La lutte contre les ennemis de la démocratie
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Cet article fait partie de « Miscellanées démocratiques. Actes du colloque tenu à l’occasion du 40e anniversaire du Centre de droit public »
Introduction
§1 En quarante années d’existence, le Centre de droit public de l’ULB s’est signalé par plusieurs combats, dont, tout particulièrement, un engagement constant dans une lutte contre les « ennemis de la démocratie » que sont les partis extrémistes et racistes. C’est une partie de l’ADN de notre Centre, qui a privilégié, depuis longtemps, la thèse de l’interdiction pure et simple de ces partis qui vomissent la démocratie, la liberté et l’égalité, en prônant une politique délibérée de discrimination au sein de la Nation. Durant ces 40 années, de nombreuses publications ont ainsi été rédigées par des membres de notre Centre à propos de l’interdiction des partis liberticides1. Il faut également rappeler ici l’incident survenu dans le cadre de la procédure poursuivie en 2007 devant le Conseil d’État tendant à la suppression de la dotation au profit du Vlaams Belang, portant sur des demandes de récusation dirigées contre deux conseillers d’État, Michel Leroy et Philippe Quertainmont, en raison de leur appartenance au Centre de droit public de l’ULB (ancien président et ancien directeur du Centre), « dirigé par l’avocate des parties requérantes originaires » (Annemie Schaus) et dont le site internet mentionnait qu’il mène un projet de recherche sur « la lutte contre l’extrême droite »2. Est-il immodeste d’affirmer que c’est un peu notre fierté ?
§2 L’interdiction d’un parti politique paraît constituer, de prime abord, une entrave difficilement admissible au regard des libertés fondamentales et de l’essence de la démocratie. De fait, une telle interdiction porterait a priori une atteinte intolérable à la liberté d’expression, laquelle doit valoir, pour reprendre la formule célèbre de la Cour européenne des droits de l’homme, « non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui choquent, inquiètent ou heurtent l’État ou une fraction de la population »3, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de participer à des élections libres pour lesquelles le pluripartisme constitue une règle essentielle.
Si cette liberté de parole compose l’une des règles essentielles d’un État démocratique, elle n’est cependant pas absolue et doit elle-même souffrir certaines restrictions, notamment afin d’assurer la sauvegarde des droits d’autrui. Et, s’il peut paraître paradoxal pour une démocratie de ne plus tolérer ceux qui ne la tolèrent pas, ils sont nombreux à avoir démontré que « la tolérance n’est possible que lorsqu’elle est réciproque (…). Si un individu ou un groupe n’est pas prêt à se soumettre à la discussion suivant les lois bien connues de la discussion, il peut être toléré, mais il n’a aucun droit à la tolérance »4.
La question de l’admissibilité de tels partis liberticides s’avère d’être d’une actualité certaine en Europe, où des formations politiques extrémistes entendent promouvoir un programme ostensiblement raciste et xénophobe, voire des thèses retrouvées dans les régimes fascistes du XXe siècle, et qui ont désormais un « seuil de crédibilité » important par leurs résultats électoraux5.
« La lutte contre les ennemis de la démocratie » en droit comparé
§3 Il faut constater d’emblée qu’au contraire de la Belgique, la plupart des États à constitution moderne consacrent l’existence et le rôle des partis politiques, mais qu’ils se sont également souciés de se protéger contre eux, en tout cas contre ceux qui ne respecteraient pas les règles du jeu de l’ordre démocratique, en prévoyant une « clause d’interdiction » des partis liberticides6.
L’examen de la Constitution allemande est particulièrement édifiant à cet égard, plus particulièrement son article 21 qui porte, en son § 2, que « les partis qui, d’après leur but ou d’après l’attitude de leurs adhérents, cherchent à porter atteinte à l’ordre fondamental, libéral et démocratique, à le renverser ou à compromettre l’existence de la République Fédérale d’Allemagne sont anti-constitutionnels ». C’est au Tribunal constitutionnel fédéral qu’il appartient de déclarer ainsi l’inconstitutionnalité d’un parti extrémiste, qui ne respecterait pas cette disposition, à la suite d’une requête en dissolution du parti introduite par l’une des deux chambres du parlement fédéral ou par le Gouvernement fédéral. Ainsi, en même temps qu’il protégeait les partis politiques en les institutionnalisant, le constituant s’est également soucié de se protéger contre eux, en tout cas contre ceux qui ne respecteraient pas les règles du jeu de « l’ordre libéral et démocratique ».
La finalité démocratique » des partis doit être appréciée, soit par un examen de leurs statuts, soit par une comparaison in concreto du contenu de leur programme avec les prises de position de leurs dirigeants et « l’attitude de leurs adhérents ». Il s’agit là d’un point crucial pour pouvoir qualifier un parti de parti liberticide : l’examen des statuts sera, le plus souvent, fort peu efficace, puisque la plupart des partis liberticides s’abstiennent de déclarer officiellement qu’ils ne poursuivraient pas une finalité démocratique. Quant à l’analyse de buts du parti, force est d’admettre qu’elle aura toujours un caractère plus ou moins subjectif. Sur le plan probatoire, l’examen du comportement des adhérents et des mandataires d’un parti constitue indéniablement une approche plus objective. Il appartient au juge constitutionnel de rassembler, à l’image d’un juge d’instruction, tous les indices possibles, susceptibles d’établir le caractère non démocratique du parti mis en cause.
Cette procédure exceptionnelle d’interdiction d’un parti politique a été mise en œuvre à deux reprises dans les années cinquante, d’abord à l’encontre du SRP néo-nazi, puis contre le KPD communiste, dans les deux cas, à la suite de recours du Gouvernement fédéral. Dans les deux cas, le juge constitutionnel a confirmé le caractère inconstitutionnel du parti concerné, en énonçant notamment que « le devoir minimum de tout parti politique dans un État libéral démocratique, dans son intervention publique, comme dans la forme et le style de son activité politique, est de reconnaître comme obligation pour lui les valeurs constitutionnelles supérieures, de collaborer à l’affermissement de leur image et, au minimum, de s’abstenir de tout abaissement ou diffamation de cet ordre. Un parti qui entreprend une campagne permanente et systématique de dénigrement et de raillerie de ces valeurs et de l’ordre qui les incarne, a pour but d’y porter atteinte et même de le renverser. Il n’est pas pensable qu’un tel parti puisse être appelé à contribuer constitutionnellement à la formation de la volonté étatique dans une démocratie libérale »7.
§4 Plusieurs pays connaissent également des législations particulières, à l’instar de la loi belge du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées, portant interdiction, de manière générale, de toutes associations qui feraient usage de la violence.
En France, la définition des « groupes de combat et milices privées » a été étendue, par une loi du 1er juillet 1972, à toutes les associations et groupements de fait qui « soit, provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine, ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée, soit propageraient des idées ou des théories tendant à justifier ou à encourager cette discrimination, haine ou violence ». Cette législation a constitué le fondement juridique de décrets de dissolution de plusieurs ligues d’extrême droite en 1936 et de mouvements d’extrême gauche nés dans le sillage de mai 1968. Le critère de l’incitation au racisme a été, plus particulièrement, mis en œuvre pour justifier la dissolution de mouvements néonazis8. Si le nombre de dissolutions administratives des « groupes de combats », « milices privées » et autres groupements « provoquant à la discrimination et à la haine raciale », s’avère assez important en France, il faut cependant constater que ces dissolutions n’ont concerné que des groupes politiques marginaux, dont on peut contester la qualité de parti politique, puisqu’ils ne s’étaient, pour la plupart, jamais présentés à aucune élection et n’avaient d’ailleurs pas, en général, cet objectif.
De manière plus générale, l’article 4 de la Constitution énonce que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », mais cette disposition constitutionnelle n’a, selon la doctrine, qu’une valeur essentiellement « morale »9. Les partis n’ont été dotés d’un véritable statut qu’à dater d’une loi du 15 janvier 1990, qui les a fait bénéficier d’un financement public, en contrepartie d’une obligation de transparence.
En l’occurrence, la compétence de prononcer la dissolution d’un parti relève du pouvoir discrétionnaire du Président de la République. Le fait d’avoir confié un tel pouvoir à une autorité politique, et non à un organe juridictionnel, s’explique par des raisons historiques et par le rôle traditionnel d’arbitre et de gardien des institutions conféré au Président. Les garanties d’indépendance et d’impartialité n’y trouvent cependant pas leur compte. Si des garanties juridiques existent, elles consistent dans le contrôle ultérieur du Conseil d’État, qui pourra vérifier l’exactitude matérielle des faits et leur qualification juridique, mais sans pouvoir se substituer à l’autorité politique dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Force est de constater qu’à ce jour, aucun président de la Ve République n’a jamais mis en œuvre une telle procédure d’interdiction, alors même que le FN ou, désormais, le RN connaît une progression constante depuis 20 ans, au point de rassembler aujourd’hui plus d’un quart de l’électorat national10.
§5 On relèvera enfin que plusieurs constitutions ou législations de pays qui ont connu le fascisme interdisent, de manière générale, tout parti se réclamant de cette idéologie. Tel est le cas en Espagne, en Italie, au Portugal ou en Autriche. Il s’agit là, en réalité, de législations d’exception, liées à l’époque et qui, pour l’Italie et pour l’Autriche plus particulièrement, n’interdisent en réalité que les seuls anciens partis nazi et fasciste, et, partant, ne paraissent pas pouvoir s’étendre à une résurgence de ces courants d’idées sous une autre dénomination. Enfin, des interdictions générales de ce type se retrouvent également dans les constitutions des pays d’Europe de l’Est (par exemple, en Tchéquie, en Pologne ou en Russie) à l’encontre du parti communiste.
« La lutte contre les ennemis de la démocratie » dans la Convention européenne des droits de l’homme
§6 L’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme énonce qu'« aucune des dispositions de la présente convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant la destruction des droits ou libertés reconnus par la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention ». C'est sur la base de cette clause de déchéance que la Commission européenne des droits de l’homme avait, dans les années 1950, déclaré irrecevable le recours de l’ex-parti communiste allemand contre la décision du Tribunal constitutionnel fédéral, qui avait ordonné sa dissolution, au motif que la doctrine du parti communiste comportait « la destruction des droits et libertés consacrés par la Convention »11. Au fil du temps, les dispositions de l’article 17 ne semblent cependant plus jouer qu’un rôle mineur dans la jurisprudence de la Cour européenne, dès lors que la plupart des restrictions à charge des groupements liberticides sont susceptibles de trouver une justification dans les clauses de la Convention qui autorisent des restrictions spécifiques aux différents droits.
