand the High Court challenge from and Aboriginal women’s perspective, and in particular to appreciate Watson’s response to it, it is necessary to go beyond the singularity of the conventional legal framework »63. Ainsi, dans ce cas précis, la reconnaissance du point de vue situé de l’autaire comme femme autochtone l’empêche de réécrire un jugement de manière traditionnelle. Elle écrit : « [t]he rewriting of the judgment of Kartinyeri in accordance with the methodology of this project would not prise open places for Nunga women because the rewriting needs to be done from ‘another space’, outside the jurisdiction of the Australian common law »64.

§27 À leur tour, les réécritures autochtones du projet provenant de la Nouvelle-Zélande développent une méthode de réécriture qui leur est propre, inspirée du Mana Wahine, dont l’objectif est de placer les femmes Māori au centre du projet. Māmari Stephens écrit que pour cela, il est nécessaire d’adopter une posture intersectionnelle parce que les réalités des femmes Māori sont complexes et nécessitent une analyse qui reconnaît à la fois leur vulnérabilité, mais également leur force de résistance65. En apprenant comment le droit est pensé et interprété par les juges, les autaires utilisent leurs jugements réécrits afin de critiquer la common law, mais démontrent aussi de manière pratique une façon d’aborder le processus judiciaire à partir de perspectives différentes. Dans cette optique, le Mana Wahine permet de mobiliser les outils juridiques traditionnels de la rédaction de jugement, tout en puisant dans les valeurs et les pratiques Maōri.

§28 À titre d’exemple, afin de réconcilier le fait que les femmes Maōri ne se sont jamais reconnues dans les textes juridiques dominants ou encore dans les fictions créées par les peuples colonisateurs, l’autaire de réécriture Māmari Stephens reconnaît l’identité autochtone de la plaignante en lui adressant directement les premiers mots du jugement. Elle reconnaît son statut et son pouvoir en tant que tangata whenua66. De cette façon, la prise en considération des expériences de vies marginales des femmes Maōri conduisent à remettre en question l’adéquation des cadres conceptuels que le droit a conçus pour s’expliquer et expliquer le monde qui l’entoure.

§29 Cependant, il parait nécessaire de souligner que l’appartenance, réelle ou revendiquée, à la communauté concernée, n’est pas à elle seule la garantie d’une analyse appropriée. Certes, la promotion d’un système judiciaire plus diversifié est susceptible de faire une différence dans la prise de décision sur le fond67. Cependant, l’identité d’une personne juge n’assure pas à elle seule une analyse mettant en lumière les voix oubliées et les injustices inhérentes au droit68. En effet, des recherches ont démontré que des juges femmes n’optent pas nécessairement pour un cadre d’analyse féministe et/ou qui prend en compte de manière générale les inégalités croisées telles que la classe sociale, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’ethnicité, etc.69.

§30 Certain·ne·s autaires nuancent l’importance de la positionnalité sociale pour générer les connaissances qui informent le jugement, et soulignent l’importance du positionnement théorique adopté par les personnes juges70. À ce propos, les autaires insistent sur le fait qu’une argumentation juridique informée par une positionnalité sociale ou un positionnement théorique mobilisant des approches critiques n’est pas moins « valide » qu’un autre. Suivant le concept d’« objectivité forte »71 développé par Sandra Harding, une analyse critique d’une décision ne peut se faire que du point de vue de celleux dont la vie a été marginalisée par le droit. Toutes les personnes doivent être intégrées dans les efforts de promotion de redéfinitions de la justice « pour des raisons scientifiques et épistémologiques, mais aussi morales et politiques »72. L’objectivité forte exige « que le sujet de la connaissance soit placé sur le même plan critique et causal que l’objet de la connaissance ». Dans le cas des autaires de réécriture, cela implique une réflexivité sur leur positionnalité sociale, mais également sur leurs propres croyances et les influences du positionnement théorique choisi73. En effet, si l’on reconnaît qu’une personne juge ne peut pas rendre une décision impartiale en s’affranchissant et en transcendant tout intérêt, valeur ou agenda politiques, il est important d’analyser non seulement son identité (sa positionnalité sociale), comme nous venons de le voir, mais aussi les principes théoriques qui motivent son interprétation et son analyse, à savoir son positionnement théorique74.

La justification d’un positionnement théorique alternatif

§31 Une autre stratégie propre à la posture réflexive qu’adoptent les autaires de réécritures est de reconnaître et de justifier un positionnement théorique différent de celui du jugement initial, inspiré d’approches critiques du droit75. De cette façon, iels démontrent à la fois comment rendre une décision qui respecte les exigences procédurales et déontologiques de la justice, par exemple l’impartialité, tout en rejetant la prétendue neutralité judiciaire. Iels exposent aussi la manière dont le cadre théorique choisi représente une posture fertile à travers laquelle il est possible de penser l’intégration des voix et perspectives marginalisées à travers le droit et la jurisprudence. Les autaires reconnaissent le fait que la positionnalité sociale d’une personne fixe des limites à ce qu’elle peut savoir – surtout les situations dominantes quant à leur incapacité à générer des postures critiques sur les croyances établies. Or, les autaires sont aussi d’avis que la positionnalité sociale ne devrait pas les limiter pour autant à un rôle précis76. Autrement, les juges qui n’incarnent pas certaines identités pourront prétendre ne pas être en mesure de produire des analyses féministes intersectionnelles ou qui mobilisent un cadre d’analyse ancré dans les théories et les réalités autochtones.

§32 En s’opposant et en réfutant les normes sociétales en ce qui a trait à la moralité ou à l’identité, les théories queer démontrent qu'il n’est pas possible de prétendre à des canons universels77. Au contraire, il est préférable d’adopter une pratique « d’autofiction »78 par laquelle les individus décident comment se conduire en s’engageant de manière critique et créative – plutôt qu'en endossant de manière automatique ou inconsciente – dans des codes de conduite. En ce sens, la méthode de réécriture est considérée par les autaires de réécritures comme étant un canevas parfait pour expérimenter la posture de juge qu’iels associent à l’expression d’un pouvoir colonial, sexiste, hétéronormatif, anthropocentriste et capacitiste, à partir de différentes postures marginalisées79. Beaucoup d’autaires ayant déployé la méthode de réécriture en ont notamment profité pour proposer de nouvelles façons de redéfinir le principe de neutralité et d’objectivité juridique qu’iels identifient comme étant des composantes propres à l’art de juger traditionnel. Pour ce faire, iels ont opté notamment pour un processus réflexif de manière à révéler et à revendiquer l’adoption d’un positionnement théorique précis pour l’obtention d’un résultat plus juste ou équitable80. Suivant la critique de Sandra Harding, bien que le principe du « point de vue situé » puisse être à même de produire un raisonnement juridique moins biaisé par le l’opinion dominante, cela n’est pas suffisant81. L’argument unique d’un privilège épistémique exclusif – qu’il soit celui de femmes ou d’opprimé·e·s cumulant différentes conditions –, à lui seul, risque d’échouer à produire des éléments normatifs permettant d’identifier la posture adéquate à adopter pour un·e juge82.

§33 Dans le même sens, Nicole Rogers et Michelle Maloney sont d’avis que l’idée du point de vue situé propre aux réécritures féministes et autochtones est limitée dans le cadre d’une réécriture qui tente de mettre en lumière la voix d’entités non-humaines, comme le fait le Wild Law Project83. Autrement dit, en mobilisant la perspective du Wild Law « [i]t is, arguably, a more challenging entreprise for human ‘juges’ to move beyond the confines of our own human-centered concerns and to try to imagine and read law from the perspective of other non-human species or even from the perspective of Earth »84. De plus, toute tentative de parler à la place d’un·e autre, en particulier lorsqu’il n’est jamais possible de découvrir ce que l’autre pense ou ressent, est intrinsèquement problématique si l’effet est de réduire au silence les voix des autres et les remplacer par celles plus privilégiées qui ont le pouvoir de parler85. Or, cela n’empêche pas les autaires d’explorer « les implications de l’adoption d’une vision culturelle du monde différente pour la prise de décision judiciaire », en plus d’adopter un cadre théorique qui conteste la place de l’humanité au centre des notions de justice existantes86. En effet, Nicole Rogers écrit que les personnes chargées des réécritures (majoritairement des juristes académiques), réussissent quand même à performer le droit différemment afin d’atteindre des résultats centrés sur la nature87. Le cadre théorique du Wild Law exige un engagement actif dans l’activité de juger, puisqu’en tant qu'autaires de réécritures, iels imitent le processus réel de jugement mais aussi, de manière importante et subversive en s’écartant du texte original qui fait autorité88. Il s’agit notamment d’adopter une posture théorique qui respecte toutes les entités, le bien-être des espèces non humaines, le changement climatique, tout en reconnaissant les intersections avec les droits autochtones (sans être autochtones elleux-mêmes)89.

§34 Dans le même ordre d’idées, plusieurs autaires ont mobilisé la méthode de réécriture dans l’objectif de proposer des pistes de solutions pour harmoniser les tensions existantes entre les cadres critiques employés et l’exercice de rendre un jugement90. Alors que certaines féministes sont d’avis que le langage, les méthodes et les procédures juridiques sont « fondamentalement anti-féministes »91, la plupart des autaires de réécriture reconnaissent plutôt cette méthode comme une nouvelle forme de critique juridique. En s’engageant dans une critique détaillée des décisions et en présentant une analyse alternative des questions et des principes juridiques en jeu, iels revendiquent le fait que leur réécriture ne représente pas qu’un exercice académique, mais pourrait avoir des implications réelles (notamment parce qu’un tribunal réel pourrait reprendre les suggestions d’une réécriture à son compte)92.

§35 Dans le cas des réécritures qui adoptent un cadre d’analyse féministe, Kate Fitz-Gibbon et Jane Maree Maher écrivent ceci : « feminist judgments necessarily require some uncomfortable compromises with unjust gendered institutions »93. Máiréad Enright, Julie McCandless et Aoife O’Donologuen ajoutent qu’en réarticulant certains principes juridiques qui favorisent le maintien de l’oppression sexiste, la réécriture offre des façons pour les juges d’évacuer les récits disculpatoires de violence facilités par le maintien de l’ordre et le renforcement des normes de genre binarisées94. Par exemple, ces dernières dénoncent le fait que les tribunaux ont perpétué une forme de violence à l’égard des victimes de violence conjugale en véhiculant certains stéréotypes par rapport au manque d’agentivité de la femme.

§36 Certes, il existe des incohérences entre les théories féministes et les principes qui régissent la méthode de rédaction traditionnelle de jugement ; c’est-à-dire le fait de conclure à une décision finale sans équivoque, d’offrir une description minimale des faits, ainsi qu’une parcimonie dans l’explication du raisonnement95. D’une manière similaire, la méthode de réécriture autochtone conteste le fait qu’il existe une seule vérité universelle, alors qu’il y a certainement des opinions différentes ou des dissidences96. Contrairement au principe de rédaction de jugement habituellement basée sur la production d’une seule opinion vainqueur, ces deux cadres théoriques favorisent plutôt le dialogue et la nature adaptable selon les différentes intersections en jeu97. D’autres limitations relevées par les autaires de réécriture est celle procédurale et celles relatives aux problématiques soulevées par les parties qui ne sont pas toujours les mêmes que celles identifiées par la personne juge féministe ou qui mobilise des perspectives autochtones par exemple98.

§37 Malgré tout, les autaires de réécriture ont développé des stratégies afin de tempérer ces divergences. Tout d’abord, iels favorisent généralement un processus plus transparent, susceptible de faire l’objet d’un débat et réflexif99. Par exemple, en optant pour un cadre théorique queer dans sa réécriture de R v McNally, Alex Sharpe argumente que cela nécessite d’être prêt·e à comprendre l’analyse juridique comme potentiellement provisoire et toujours susceptible d’être révisée ou modifiée, même remplacée100. Elle écrit ce qui suit : « [w]hile judgment-writing requires finality, at least in relation to present facts, subject to appeal, it is important to construct a judgment, to the maximum extent possible, in such a way that sexual and gender futures are not foreclosed »101.