En outre, la « Commission de Venise » du Conseil de l’Europe a adopté en 1999 des « Lignes directrices sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et mesures analogues », selon lesquelles « l’interdiction ou la dissolution forcées de partis politiques ne peuvent se justifier que dans le cas où les partis prônent l’utilisation de la violence ou l’utilisent comme un moyen politique pour faire renverser l’ordre constitutionnel démocratique, mettant en danger de ce fait les droits et libertés protégés par la Constitution »12. Ces principes ont été réitérés par la suite, dans la résolution n° 1308 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, laquelle ajoute que l’imputabilité au parti des actions de ses membres doit faire l’objet d’une appréciation in concreto et que toute procédure de dissolution doit offrir les garanties d’un procès équitable, à charge pour les États de prévoir des « dispositions spécifiques afin que les mesures restrictives (…) ne puissent être utilisées arbitrairement par le pouvoir politique » 13.
§7 La position de la Cour européenne a été fixée par un arrêt spectaculaire rendu le 13 février 2003, en Grande chambre et à l’unanimité, confirmant la possibilité d’interdiction d’un parti politique extrémiste, en l’espèce le parti Refah14. L’arrêt reproduit, en premier lieu, le principe, déjà reconnu à plusieurs reprises par la Cour, qu’« un parti politique peut promouvoir un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’État à deux conditions : (1) les moyens utilisés à cet effet doivent être légaux et démocratiques ; (2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci, ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs » (§ 98). Il est également répété que « les statuts et le programme d’un parti politique ne peuvent être pris en compte comme seul critère afin de déterminer ses objectifs et intentions. (…) On ne saurait exclure que le programme politique d’un parti cache des objectifs et intentions différents de ceux qu’il affiche publiquement. Pour s’en assurer, il faut comparer le contenu de ce programme avec les actes et prises de position des membres et dirigeants du parti en cause » (§ 101).
L’arrêt de la Grande chambre endosse, en cette occasion, les conclusions auxquelles était parvenue une section de la Cour dans un arrêt précédent du 31 juillet 2001 concernant l’incompatibilité radicale du système multi-juridique, tel que proposé par le Refah avec les « principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la Convention »15. L’arrêt condamne ainsi de la même manière tout dispositif qui « catégoriserait » les particuliers selon leur appartenance religieuse et leur reconnaîtrait des droits et libertés, non pas en tant qu’individus, mais en fonction de leur appartenance à un mouvement religieux, un tel système multi-juridique étant affecté de deux vices majeurs : d’une part, « il supprime le rôle de l’État en tant que garant des droits et libertés individuels et organisateur impartial de l’exercice des diverses conditions et religions dans une société démocratique », et, d’autre part, « il impose une différence de traitement entre les justiciables dans tous les domaines du droit public privé selon leur religion ou leurs convictions » (§ 119).
L’arrêt est encore plus remarquable par le fait qu’il valide un pouvoir d’intervention préventive de l’État à l’égard d’un parti politique poursuivant un projet incompatible avec les principes fondamentaux de la démocratie, par une « obligation positive » de l’État de lutter contre les activités liberticides « imputables à des personnes privées dans le cadre de structures qui ne relèvent pas de la gestion de l’État » et pouvant porter atteinte aux droits et libertés des personnes relevant de leur juridiction. L’arrêt énonce ainsi qu’« un État contractant à la Convention, en se fondant sur ses obligations positives, peut imposer aux partis politiques (…) le devoir de respecter et de sauvegarder les droits et libertés garantis par la Convention, ainsi que l'obligation de ne pas proposer un programme politique en contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie" (§ 103).
Il faut tout particulièrement insister sur l'emploi variable des modes impératif (« obligations positives ») et facultatif (l'État « peut imposer »), ce qui laisse aux États une certaine marge d'appréciation, sans qu'il n'y ait plus d'équivoque sur le fait que la Convention européenne leur impose d'assurer une protection juridique des individus contre tous discours et activités liberticides d'un parti16.
Les mécanismes actuels d’autodéfense en droit belge
Les articles 15bis et 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales (financement des partis politiques)
§8 En droit belge, une première obligation de loyalisme démocratique est apparue en 1995, sous la forme d’un article 15bis inséré par le législateur dans la loi du 4 juillet 1989 relative au financement et la comptabilité ouverte des partis politiques, énonçant que « pour pouvoir bénéficier de la dotation prévue à l’article 15, chaque parti doit (...) inclure dans ses statuts ou dans son programme une disposition par laquelle il s’engage à respecter dans l’action politique qu’il entend mener, et à faire respecter par ses différentes composantes et par ses mandataires élus, au moins les droits et libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »17.
Cette disposition s’est rapidement avérée purement formelle, puisqu’à s’en tenir à la lettre du texte, celui-ci n’imposait qu’une obligation d’insérer, dans les statuts du programme du parti, un engagement de respecter les droits repris dans la Convention européenne, obligation que tous les partis extrémistes furent les premiers à respecter18. Interrogée à la suite de diverses publications à caractère raciste émanant de membres du Vlaams Blok, la Commission de contrôle des dépenses électorales n’a pu que constater l’existence de deux interprétations divergentes du même texte en son sein et, en l’absence de consensus, a préféré renoncer à toute sanction19.
Quatre ans plus tard, une nouvelle loi du 12 février 1999 a inséré un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 précitée, afin de rendre l’obligation de comportement conforme aux principes de la Convention européenne plus effective à charge des partis politiques, en prévoyant une possibilité de suppression de la dotation publique d’un parti politique qui, « par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus, montre, de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants, son hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne ».
Dans sa version originaire, cette nouvelle législation confiait le contentieux en ce domaine à une chambre bilingue de la section du contentieux administratif du Conseil d’État, à la suite d’une « plainte » déposée par au moins cinq membres de la Commission de contrôle du parlement. Cette requête devait impérativement comprendre un exposé des faits et des indices concordants, faisant apparaître, de manière manifeste, l’hostilité du parti politique en question à l’égard des droits et libertés. Elle devait également être introduite dans les soixante jours du dernier fait sur lequel elle se fondait. Avant de transmettre cette plainte au Conseil d'État, il appartenait à la Commission de contrôle d’opérer un premier examen contradictoire des faits et d’entendre le parti ou le mandataire concerné20.
§9 L’art. 15ter adopté en 1999 a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par une asbl Vlaamse Concentratie (qui est l’association agréée aux fins de recevoir la dotation publique allouée au Vlaams Blok) et par divers parlementaires du Vlaams Blok. Par un arrêt du 7 février 2001, la Cour constitutionnelle a rappelé les limites de son contrôle, lequel ne peut pas déborder sur une appréciation, en opportunité, des options politiques. Selon la Cour constitutionnelle, la différence de traitement instituée entre les partis politiques, selon que ceux-ci respectent, ou non, la nouvelle condition mise à l’octroi de la dotation, « repose sur des critères objectifs qui sont raisonnablement liés à l’objectif prédécrit : (…) étant donné que des formations politiques n’ont généralement pas la personnalité juridique et qu’influencer la volonté populaire peut être le fait d’un parti politique en tant que tel aussi bien que de l’un de ces éléments, le législateur est en droit de viser également les composantes, listes, candidats ou mandataires élus des partis, pour autant qu’il ne subsiste aucun doute quant à l’appartenance de ces éléments au parti politique concerné »21. L’arrêt de rejet est cependant conditionné par plusieurs réserves, dont une plus importante selon laquelle « les dispositions en cause ne peuvent faire perdre la dotation destinée à un parti qui aurait clairement et publiquement désavoué l’élément qui a manifesté l’hostilité visée à l’article 15ter ».
S’il faut effectivement se garder de sanctionner un parti pour n’importe quelle déclaration isolée d’un élément non contrôlé, cette réserve émise ainsi par la Cour nous paraît pour le moins équivoque. En particulier, s’il s’agit de blanchir le parti par le simple fait qu’il déclare publiquement ne pas marquer son accord sur les déclarations du mandataire incriminé, il est patent que la loi n’aura aucune effectivité pratique. De fait, il sera facile pour le parti extrémiste de déclarer se désolidariser des propos tenus par l’un de ses membres ou lui adresser une simple admonestation, s’il ne se trouve pas contraint à prendre une sanction majeure à son égard. À défaut d’une exclusion en bonne et due forme, il conviendrait à tout le moins que le « désaveu clair et public » entraîne un bannissement de l’intéressé de toutes listes électorales du parti22.
Pour le surplus, la Cour constitutionnelle constate que la sanction litigieuse se limite à la privation de dotation publique, pour un montant fixé ou pour une période déterminée, et ne constitue dès lors pas une mesure préventive et ne soustrait pas les droits fondamentaux au débat politique. En outre, cette sanction ne peut pas être jugée comme manifestement contraire au principe de proportionnalité, dès lors qu’elle implique la preuve préalable par des indices concordants, d’une « hostilité manifeste » aux droits et libertés protégés par la Convention européenne, et ce sous la garantie d’une procédure juridictionnelle contradictoire, ainsi qu’un double degré de juridiction.
§10 La procédure de privation de la dotation publique prévue par l’article 15ter de la loi du 12 février 1999 précité, a été mise en œuvre à l’encontre de deux partis politiques extrémistes : le Vlaams Belang23 et le Front National (FN)24. La procédure engagée contre le Vlaams Belang, à la requête de dix membres de la Commission de contrôle a débouché, au terme d’un parcours assez chahuté, sur un arrêt daté du 15 juin 2011, par lequel le Conseil d’État s’est référé à l’interprétation restrictive déjà donnée par la Cour constitutionnelle, aux dispositions de l’article 15ter précité. L’arrêt énonce ainsi que « l’intervention de l’article 15ter dans la liberté d’expression ne peut, pour éviter d’avoir un caractère disproportionné, s’appliquer qu’aux cas dans lesquels le parti politique a incontestablement incité à violer des droits et libertés garantis par la Convention européenne et ses protocoles additionnels (…). La question de savoir si les opinions incitent indéniablement à violer un principe, comme il est dénoncé ci-dessus, doit être appréciée en fonction de leur contenu et de leur contexte. Elles doivent en outre faire apparaître qu’un élément moral spécifique est en cause. Être hostile, implique l’existence de sentiments forts et de pensées de rejet et de haine, de malveillance »25.
En l’occurrence, le Conseil d’État constate que « les propos critiqués épinglés sont acerbes et polémiques et ne témoignent pas d’un sens aigu de la délicatesse et de la nuance. En ce sens, ils sont susceptibles de nourrir une animosité entre certaines fractions de la société et, à terme, de contribuer à « une polarisation et un climat d’intolérance ». Ce seul constat ne suffit cependant pas pour que le parti soit sanctionné, puisque l’arrêt conclut en ce sens qu’« au regard de tous les éléments de l’affaire, il n’y a pas de majorité au Conseil d’État pour considérer que les propos ‘incitent’ – au sens strict dans lequel ce mot doit être entendu – en outre clairement et délibérément à violer (un) des principes essentiels de la démocratie que les requérants invoquent ». Il se déduit de ces termes que l’Assemblée générale du Conseil d’État était très divisée en cette matière et que la ligne de fracture entre les magistrats était selon toute vraisemblance de nature communautaire, les magistrats francophones étant apparemment enclins à sanctionner le Vlaams Belang, au contraire de leurs collègues néerlandophones26.
Au terme de cette jurisprudence, il ne reste plus grand-chose de la ratio legis de l’article 15ter précité : en pratique, l’expression de propos xénophobes ne peut entraîner aucune conséquence sur le plan légal, sauf à l’auteur du discours d’en appeler explicitement à transgresser une norme juridique en vigueur. On admettra cependant qu’entre un discours haineux et l’incitation à commettre des actes inspirés par ce même discours, la frontière est infime… Comme l’énonce Marc Uyttendaele, « n’importe quel propos ignominieux pourrait être tenu, pour autant que son auteur n’appelle pas explicitement les citoyens à en tirer les conséquences. Cette position est d’une grande hypocrisie (…). La tenue de propos xénophobes crée un climat qui conduit à banaliser le racisme et à favoriser sa prolifération. Or, cette banalisation s’analyse comme une incitation, sinon à partager ces opinions, du moins à ne pas les trouver à ce point intolérables »27.
§11 C'est, en réalité, sur une autre base juridique que l’ancien Vlaams Blok – ou plutôt plusieurs de ses asbl satellites appelées à recevoir son financement – a fait l'objet de procédures en justice, à la suite d'une plainte déposée par le Centre pour l'égalité des chances et la Ligue des droits de l’Homme pour contravention à la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et punissant d'emprisonnement « quiconque fait partie d'un groupement ou d'une association qui, de façon manifeste et répétée, pratique la discrimination ou la ségrégation ou prône celles-ci dans les circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal ».
Cette action a donné lieu, au terme d’un long parcours judiciaire, à un arrêt de la Cour d'appel de Gand du 21 avril 2004, qui considère que le délit reproché aux trois asbl soutenant le Vlaams Blok n'emportait pas d'atteinte directe aux institutions politiques et qu'il y avait bien, en l'espèce, une « incitation systématique à la discrimination, à la ségrégation raciale, à la haine ou à la violence à l'encontre d'un individu ou de fractions déterminées de la population en raison de leur prétendue race, couleur, ou de leur ascendance ou origine ethnique ou nationale, c'est-à-dire, en bref, une incitation systématique à l'intolérance inspirée par le racisme et la xénophobie incompatible avec les valeurs prévalant dans une société démocratique, libre et pluraliste, contrevenant aux dispositions de la loi du 30 juillet 1981 »28.
La Cour d'appel de Gand a pris soin de répondre à l'argument invoqué par le Vlaams Blok, selon lequel les dispositions de la loi du 30 juillet 1981 ne pourraient pas être appliquées à un discours politique, à peine de réduire de manière excessive le libre débat politique, et ce tout particulièrement en période électorale, en considérant que l’interdiction de la discrimination est générale et s’étend également à l’arène politique.
L’arrêt énonce ainsi, plus particulièrement, que « ni les libertés d’expression et de presse, ni celles de réunion pacifique et d’association, ni le droit aux élections libres, ni la circonstance que le Vlaams Blok est un parti politique, ni les nécessités du débat public et le discours émotionnel qui y est inhérent ne peuvent, selon l’appréciation de la cour, légitimer la campagne de haine menée systématiquement contre les étrangers, en particulier la plus grande partie de la population allochtone, à savoir les Turcs et les Nord-Africains (plus spécialement, les Marocains). La Cour estime que la propagation de la haine sur de tels fondements poursuit en effet une finalité intrinsèquement illégale. Un discours socialement discriminatoire qui incite une grande partie de la population à une intolérance inspirée par le racisme et la xénophobie – ce qui est absolument inacceptable dans une société démocratique, libérale et pluraliste –, et, comme cela a été exposé ci-dessus, est de nature à porter atteinte aux droits et libertés les plus fondamentaux des groupes de population visés, ne peut en aucune façon résister au contrôle de légitimité, ni être légitime par aucun des droits, libertés et principes invoqués par les prévenues ». En fonction de ces éléments, l’arrêt conclut que « les propositions discriminatoires du Vlaams Blok faites de manière manifeste et répétée auprès du grand public pendant la période infractionnelle, qui ne résistent pas au contrôle de légitimité et de proportionnalité et incitent à une intolérance inspirée par le racisme et la xénophobie, incompatible avec les valeurs d’une société démocratique, libérale et pluraliste, ne peuvent être légitimées par aucun des droits, libertés et principes invoqués par les prévenues ». En affirmant ainsi que la loi du 30 juillet 1981 est parfaitement compatible avec la liberté d'expression, la Cour d'appel de Gand opère une balance des intérêts entre ces deux droits fondamentaux que sont la liberté d’expression et le principe d’égalité, en donnant priorité à l'interdiction de la discrimination, dans le droit fil de la jurisprudence des juridictions internationales.
Un nouveau pourvoi en cassation a été formé par les asbl du Vlaams Blok contre cet arrêt, qui a débouché sur une décision de rejet du 9 novembre 2004. La Cour de cassation y constate notamment que l’article 3 de la loi du 30 juillet 1981 précitée a transposé en droit belge les dispositions de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et que cette disposition ne souffre aucune exception, de telle manière que les partis politiques sont interdits, au même titre que toutes autres personnes, de comportement ou de paroles portant des discriminations raciales29.
L’effectivité du droit disciplinaire des parlementaires ?
§12 Les règlements des Parlements contiennent tous des dispositions de nature disciplinaire permettant à leurs présidents de pouvoir assurer la discipline au sein des hémicycles. Ces dispositions visent principalement à permettre de maintenir l’ordre au sein des hémicycles lors des différents travaux des parlementaires. Ces textes peuvent avoir vocation à combattre les actes et les propos liberticides émis par les élus lors de l’exercice de leur mandant, non pas pour ce qu’ils sont, mais seulement parce que ces actes et propos peuvent perturber le bon déroulement des travaux des parlements.
§13 Les dispositions disciplinaires des règlements des Parlements belges procèdent d’une même logique qui peut être résumée de la manière suivante30 :
- Le recours aux dispositions disciplinaires des règlements implique qu’un parlementaire trouble l’ordre lors de la séance31. Cette notion est particulièrement large et donc englober des propos, des discours et des actes de nature « liberticide ». Toutefois, ces propos et actes ne peuvent être sanctionnés que si le Président constate effectivement que ces propos ont empêché le Parlement de pouvoir continuer ses travaux.
- À titre de sanction, le Président peut retirer la parole au parlementaire concerné s'il l'a déjà obtenue, le priver du droit de prendre la parole pour le restant de la séance, effectuer un rappel à l’ordre ou exclure temporairement le parlementaire concerné32. Il peut également faire supprimer du compte rendu intégral et/ou du compte rendu analytique33 les paroles contraires à l'ordre. Cette faculté s'étend aux mentions analogues insérées dans les rapports, propositions et autres textes à imprimer dans les documents parlementaires34.
- Aucune sanction de nature pécuniaire n’est cependant attachée à ce droit disciplinaire alors que d’autres hémicycles prévoient de telles sanctions35. Ainsi, l’article 176 du Règlement du Parlement européen permet, entre autres, et à titre de sanction disciplinaire de prononcer la perte du droit à l'indemnité de séjour pour une durée pouvant aller de deux à trente jours36.
- Dans certains parlements, le règlement précise toutefois que le parlementaire peut mettre immédiatement fin aux effets de ces mesures disciplinaires en déclarant par écrit qu'il regrette d'avoir méconnu l'autorité du président et d'avoir troublé l'ordre37.
- Des voies de recours peuvent être organisées à l’encontre des sanctions prononcées à l’encontre des parlementaires perturbateurs38.
Notons enfin que le principe de l’irresponsabilité parlementaire qui exclut les poursuites pénales, les actions civiles et les poursuites disciplinaires externes39 ne fait pas obstacle aux sanctions disciplinaires prévues dans le règlement des assemblées40.
§14 D’un point de vue théorique, un parlementaire peut donc faire l’objet d’une sanction si celui-ci émet des propos liberticides ou commet des actes de ce même acabit. La Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Karàcsony et autres c. Hongrie du 17 mai 201641 et le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt Korwin-Mikke c. Parlement européen du 31 mai 201842 ont rappelé que le principe de liberté d'expression des parlementaires ne fait pas obstacle à la mise en place d'un régime de sanctions disciplinaires internes à l'assemblée parlementaire en vue d'assurer son bon fonctionnement.
D’un point de vue pratique cependant, cette faculté disciplinaire n’est que très peu utilisée lors des incidents durant les travaux des Parlements, deux exemples nous permettent d’illustrer les difficultés liées à l’application de ce régime disciplinaire.