§38 Un autre moyen d’intégrer des cadres théoriques généralement délaissés ou dévalorisés par le droit est de mobiliser la règle de prise de connaissance d’office et de faits sociaux communément connus (« judicial notice »)102. Cette règle permet aux tribunaux de prendre connaissance « de questions qui sont tellement notoires, ou clairement établies, ou susceptibles d'être démontrées par référence à une source facilement accessible et faisant autorité, que la preuve de leur existence n’est pas nécessaire »103. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Janna Promislow dans sa réécriture de Reference re Haida Nation v British Columbia (Minister of Forest) en se référant à des principes juridiques autochtones sans prouver qu’ils peuvent être reconnus valides en droit canadien. L’autrice reconnaît que la couronne se doit de respecter ses obligations en vertu du « Haida law »104. Dans cette même optique de pluralisme juridique, les autaires de la réécriture de Ruka v Department of Social Welfare ont reconnu d’office les principes coutumiers Maōri en matière de mariage105. En endossant l’idée que la tradition du positivisme juridique n’est pas politiquement neutre, les autaires de réécriture cherchent à élargir l’éventail des connaissances communes en matière de droit et à corriger l’ignorance, les suppositions infondées et les préjugés antérieurs que les cadres théoriques choisis tentent de déconstruire ou de critiquer106. La méthode de réécriture est utilisée comme moyen de mettre de côté des modes de pensée et des paroles dominants afin d’obtenir des résultats concrets qui ne renforcent pas le statut quo.

§39 En conclusion, il ressort de ce que nous venons d’exposer qu’une des caractéristiques propres à la méthode de réécriture est de repenser la figure juridique emblématique et mystique de la personne juge en rejetant le principe de neutralité et d’objectivité juridique à travers les concepts de performativité, de réflexivité, de positionnalité et de positionnement. La variété des cadres théoriques mobilisés dans les réécritures démontre une volonté de mettre en marche un processus par lequel les autaires peuvent déloger le paradigme dominant en redéfinissant les fictions anthropocentriques et les stéréotypes qui soutiennent les abstractions juridiques selon un ancrage théorique différent107. Ceci nous mène à la partie suivante, dans laquelle nous nous attarderons à la réécriture proprement dite, à savoir la décision judiciaire réécrite, et aux différentes stratégies déployées dans ce contexte par les autaires pour repenser le droit – ou en tout cas certains principes et normes – de façon critique et en proposer une vision alternative.

La décision réécrite, une façon de réimaginer le droit

§40 Comme nous l’avons indiqué en début d’article, la réécriture se caractérise par le fait qu’elle associe l’analyse critique à une proposition concrète, à savoir le jugement réécrit, l’idée étant de se servir d’un cadre théorique afin d’imaginer et concevoir le droit autrement. Cette (re-)création du droit, ou en tout cas de certaines règles ou certains principes juridiques, se fait en quelque sorte « de l’extérieur », à savoir par des personnes qui n’occupent pas une fonction officielle, mais endossent le rôle de juge pour les besoins de l’exercice. Diverses stratégies sont ainsi mobilisées pour imaginer et créer le droit de l’extérieur et ainsi démontrer qu’un autre droit est possible. Dans ce qui suit, nous nous attarderons à trois éléments centraux, chacun composé de sous-éléments, à savoir la recontextualisation des jugements, l’attention particulière portée au langage ainsi que la révision des principes en litige. Chacune de ses stratégies mériterait bien sûr à elle seule une analyse approfondie – nous nous contenterons ici de les cerner à l’égard de quelques exemples choisis.

La recontextualisation des jugements

§41 Une première stratégie permettant de réimaginer le droit et de le recréer différemment dans le cadre d’une réécriture a trait à la contextualisation – ou plutôt à la recontextualisation – des affaires considérées. Nous entendons par cela l’ensemble des éléments qui visent à positionner le jugement dans son contexte sociétal et structurel, et de tendre à ce que le jugement réécrit ne soit pas isolé de ce contexte, mais en constitue au contraire le reflet. Notre analyse se concentrera sur trois aspects. Tout d’abord, la réécriture d’une décision est l’occasion pour les autaires de donner une plus grande place aux éléments factuels entourant la prise de décision et de prendre en compte davantage d’éléments contextuels. Ensuite, cette meilleure prise en compte du contexte entourant la décision peut concourir à la poursuite d’une issue différente. Enfin, l’ancrage de la décision dans son contexte peut s’incarner dans l’adoption de formes de réparation inusitées.

Une plus grande prise en compte du contexte

§42 Un des éléments d’identification des réécritures, régulièrement mis en avant par des autaires de réécritures est celui de sortir d’une approche étroite du cas d’espèce et de tenir compte davantage d’éléments contextuels. En effet, l’idée de « raconter l’histoire d’une affaire de la manière la plus complète et contextualisée possible » est au cœur de ce qui anime les autaires de réécritures108. La réécriture devient ainsi l’occasion de mettre en pratique une revendication au cœur des approches féministes.

§43 La prise en compte accrue du contexte peut prendre diverses formes. Il peut notamment s’agir de simplement mettre en lumière des faits du cas d’espèce délaissés par le jugement d’origine, car jugés non pertinents par celui-ci, mais qui sont en réalité cruciaux dans une perspective féministe. La prise en compte de tels éléments est étroitement liée à ce qu’on appelle le storytelling judiciaire et à la volonté des autaires féministes de raconter ces histoires autrement, en d’autres termes, de créer un narratif alternatif reflétant des expériences, perspectives et voix trop souvent marginalisées109; nous approfondirons cet aspect plus loin sous l’angle de la révision des principes en litige. Une stratégie est d’introduire des connaissances issues de travaux scientifiques, par exemple des sciences sociales, pour complexifier et parfois transformer le raisonnement juridique110.

§44 La réécriture de Ruxton v Lang par Sharon Cowan et Vanessa E Munro illustre ces propos111. La protagoniste du jugement, Fiona Lang, avait été condamnée pour avoir conduit un véhicule sous l’influence de l’alcool à un taux dépassant les limites légales. Fiona Lang avait plaidé à sa défense la nécessité, à savoir qu’elle s’échappait d’une situation de danger, son ex-conjoint avec lequel elle vivait l’ayant menacée avec une arme blanche. Sa défense avait été balayée par le jugement d’origine, et l’appel refusé. Les autaires de la réécriture insistent d’abord sur la situation de violence domestique vécue par Fiona Lang. Cet élément était présent dans le jugement d’origine, mais n’avait eu aucun poids. Il s’agit ici donc de raconter la même histoire différemment, en mettant le vécu de Fiona Lang au centre des considérations. Les autaires vont même jusqu’à préciser les faits dont elles auraient aimé pouvoir tenir compte, mais dont elles ne disposaient pas ; notamment d’éléments plus concrets quant à la relation violente dont Fiona Lang venait de sortir. Les autaires se basent ensuite sur des travaux en sciences sociales pour reconnaître le besoin urgent des victimes de violence conjugale d’accéder à un refuge et décrire les caractéristiques des violences conjugales, qui s’inscrivent souvent dans la durée et présentent généralement une nature cyclique, alternant des phases de violence et de calme relatif en s’intensifiant, le danger allant ainsi croissant. Elles indiquent par ailleurs que la période suivant la séparation est une phase particulièrement risquée, concluant que « it is fair and reasonable to describe the threat as ongoing » 112. Partant, les autaires acceptent que Madame Lang se trouvait bel et bien dans une situation de danger immédiat, ce qui, selon le droit en vigueur, l’autorisait à conduire alors même qu’elle était alcoolisée. Dans cette réécriture, la prise en compte de connaissances scientifiques à propos des violences conjugales permet ainsi une analyse plus complexe de la situation de fait à l’origine des questions juridiques, et, partant, une analyse de l’exigence juridique d’un danger immédiat qui tienne mieux compte des besoins et de la réalité de la personne à l’origine du litige.

§45 Enfin, l’introduction d’éléments contextuels peut aussi prendre la forme d’informations collectées auprès de la société civile. Dans le projet Feminist Judgments in International Law, par exemple, les autaires ont fait référence à des rapports d’organisations internationales qui se trouvent sur le terrain113. D’autres réécritures citent des données statistiques pour démontrer l’ampleur d’un phénomène114. Ce travail permet notamment de mettre en évidence le caractère systémique des injustices subies par certains groupes, ou encore la manière dont certaines normes ou politiques affectent certains groupes de manière disproportionnée, constituant ainsi les bases d’un raisonnement robuste en matière d’égalité et de non-discrimination.

§46 Dans certains projets, l’objectif n’était pas tant de collecter de l’information qui serait directement visible dans un jugement, mais simplement de permettre aux autaires une meilleure connaissance du contexte sociétal dans lequel leurs jugements s’inscrivaient. Ainsi, durant leurs ateliers de travail préparatoire, les personnes participant au Scottish Feminist Judgments Project ont consulté des personnes représentant des organisations féministes afin de les aider à mieux comprendre le caractère unique du paysage écossais en matière de réforme et d’activismes féministes115. Cette démarche met aussi en relief la volonté des autaires de rapprocher le système judiciaire des justiciables, et de créer une justice de proximité, attentive aux besoins des personnes concernées. Dans une visée similaire de rapprochement, certaines réécritures contiennent également des échanges avec les personnes cibles du jugement, ce qui, en plus d’améliorer la connaissance des autaires des réalités vécues par les personnes, est également une manière de faire entendre des voix ou perspectives souvent exclues des arènes judiciaires116.

§47 La réécriture s’efforçant la plupart du temps à respecter les contraintes entourant le jugement d’origine, la question de savoir dans quelle mesure les juges auraient pu tenir compte de ces éléments de contexte constitue une question importante. Ainsi, certain·ne·s autaires analysent en détail les règles procédurales régissant l’établissement des faits. Par exemple, dans un chapitre introductif du projet de réécriture britannique, Erika Rackley expose en détail les contours de la règle du « judicial notice » (connaissance d’office), expliquant, entre autres, que les éléments considérés comme faisant partie de ce qu’on appelle parfois la « culture générale » pouvaient être soulevés d’office par une personne juge117. À ce propos, il est intéressant de relever que dans le cadre de leur réécriture de Ruxton v Lang, Sharon Cowan et Vanessa E Munro se sont assurées, par le biais de consultations d’archives, que les risques liés à la violence conjugale étaient déjà suffisamment connus et faisaient l’objet d’un débat public à l’époque où le jugement d’origine avait été rendu, pour se placer au mieux dans le rôle de l’autorité jugeant en 1998.

La quête d’une issue différente

§48 Une décision cruciale que doit prendre chaque autaire d’une réécriture porte sur l’issue du jugement : la réécriture maintiendra-t-elle le résultat final du jugement d’origine, ou celui-ci sera-t-il modifié ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser à première vue, la réponse ne va pas forcément de soi; la quête d’une issue différente n’est donc pas nécessairement partie intégrante de la réécriture de jugement. En effet, à la différence de la jurisprudence du Tribunal des femmes du Canada, dont le résultat différait à chaque fois du jugement d’origine118, certaines réécritures, tout en ayant modifié le raisonnement, le langage ou encore l’argumentation juridique du jugement initial, débouchent sur la même issue. C’est le cas par exemple dans la réécriture de Desert Palace v Costa ou encore celle de International Union, UAW v Johnson Control, Inc119 dans lesquelles l’issue du jugement n’est pas modifiée. Ce que fait la réécriture n’est pas d’établir une issue autre, mais plus surement d’offrir une opinion divergente. Elle souscrit à l’issue de la décision originale mais parvient à cette fin en mobilisant d’autres principes de droit, en mettant au cœur du raisonnement, d’autres questions de droit.

§49 La question de l’issue du jugement, qu’elle diffère du jugement initial ou non, fait généralement l’objet des éléments explicitement théorisés dans les réécritures. En effet, il s’agit là d’un élément central de cette méthode réflexive, qui procède à une écriture hautement conscientisée. Ainsi, les réécritures expliquent souvent comment et pourquoi leur résultat diffère de celui du jugement d’origine, pourquoi au contraire il correspond au jugement d’origine, et si la décision est en accord avec le cadre théorique employé par l’autaire ou avec ses propres convictions, ou s’il y a au contraire des tensions. Bridget J. Crawford, Kathryn M. Stanchi et Linda L. Berger rappellent par ailleurs que tou·te·s les autaires de réécritures mobilisant un même cadre théorique ne parviendront à la même conclusion, mais plutôt qu’iels sont susceptibles d’apporter une certaine sensibilité au processus décisionnel120.