Premièrement, le Président de la Chambre des Représentants a ainsi fait usage de mesures disciplinaires pour des propos tenus par le député indépendant Laurent Louis à la tribune lors de la séance plénière du 27 mars 2014 à l’encontre du Premier ministre Elio Di Rupo. Le député a fait l’objet lors de la même intervention de deux rappels à l’Ordre de la part du Président de la Chambre des Représentants qui a également décidé de rayer du Compte-rendu de la séance plénière de la Chambre certains propos offensants à l’égard du Premier ministre43.
Deuxièmement, en 2016, lors de débats à la Chambre sur l’implémentation de Caterpillar en Belgique, la députée sp.a Meryame Kitir revenait à son banc après sa réplique, lorsqu’elle a été interpellée par un élu Open Vld. D’après le chef de groupe Ecolo-Groen à la Chambre, le député Luk Van Biesen a lancé à la députée d’origine marocaine un « retourne au Maroc ». Le Président de la Chambre a alors indiqué que « si cette dernière remarque est avérée, je ne peux que la qualifier d’inappropriée et je demande à la personne concernée de présenter ses excuses à la députée ». Le député prit ensuite la parole pour indiquer « si ma précédente intervention a été mal comprise, je vous prie de m'en excuser » 44. Face à la polémique, le député a finalement tenu un point presse le lendemain des faits afin de présenter publiquement ses excuses45. Luk Van Biesen n’a reçu aucune autre sanction disciplinaire à cet égard, si ce n’est la mauvaise publicité de cet incident. Épinglons encore une réaction de la part du Président de la Chambre des Représentants sur cet évènement puisque ce dernier a indiqué lors d’un entretien à l’agence Belga qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'envisager des sanctions à l'endroit d'un député, au nom de la liberté d'expression totale et l'immunité dont jouissent les parlementaires dans l'exercice de leur fonction : « on continuera donc à dire ce qu'on veut au parlement, ce qui ne m'empêchera pas de persister à marquer mon désaccord avec ce type de propos »46.
§15 Ce dernier exemple permet cependant de démontrer toute la volatilité du système disciplinaire au sein des assemblées parlementaires puisque ce système apparait comme étant quasi inexistant notamment en raison du champ d’application extrêmement limité de ces dispositions, de la possibilité pour les députés d’échapper aux sanctions sur présentation de simples excuses (dont on ne peut certifier la sincérité) et de la conception de « police de l’ordre » du Président siégeant au moment des faits. Bref, la piste disciplinaire ne semble pas être non plus une voie efficace contre « les ennemis de la démocratie ». Ainsi, au-delà du fait qu’il est très rare de voir un parlementaire être sanctionné disciplinairement, le système en lui-même souffre par plusieurs de ses aspects.
Ainsi, par exemple, le fait que le parlementaire sanctionné puisse s’amender pour échapper à une sanction (qui est également assez faible dans l’absolu) fait perdre une grande partie de l’effet utile de ce système. Ensuite, la possibilité de sanctionner le parlementaire n’est envisageable que lorsque celui-ci perturbe, par ses actes ou ses paroles, le bon déroulement des travaux du Parlement. Pour illustrer cette limite, il est possible de transposer les enseignements du Tribunal de l’Union de l’Européenne qui a dû se prononcer sur la légalité de sanctions disciplinaires infligées à l’encontre d’un parlementaire européen pour les propos que celui-ci a émis lors des travaux du Parlement européen. Les instances du Parlement européen ont ainsi considéré que le parlementaire avait perturbé à deux occasions différentes le bon déroulement des travaux parlementaires par ses propos47. Le parlementaire s’est vu infliger la sanction disciplinaire de la perte du droit à l’indemnité de séjour et de la suspension temporaire de sa participation à l’ensemble des activités du Parlement pendant une certaine durée, sanctions disciplinaires qui, contrairement au système belge, a des répercussions financières sur le traitement des députés européens.
Par deux décisions du 31 mai 2018, le Tribunal de l’Union européenne a cependant annulé les décisions disciplinaires en rappelant le caractère hautement démocratique de la protection de la liberté d’expression des parlementaires dans le cadre de leurs fonctions démocratiques et que ce n’est qu’à titre exceptionnel que lorsque le parlementaire trouble et perturbe véritablement les travaux du Parlement que celui-ci peut être sanctionné. En l’espèce, le Tribunal a considéré que dès lors qu’une contradiction immédiate a pu être apportée au propos du parlementaire et que ses propos, malgré leur caractère hautement offensant, n’avaient pas empêché la poursuite du débat parlementaire48.
Les dispositions du règlement du Parlement de l’Union européenne étant, sur ce point, quasiment identiques aux dispositions disciplinaires du Règlement de la Chambre des représentants49, les enseignements du Tribunal de l’Union européenne sont transposables mutatis mutandis aux parlementaires fédéraux belges et vient davantage éroder tout effet utile à ce corps de règles.
§16 Afin d’illustrer la difficulté d’opter pour la voie disciplinaire contre les parlementaires, il est intéressant d’épingler ici un incident qui s’est déroulé en novembre 2022 à l’Assemblée nationale française.
Bien que les dispositions juridiques applicables aux deux assemblées parlementaires soient différentes, les dispositions relatives à la « discipline » au sein des hémicycles reposent sur les mêmes principes quant aux conditions pour pouvoir éventuellement sanctionner un parlementaire pour les propos émis lors de débats.
Lors des questions au Gouvernement du jeudi 3 novembre 2022 à l’Assemblée nationale française, un député du Rassemblement national avait crié, en plein hémicycle lors de la prise de parole d’un autre député de la France Insoumise50 sur le thème du drame de l’immigration clandestine, les mots suivants « Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique »51.
Ce député du Rassemblement national s’est vu infliger, par un vote de l’Assemblée nationale du 4 novembre 2022, la sanction disciplinaire de « la censure avec exclusion temporaire »52 de l’assemblée nationale pendant quinze jours en raison de manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse53.
Il convient de noter que cette « intervention » avait effectivement créé, sur le moment même, un trouble important au sein de l’Assemblée nationale obligeant la Présidente de l’Assemblée à mettre fin à la séance prématurément en raison des réactions engendrées par le député en question.
Dans ce cas, les propos du député ont effectivement empêché la poursuite de la séance et il a été sanctionné, non pas en raison de la nature des propos exprimés par ce dernier, mais bien en raison du trouble occasionné par son intervention.
La Présidente de l’Assemblée nationale a préféré attendre la fin du débat et du vote sur la sanction disciplinaire pour rappeler que : « Vous venez de voter en faveur de la censure avec exclusion temporaire d’un membre de notre assemblée. Cette sanction est la plus sévère prévue par notre règlement intérieur et n’a – je souhaite que chacun mesure ce que cela signifie – été prononcée qu’une seule fois depuis 1958.
Le libre débat démocratique ne saurait tout permettre, certainement pas l’invective ni l’insulte, certainement pas le racisme, quelle qu’en soit la cible : il est la négation des valeurs républicaines qui nous rassemblent dans cet hémicycle.
Depuis mon élection à la présidence de l’Assemblée nationale, j’ai eu à cœur de permettre à chacun d’exprimer ses idées, quelle que soit son étiquette politique. En effet, le pluralisme que nos compatriotes ont choisi par leur bulletin de vote doit pouvoir s’exprimer à chaque instant dans cet hémicycle. C’est la règle fondamentale de notre République : j’en suis la garante, tout comme je le suis du respect de notre institution et de celui que nous devons à nos concitoyens (…) »54.
Les conditions pour être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance comme « groupe politique »
§17 Certaines assemblées parlementaires ont également inséré dans leurs règlements internes des dispositions permettant de retirer la reconnaissance du statut de « groupe politique » lorsque leurs membres ou des membres du parti dont sont issus les parlementaires du groupe ont été condamnés par une décision coulée en force de chose jugée sur la base d’une violation d’une législation visant à lutter contre le racisme et la xénophobie.
§18 Ainsi, le Règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la commission communautaire commune, le Règlement du Parlement wallon et le Règlement du Parlement de la Communauté française prévoient que la qualification de groupe politique n’est pas accordée ou est retirée55 lorsqu’un des membres du groupe politique ou lorsque le parti qu’il représente, celui auquel ce dernier a succédé56 ou une de leurs composantes, a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base des lois luttant contre le racisme ou la xénophobie ou tendant à réprimer la négation du génocide causé pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette reconnaissance est également retirée lorsque le parti concerné ou celui auquel ce dernier a succédé a été privé de sa dotation sur la base de l’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 précitée. Toutefois, le groupe politique conserve le bénéfice de la reconnaissance si, dans le mois, il communique au président du Parlement la radiation du membre condamné.
§19 Le Règlement du Parlement flamand quant à lui préfère agir par rapport à la dotation accordée aux partis politiques57. Le Bureau du Parlement flamand peut ainsi retirer le bénéfice de la dotation aux partis politiques dans les mêmes conditions que celles énoncées au point précédent. Ainsi, lorsque des associations satellites du parti flamand Vlaams Blok ont été condamnées par l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 21 avril 2004 pour violation de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, le Bureau du Parlement flamand pouvait alors supprimer la dotation de ce parti conformément à son Règlement. Afin d’échapper à cette sanction, le Vlaams Blok changea sa dénomination pour Vlaams Belang58. Le Bureau du Parlement flamand n’a cependant jamais voulu trancher la question de l’identité (ou de la succession) entre le Vlaams Blok et le Vlaams Belang et ne s’est jamais positionné sur la question59. Cet épisode constitue cependant le seul exemple notable d’application de ces dispositions relatives à la reconnaissance de groupe politique à titre de sanction contre les partis sur la base des lois luttant contre le racisme ou la xénophobie ou tendant à réprimer la négation du génocide causé pendant la Seconde Guerre mondiale., ce qui démontre également sa faible utilité en pratique.
La modification de l’article 150 de la Constitution et la correctionnalisation des délits politiques et des délits de presse à caractère raciste ou xénophobe
§20 Si au cours des années 1980, la Belgique s’est effectivement dotée de plusieurs législations visant à combattre les idéologies néfastes et en particulier la lutte contre le racisme et la xénophobie60, force était cependant de constater que l’implémentation dans ces législations dans l’ordre juridique belge créait des difficultés d’ordre pratique et que celles-ci avaient pour conséquence que l’outil se révélait totalement inopérant à l’encontre des délits de presse61 à caractère raciste ou xénophobe.