§50 Parmi les raisons pouvant mener des autaires à chercher une issue différente pour leur jugement figure la volonté de mieux tenir compte du contexte au sens large, non seulement dans le raisonnement du jugement, mais aussi dans ses conclusions. En effet, les autaires de réécritures critiquent régulièrement le manque de considération des juges et d’une grande partie de la doctrine pour les conditions matérielles de vie des personnes appartenant à des groupes marginalisés121. Dans la même veine, iels critiquent également l’absence ou l’insuffisance des réflexions des juges prenant en compte et reconnaissant les conséquences matérielles de la décision rendue sur les parties au litige, voire sur des groupes marginalisés plus largement122. La réécriture est alors l’occasion de remédier à ce défaut de la jurisprudence : ainsi, Erika Rackley observe que la méthode de réécriture ne consiste pas seulement à vérifier le bien-fondé d’arguments théoriques ou abstraits, mais qu’elle permet également de porter une attention à l’impact réel et pratique de ces arguments. Cet impact ne se limite pas uniquement aux parties au litige, mais peut également concerner des communautés marginalisées en tant que telles. Selon Erika Rackley, la réécriture souligne l’importance d’un pouvoir judiciaire qui reflète et qui comprend les communautés qu’il sert123.

§51 La compréhension et la conscience de la communauté visée par la décision, et de ses réalités, nécessitent souvent que soit considéré la quête de formes de réparation inusitées ou à tout le moins peu communes. L’enjeu est ici de permettre à la décision réécrite de répondre à de véritables enjeux communautaires et de traduire une justice ancrée et consciente, de son temps et de son environnement social et communautaire.

La recherche de formes de réparations inusitées

§52 En considérant le contexte sociopolitique dans lequel s’inscrit la décision, la méthode de réécriture appelle parfois les juges à envisager des formes de réparations (remedies) inusitées. Ainsi, les différentes variations identifiées dans les prochaines lignes visent chaque fois à considérer et à reconnaître les conséquences matérielles possibles de la décision rendue sur les groupes et individus marginalisés124.

§53 Il peut s’agir de repenser le rôle des tribunaux en faisant des recommandations très claires au gouvernement. C’est ce que fait Melina Buckley dans sa réécriture de l’arrêt Symes v Canada, qui s’achève en suggérant fortement au gouvernement du Canada de mener une étude portant sur « l’incapacité de l’État de prendre en charge adéquatement la garde d’enfants avec une référence spécifique aux obstacles à l'égalité des femmes portés à l’attention de la Cour dans cette affaire »125. Cette dernière ajoute que « l’étude devrait également porter sur les « conditions de travail des personnes [en charge de fournir] des services de garde d’enfants, en reconnaissant que la majorité de ces [personnes] sont particulièrement vulnérables parce qu’i[·e·]ls sont des minorités racialisées et/ou des immigrant[·e·]s récent[·e·]s au Canada »126. Cette issue de la réécriture suggère ainsi fortement aux personnes en charge une option d’action ce qui n’est pas classiquement présent dans les décisions judiciaires.

§54 Ce cas de figure se retrouve dans la réécriture autochtone de l'affaire Tickner v Chapman, les autaires y font une recommandation au gouvernement de légiférer en faveur de la réconciliation des philosophies et des traditions autochtones avec celles issues du colonialisme, mais également aux tribunaux si ces derniers souhaitent engendrer un début de réconciliation; c’est-à-dire en déployant une interprétation statutaire intentionnelle et une application flexible des principes juridiques administratifs127. Les juges occupent donc un rôle beaucoup plus important que celui de rendre simplement une décision individuelle ou d’appliquer le droit aux faits de manière mécanique. Ainsi, dans les deux exemples présentés, la méthode de réécriture est utilisée pour rendre compte du rôle que les juges pourraient revêtir dans le développement jurisprudentiel, puisqu’iels possèdent la capacité d’agir avec intentionnalité et d’user de la jurisprudence pour influer sur les développements législatifs.

§55 Il peut également être question de reconnaître une imputabilité et une responsabilité aux tribunaux quant à leurs décisions. Dans sa réécriture de l’arrêt Lawrence v Texas, Kris McDaniel-Miccio termine la réécriture en formulant des excuses de la Cour quant aux décisions antérieures ayant eu des effets très violents pour la communauté LGB128. Non seulement l’autaire invalide la loi du Texas puisqu’elle viole la clause de protection de l'égalité, mais elle profite également pour revenir sur l’arrêt Bowers v Hardwick129. Kris McDaniel-Miccio termine en reconnaissant que la Cour doit assumer la responsabilité de la justice, particulièrement en ce qui a trait aux conséquences tangibles sur des personnes. Sa réécriture se conclut sur ce passage touchant :

« We regret our decision in Bowers v Hardwick because its consequences, both direct and indirect, have been devastating. Lawrence and Garner should not have been arrested for violating the Texas statute that we today hold unconstitutional. Further, we must count among those people injured by our opinion in Bowers v Hardwick, the original plaintiff, Michael Hardwick, who was a 28-year-old white man working in a gay bar in Atlanta in 1982 when he was subjected to arrest in his home by a police officer who seemingly had a personal vendetta against him »130.

§56 La stratégie consistant à se saisir de la décision judiciaire pour proposer des formes de réparations inusuelles crée un espace pour repenser la place de la justice et de l’acte de juger, et de l’interrelation entre justiciables et société d’une part, et pouvoir judiciaire de l’autre. Elle permet de souligner la responsabilité sociétale des juges face aux conséquences profondes de leurs décisions, d’insister sur la nécessaire faculté d’auto-critique de l’institution judiciaire, ou encore d’autres éléments jugés nécessaires afin de rétablir un lien de confiance entre juges et justiciables. La stratégie des formes de réparations inusuelles s’inscrit ainsi dans le caractère réflexif de la réécriture : en effet, ces formes de réparation ne seront pas nécessairement possibles selon le droit positif en vigueur dans l’État concerné. Or, le fait d’envisager de telles formes de réparations – et même de les inclure dans le jugement réécrit – ouvre la porte à des réflexions critiques intéressantes sur le rôle, le potentiel et les limites de la justice.

§57 Comme peut le traduire son attachement au contexte que nous venons d’exposer, la réécriture est très surement un exercice de ré-ancrage de la décision dans son monde. À cette fin, le contexte n’est pas le seul élément qu’il faille prendre en compte sérieusement. L’enjeu du langage, du média de communication de la justice est aussi un élément dont se saisit la réécriture de jugement.

L’attention accrue portée au langage

§58 Un élément-clé de la méthode de réécriture est l’attention critique qu’elle porte au langage judiciaire. En effet, l’exercice de la réécriture exige des autaires qu’iels portent une attention particulière au langage, puisque leur tâche n’est pas seulement de critiquer un jugement existant, mais justement de le recréer, tout en évitant les écueils de la version originale. En analysant ainsi de près le langage employé par le jugement original et en réfléchissant de façon critique au langage à employer dans la réécriture, les autaires concrétisent un thème central des approches féministes : la manière dont le langage reflète des hiérarchies et dynamiques de pouvoir, voire les renforce et perpétue131. Des écrits féministes ont par exemple critiqué l’invisibilisation des femmes et d’autres groupes minorisés par le langage, son caractère hétéronormé et androcentrique ou encore la manière dont le langage reflète et perpétue des représentations stéréotypées des genres, et se sont attelés à mettre en lumière des postulats sous-jacents ou croyances implicites qui sous-tendent des discours, pratiques ou encore normes132. Il peut s’agir du langage ordinaire comme du langage juridique, les deux étant bien évidemment intrinsèquement liés. Par exemple, l’opposition entre le rapport sexuel « proprement dit » (« sex »), souvent défini en référence à une pénétration (début) et à l’orgasme masculin (fin) – et les « préliminaires » (« foreplay ») a été cité comme un exemple de cette perspective masculine du langage133 ; une telle perspective est ensuite entérinée dans de nombreuses lois et leurs définitions du viol134. Parfois, elle résulte en l’absence de certains termes ou concepts juridiques : par exemple, le concept même de harcèlement sexuel est le fruit d’un engagement féministe pour la reconnaissance de formes de violence touchant davantage les femmes*. Les biais peuvent aussi être bien plus subtils encore : des autaires féministes ont par exemple souligné que la langue anglaise comptait bien plus de mots différents pour les hommes que pour les femmes, et que ceux-ci étaient davantage positifs, même lorsqu’ils faisaient référence à des situations à première vue équivalentes.

§59 Cet intérêt des approches féministes pour le langage et les biais qu’il véhicule de manière plus ou moins explicite se traduit de différentes manières dans les réécritures. Dans ce qui suit, nous nous intéressons d’abord à diverses méthodes consistant à travailler le langage judiciaire pour nous pencher ensuite sur des projets qui sont allés jusqu’à se défaire du langage juridique et ont eu recours à d’autres moyens de communication. A ce propos, nous employons le terme « langage » pour couvrir les modes d’expression au sens large : toute utilisation de la langue écrite et parlée, mais aussi les arts performatifs ou visuels. Il s’agit dès lors d’exposer non seulement la façon dont la réécriture permet une réappropriation de la langue écrite et parlée, mais permet aussi de se pencher sur la façon dont elle se défait également des contingences linguistiques en ouvrant la porte à l’art135.

Revoir le langage judiciaire et se le réapproprier

§60 En tant que méthode, la réécriture nécessite de porter une attention renouvelée au fonctionnement du langage et constitue ainsi un outil de choix pour mettre en lumière les différentes manières dont le langage véhicule des biais, stéréotypes ou jugements de valeur, puis de le déconstruire et proposer des formulations. Le travail sur le texte constitue ainsi un élément central des réécritures. Toutefois, le rapport au texte du jugement original varie fortement d’une réécriture à une autre : si certaines réécrivent le jugement (pratiquement) en entier, d’autres se cantonnent à supprimer et/ou ajouter quelques paragraphes ou phrases. Dans une réécriture, l’autaire s’est même contenté·e de remplacer une seule expression : « even assuming that [the right to a private and familiy life] applies » devient « accepting that [the right to a private and familiy life] applies », l’autaire expliquant qu’une lecture détaillée de l’arrêt lui a montré que toutes les informations nécessaires pour accepter ce droit figuraient déjà dans le jugement, et qu’il n’était donc pas nécessaire de modifier le raisonnement à cet égard. Toujours en lien avec le langage, les réécritures s’intéressent également à la langue du jugement et des normes qu’il applique, à ses références stylistiques et culturelles, ou encore au ton employé. Dans ce qui suit, nous revenons sur trois éléments en particulier : premièrement, l’attention portée sur des formulations qui participent à la perpétuation de biais et stéréotypes; deuxièmement, la réappropriation du langage juridique par l’intégration de termes ou langues souvent exclus des forums judiciaires, comme l’inclusion de langues autochtones; et troisièmement, le ton et le format utilisés.

§61 Le premier élément, l’attention portée sur des formulations qui participent à la perpétuation de biais et stéréotypes, peut par exemple amener les autaires de la réécriture à critiquer le recours à certains termes et à proposer des alternatives. À titre d’illustration, dans leurs explications précédant leur réécriture de l’arrêt A.P., Garçon and Nicot c. France, Djemila Carron et Ferdinando Miranda dénotent le choix par la Cour européenne des droits de l’homme « de continuer de distinguer les "personnes transsexuelles" des "personnes transgenres" sur la base du critère du passage par des opérations de mise en adéquation avec leur genre »136. Iels sont d’avis qu’il s’agit « [d’]une manière de perpétuer la distinction encore opérée par certaines instances entre "vrais et faux transsexuels" »137. Par le passé, la Cour a effectivement reconnu juridiquement le genre « qu’aux "personnes transsexuelles" (selon sa définition), sous-entendant que l’élément d’opération de mise en adéquation avec son genre était celui déterminant pour qu’une personne trans*138 passe d’une catégorie de genre à une autre »139. Ainsi, les autaires ont décidé d’utiliser uniquement le terme « personnes trans » ou « personnes transgenres » afin d’éviter de perpétuer des stéréotypes à travers un langage « qui maintient une distinction genre-sexe comme uniquement basée sur un critère biologique »140. De plus, les autaires évitent de faire référence à cette distinction terminologique qui « ne correspond ni aux derniers textes nationaux et internationaux sur la question, ni aux recherches sociologiques en la matière, ni au vocabulaire utilisé par les personnes concernées »141.