Le délit de presse est une infraction de droit commun, mais commise par la voie de la presse : « l’existence d’un délit de presse suppose la réunion de trois conditions. Il doit y avoir une infraction, un écrit reproduit mécaniquement et publié et un élément intellectuel, à savoir la manifestation d’une pensée. Il implique l’expression d’une pensée qui est délictueuse indépendamment du fait qu’elle est reproduite par le canal de la presse »62. La Cour de cassation précise désormais que le « délit de presse requiert l’expression punissable d’une opinion dans un texte reproduit par voie d’imprimerie ou par un procédé similaire. La diffusion numérique constitue pareil procédé similaire »63. Or, le discours raciste ou xénophobe de certains politiciens, dès lors qu’il peut constituer une infraction pénale, entre quasi immédiatement dans le champ d’application du délit de presse, relevant ainsi de la compétence de la Cour d’assises.
§21 En effet, historiquement le délit de presse et le délit politique relèvent de la compétence de la Cour d’assises selon l’article 150 de la Constitution64 ; or il s’est très rapidement avéré que cette juridiction n’était pas la plus opportune pour assurer l’effectivité de cette partie importante de la lutte contre les délits à caractère raciste ou xénophobe. Ce constat a été parfaitement résumé dans les travaux préparatoires préalables à révision constitutionnelle de 1999.
« Bien que la liberté d'expression soit un fondement de toute société démocratique, elle n'est pas absolue. Elle peut être soumise à certaines formalités, conditions, limitations ou sanctions déterminées par la loi. C'est ainsi que la loi visant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie prévoit des sanctions pour certains actes qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne en raison de sa race, de la couleur de sa peau, de son ascendance, de son origine ou de sa nationalité (loi du 30 juillet 1981). De même, la loi sur le négationnisme prévoit d'infliger des sanctions à ceux qui nient, minimisent, justifient ou approuvent le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. L'application de la loi du 30 juillet 1981 s'avère cependant extrêmement problématique lorsque les actes à caractère raciste ou xénophobe sont commis par la voie de la presse (journal, revue, pamphlet, tract électoral, affiche, ... ), dans la mesure où ces actes constituent alors des délits de presse et ne peuvent dès lors, en vertu de l'article 150 de la Constitution, être poursuivis que devant la cour d'assises. Or, dans la pratique, les parquets se montrent on ne peut moins enclins à poursuivre les délits de presse (…) Les conséquences de cette situation sont sérieuses : des personnes, des groupes, des associations et des partis politiques qui incitent à la haine raciale ou à la xénophobie dans des écrits, des pamphlets, des tracts, des affiches ou dans la propagande électorale ne sont pas condamnés pénalement pour de tels faits »65.
§22 Après plusieurs tentatives infructueuses66, il a été décidé de remédier à cet état d’impunité en modifiant explicitement la Constitution. La révision constitutionnelle de 1999 a finalement soustrait de la compétence de la Cour d’assises délits de presse à caractère raciste ou xénophobe. Depuis lors, l’article 150 de la Constitution est rédigé de la manière suivante : « Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie »67. Cette modification constitutionnelle a ainsi pratiquement permis au Centre pour l’égalité des chances et à la Ligue des droits de l’Homme de pouvoir intenter des actions judiciaires contre trois asbl qui permettaient le financement du Vlaams Blok, actions précédemment évoquées. Actuellement, il peut être considéré qu’il s’agit de l’outil qui a été le plus efficace dans l’histoire juridique belge.
La responsabilité pénale et civile des parlementaires pour les infractions de droit commun
§23 Un principe qui, s’il coule de source, mérite cependant d’être rappelé est que les personnalités politiques, qu’elles soient ministres ou parlementaires, restent soumises au droit. Comme tout un chacun, les parlementaires et ministres doivent donc respecter les dispositions assurant la lutte contre le racisme, la xénophobie, les discriminations et le négationnisme. Ces personnalités peuvent ainsi être poursuivies par le Ministère public devant les juridictions pénales ou voir leur responsabilité civile être engagée sur pied des articles 1382 et suivants du Code civil. Cependant, l’exercice de ces actions doit être tempéré par les mécanismes que la Constitution a institués afin de protéger l’exercice des fonctions de parlementaire ou de ministre, des immixtions du Pouvoir judiciaire.
§24 Ainsi, les parlementaires sont protégés des actions pénales et civiles pour les votes et opinions exprimés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires lorsqu’elles sont constitutives d’une infraction pénale. Tel est le but de l’irresponsabilité parlementaire68. C’est notamment le cas, lorsque le vote ou l’opinion constitue une calomnie, une injure ou une diffamation au sens du Code pénal, mais également lorsque ces actes constituent des violations aux lois tendant à réprimer les actes inspirés par le racisme, la xénophobie, la discrimination ou le négationnisme69. Les autres actes posés par les parlementaires et qui sortent du champ d’application des articles instituant l’irresponsabilité parlementaire tombent sous le coup du mécanisme de l’inviolabilité parlementaire. L’inviolabilité parlementaire70 constitue une « immunité complémentaire à l’irresponsabilité, tout au moins sur le plan pénal, puisqu’elle couvre toutes les infractions qui sortent du champ d’application de l’article 58 de la Constitution »71. L’inviolabilité parlementaire conditionne ainsi les poursuites pénales entamées à l’encontre d’un parlementaire à l’autorisation préalable de l’assemblée dont il est lui-même membre72. Par l’instauration de ces mécanismes, « l’objectif du Constituant est de garantir le fonctionnement normal des assemblées parlementaires en soustrayant leurs membres à des poursuites qui seraient arbitraires, entreprises pour des motifs politiques ou sur l’injonction du pouvoir exécutif »73.
§25 Le régime de l’immunité et de l’irresponsabilité parlementaire a donc pour conséquence de rendre difficile, voire impossible, une action judiciaire pénale ou civile à l’encontre d’un parlementaire pour des propos racistes, xénophobes ou liberticides émis dans le cadre de ces fonctions74. Cependant, une brèche a peut-être été ouverte dans la protection mise en place par l’article 58 de la Constitution. En effet, par un arrêt du 4 février 2021, la Cour d’appel de Liège a condamné le député de l’opposition, à l’époque, Georges Gilkinet à payer… un euro à titre symbolique à Patokh Chodiev, pour atteinte à son honneur et sa réputation75, à la suite de propos émis dans la presse par le parlementaire qui avait assuré la vice-présidence de la Commission d’enquête parlementaire instituée à l’occasion de l’affaire dite du « Kazakhgate » 76. Ainsi contrairement au jugement prononcé par le tribunal de première instance de Namur77 qui avait, en première instance, jugé la demande irrecevable, en ce qu'elle porte sur des opinions émises par M. Gilkinet dans l'exercice de ses fonctions parlementaires même lorsque celui-ci interagit dans les médias, la Cour d’appel de Liège remet en cause le caractère absolu de l’article 58 de la Constitution, en décidant que cela ne concerne pas les allégations de fait dirigées contre des personnes78.
La brèche ouverte par cette jurisprudence, qui aurait été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 202279, concernant les propos offensants portés par des parlementaires à des personnes est théoriquement transposable à la question de l’émission de propos racistes, xénophobes ou négationnistes et ainsi permettre davantage d’actions judiciaires à l’encontre des parlementaires.
§26 Par une lettre du 13 janvier 2021, le procureur général près la Cour d’appel de Gand a informé le Président de la Chambre de la fin de l’instruction judiciaire et demande la levée de l’inviolabilité parlementaire de M. Dries Van Langenhove aux fins de règlement de la procédure. Il ressort de la réquisition finale annexée que le parquet conclut le règlement de la procédure de l’instruction judiciaire à charge de M. Dries Van Langenhove pour des préventions relevant justement de la violation de plusieurs articles de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, en ce que ce dernier aurait incité à la discrimination, à la ségrégation, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres, en raison de la nationalité, d’une prétendue race, de la couleur de peau, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique, d’avoir diffusé des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, d’avoir prône la discrimination ou la ségrégation fondée sur l’un des critères protégés80. Le 9 mars 2021, la Commission des poursuites de la Chambre a proposé, à l’unanimité, d’accéder à la demande de levée de l’immunité parlementaire de M. Dries Van Langenhove pour l’ensemble des préventions figurant dans la réquisition finale. La levée de l’immunité parlementaire a été approuvée en séance plénière par la Chambre des représentants le 18 mars 202181. Cette levée de l’immunité parlementaire ouvre ainsi la voie à une procédure inédite à savoir la première procédure pénale dirigée à l’encontre d’un député fédéral pour des infractions relatives à l’incitation à la haine. Toutefois, le député en question a finalement décidé de renoncer son mandat de député pour se concentrer sur sa défense pénale et pour se lancer son propre média d’opinion .
Les propositions de réforme
§27 L’avènement de la communication et la facilité de transmission des informations qui caractérisent actuellement notre société amène également les hommes et femmes politiques à modifier leur façon de faire de la politique. Les réseaux sociaux, l’avènement d’Internet, les interactivités croissantes entre les politiques et les citoyens appellent à un nouveau constat : l’ensemble des mécanismes d’auto-défense présentés ci-dessus apparaissent désormais comme ayant deux (voire trois) guerres de retard. Combinée à une montée des courants politiques extrémistes (même au sein des formations politiques « traditionnelles »), la médiatisation croissante des « petites phrases » ou des « interventions limites » des élus vient rendre de plus en plus ténus les contours de la notion de ce que constitue une parole provenant d’une formation « liberticide » ou non.