§62 L’idée d’intégrer dans le jugement des termes utilisés par les personnes concernées participe aussi parfois à un effort de réappropriation. L’idée étant que des personnes ou communautés marginalisées puissent réinvestir l’arène judiciaire et se réapproprier le langage du droit. L’idée de se réapproprier le judiciaire à travers la langue – deuxième élément que nous examinons brièvement ici – prend une place et une signification particulières dans plusieurs projets qui sont consacrés à ou intègrent des réécritures dans une perspective autochtone. C’est le deuxième élément que nous souhaitons souligner ici. En effet, ces projets montrent la volonté des autaires de se réapproprier le langage judiciaire grâce à l’ajout de mots, d’idées, de concepts et de termes propres à certaines langues autochtones généralement délaissées par le droit colonial et dominant142. Par exemple, dans la réécriture Nona and Ahmat v Barnes, l’avocate Deenorah Yellub issue du peuple mélanésien autochtone des îles du détroit de Torres offre une traduction des ordonnances du jugement en langue Kala Lagau Ya de l'Île de Mabuiag afin de le rendre accessible aux membres de sa communauté143. La question linguistique infuse l’ensemble du projet d’Aotearoa/Nouvelle Zélande : dès le titre du livre, qui inclut la désignation māori du pays, il est clair que le fait d’inclure des mots māori est un passage obligé pour commencer à réécrire des jugements depuis une perspective māori, en intégrant des aspects de droit, de culture et de l’expérience māori dans le raisonnement judiciaire144. Dans un des chapitres introductifs, les autaires expliquent une série de termes – ou plutôt de concepts – māori à implication juridique145. Ces aspects linguistiques font partie des éléments mis en place par les personnes participant au projet qui s’étaient données pour objectif de « placer les femmes māori au centre de [leur] écriture et réflexion et de légitimiser des modes de pensée et de vie māori »146.

§63 Le troisième élément que nous souhaitons mentionner ici est la question du ton et du format. Le langage juridique est généralement connu pour avoir des formules et son style propre, ce qui lui donne souvent un ton technique et impersonnel. Le travail sur le langage peut alors passer non pas par la modification des termes employés, mais par l’adoption d’un autre ton. Par exemple, Danielle Tyson dans sa réécriture de R v Middendorf a préféré rédiger son jugement à la première et à la deuxième personne, en s’adressant directement à l’accusé plutôt qu’en le décrivant à la troisième personne. Selon elle, cette manière de faire change le ton du jugement et son impact sur la personne à qui il s’adresse : « in the context of a courtroom, that can have a lot more symbolic power, and the court’s quiet and you’re addressing the accused, and you can really inflect your tone of addressing [the accused] sternly and in a condemnatory way »147. Cette manière de modifier le ton judiciaire peut également être une façon de communiquer d’autres émotions que celles évoquées habituellement par la rigueur judiciaire. Elle permet de faire place à l’empathie ou la bienveillance en autorisant une plus grande individualisation des échanges et de la décision elle-même. À l’inverse, certain·ne·s autaires ont choisi d’adopter un ton neutre et des formulations classiques ou proches du jugement d’origine pour justement insister sur la faisabilité de leur jugement : dans ce cas, le langage est une manière d’insister sur le fait que le jugement réécrit pourrait prendre la place du jugement d’origine, qu’il serait possible de le mettre en œuvre directement par des « vrais » tribunaux148. L’aspect « réaliste » peut également se traduire dans le format ou l’aspect visuel des réécritures : ainsi, dans le projet d’Aotearoa/Nouvelle Zélande, chaque jugement reproduit fidèlement le format, y compris la police, du tribunal dont il est censé émaner149. L’aspect visuel représente ici la proximité entre le jugement d’origine et le jugement réécrit.

Se défaire du langage juridique

§64 Le fait de s’intéresser de près au langage fait parfois aussi sentir les limites du langage juridique – à savoir, le langage utilisé par le droit – ou le langage judiciaire – c’est-à-dire plus précisément celui des décisions judiciaires, qui suivent parfois des conventions, usages ou normes spécifiques. Une autaire commente son propre jugement en indiquant que les contraintes du langage judiciaire ne lui ont pas permis d’y inclure tout ce qu’elle aurait voulu exprimer. Elle conclut : « [I]t would have been really nice somewhere in that judgment just to say really what one thinks […] in some ways the ranting that I had originally is still locked up inside me »150.

§65 Face aux limites du langage juridique – voire du texte écrit – certains projets ont cherché à se défaire du langage juridique pour privilégier d’autres formes de communication. Une des voies envisagées par la réécriture pour exprimer des émotions évacuées du droit est notamment celle de l’art151. Ce dernier a été identifié comme un médium alternatif approprié pour exprimer des ressentis ou des idées généralement limitées par la méthode de réécriture de jugement152. Ainsi, dans une optique subversive, Alison Whittaker indique dans sa réécriture de l’arrêt Eatock v Bolt qu’il est important de délaisser complètement le langage et la rhétorique propres à l’exercice judiciaire conventionnel si l’on souhaite éviter de renforcer un système juridique qui, pour l’essentiel, renforce la structure de la colonisation153. Selon Whittaker, le parti pris inhérent à la substance du système juridique est susceptible d’être obscurci par les conventions de la rédaction judiciaire qui préconisent notamment des choix de mots neutres et un ton judicieux et impersonnel154. L’autaire a donc choisi de rédiger un poème (représentant sa réécriture du jugement en question) composé des 49 phrases de trois mots les plus courantes dans les conclusions du coroner d’Australie occidentale sur la mort de Mme Dhu, classées par ordre d’importance. Dans le commentaire qui l’accompagne, Simon Rice décrit le poème comme une critique non seulement de la prise de décision judiciaire dans les affaires de diffamation basée sur le motif de la « race », mais aussi des lois sur le même sujet. Le poème vise à démontrer qu’au fil du temps, les nobles aspirations de ces lois ont perdu de leur sens et sont devenues de simples mots sur une page155.

§66 D’autres projets de réécriture ont eu recours à différentes formes d’expression artistique et ont collaboré avec des artistes dans divers buts. Le projet de réécriture féministe nord/irlandais, par exemple, a intégré le travail avec de l’art et avec des artistes comme un aspect important définissant le caractère collaboratif et collectif notamment avec pour objectif d’inspirer les autaires des réécritures, leur permettre un autre accès à leur matière, y compris en les perturbant ou déstabilisant, les faire sortir du droit et réfléchir au-delà du droit156.

§67 Les personnes participant au projet Scottish Feminist Judgments : (Re)creating Law From the Outside In, pour leur part, ont identifié l’art comme un médium alternatif approprié pour exprimer des ressentis ou des idées généralement limitées par la méthode de réécriture de jugement157. Le processus de réécritures proposé dans ce projet sort du domaine strictement juridique en examinant le droit sous un angle artistique et performatif. Les contributions d’artistes sous la forme de réécriture, comme des toiles ou des photographies, servent à réfléchir à la complexité éthique et l’impact des décisions juridiques sur les personnes158. Par exemple, la photographe Jo Spiller a produit une série de portraits de figures féminines dans le but de faire référence aux « différents sens de la perspective que l’on peut obtenir en regardant des sujets à travers un objectif photographique » et lutter contre l’absence de portraits de femmes de l’espace public159. Inspirée par l’affaire Jex Blake v Senatus of Edinburgh University, dans laquelle Sophie Jex Blake a défendu, en 1873, le droit d’étudier la médecine à l’Université de Edinbourgh, Jo Spiller voit son travail comme une manière de « subvertir le langage traditionnel et sexué du portrait en utilisant des compositions alternatives pour représenter les générations de femmes qui sont absentes des espaces sociaux et éducatifs »160. D’autres artistes impliqué·e·s dans le projet ont raconté l’histoire des victimes de certaines affaires, ou plus généralement des personnes impliquées dans les affaires judiciaires à réécrire, de sorte à impliquer le public et les autaires prenant le rôle de juge dans ces histoires humaines161.

§68 De manière générale, les personnes participantes du projet ont tenté de mettre en évidence la relation entre les voix extérieures au milieu académique « et les conventions racistes, classistes et sexistes dominantes qui entourent la pratique universitaire, notamment la valorisation du texte par rapport au non-texte [traduction libre] »162. De manière générale, la réécriture déployée à travers l’art a comme objectif de transcender le format textuel dans lequel les juristes et les universitaires s’engagent le plus confortablement en utilisant l’art pour aborder à l’aide d’un langage différent des questions de droit et de justice163. Le lectorat est donc invité à entendre et à voir le droit de différentes façons, notamment en soulignant les aspects relationnels et affectifs de la prise de décision judiciaire. Les expériences humaines des juges et des parties au litige peuvent générer des idées sur la nature contingente du droit, tout en valorisant une posture d’empathie164.

§69 La forme de langage qui émane de cette subversion de l’art de juger par des formes artistiques a également été l’une des stratégies mobilisées afin « de mettre en lumière les injustices ou les excès du droit d’une manière accessible à celleux qui ne font pas partie de la communauté juridique »165. L’art permet de transcender la limite de la jurisprudence à impliquer les histoires humaines qui relie l'artiste, l’auditoire et le sujet de droit. De cette façon, Sharon Cowan, Chloë Kennedy et Vanessa Munro précisent que l’art remet en question le « pouvoir du droit de se définir lui-même » et sa tendance à se fermer aux autres disciplines, discours et pratiques, et fait entrer dans la réflexion judiciaire l'incertitude, l'affectivité, la contingence et la marginalité166. Dans ce projet, les autaires de réécritures ont intégré « l’art performatif, le visuel et l'oral pour donner un aperçu de ce que cela pourrait signifier, au-delà du texte juridique traditionnel, de raisonner, de délibérer et de parvenir à une décision – ainsi que des conséquences de cette démarche »167. La production d’interprétations artistiques et leur exposition publique ont permis de démontrer qu’en tant que sujets de droit, il est possible de subvertir la façon de percevoir et d’accepter les normes et les effets du droit d’une façon qui n’est pas passive. Les contributions créatives impliquent l’auditoire en lui demandant d'interpréter et de juger par iel-même à son tour168.

§70 En résumé, la méthode de réécriture offre de considérer différemment le langage. Ces deux stratégies montrent comment la réécriture de jugement permet de transformer la façon de juger, considérant le langage comme un outil d’intégration des acteurs, des expériences et des perspectives souvent négligés du droit.

Réviser les principes en litige

§71 Outre le langage, le raisonnement juridique est souvent un élément au cœur des réécritures. La réécriture est en effet l’occasion de porter un regard critique sur l’application du droit par les juges qui ont rédigé le jugement d’origine. Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’idée n’est pas nécessairement de réviser le résultat final (outcome, issue) d’un jugement. Néanmoins, même si elles ne débouchent pas nécessairement sur une issue différente, les réécritures proposent souvent de réviser – et parfois de manière considérable – les principes en litige. Ce faisant, la réécriture permet de concrétiser et de mettre en œuvre des concepts issus des approches critiques (par exemples féministes) et de démontrer ainsi l’applicabilité pratique de ces théories. Il est possible de distinguer deux variantes, qui sont bien évidemment liées, mais que nous examinerons successivement. Il peut d’abord s’agir de repenser – et remplacer – les catégories et normes jugées problématiques169, il sera ensuite question de replacer au centre de la réflexion juridique des questions qui en sont classiquement, ou originellement, exclues170.

Repenser les catégories et les normes jugées problématiques

§72 Une première stratégie des réécritures est d’analyser les catégories et normes appliquées par le jugement d’origine dans une perspective critique – souvent féministe –, ce qui amène régulièrement les autaires à démontrer les biais cachés de ces catégories et les raisonnements stéréotypés qui les sous-tendent. L’exemple le plus flagrant de catégorie repensée est celle de genre. En effet, les différentes réécritures féministes accordent une place importante à la réflexion sur la pertinence de la catégorie de genre. À travers la réécriture, les autaires parviennent notamment à démontrer qu’une norme ou décision qui, de prime abord, paraissait améliorer l’égalité entre les genres, véhicule et perpétue en réalité des stéréotypes de genre problématiques171. La réécriture aura alors pour but de critiquer la norme ou décision en question, avant de proposer une solution alternative et, ce faisant, démontrer la viabilité d’une approche anti-stéréotypisante et anti-essentialisante, appliquant ainsi des préoccupations centrales des théories féministes à des affaires concrètes172.

§73 À titre d’illustration, examinons de plus près la réécriture de l’affaire International Union, UAW v Johnson Control, Inc173. Dans cette affaire, Wynter P. Allen analyse de près les stéréotypes ayant informé une distinction fondée sur le genre dans le cadre de la protection des personnes employées. En l’espèce, la compagnie Johnson Control, fabricant de piles électriques, s’était dotée d’une politique excluant les femmes fertiles de certains emplois afin de les protéger de potentielles expositions à des produits toxiques. Plusieurs personnes employées par l’entreprise ont agi en justice contre cette politique, qu’iels jugeaient discriminatoire, dont une femme qui s’était stérilisée afin de conserver son travail, une femme a priori fertile en âge de procréer et un homme qui avait demandé à changer de poste parce qu’il désirait des enfants et à qui cette demande avait été refusée.