§28 Lors du colloque célébrant le quarantième anniversaire du Centre de droit public, nous avions démontré cette difficulté par le biais d’un jeu avec le public présent. Nous lui avions lu plusieurs citations limites de politiques belges, en ironisant sur le fait que ces phrases auraient pu être prononcées par des politiques d’extrême droite, alors qu’elles provenaient en réalité d’élus de formations politiques « traditionnelles ». Ce petit exercice d’apparence bénin démontre malheureusement qu’il est important de repenser véritablement les mécanismes d’autodéfense afin que ceux-ci soient efficaces dans la Belgique de 2022 tant nos repères que l’on pensait solides sont brouillés par la montée des extrémismes. Cette réforme est également nécessaire pour permettre à la Belgique de répondre à ses engagements internationaux.
§29 Ainsi, le 18 février 2021 la Commission européenne a adressé à plusieurs États membres, dont la Belgique, une lettre de mise en demeure au motif que leur législation nationale ne transpose pas intégralement ou correctement les règles de l’Union européenne sur la lutte contre le racisme et la xénophobie au moyen du droit pénal et notamment la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal82. Cette décision-cadre vise à faire en sorte que les manifestations graves de racisme et de xénophobie soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Or, la Commission européenne est d’avis que le cadre juridique belge ne garantit pas que la motivation raciste et xénophobe est prise en considération en tant que circonstance aggravante par les juridictions nationales et que par conséquent, le droit belge ne permet pas donnent lieu à des poursuites effectives et adéquates à l’encontre des crimes haineux83. Au-delà de la transposition de cette législation européenne, d’autres pistes s’ouvrent aux autorités belges en vue de consolider leur arsenal visant les propos incitant à la haine notamment raciale.
La piste d’une révision constitutionnelle
§30 Bien que l’inefficacité des mécanismes de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales est unanimement partagé par les membres de la classe politique soit avérée, force est de constater que très peu d’initiatives ont été prises par ces derniers pour y remédier. Tout d’abord, la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales et ses différentes modifications résultent uniquement d’initiatives parlementaires. Les gouvernements apparaissent effectivement comme frileux à l’idée de proposer des modifications à cette loi. Ainsi, lors des débats en commission parlementaire sur la proposition de loi qui allait aboutir à la loi du 10 avril 1995 modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques84, le ministre de l’Intérieur de l’époque à indiquer souhaiter « ne pas se prononcer sur le contenu de la proposition à l’examen. La loi du 4 juillet 1989 est du reste le fruit d’une initiative parlementaire »85. Or, à la lecture des propositions déposées lors des dernières législatures, les députés n’ont pas déposé de proposition visant à modifier les articles 15bis et 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales. Une modification de cette loi ne semble donc pas à l’ordre du jour.
§31 Cependant, la montée des revendications extrémistes dans toute l’Europe et la médiatisation de certaines polémiques issues de partis politiques « extrêmes »86 ont amené les députés à mener la réflexion sur les mécanismes d’autodéfense démocratiques à un autre niveau de la hiérarchie des normes. En effet, lors des deux dernières législatures, plusieurs députés ont préféré opter par une modification de la Constitution afin d’y insérer la base de nouveaux mécanismes d’autodéfense. Concrètement, ces nouveaux mécanismes d’autodéfense s’articulent en deux points :
- la reconnaissance officielle des partis politiques dans la Constitution (et l’obligation qui leur est faite de respecter les libertés publiques consacrées et garanties par la Constitution, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et ses protocoles additionnels) d’une part ;
- l’instauration d’un contrôle juridictionnel par la Cour constitutionnelle sur la possibilité d’interdire les partis politiques liberticides, sur base du modèle allemand d’autre part (voyez ci-dessous).
Les différentes propositions de révision de la Constitution déposées en vue de remédier à l’inefficacité des mécanismes d’autodéfense démocratique87 considèrent que pour pouvoir interdire les partis politiques, il convient de reconnaître préalablement ceux-ci afin notamment de les astreindre à une obligation de respect des droits et libertés protégés par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. La reconnaissance préalable des partis politiques dans la Constitution est donc présentée comme « nécessaire afin d’habiliter le législateur d’intervenir pour réglementer l’usage qui est fait de ce droit fondamental. À défaut d’une telle assise constitutionnelle, toute intervention du législateur pourrait être remise en cause en tant qu’atteinte au droit d’association qui est, quant à lui, reconnu par la Constitution depuis 1830. La reconnaissance des partis politiques dans la Constitution est donc un préalable au renforcement des mécanismes d’autodéfense démocratique de la Belgique »88. L’introduction officielle de la notion de « parti politique » dans l’ordre constitutionnel belge89 permettrait ainsi de prononcer l’interdiction ou la dissolution des partis qui prônent des promesses contraires aux libertés fondamentales.
Si ces initiatives parlementaires ont été déposées de manière plus soutenue lors des deux dernières législatures, exclusivement par des membres de partis politiques francophones, il est cependant à craindre que ces propositions restent, une fois de plus, lettres mortes. En effet, à la lecture des articles qui ont fait l’objet de la triple déclaration de révision de la Constitution90, on s’aperçoit qu’en raison de la liste très restrictive adoptée par le Gouvernement fédéral, ni les articles ad hoc du Titre II de la Constitution, ni l’article 142 concernant les compétences de la Cour constitutionnelle ne peuvent être soumis à révision91.
§32 Enfin, comme indiqué ci-dessus, une évolution jurisprudentielle de l’interprétation de l’article 58 de la Constitution est envisageable dans un futur proche, certains académiques appelant également à une réflexion profonde sur le maintien ou la réforme de cette dispositon pour ce qui concerne la liberté d’expression des parlementaires92. Certains prônent même une « réaction plus radicale [qui] consisterait à exclure certains types de propos, tels que les propos injurieux, diffamatoires, incitant à la haine ou au racisme, du champ de protection de l'irresponsabilité parlementaire, voire à instaurer une possibilité de levée de l’irresponsabilité, à l’instar de ce qui existe pour l'inviolabilité parlementaire. De cette manière, l’irresponsabilité ne pourrait pas être détournée, pour tenir et diffuser impunément des propos attentatoires aux droits des tiers, car les personnes lésées pourraient introduire une action en justice à l’encontre du parlementaire, le cas échéant après la levée de l'irresponsabilité »93.
La piste française : l’interdiction des listes « communautaires »
§33 Durant l’autonome 2019 et à l’approche des élections communales françaises, la classe politique française et le monde médiatique hexagonal furent agités par la possible participation de certaines listes électorales jugées communautaristes. Ce débat est en réalité l’une des conséquences des élections européennes du mois de mai 2019 où des élus français se sont inquiétés des résultats obtenus par certaines listes. Suite à aux différents débats engendrés par cette situation, plusieurs membres du parti politique « Les Républicains » ont émis l’idée de mettre en place un système visant à interdire les « listes communautaires » lors des différentes élections françaises. Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée par plusieurs sénateurs de ce parti afin de modifier le code électoral français94.
Cette proposition envisage ainsi de fixer le principe selon lequel « la propagande électorale s’effectue dans le respect des valeurs de la République. Dans ce cadre, il est interdit de tenir dans les lieux publics ou ouverts au public, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse »95. Le texte en projet entend également exclure un candidat aux différentes lorsque ces derniers ont « une campagne communautariste, en tenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse, soit pris en compte pour l'attribution d'une aide financière au parti ou au groupement politique qui l'a présenté ».
Cette proposition de loi, bien qu’ayant été déposé en novembre 2019, n’a actuellement pas encore été débattue en commission malgré la publicité médiatique qui a entouré le dépôt de ce texte. Toutefois, ce dernier est récemment revenu sur le devant de la scène en France où il a été présenté comme un amendement du très médiatique projet de loi confortant le respect des principes de la République96. Le Gouvernement français a marqué, lors des débats parlementaires noués au Sénat, son opposition à cet amendement en considérant que l’interdiction des listes dites communautaires portait atteinte à la liberté de candidature, d’expression et d’opinion et était incompatible avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution française et par la Convention européenne des droits de l’homme. Le Gouvernement français a ajouté que le contenu de la propagande électorale ne peut pas faire l’objet d’un contrôle par l’administration, sauf à ouvrir la voie à de graves risques de dérives. Les seules interdictions en rapport avec la propagande qui peuvent être prononcées concernent le formalisme officiel – fonds blancs, drapeau tricolore… – ou les propos pénalement répréhensibles, comme l’appel à la haine, par exemple.
§34 Cet amendement proposait également de conditionner le remboursement de la propagande électorale par l’État au respect, par les candidats, de principes républicains, afin de priver des candidats dits « communautaires » de financement. Si le Gouvernement français a reconnu la pertinence d’une réflexion sur la possible conditionnalité du remboursement et de la propagande, celle-ci devrait se fonder sur des critères objectifs et rationnels comme par exemple l’établissement d’un seul électoral – ainsi, le fait de ne pas recueillir 5 % des suffrages exprimés – ou le fait de manquer à des obligations de déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Or l’amendement en question reviendrait à assujettir la conditionnalité du remboursement à des critères subjectifs et serait donc susceptible de dérives97. Adopté par le Sénat mais finalement rejeté par l’Assemblée nationale lors de la dernière relecture du texte en projet, cet amendement ne figure donc pas dans la loi finalement adoptée98.
Les critiques émises par le Gouvernement français sont également transposables à une éventuelle application de ce régime d’interdiction des « listes communautaires » en droit électoral belge. En effet, si cette interdiction peut théoriquement être traduite dans des dispositions de droit électoral, l’on n’aperçoit pas quels critères objectifs le législateur pourrait utiliser pour mettre en place un système d’interdiction préalable de certaines listes électorales sans tomber dans l’arbitraire. Un tel système n’apporte donc aucune solution pertinente pour notre propos.
La piste allemande : l’interdiction des partis ?
§35 Depuis les années 1950, la portée de la jurisprudence allemande relative à l’interdiction des partis extrémistes, aussi unique que remarquée à l’époque, doit être quelque peu relativisée. Depuis lors, le Tribunal constitutionnel fédéral n’a plus jamais eu l’occasion de faire application de l’article 21, al. 2 de la Constitution, alors même qu’un nouveau parti communiste a été créé en 1968 sous un autre nom, en même temps qu’un nouveau parti d’extrême droite, le NDP et ce malgré le fait que la Loi fondamentale interdit, dans une telle hypothèse, la reconstitution, sous une autre forme, d’un parti dissout…
En outre, le juge constitutionnel a rejeté, par deux arrêts du 14 novembre 1994, des demandes visant à faire déclarer inconstitutionnel un nouveau parti néo-nazi (dénommé « Parti des travailleurs allemands libres »), ainsi qu’une « Liste nationale » qui se présentait aux élections locales du Land de Hambourg, en considérant que, bien que ces deux groupements aient des vues hostiles à la démocratie, aucun d’entre eux ne pouvait être qualifié de parti politique au sens de l’article 21 de la Loi fondamentale99.
§36 Plus récemment, en décembre 2012, ce fut au tour du Bundesrat d’introduire une nouvelle requête devant le Tribunal constitutionnel à l’encontre du parti d’extrême droite national-démocrate (NPD)100. Par un arrêt du 17 janvier 2017, le Tribunal constitutionnel fédéral a, à nouveau, rejeté la demande, compte tenu de l’absence de danger réel que présente le NPD en raison du faible nombre de représentants dont il dispose et de l’attitude de rejet que manifestent les autres formations politiques hostiles à toute entente avec le NPD101.
Comme l’écrit Philippe Lauvaux, les autorités fédérales ont tendance à renoncer à mettre en œuvre une telle procédure d’interdiction, « la liberté des partis politiques apparaissant, dans une démocratie désormais consolidée, comme plus importante que leur loyauté à l’égard de l’ordre existant »102. À supposer qu’un nouveau parti extrémiste puisse mettre aujourd’hui à profit un mauvais fonctionnement des institutions, il n’est pas sûr que l’utilisation de l’article 21 de la Loi fondamentale permettrait d’arrêter son essor. Il reste cependant, outre l’impact symbolique, un effet préventif non négligeable, consistant dans la menace d’interdiction – et de suppression de tout financement – qui pèse sur toute formation qui ne respecterait pas les règles du jeu de l’ordre libéral et démocratique. En pratique, il n’existe pas, en l’état, de parti extrémiste, de droite ou de gauche, en RFA qui ait un impact politique aussi substantiel que dans les pays voisins103.
§37 La piste allemande a fait l’objet de plusieurs propositions de révision de révision de la Constitution. Les initiateurs de ces propositions entendent également attribuer ce contentieux à la Cour constitutionnelle104, estimant que « la Cour constitutionnelle apparaît objectivement comme pouvant être le juge naturel du caractère liberticide ou non d’un parti politique »105 et rejoignant ainsi l’avis d’une partie de la doctrine106.
Enfin, ils rappellent effectivement que si l’article 27 de la Constitution ne permet pas de prévoir des mesures préventives au droit d’association, la Constitution n’interdit cependant pas qu’il soit procédé à un contrôle a posteriori de l’usage qui est fait de la liberté107. Comme on l’a déjà constaté, l’article 142 de la Constitution n’ayant cependant pas été ouvert à révision. La piste allemande, si elle semble emporter l’adhésion des partis politiques francophones, ne pourra cependant pas être mise en œuvre à moyen terme.
La piste iconoclaste : casser le cordon sanitaire ?
§38 Jusqu'à présent la réaction face à la montée en puissance des partis d'extrême droite, en Belgique comme en France, s'est limitée à établir un « cordon sanitaire », consistant en substance en une tactique d'isolement du parti extrémiste, les partis démocratiques s'engageant à ne jamais former de coalition, locale ou régionale, avec cette formation, dans l'espoir qu'elle se tarisse dans l'opposition et que ses électeurs se découragent progressivement en constatant l'inutilité de leur vote. Cette tactique a montré ses limites. Le cordon sanitaire s'est effectivement réduit, au fil du temps, aux majorités gouvernementales, l'isolement des partis extrémistes ayant été rompu depuis longtemps dans les assemblées et, surtout, dans les médias, où leurs dirigeants paradent à côté des autres mandataires et candidats. De même, s'agissant des idées véhiculées par ces partis, force est de constater que, loin d'être écartées, elles se trouvent plus ou moins systématiquement copiées et banalisées par une grande partie de leurs concurrents. C'est sans doute dans ce pouvoir d'influence, basé en réalité sur des messages simplistes et mobilisateurs (mêlant tout à la fois du nationalisme, du racisme et, pour la partie flamande, un dénigrement systématique anti-wallon ou anti-francophone) que la montée en puissance des partis liberticides est la plus inquiétante.
Au vu de cette évolution, le cordon sanitaire n'a plus grand intérêt. Il impose, en outre, une image désastreuse de « coalition des perdants » à la suite de chaque échéance électorale où l’un des partis vainqueurs se voit systématiquement écarté, ce qui est à tout le moins anormal dans un État démocratique. Plus fondamentalement, le maintien du FN français ou du Vlaams Belang dans l'opposition est susceptible de contribuer dans une très large mesure à son essor108. Et, si le Vlaams Belang a accusé un net recul pendant une dizaine d’années, ce n’est dû en réalité qu’à la croissance spectaculaire du parti nationaliste NVA, devenu depuis 2014 le premier parti national en Belgique. Les dernières élections de mai 2019 ont, depuis lors, redonné un poids substantiel au Belang109 et confirmé que la voie du cordon sanitaire était avariée.
§39 Dans un tel contexte, beaucoup spéculent sur l'effet calamiteux, pour ce parti, d'une participation à une majorité gouvernementale, dès lors qu'il ne dispose à son programme d'aucun objectif qu'il pourrait sérieusement matérialiser. De fait, sa force est de canaliser les mécontents et les éternels aigris, sans qu'il n'ait la capacité de traduire ses aspirations dans une gestion gouvernementale où il se trouverait confronté à des compromis et des renoncements. Au demeurant, ces considérations valent également pour le parti d’extrême gauche PTB, lequel peut paraître moins détestable de prime abord parce qu’il ne présente pas de relent raciste ou discriminant, mais ne s’intègre en réalité pas davantage dans un ordre libéral et démocratique.
La situation actuelle impose en tout cas, à notre sens, d'assumer une option plus radicale et plus courageuse qu'un cordon sanitaire qui a démontré ses limites. En effet, de deux choses l'une : soit, comme un médecin, on décide de prévenir le mal et l'on adopte une mesure visant à interdire purement et simplement les partis liberticides, sur l'exemple allemand, en se rappelant qu'en Belgique le Vlaams Blok –ainsi que, par succession, l’actuel Vlaams Belang – doit être considéré, depuis avril 2004, comme rien d'autre qu'un délinquant condamné en justice ; soit, l'on se refuse à limiter les libertés d'expression et d’association à ce point, auquel cas il faut assumer la logique de ce renoncement, en acceptant d'injecter, comme un biologiste, une dose infime du mal dont on veut se préserver – on tolèrera alors le parti extrémiste et l'on prendra soin de s'en vacciner. Ce choix implique le pari d'emmener, le cas échéant, ce parti dans une majorité gouvernementale, à charge pour son partenaire à l’exécutif de veiller à mettre des balises minimales dans le programme de la majorité, en excluant toutes les exigences liberticides insupportables.
L’on ne peut ignorer qu’en l’état, une loi d’interdiction d’un parti politique est susceptible de soulever diverses contestations en droit au regard de la liberté d’association garantie par l’article 27 de la Constitution. Par un arrêt du 11 mars 2009, la Cour constitutionnelle a ainsi eu l’occasion de juger, à propos de l’article 22 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, que cette disposition ne violait pas l’interdiction de prendre des mesures préventives, tout en ajoutant que « dès lors que la disposition attaquée n’empêche pas qu’une association puisse continuer d’exister, même lorsqu’un ou plusieurs de ses membres ou de ses collaborateurs ont été condamnés sur la base de cette disposition, ni que cette association puisse réunir, cette disposition ne soumet pas la liberté d’association et la liberté de réunion à des mesures préalables »110. Au vu de ces incertitudes, et si l’on souhaite s’engager dans cette option de l’interdiction des partis liberticides, il conviendrait donc d’inscrire celle-ci dans le corps même de la Constitution, ce qui permettra d’éradiquer toute controverse quant à la constitutionnalité d’une telle mesure en droit.
Conclusions
§40 Bien qu’il soit devenu au fil des ans, fort controversé sur un plan juridique et que son efficacité ne soit pas garantie, un régime d’interdiction des partis liberticides nous paraît garder un effet positif, à tout -le moins par l’impact symbolique qu’il peut apporter. La jurisprudence exemplaire développée par la Cour européenne des droits de l’homme en ce domaine impose à tous les gouvernants, et en tout premier lieu au constituant et au législateur belges, de réfléchir à l’opportunité de telles mesures d’interdiction à l’encontre des partis qui, sans recourir à la violence proprement dite, proposent un projet politique fondé sur la discrimination et se démarquent ainsi des règles fondamentales de la démocratie et des droits et libertés reconnus par la Convention européenne. Il impose pareillement aux juges qui seraient saisis de la constitutionnalité d’une telle mesure d’interdiction, de ne pas se limiter à examiner le vernis des programmes officiels et des discours publics, mais de s’attacher à l’ensemble des actes et prises de position des mandataires et membres des partis concernés, tout en étant conscient qu’il convient d’empêcher la réalisation de tout projet politique incompatible avec les principes directeurs de la Convention, avant qu’il n’ait pu être mis en pratique par des actes concrets.
§41 Il est sans doute venu le temps de réglementer plus sérieusement le statut des partis politiques111. La législation parcellaire uniquement centrée sur le financement de ceux-ci112, que la Belgique connaît toujours à l’heure actuelle, est manifestement périmée sur ce point : « un parti moderne n’est plus seulement une amicale de personnes partageant les mêmes opinions, mais une organisation structurée, avec ses permanents, sa logistique, ses services d’études, d’information, de relations publiques, et il doit faire face à des tâches très lourdes »113. La Cour européenne des droits de l’homme a eu, pour sa part, l’occasion de reconnaître, à plusieurs reprises, l’importance des partis politiques pour assurer le caractère démocratique des États, ceux-ci représentant « les courants d’opinions qui traversent la population d’un pays » et « assurent ainsi le maintien du pluralisme », qui constitue l’un des « principes propres à une société démocratique »114.