§74 Le jugement original174 avait jugé cette politique était contraire au Title VII of the Civil Rights Act de 1964 en ces termes :

« Fertile women, as far as appears in the record participate in the manufacture of batteries as efficiently as anyone else. Johnson Controls’ professed moral and ethical concerns about the welfare of the next generation do not suffice to establish a BFOQ [Bona fide occupational qualification] of female sterility. Decision about the welfare of future children must be left to the parents who conceive, bear, support, and raise them rather to the employers who hire those parents. […] Johnson Controls has attempted to exclude women because of their reproductive capacity »175.

§75 Ce jugement conclut qu’il existe bel et bien une interdiction en raison du genre. Néanmoins, l’autaire de la réécriture estime que le jugement est critiquable d’un point de vue féministe, notamment parce qu’il renforce des postulats stéréotypés quant à la répartition des rôles en focalisant exclusivement sur la situation des employés femmes. Ce raisonnement « implicitly maintained a paradigm whereby women are the only parties responsible for the health of offspring and men responsible only for financially supporting those women »176.

§76 La réécriture cherche à démontrer la non-pertinence de cette distinction dans le cadre de l’application du standard BFOQ177 en affirmant que

« [t]o avoid the malign influence of such stereotypes, our case law makes clear that the safety exception is limited to instances in which the employee’s sex or pregnancy actually interferes with the employee’s ability to perform the job. This approach is consistent with the language of the BFOQ provision itself, for it suggest that permissible distinctions based on sex must relate to ability to perform the duties of the job »178.

Ce faisant, la réécriture se détache de la distinction de genre comme d’un élément pertinent en l’espèce. Elle poursuit que, dans une optique féministe, la protection de l’ensemble des personnes travailleuses devrait constituer une priorité, et procède à faire des propositions en ce sens.

§77 Certaines réécritures se distancient complètement du jugement d’origine, considéré comme perpétuant et entérinant des stéréotypes problématiques. Dans d’autres cas, la réécriture consiste à démontrer en quoi le jugement d’origine aurait pu aller plus loin : par exemple, à la place de se contenter de ne pas reproduire un raisonnement biaisé d’une instance inférieure, le tribunal aurait pu explicitement nommer les biais et expliquer pourquoi ils étaient problématiques. Par exemple, dans sa réécriture d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Alexandra Timmer démontre comment l’arrêt en question aurait pu nommer et déconstruire les présomptions liées à une répartition stéréotypée des rôles de genre dans la famille179. Le résultat de son jugement ne se distingue pas de l’original, qui avait, lui aussi, conclu à l’existence d’une discrimination ; mais le texte réécrit démontre comment une approche anti-stéréotypisante et anti-essentialisante, élément-clé des théories féministes, peut se traduire en un jugement concret180.

§78 Au-delà des stéréotypes, les projets de réécriture visent à mettre en lumière les inadaptations fonctionnelles des systèmes mis en cause. Un exemple parlant se trouve dans le Australian Wild Law Judgment Project dont une des ambitions assumées est de mettre au défi le regard anthropocentré de la common law, ambition affirmée dans l’article de présentation du projet, dans les termes suivants :

« Earth jurisprudence […] challenges the human-centered and pro-development origins of industrial society’s legal system and suggest a re-imagining of systems of law and governance such that they nurture the whole earth community, not just the homosphere. […] The projet poses a subversive challenge to the very foundations and meaning of law, by contesting the place of humanity at the center of existing notions of justice »181.

Il s’agit dès lors de permettre un questionnement et une remise en question des catégories juridiques classiquement mobilisées, mais aussi, et peut-être même surement, de remettre en question les fondements et les philosophies qui sous-tendent les systèmes de droit182.

Réorienter la réflexion juridique vers les questions classiquement délaissées

§79 Souvent, la réécriture d’une décision est l’occasion de se saisir de questions juridiques laissées de côté par le jugement d’origine, et de présenter ce que les autaires de la réécriture conçoivent comme la véritable question, ou en tout cas une question centrale, du litige. Cette stratégie commune aux réécritures peut prendre différentes formes, dont deux sont particulièrement importantes : le fait de thématiser des questions de fond – notamment en lien avec l’égalité et la non-discrimination – passées sous silence par le jugement d’origine, et le fait de reformuler l’analyse en tenant compte de biais et de stéréotypes ignorés par le jugement d’origine.

§80 Il s’agit premièrement d’affaires qui ont été jugées sur des questions de procédure ou en application d’autres normes de nature technique, ce qui tend à obscurcir les enjeux d’un litige donné en termes d’égalité substantielle et de non-discrimination. La réécriture aura alors comme objectif de faire ressortir et de traiter de ces enjeux, par exemple pour montrer qu’une affaire aurait également pu être gagnée sur le droit matériel, aussi appelé droit de fond.

§81 Ce « recentrage » du débat juridique est très visible dans l’une des réécritures du projet Feminist Judgments : Rewritten Employment Discrimination Opinions183, à propos de l’affaire Desert Palace v Costa concernant une femme licenciée à la suite d’altercations avec un co-employé masculin, qui lui avait pu conserver son travail184. Le jugement de la Cour suprême était considéré comme une victoire pour la plaignante, notamment parce qu’il établissait notamment l’admissibilité de preuves circonstancielles dans le domaine de la discrimination. Néanmoins, l’autaire de la réécriture met en évidence les lacunes de ce jugement. Dans sa réécriture, elle décrit en détail la situation de la plaignante et les différentes situations de harcèlement qu’elle avait endurées à son poste de travail. L’analyse qui précède la réécriture affirme que « the statute, rather than the plaintiff’s narrative or the gender discrimination that she suffered, is the focus of the original case » avant de préciser que l’autaire de la réécriture « places Ms. Costa and her story front and center in the opinion. This case is about Ms. Costa and gender discrimination first, and the employer’s explanations and the doctrines of statutory interpretation second »185.

§82 En concentrant le raisonnement juridique sur la question de la discrimination, l’autaire de la réécriture fait double ouvrage. D’une part, elle démontre que ne pas traiter de cette question de discrimination comme d’une question centrale était un choix, conscient ou non, opéré par les juges initiaux. D’autre part, elle permet que le droit positif applicable au moment du jugement, eut pu permettre aux juges de se saisir de ces questions de discrimination et à quoi cela aurait pu ressembler. Elle adopte également un ton très franc à ce sujet, en écrivant dans une perspective ouvertement féministe. Cet exemple ne devrait cependant pas cacher l’importance des décisions procédurales en leur propre droit. En effet, Rosemary Grey, Kcasey MacLoughlin et Louise Chappell insistent sur le fait que les décisions procédurales créent des opportunités importantes pour les réécritures féministes, puisqu’elles affectent la manière dont les personnes vulnérables sont comprises et considérées dans le droit186. En effet, les règles de procédure déterminent quelles questions de fond pourront être prises en compte par les juges, et contribuent ainsi à créer le narratif judiciaire.

§83 Dans un second cas de figure, la mise sous silence de certaines questions par les juges originaux peut témoigner d’un biais, ou à tout le moins d’un inconfort de ces derniers face à des enjeux sociaux, qui a influencé leur analyse, par exemple en les empêchant d’examiner une affaire sous le prisme de l’égalité substantielle. La réécriture aura alors comme objectif de refléter et de tenir compte des inégalités résultant du genre, de la classe sociale, de la capacité, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, de l'ethnicité, du statut d'immigrant·e, etc. 187.

§84 À titre d’illustration, citons la réécriture de l’arrêt Jespersen v Harrah’s Operating Co.188. L’affaire portait sur une femme qui avait refusé de se conformer aux nouvelles directives de son employeur en matière d’apparence physique (grooming requirements). Ces directives obligeaient notamment les hommes à garder leurs cheveux courts, avoir des ongles courts et sans vernis coloré ; pour les femmes, les directives prévoyaient l’obligation de porter des cheveux longs ouverts et de les coiffer; de porter du vernis à ongle et de se maquiller le visage d’après les conseils d’un «makeover» personnalisé. Le jugement d’origine estimait que le test applicable était de savoir si les directives « imposaient un fardeau équivalent » aux deux genres et que c’était le cas ici, un des arguments étant que les exigences répondaient aux normes sociales habituelles. Dans leur réécriture, les autaires critiquent aussi bien la pertinence du test du fardeau équivalent que son interprétation dans le cas concret. Ils proposent de reformuler la question au centre de l'affaire de la manière la plus simple qui soit, en proposant que l’analyse consistait en une « straightforward question of whether a man would have been terminated for refusing to wear makeup ». Cette reformulation met en lumière l’image stéréotypée de la femme sous-jacente aux directives. En démontrant le caractère fictif de la distinction entre norme sociale et stéréotype de genre, la réécriture peut se concentrer sur la question des stéréotypes de genre, ce que les juges originaux avaient refusé de faire. En conclusion, le fait de changer le focus d’une affaire et de reformuler les questions qui la sous-tendent permet d’aborder de façon directe des questions ignorées par la décision originale, et, ce faisant, remettre en question des principes communément admis.

Conclusion

§85 Cet article était pour nous l’occasion de tenter de dresser un portrait général de la réécriture de jugements. En partant du postulat que la réécriture de jugements pouvait désormais être considérée comme une véritable méthode juridique, nous avons tenté de cerner les contours de cette méthode, tout en démontrant aussi la variété des différents projets. Pour ce faire, nous avons d’abord retracé l’historique de la méthode, à commencer par ses origines avec le Tribunal des femmes du Canada. Nous avons ensuite montré que les projets se sont multipliés, avec l’émergence de Feminist Judgment Projects, puis de Critical Judgment Projects, notamment dans des États anglophones appartenant au système de la common law. Malgré la grande diversité de ces projets, ils sont animés par la volonté commune d’allier un cadre théorique – la plupart du temps issu des approches critiques du droit – et un exercice très pratique, à savoir leur application à un jugement existant, ce qui permet d’une part de démontrer la faisabilité concrète de ces approches théoriques, mais aussi faire ressortir des tensions et difficultés. Ces tensions – par exemple, la difficulté, voire l’impossibilité de réconcilier la figure de juge avec les approches autochtones du droit189 – sont un terrain fertile pour la réflexion critique à propos du droit et de ses acteurices, et plus spécifiquement à propos de ce que nous avons appelé l’art de juger : la participation à la création et au développement du droit par le biais de décisions judiciaires.

§86 Nous avons structuré notre analyse de la réécriture de jugements le long de ce que nous avons identifié comme étant les deux caractéristiques principales de cette méthode : premièrement, la reconnaissance de la non-neutralité au cœur d’un exercice réflexif et deuxièmement, la réécriture proprement dite, qui constitue à réimaginer le droit dans le contexte d’une décision judiciaire concrète.

§87 La première caractéristique consiste en la création d’un espace réflexif permettant d’interroger de façon critique le rôle des juges et l’art de juger. La réflexivité est réellement au cœur de la méthode de réécriture : qu’il s’agisse de dialogues entre autaires de réécritures et commentataires de ces jugements, d’échanges entre artistes et juristes, ou encore d’éléments d’autoréflexion apportés par les autaires des réécritures, qui se prononcent par exemple sur la manière dont iels ont vécu le rôle de juge ou les contraintes imposées par le format d’un jugement, la réécriture fait la part belle à la réflexion théorique et critique à partir d’une expérience vécue, à savoir celle de la réécriture. Cette réflexion porte aussi – mais pas uniquement – sur la posture des juges, en s’intéressant tout particulièrement à la positionnalité sociale et au positionnement théorique des personnes appelées à endosser ce rôle, et l’influence de ces deux éléments sur le résultat final, à savoir la décision judiciaire. À ce propos, la méthode de réécriture permet de montrer très concrètement l’influence que ces deux éléments – positionnalité et positionnement de l’autaire – peuvent avoir sur le raisonnement juridique et, par là même, de réfuter toute prétention à une quelconque neutralité axiologique du droit. Ce faisant, la réécriture permet aussi la pertinence des approches critiques pour apporter une vision différente, plurielle, du droit, qui n’est plus uniquement celui des dominant·e·s.

§88 La seconde caractéristique, quant à elle, consiste en la réalisation d’un jugement alternatif qui permet d’analyser de manière critique et en même temps de réimaginer les éléments-clés du droit, comme son langage ou les normes et principes juridiques applicables. À ce propos, nous avons identifié trois stratégies principales mobilisées dans le cadre de réécritures : la recontextualisation des jugements, une attention accrue portée sur le langage et la révision des principes en litige. Chacune de ces stratégies est réalisée à travers un faisceau de techniques, dont nous avons présenté les plus importantes. Par exemple, la recontextualisation des jugements peut passer par une plus grande prise en compte du contexte, que ce soit par une lecture différente des faits à l’origine du jugement apportant un changement de point de vue pour le narratif judiciaire ou encore par la prise en compte de connaissances issues de sciences sociales. La recontextualisation peut aussi amener les autaires à s’interroger sur l’issue du jugement, et les inciter à proposer des formes de réparation inusitées ou en tout cas inhabituelles, comme des excuses. Ces différents éléments amènent à leur tour une réflexion critique, notamment à propos de ce qui est possible ou non dans le cadre du droit positif en vigueur dans un système juridique donné, et du potentiel, mais aussi des limites du pouvoir judiciaire. À ce propos, il n’est pas innocent que les projets examinés proviennent principalement de pays connaissant un système de common law ou de tradition mixte, avec quelques projets s’intéressant aussi au droit international. Comme méthode, la réécriture a été conçue dans un système qui accorde la part belle au droit judiciaire, à savoir créé par les juges, et une certaine transposition serait sans doute nécessaire pour pouvoir la pratiquer dans un système de droit civil. Or, ce sujet dépasse le cadre du présent article, dont le but était plus modeste : analyser et décrire les projets existants, afin de participer à mieux faire connaître cette méthode dans la littérature francophone190.

§89 Comme nous l’avons développé tout au long de cet article, la réécriture est l’occasion pour ses autaires de se saisir d’une situation particulière pour porter un regard critique sur le système juridique dans son entier. L’individualisation est dès lors une opportunité de réflexion sur le système dans son entier. Le particulier est une porte d’entrée sur le global. Voilà l’objectif principal de la réécriture : se saisir de l’individualité d’une situation pour porter un regard critique sur un phénomène judiciaire normatif et régulatoire. En tant que méthode juridique, la réécriture est donc à la fois critique et créative : outil heuristique pour une analyse critique du droit, elle permet en même temps d’en réimaginer les règles.


  1. Les autaires remercient vivement Laurence Govin-Joyal, Djemila Carron pour leurs relectures de plusieurs versions de cet article et leurs critiques et commentaires ainsi que toute l’équipe de recherche pour le travail collectif accompli dans le cadre du projet « La réécriture par les marges » financé par le Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Nous remercions également les relecteurices anonymes pour leurs commentaires pertinents. Dans l’article, les autaires ont choisi d’employer certains néologismes du langage épicène, comme « autaire », et de recourir autant que possible à des formulations neutres comme « personne employée ». De façon parcimonieuse, les autaires ont également eu recours au point médian. 

  2. Par exemple Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous legal judgments: bringing indigenous voices into judicial decision making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021); Bridget Crawford & Anthony Infanti, eds, Feminist judgments: rewritten tax opinions, Feminist judgments series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2017); Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014); Máiréad Enright, Julie McCandless & Aoife O’Donoghue, Northern/Irish Feminist Judgments: Judges Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist judgments in international law (Oxford ; New York: Hart, 2019); Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist judgments: from theory to practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010); Kimberly M Mutcherson, ed, Feminist judgments: reproductive justice rewritten, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom ; New York, USA: Cambridge University Press, 2020); Rachel Rebouché, ed, Feminist judgments: family law opinions rewritten, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020). Cette liste d’ouvrages, regroupant les travaux menés dans le cadre de différents projets de réécriture, n’est pas exhaustive. Elle indique en revanche la multitude de projets qui ont pris corps dans les dernières années, à travers le globe (Australie, Irlande, USA, Canada) et au travers des disciplines juridiques (droit de la famille, impôts, droit du travail,…). 

  3. « Méthode », dans Le petit Larousse illustré 2011, Larousse, 2010; voir aussi Boris Barraud, « La méthodologie juridique », dans La recherche juridique (les branches de la recherche juridique), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p. 167 et s. 

  4. La démarche était donc empirico-inductive, à savoir, que nous avons établi des grilles de lecture à partir d’un premier examen rapide de quelques projets-phare, puis avons utilisé ces grilles pour procéder à une analyse détaillée de l’ensemble de projets de réécriture ayant donné lieu à un ouvrage collectif avant la fin de l’année 2023. 

  5. Berger L. L., Stanchi K.M., Crawford B.J., « Rewriting Judicial Opinions and the Feminist Scholarly Project », (2018) 94 Notre Dame Law Review Online 1-11; Vigneron S., « Feminist Judgements ou Juger en Féministe », (2015) 2 Les Cahiers de la Justice 233-247. 

  6. Diana Majury, « Introducing the Women’s Court of Canada » (2006) 18:1 Can J Women Law 1–12. Avant le Tribunal des femmes, d’autres autaires ont proposé de réécrire des jugements, d’ailleurs pas nécessairement dans une optique féministe, voir par ex Donald H Regan, « Rewriting Roe v Wade » (1979) 77 Univ Mich Law Sch Scholarsh Repos 1569–1646. 

  7. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019); Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014); Máiréad Enright, Julie McCandless & Aoife O’Donoghue, Northern/Irish Feminist Judgments: Judges Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist judgments: from theory to practice (Oxford ; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010); Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist judgments: rewritten opinions of the United States Supreme Court, Feminist judgments series: rewritten judicial opinions (Cambridge, United Kingdom; New York, USA Port Melbourne, Australia New Delhi, India Singapore: Cambridge University Press, 2016). 

  8. Voir par exemple Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous legal judgments: bringing indigenous voices into judicial decision making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021); Nicole Rogers & Michelle M Maloney, eds, Law as if earth really mattered: the wild law judgement project, Law, justice and ecology (Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2017); Gabrielle Appleby & Rosalind Dixon, eds, The critical judgments project: re-reading Monis v The Queen (Annandale: The Federation Press, 2016); Eva Brems, ed, Diversity and European Human Rights: Rewriting Judgment of the ECHR (Cambridge University Press, 2013); Eva Brems & Ellen Desmet, eds, Integrated Human Rights in Practice: Rewriting Human Rights Decisions (Edward Elgar Publishing, 2017); Helen Stalford, Kathryn Hollingsworth & Stephen Gilmore, eds, Rewriting Children's Rights Judgments: From Academic Vision to New Practice (Hart Publishing, 2017); Stephem W Smith, John Coggon, Clark Hobson, Richard Huxtable, Sheelagh McGuinness, José Miola & Mary Neal, eds, Ethical Judgments : Re-Writing Medical Law (Hart Publishing, 2017); Nicole Rogers & Michelle Maloney, « The Anthropocene Judgments Project : A Thought experiment in futureproofing the common law » (2022) 0:0 Alternative Law Journal 1-6. 

  9. Erika Rackley, « Why Feminist Legal Scholars Should Write Judgments : Reflexions on the Feminist Judgments Project in England and Wales » (2012) 24:2 Can J Women Law 389 à la p.392. 

  10. Rosemary Hunter, « The Power of Feminist Judgments? » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 135–148 aux pp.144 et s. 

  11. Diana Majury, « Introducing the Women’s Court of Canada » (2006) 18:1 Can J Women Law 1–12. 

  12. Rosemary Hunter, « The Power of Feminist Judgments? » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 135–148 aux pp.144. 

  13. Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, « Introduction to the U.S. feminist judgments project » dans Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments series: rewritten Judicial Opinions, 1st ed (Cambridge University Press, 2016) 3; Julie McCandless, Máiréad Enright & Aoife O’Donoghue, « Introduction: Troubling Judgment » dans Northern/Irish Feminist Judgments: Judges Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) 3; Rosemary Hunter, « An Account of Feminist Judging » dans Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist Judgments: from Theory to Practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010) 30; Rosemary Hunter et al., « Introducing the Feminist and Mana Wahine Judgments » dans Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand: Te Rino: A Two-Stranded Rope (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017). 

  14. Margaret Davies, « The Law Becomes Us: Rediscovering Judgment » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 167–181; Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, « Through the Looking Glass? Feminist Praxis, Artistic Methods and Scottish Feminist Judging » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outside In (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2019). 

  15. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, « Through the Looking Glass? Feminist Praxis, Artistic Methods and Scottish Feminist Judging » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outside In (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2019) à la p 5. 

  16. Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, « Introduction to the U.S. feminist judgments project » dans Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments series: rewritten Judicial Opinions, 1st ed (Cambridge University Press, 2016) 3. 

  17. Ibid

  18. Tout au long de cet article nous employons alternativement les locution « langage juridique » ou « langage judiciaire ». Lorsque nous utilisons la formulation langage juridique, nous faisons référence tant au langage du droit en dehors de la cour de justice, que son application par les juges. En revanche, lorsque nous faisons référence au langage judiciaire, nous nous référons expressément au langage utilisé dans la décision de justice, par les juges. 

  19. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, « Through the Looking Glass? Feminist Praxis, Artistic Methods and Scottish Feminist Judging » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outside In (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2019); Rosemary Hunter, « An Account of Feminist Judging » dans Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist Judgments: from Theory to Practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010). 

  20. Kate Fitz-Gibbon & JaneMaree Maher, « Feminist Challenges to the Constraints of Law: Donning Uncomfortable Robes? » (2015) 23:3 Fem Leg Stud 253–271 à la p 268 : « Our judgment process can be understood as an immersion within and reenactment of commonplace and daily processes of law-making »

  21. Harriet Samuels, « Judicial Deference and Feminist Method » (2014) Public Law 512–528. Dans son commentaire de la réécriture de R & F v UK Application 35738/05 2005, Becky Kaufmann écrit que les juges font des choix normatifs plutôt que neutres, qu'ils ne sont pas pour autant mauvais, mais la problématique est qu'ils sont masqués donc difficilement réfutables : Kaufmann Becky, « Commentary de R & F v UK Application 35738/05 2005 » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2019) 147. 

  22. Sophie Vigneron, « “Feminist Judgments” ou juger en féministe » (2015) 2:2 Les Cahiers de la Justice 233. Rhonda Louise Powell et al, « Ko ngā muka o te rino : threads of the two-stranded rope » dans Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Nicole Rogers, « Performance and Pedagogy in the Wild Law Judgment Project » (2017) 27:1 Leg Educ Rev. 

  23. Kaufmann Becky, « Commentary de R & F v UK Application 35738/05 2005 » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2019) 147; Harriet Samuels, « Judicial Deference and Feminist Method » (2014) Public Law 512–528. 

  24. S Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, « Introduction to the U.S. feminist judgments project » dans Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments series: rewritten Judicial Opinions, 1st ed (Cambridge University Press, 2016) 3, à la p. 5. 

  25. osemary C Hunter et al, eds, Feminist judgments: from theory to practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010), à la p. 63. 

  26. S Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, « Introduction to the U.S. feminist judgments project » dans Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments series: rewritten Judicial Opinions, 1st ed (Cambridge University Press, 2016) 3, à la p. 5. Noter que cette liste est non exhaustive. 

  27. Ibid à la p.4. 

  28. Voir par exemple : Bridget J Crawford & Anthony C Infanti, eds, Feminist judgments: rewritten tax opinions, Feminist judgments series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2017); Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014); Máiréad Enright, Julie McCandless & Aoife O’Donoghue, Northern/Irish Feminist Judgments: Judges Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist judgments in international law (Oxford ; New York: Hart Publishing, 2019); Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist judgments: from theory to practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010); Kimberly M Mutcherson, ed, Feminist judgments: reproductive justice rewritten, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom ; New York, USA: Cambridge University Press, 2020); Rachel Rebouché, ed, Feminist judgments: family law opinions rewritten, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020). 

  29. Nous développons les influences incarnées plus loin dans cet article. Par influence incarnée nous entendons posture ou positionnement théorique ainsi que la positionnalité. 

  30. Ibid aux pp.4 et 5. 

  31. L’approche met en évidence les problèmes liés à la rédaction d'un jugement autochtone dans le cadre du système juridique colonial coloniaux et montre la diversité des voix des juges autochtones. 

  32. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019). 

  33. Ibid à la p.11. 

  34. Ibid à la p.10. 

  35. Ibid à la p.11. 

  36. Ibid à la p.12. 

  37. La question du langage dans la réécriture de jugements et l’utilisation de médias autres sera traitée en détail ultérieurement dans cet article. 

  38. Artemisa Flores Espínola, « Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue’ » (2012) 53:2 Cahier du Genre 99–120. 

  39. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France; Aileen Moreton-Robinson, « Towards an Australian Indigenous Women's Standpoint Theory” » (2013) 28:78 Australian Feminist Studies 331-347. 

  40. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France, à la p 10. 

  41. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France, à la p 10. 

  42. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France, à la p 10. 

  43. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France, à la p 11. 

  44. Lissell Quiroz. « Le leurre de l’objectivité scientifique. Lieu d’énonciation et colonialité du savoir. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », (2019), Nice, France, à la p 11. 

  45. Aileen Moreton-Robinson, « Towards an Australian Indigenous Women's Standpoint Theory” » (2013) 28:78 Australian Feminist Studies 331-347. 

  46. Artemisa Flores Espínola, « Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue’ » (2012) 53:2 Cahier du Genre 99–120. 

  47. Rosemary Hunter, « More than Just a Different Face? Judicial Diversity and Decision-making » (2015) 68:1 Curr Leg Probl 119–141; Nicole Watson & Heather Douglas, eds, « Introduction » in Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021)1; Rosemary Hunter et al., « Introducing the Feminist and Mana Wahine Judgments » dans Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand: Te Rino: A Two-Stranded Rope (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017). 

  48. Nicole Watson & Heather Douglas, eds, « Introduction » in Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 1. 

  49. Nicole Watson & Heather Douglas, eds, « Introduction » in Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 1. 

  50. Artemisa Flores Espínola, « Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue’ » (2012) 53:2 Cahier du Genre 99–120. 

  51. Sandra Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  52. Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014), à la p.6. 

  53. Erika Rackley, Women, judging and the judiciary: from difference to diversity (Milton Park, Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2013). 

  54. Voir Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021). Au début de cet ouvrage, l’identité autochtone de certain·e·s autaires est affirmée au même rang que leur titre universitaire ou leur expertise juridique. 

  55. La méthodologie des approches autochtones varie entre les différents projets de réécritures existants, par exemple en puisant dans les valeurs et les pratiques Maōri propres à la philosophie Mana Wahine, en faisant référence aux principes d'auto-détermination et du droit autochtone canadien. 

  56. Marcelle Burns, « Judgment : Members of the Yorta Yorta Aboriginal Community v Victoria (2002) 214 CLR 422 » in Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 97. 

  57. Megan Davis, « Intersectional Theory: Where Gender Meets Race, Ethnicity and Violence » in Gabrielle Appleby & Rosalind Dixon, eds, The Critical Judgments Project: Re-Reading Monis V Queen (Annandale: The Federation Press, 2016) à la p.108. 

  58. Ibid. L’autaire écrit : « As an Indigenous female justice of this court I am attentive to the alienation experienced by members of ethnic and cultural minorities groups in relation to public institutions and government policy ». 

  59. Heron Loban, « Judgment: ACCC v Keshow [2005] FCA 558 » in Heather Douglas et al, eds, Australian Feminist Judgments: Righting and Rewriting Law, 1st ed (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014). 

  60. Ibid à la p.180. 

  61. Ibid. 

  62. Watson Irene, « First Nations Stories, Grandmother’s Law: Too Many Stories to Tell : Kartinyeri v The Commonwealth [1998] HCA 22 » in Heather Douglas et al, eds, Australia Feminist Judgments: Righting and Rewriting Law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) 46. 

  63. Heather Douglas et al, eds, « Commentary: Kartinyeri v The Commonwealth [1998] HCA 22 » in Aust Fem Judgm Righting Rewriting Law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) 41. 

  64. I Watson Irene, « First Nations Stories, Grandmother’s Law: Too Many Stories to Tell : Kartinyeri v The Commonwealth [1998] HCA 22 » in Heather Douglas et al, eds, Australia Feminist Judgments: Righting and Rewriting Law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) 46, à la p. 53. 

  65. Rhonda Louise Powell et al, « Ko ngā muka o te rino : threads of the two-stranded rope » in Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) à la p. 42. 

  66. Le terme tangata whenua fait reference aux habitant·e·s du territoire, Mãmari Stephens, « Judgment: Ruka v Department of Social Welfare [1997] 1 NZLR 154 » in Elisabeth McDonald et al, eds, Fem Judgm Aotearoa N Z (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) aux pp.92–94. 

  67. Dragica Vujadinović et al, eds, Gender-competent legal education, 1st ed. 2023, Springer textbooks in law (Cham: Springer International Publishing, 2023) à la p.144. (« Judging is gendered, and women make a difference in the decision making process »). 

  68. Des projets de recherche se sont penchés sur la question de l’existence d’une corrélation statistiquement significative entre l'issue de l'affaire ou le vote exprimé par un juge au sein d'une chambre d'appel et le genre de la personne juge, ou si la présence d'une femme ou de femmes juges au sein d'une chambre d'appel a une incidence sur les résultats : Rosemary Hunter, «Analysing Judgments from a Feminist Perspective» (2015) 15:1 Leg Inf Manag 8–11. 

  69. Ibid

  70. Rosemary Hunter, « More than Just a Different Face? Judicial Diversity and Decision-making » (2015) 68:1 Curr Leg Probl 119–141. 

  71. Artemisa Flores Espínola, « Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue’ » (2012) 53:2 Cahier du Genre 99–120. 

  72. Sandra Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  73. Sandra Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  74. Sandra Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  75. Rosemary Hunter, « Analysing Judgments from a Feminist Perspective » (2015) 15:1 Leg Inf Manag 8–11. 

  76. Sandra H Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  77. Aleardo Zanghellini, « Queer, Antinormativity, Counter-Normativity and Abjection » (2009) 18 Griffith Law Rev 1–16. 

  78. Michel Foucault, « The Subject and Power » dans Michel Foucault Struct Hermeneutics (London: Routledge, 2016). 

  79. Sharon Cowan, Chloe Kennedy et Vanessa Munro, « Devolving Dictum ? Legal Tradition, National Identity and Feminist Activism » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outs In (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019) 87; Loveday Hodson & Troy Lavers, « Feminist Judgments in International Law: An Introduction » in Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist Judgments in International Law (Oxford; New York: Hart, 2019) 3; Rhonda Louise Powell et al, « Ko ngā muka o te rino : threads of the two-stranded rope » in Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017). 

  80. Brenda Cosman, « Queering Queer Legal Studies: An Unreconstructed Ode to Eve Sedwig (and Others) » (2019) 6:1 Crit Anal Law; Loveday Hodson & Troy Lavers, « Feminist Judgments in International Law: An Introduction » in Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist Judgments in International Law (Oxford, United Kingdom; New York: Hart, 2019) 3; Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019). 

  81. Sandra H Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology: What is ‘Strong Objectivity?’ » (1992) 36:3 Centennial Review 437–470. 

  82. Ibid

  83. Nicole Rogers & Michelle M Maloney, eds, Law as if earth really mattered: the wild law judgement project, Law, justice and ecology (Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2017). 

  84. Ibid

  85. Ibid

  86. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Hope Johnson, Bridget Lewis et Rowena Maguire en révisant puis en improvisant une version de la Convention internationale sur la chasse à la baleine, dans laquelle iels prévoient une disposition pour une représentation pour les baleines : Ibid

  87. Ibid

  88. Ibid

  89. Ibid

  90. Par exemple, raconter les jugements de manière plus accessible, dans l'affaire Baxter, Lady Belcher a utilisé des diagrammes pour distiller des circonstances factuelles compliquées dans un format plus digeste : Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outs In (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019). 

  91. Rosemary Hunter, « The Power of Feminist Judgments? » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 135–148 aux pp.144 et s. 

  92. Ibid

  93. Kate Fitz-Gibbon & JaneMaree Maher, « Feminist Challenges to the Constraints of Law: Donning Uncomfortable Robes? » (2015) 23:3 Fem Leg Stud 253–271 à la p 268. 

  94. Julie McCandless, Máiréad Enright & Aoife O’Donoghue, « Introduction: Troubling Judgment » dans Northern/Irish Feminist Judgments: Judges Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) 3. 

  95. Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist judgments in international law (Oxford, United Kingdom; New York: Hart, 2019); Marcelle Burns, « Judgment : Members of the Yorta Yorta Aboriginal Community v Victoria (2002) 214 CLR 422 » in Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 97. 

  96. Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist judgments in international law (Oxford, United Kingdom; New York: Hart Publishing, 2019). 

  97. Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, « Introduction to the U.S. feminist judgments project » dans Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments series: rewritten Judicial Opinions, 1st ed (Cambridge University Press, 2016) : Il n’y a pas de vision monolithique d'une réécriture féministe de jugements au sein même d'un projet commun ce qui signifie que les autaires de réécriture peuvent même être en désaccords avec l'approche d'un·e contributeur/contributrice. La personne chargée de réécrire l'opinion et celle chargée de commenter peuvent être également en désaccords. 

  98. Par exemple: Jhuma Sen, « Righting Sarla Mudgal v Union of India and Others » (2016) 7:1 Jindal Glob Law Rev 97–112. 

  99. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outs In (Oxford London New York New Delhi Sydney: Hart Publishing, 2019); Jennifer Koshan, «R v JA» (2018) 30:2 Can J Women Law 323–358. 

  100. Alex Sharpe, « Queering Judgment: The Case of Gender Identity Fraud »(2017) 81:5 J Crim Law 417–435. 

  101. Ibid

  102. Rosemary Hunter, « An Account of Feminist Judging » in Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist Judgments: from Theory to Practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010) 30 à la p.39. 

  103. Ibid

  104. Janna Promislow, « Reference re Haida Nation v British Columbia (Minister of Forests) » (2021) Judicial Tales Retold: Reimagining Indigenous Rights Jurisprudence Can Native Law Report à la p.128. 

  105. Mãmari Stephens, « Judgment: Ruka v Department of Social Welfare [1997] 1 NZLR 154 » in Elisabeth McDonald et al, eds, Fem Judgm Aotearoa N Z (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) aux pp.92–94. 

  106. Rosemary Hunter, « The Power of Feminist Judgments? » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 135–148 aux pp.144 et s.; Nicole Rogers & Michelle M Maloney, eds, Law as if earth really mattered: the wild law judgement project, Law, justice and ecology (Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2017). 

  107. Nicole Rogers & Michelle M Maloney, eds, Law as if earth really mattered: the wild law judgement project, Law, justice and ecology (Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2017). 

  108. Rosemary Hunter, Clare McGlynn & Erika Rackley, « Feminist Judgments: An Introduction » in Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist Judgments: from Theory to Practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart, 2010) 3 à la p.14. (nous traduisons). 

  109. Rosemary Hunter, « An Account of Feminist Judging » in Rosemary C Hunter et al, eds, Feminist Judgments: from Theory to Practice (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2010) 30 à la p.39. 

  110. Heather Douglas, « Sexual Violence, Domestic Abuse and the Feminist Judge » 3:2 J Int Comp Law 317–343. 

  111. Sharon Cowan, Vanessa E Munro & Liz Campbell, « Ruxton v Lang 1998 SCCR 1 » dans Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outs In (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019) 87; R Emerson Dobash & Russell P Dobash, « Love, honour and obey: Institutional ideologies and the struggle for battered women » (1977) 1:4 Contemp Crises 403–415. 

  112. Sharon Cowan, Vanessa E Munro & Liz Campbell, « Ruxton v Lang 1998 SCCR 1 » in Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish Feminist Judgments: (Re)creating Law from the Outs In (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019) 87, aux pp. 92-93. 

  113. Loveday Hodson & Troy Lavers, eds, Feminist judgments in international law (Oxford, United Kingdom; New York: Hart, 2019). 

  114. Alex Sharpe, « Queering Judgment: The Case of Gender Identity Fraud » (2017) 81:5 J Crim Law 417–435. : problématiques de discrimination subies par les personnes trans, taux de suicide exceptionnellement haut dans les communautés trans. 

  115. Notamment des activistes et des organisatrices communautaires (directrice générale de Rape Crisis Scotland, responsable de la justice chez Trans Alliance), et même des artistes (chanteuse, illustratrice, danse), une photographe, une poète ont participé aux discussions pour comprendre surtout le contexte social et politique du projet : Sharon Cowan, « The Scottish Feminist Judgments Project: A New Frontier » (2018) 8:9 Oñati Socio-Leg Ser 1386–1401. 

  116. Alex Sharpe, « Queering Judgment: The Case of Gender Identity Fraud » (2017) 81:5 J Crim Law 417–435. 

  117. Erika Rackley, Women, judging and the judiciary: from difference to diversity (Milton Park, Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2013). 

  118. Diane Peters, « Le Tribunal des Femmes du Canada », (12 September 2011), online: Aff Univ <https://www.affairesuniversitaires.ca/articles-de-fond/article/le-tribunal-des-femmes-du-canada/>. 

  119. Naomi M Mann & Anne E Mullins, « Supreme Court and Gender Narratives - Desert Palace, Inc. v Costa, 539 U.S. 90 (2003) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist judgments: rewritten employment discrimination opinions, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 30. 

  120. Bridget J Crawford & Linda L Berger, « Feminist Judging Matters: How Feminist Theory and Methods Affect the Process of Judgment » (2018) 47:2 Univ Baltim Law Rev. 

  121. Margaret Davies, « The Law Becomes Us: Rediscovering Judgment » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 167–181. 

  122. Heather Douglas et al, « Introduction: Righting Australian Law » in Heather Douglas et al, eds, Australian Feminist Judgments: Righting Rewriting Law (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2014) 1. 

  123. Erika Rackley, « Why Feminist Legal Scholars Should Write Judgments : Reflexions on the Feminist Judgments Project in England and Wales » (2012) 24:2 Can J Women Law 389. 

  124. Margaret Davies, « The Law Becomes Us: Rediscovering Judgment » (2012) 20:2 Fem Leg Stud 167–181. 

  125. Réécriture dans le cadre du Tribunal canadien des Femmes, Symes v Canada Women’s Court of Canada [2006] 1 W. C. R. 31. 

  126. Ibid 

  127. Narelle Bedford & Peter Billings, « Tickner v Chapman (1995) 57 FCR 451 » in Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) à la p.89. 

  128. Kris McDaniel-Miccio & Ruthmann Robson, « Lawrence v Texas, 539 U.S. 558 (2003) » in Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments: Rewritten Opinion of the United States Supreme Court Feminist judgments series: rewritten judicial opinions (Cambridge, United Kingdom; New York, USA Port Melbourne, Australia New Delhi, India Singapore: Cambridge University Press, 2016) 485 à la p.501. 

  129. Kris McDaniel-Miccio & Ruthmann Robson, « Lawrence v Texas, 539 U.S. 558 (2003) » in Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments: Rewritten Opinions of the United States Supreme Court Feminist judgments series: rewritten judicial opinions (Cambridge, United Kingdom; New York, USA Port Melbourne, Australia New Delhi, India Singapore: Cambridge University Press, 2016) 485 à la p.500 : « Bowers v. Hardwick was incorrect when it was decided and remains incorrect. Bowers v Hardwick is overruled ». 

  130. Kris McDaniel-Miccio & Ruthmann Robson, « Lawrence v Texas, 539 U.S. 558 (2003) » in Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments: Rewritten Opinions of the United States Supreme Court Feminist judgments series: rewritten judicial opinions (Cambridge, United Kingdom; New York, USA Port Melbourne, Australia New Delhi, India Singapore: Cambridge University Press, 2016) 485 à la p.501. 

  131. Osca Monaghan, « Milirrpum v Nabalco Pty Ltd (1971) 17 FLR 141 » in Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 25 à la p.31 : « The colonial apparatus enforced its order of the world through the imposition of specific forms of sexuality, legality, raciality, language, religion and property ». Voir aussi Nicole Rogers & Michelle M Maloney, eds, Law as if earth really mattered: the wild law judgement project, Law, justice and ecology (Abingdon, Oxon ; New York, NY: Routledge, 2017) à la p 26. 

  132. Ibid

  133. Margo Kaplan & Cynthia Godsoe, « Michael M. v Superior Court, 450 U.S. 464 (1981) » in Kathryn M Stanchi, Linda L Berger & Bridget J Crawford, eds, Feminist Judgments: Rewritten Opinions of the United States Supreme Court Feminist judgments series: rewritten judicial opinions (Cambridge, United Kingdom; New York, USA Port Melbourne, Australia New Delhi, India Singapore: Cambridge University Press, 2016) 257 à la p 263. 

  134. Par exemple, jusqu’à une modification récente de la loi, la définition du viol en Suisse était « une pénétration vaginale imposée à une femme par un homme ». 

  135. Sharon Cowan, « The Scottish Feminist Judgments Project: A New Frontier » (2018) 8:9 Oñati Socio-Leg Ser 1386–1401. 

  136. Carron, Djemila et Ferdinando Miranda, « A.P., Garçon et Nicot c. France. Un arrêt de la CourEDH réécrit selon la perspective de genre et de sexualités en droit », dans : Bérénice K. Schramm et Emmanuelle Tourme Jouannet (éd.), Queer(s) et droit international : Etudes du Réseau Olympe, 2021. 

  137. Ibid, aux p. 8-9. 

  138. L’ajout de l’astérisque à personnes trans* et à femmes* permet de reconnaître la diversité des formes possibles d’identités trans et d’identités femmes, et de signaler qu’est reconnue comme personne trans ou femme toute personne s’identifiant ainsi. 

  139. Ibid. 

  140. Ibid. 

  141. Ibid. 

  142. Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014); Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017); Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous legal judgments: bringing indigenous voices into judicial decision making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021). 

  143. Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous legal judgments: bringing indigenous voices into judicial decision making (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) à la p.260. 

  144. Voir en particulier Māmari Stephens & Rhonda Louise Powell, « Law in Aotearoa New Zealand » in Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand: Te Rino: A Two-Stranded Rope (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) aux pp 15–24. Voir aussi Kathryn M Stanchi, Bridget J Crawford & Linda L Berger, « The Necessity of Multi-Stranded Feminist Judicial Opinions » (2018) 44:2 Aust Fem Law J 245–264 aux pp. 249–253. 

  145. Māmari Stephens & Rhonda Louise Powell, « Law in Aotearoa New Zealand » in Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand: Te Rino: A Two-Stranded Rope (Oxford; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) aux pp. 16–18. 

  146. Rhonda Louise Powell et al, « Ko ngā muka o te rino: threads of the two-stranded rope » in Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist Judgments of Aotearoa New Zealand: Te Rino: A Two-Stranded Rope (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) à la p.10. 

  147. Heather Douglas et al, eds, Australian feminist judgments: righting and rewriting law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) à la p.22. 

  148. Eva Brems, ed, Diversity and European human rights: rewriting judgments of the ECHR (Cambridge ; New York: Cambridge University Press, 2013). 

  149. Elisabeth McDonald et al, eds, Feminist judgments of Aotearoa New Zealand (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017). 

  150. Anita Stuhmcke, « Judgment: JM v QFG and GK [1998] QCA 228 » in Heather Douglas et al, eds, Australian Feminist Judgments: Righting and Rewriting Law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) 397 à la p.23. 

  151. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019) à la p.10. 

  152. Ibid. 

  153. Alison Whittaker, « Poem and note: Eatock v Bolt [2011] FCA 1103 » in Nicole Watson & Heather Douglas, eds, Indigenous Legal Judgments: Bringing Indigenous Voices into Judicial Decision Maingk (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2021) 179. 

  154. Ibid. 

  155. Ibid, à la p. 184. 

  156. Julie McCandless, Máiréad Enright & Aoife O’Donoghue, « Introduction: Troubling Judgment » in Northern/Irish Feminist Judgments: Judges' Troubles and the Gendered Politics Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) 3 à la p.17. 

  157. Sharon Cowan, Chloë Kennedy & Vanessa E Munro, eds, Scottish feminist judgments: (re)creating law from the outside in (Oxford, London, United Kingom; New York, USA; New Delhi, India; Sydney, Australia: Hart Publishing, 2019). 

  158. Ibid, à la p.11. 

  159. Ibid, aux p. 232 à 234. 

  160. Ibid, à la p. 224. 

  161. Ibid, à la p.12. 

  162. Ibid, à la p. 10. 

  163. Ibid. 

  164. Ibid. 

  165. Ibid. 

  166. Ibid. 

  167. Ibid. 

  168. Ibid. 

  169. Mary Shine Thompson, « Doing Feminist Judgments » dans Northern/Irish Feminist Judgments: Judges' Troubles and the Gendered Politics of Identity (Oxford, United Kingdom; Portland, Oregon: Hart Publishing, 2017) 49. 

  170. Rosemary Grey, Kcasey McLoughlin & Louise Chappell, « Gender and judging at the International Criminal Court: Lessons from ‘feminist judgment projects’ » (2021) 34:1 Leiden J Int Law 247–264. Voir aussi Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist judgments: rewritten employment discrimination opinions, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020). 

  171. Alexandra Timmer, « From inclusion to tramsformation: rewriting Konstantin Markin v Russia » in Eva Brems, ed, Divers Eur Hum Rights Rewriting Judgm ECHR (Cambridge ; New York: Cambridge University Press, 2013) 148. 

  172. Ibid. 

  173. Wynter P Allen, « Commentary: International Union, UAW v Johnson Controls, Inc., 499 U.S. 187 (1991) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist Judgments: Rewritten Employement Discrimination Opinions Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 68. 

  174. International Union, UAW v Johnson Controls, Inc., 499 U.S. 187 (1991). 

  175. Ibid, aux para 188-189. 

  176. Wynter P Allen, « Commentary: International Union, UAW v Johnson Controls, Inc., 499 U.S. 187 (1991) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist Judgments: Rewritten Employement Discrimination Opinions Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 68 à la p.65. 

  177. Aux USA, en droit du travail, le Bona Fides Occupational Qualification est un attribut ou une caractéristique de la personne employée que la partie employeuse peut considérer dans l’analyse de l’embauche ou de l’évolution de carrière de la personne employée, mais dont la considération dans un autre contexte constituerait une violation de ses droits civiques. 

  178. Wynter P Allen, « Commentary: International Union, UAW v Johnson Controls, Inc., 499 U.S. 187 (1991) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist Judgments: Rewritten Employement Discrimination Opinions Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 68 à la p.80. 

  179. Alexandra Timmer, « From inclusion to tramsformation: rewriting Konstantin Markin v Russia » in Eva Brems, ed, Diversity and European Human Rights: Rewriting Judgments of the ECHR (Cambridge, United Kingdom; New York: Cambridge University Press, 2013) 148. 

  180. Ibid. 

  181. Nicole Rogers & Michelle Maloney, « The Australian Wild Law Judgment Project » (2014) 39:3 Altern Law J 172–175 aux pp.172 et 173. 

  182. Nicole Rogers, « Performance and Pedagogy in the Wild Law Judgment Project » (2017) 27:1 Leg Educ Rev. 

  183. Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist judgments: rewritten employment discrimination opinions, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020). 

  184. Naomi M Mann & Anne E Mullins, « Supreme Court and Gender Narratives - Desert Palace, Inc. v Costa, 539 U.S. 90 (2003) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist judgments: rewritten employment discrimination opinions, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 30. 

  185. Ibid aux pp. 33 et 34. 

  186. Rosemary Grey, Kcasey McLoughlin & Louise Chappell, « Gender and judging at the International Criminal Court: Lessons from ‘feminist judgment projects’ »(2021) 34:1 Leiden J Int Law 247–264. 

  187. Linda L. Berger, Bridget J. Crawford & Kathryn Stanchi, « Methods, Impacts and Reach of the Global Feminist Judgments Projects » (2018) 8:9 Oñati Socio-Legal Series. 

  188. Roxana S. Bell, Angela Onwuachi-Willig & JoAnne Sweeny, « Intersectional Approches to Apperances – Jespersen v. Harrah’s Operating Co., 444 F.3d 1104 (9th Circ. 2006) » in Ann C McGinley & Nicole Buonocore Porter, eds, Feminist judgments: rewritten employment discrimination opinions, Feminist judgment series (Cambridge, United Kingdom; New York, USA: Cambridge University Press, 2020) 128. 

  189. Voir par exemple nos développements aux para. 23 et suivants. Voir aussi Watson Irene, « First Nations Stories, Grandmother’s Law: Too Many Stories to Tell: Kartinyeri v The Commonwealth [1998] HCA 22 » in Heather Douglas et al, eds, Australia Feminist Judgments: Righting and Rewriting Law (Oxford, United Kingdom: Hart Publishing, 2014) 46. 

  190. Un autre article traitant précisément de la transposabilité dans un système de droit civil est en cours de publication. 

Charlotte Hamel

Louise Lambert-OLD

Nesa Zimmermann