§42 S’il y a eu indéniablement des actions parlementaires soucieuses de lutter contre l’extrémisme, le législateur a cependant continuellement privilégié jusqu’ici les demi-mesures, lesquelles sont clairement vouées à l’échec. Le développement chaotique et l’issue du procès mené contre le Vlaams Belang devant l’Assemblée générale du Conseil d’État sont édifiants à ce sujet : « ce qui devait constituer une digue contre la montée des partis liberticides, ne semble rien d’autre qu’un mensonge normatif. La règle existe sur le papier, mais, étant privée d’effet utile, produit le résultat inverse de celui qui était recherché. Elle incarne en effet le témoignage cruel d’une démocratie dévalorisée, impuissante à se protéger »115.
Faut-il encore rappeler ici que la liberté d’expression ne protège que les « idées », seraient-elles choquantes, inquiétantes ou susceptibles de heurter et que l’article 19 de la Constitution ne garantit une telle liberté que pour des « opinions », « sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés ». Or, la propagation de la discrimination ne constitue ni une idée, ni une « opinion », c’est un délit ! Au demeurant, la démocratie n’a nulle obligation, au nom de la liberté d’expression, de tout supporter. Il convient sans doute de revenir ici aux principes de base, et plus particulièrement à la clause de « déchéance », prescrite par l’article 17 de la Convention européenne, ainsi que, de manière plus générale, à la théorie de l’abus de droit, voulue dès l’origine par les auteurs de celle-ci, soucieux de ne pas donner, par excès de sentimentalisme, à des personnes moins bien intentionnées la possibilité d’user des libertés dans le seul but de les détruire.
§43 Déjà lors du colloque du 14 février 2000 co-organisé par la Faculté de Droit de l’ULB ayant pour thème « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? – Groupements liberticides et droit », auquel ont participé plusieurs membres du Centre de droit public, les carences de ce système avaient été mises en évidence. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d’État n’a fait que confirmer ces conclusions. Ce système n’ayant quasiment pas bougé depuis lors, les mécanismes d’auto-défense démocratique ne sont plus en adéquation avec la société belge de 2021. Des pistes de réforme existent et sont envisageables juridiquement, le droit comparé nous le démontre. Cependant, force est de constater que malgré cette unanimité, une réforme de ces mécanismes ne semble pas pouvoir être mise en œuvre à court ou à moyen terme. Espérons qu’il ne faudra pas attendre le colloque célébrant les 60 ans du Centre de droit public pour pouvoir enfin présenter une autre conclusion…
Voyez à ce propos, les actes du colloque du 14 février 2000 co-organisé par la Faculté de Droit de l’ULB, Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? – Groupements liberticides et droit ; voir également Sohier J., « L’interdiction des partis liberticides et le seuil électoral, spécificités du droit électoral allemand. Des règles transposables en droit belge ? », A.P.T., 1997, p. 114 ; Uyttendaele M., Van Laer N., « Une interdiction constitutionnelle des partis liberticides », Rev. belg. dr. const, 1999, p. 65. ↩
Demandes accueillies par un arrêt ; C.E., 22 mars 2007, n°169.314, ASBL Vrijheidsfonds et consorts. ↩
CrEDH, Handyside/Royaume-Uni, requête n°5493/72, Grande Chambre, 7 décembre 1976, §49. Dans le même sens CrEDH, Lehideux/France, requête n° 24662/94, 23 septembre 1988, §55. ↩
Weil E., « Religion et politique », in Le temps de la réflexion, Gallimard, Paris 1981, p. 193. ↩
Voyez Delwit P., « L’extrême droite en Europe et la question du pouvoir », in Delwit P., Poirier Ph. (éd.), L’extrême droite et pouvoirs en Europe, Bruxelles, Ed. Université de Bruxelles, 2007, p. 7. On relèvera, tout particulièrement, le score du Front National en France lors des élections européennes du 25 mai 2014 (24,86 % des suffrages – premier parti national), des élections régionales du 13 décembre 2015 (plus de 40 % des suffrages dans plusieurs régions) et des élections présidentielles de mai 2017 (où la candidate FN Madame Marine Le Pen a été classée 2ème à l’issue du premier tour, avec 21,30 % des suffrages, battant ainsi assez largement les candidats de la droite et de la gauche traditionnelles, et 33,90 % à l’issue du deuxième tour, soit 1/3 des suffrages sur l’ensemble du pays). En Belgique, le Vlaams Blok – devenu par la suite Vlaams Belang – a obtenu un score de 11,99 % au terme des élections de 2007 (deuxième parti du collège électoral néerlandais à la Chambre des Représentants), avant de connaître ensuite un affaiblissement notable (7,76 % aux élections de 2010 et 3,67 % aux élections de 2014 à la Chambre des Représentants), dû sans doute à l’ascension simultanée du parti nationaliste NVA (20,26 % aux élections législatives de 2014, premier parti national), lequel a manifestement absorbé un capital important de l’électorat extrémiste flamand. Le phénomène inverse s’est produit lors des élections de mai 2019, avec une perte sensible des suffrages dans le chef de la NVA (qui reste le premier parti, avec 16 % des voix sur l’ensemble du pays) et un essor spectaculaire du Vlaams Belang (11,95 % des voix au total, passant de 3 à 18 sièges à la Chambre des Représentants). ↩
Voyez notamment l’article 21 de la Loi fondamentale allemande, l’article 4 de la Constitution française, l’article 6 de la Constitution espagnole, l’article 46 de la Constitution portugaise et l’article 29 de la Constitution grecque. ↩
BVG., 17 août 1956, BVGE 1957, Bd 5, n° 14, p. 85 (à propos du KPD). L’arrêt précédent, daté du 23 octobre 1952 (à propos du SRP) porte, quant à lui, une définition de « l’ordre démocratique et libéral » comme suit : « un ordre qui exclut tout pouvoir par la force et tout pouvoir arbitraire. C’est un ordre qui reconnaît l’État de droit, sur la base du principe de la libre détermination du peuple selon la volonté des majorités changeantes et des principes d’égalité et de liberté. Il faut compter parmi les principes essentiels de cet ordre, le respect des droits de l’homme consacrés par la Loi fondamentale et surtout du droit à la personnalité, à la vie et à un libre développement, la souveraineté populaire, la séparation des pouvoirs, la responsabilité gouvernementale, la légalité de l’administration, l’indépendance des tribunaux, le multipartisme et l’égalité des chances pour tous les partis de constituer une opposition » (BVG., 21 octobre 1952, BVGE 1953, Bd. 2, p.1). ↩
Voyez décrets de dissolution de l’« Ordre nouveau » du 28 juin 1973, de la « Fédération d’action nationale et européenne » du 3 septembre 1980, ou du groupuscule « Heimattreue Vereinigung Elsass » (association de fidélité à la patrie alsacienne) du 2 septembre 1993 pour le motif annexe de groupement « exaltant la collaboration avec l’ennemi ». ↩
Voyez Avril P., « L’article 4 : explication d’un paradoxe », in Maus D., Favoreu L., Parodi G. L. (dir.), L’écriture de la Constitution de 1958, Paris, Economica, 1992, p. 713 et Esplugas P., « L’interdiction des partis politiques », Rev. fr. dr. const. 1999, p. 689, qui considère que « dès l’instant où aucune disposition ne venait préciser les modalités d’application des dispositions de l’article 4, celui-ci était condamné à demeurer une ‘coquille vide’ ». ↩
En l’occurrence, la réaction des partis démocratiques français se limite à un « cordon sanitaire », sous la forme d’un « front républicain » consistant en un désistement plus ou moins systématique du candidat de la gauche ou de la droite lorsqu’il y a un risque de victoire du FN dans une triangulaire. Avec pour conséquence une marginalisation du FN, qui ne participe à aucune majorité, à l’exception de quelques municipalités isolées, mais qui a apparemment contribué à le renforcer à chaque échéance électorale. Voyez infra sur le cordon sanitaire appliqué en Belgique. ↩
Décision du 20 juillet 1957, Rec. n° 250/57, Ann. Conv. vol. 1, p. 225. ↩
Lignes directrices sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et mesures analogues, adoptées par la Commission de Venise lors de sa 41ème réunion plénière les 10 et 11 décembre 1999, Strasbourg, éd. Conseil de l’Europe, CDL-INS (2000), I, p. 3. ↩
Résolution n° 1308 (2002) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, art. 11. ↩
CrEDH, Refah Partisi et autres /Turquie, requête n° 41.340/98, Grande Chambre, 13 février 2003. Voyez sur cet arrêt Sudre F. (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Paris, P.U.F., 2013, p. 648 et Levinet M., « L’incompatibilité entre l’État théocratique et la Convention européenne des droits de l’homme – A propos de l’arrêt rendu le 13 février 2003 par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Refah Partisi et autres / Turquie », Rev. fr. dr. const., 2004, p. 207. ↩
CrEDH (3ème section), Refah Partisi et autres / Turquie, 31 juillet 2001, requête n° 41340/98. Sur cet arrêt, voyez notamment Depré S., « Le fanatisme religieux, la politique et la Convention européenne des droits de l’homme », J.T., 2001, p. 934. ↩
Cette notion d’« obligation positive pesant sur les parties contractantes dans le cadre de l’article 1er de la Convention pour le respect des droits et libertés des personnes relevant de leur juridiction » a été réitérée dans plusieurs arrêts ultérieurs prononcés par la Cour européenne : voyez notamment CrEDH, Herri Batasuna / Espagne, 30 juin 2009, requêtes n° 25803/04 et 25817/04, § 82, J.L.M.B., 2009, p. 1976 et CrEDH, Vejdeland / Suède, 9 février 2012, requête n°1813/07, à propos de discours homophobes. Sur ce sujet, voyez aussi Hervieu N., « Pénalisation des discours homophobes et expansionnisme jurisprudentiel de la notion de « liberté d’expression irresponsable », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 10 février 2012. ↩
Loi du 10 avril 1995 modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques ; M.B., 15 avril 1995. Voyez à ce sujet notamment, Cadranel B., Ludmer J., « La législation concernant le financement des partis liberticides », Courrier hebdomadaire, CRISP*,* n° 2001-2002, 2008, pp. 7 et suiv. ; Goransson M., Faniel J., « Le financement et la comptabilité ouverte des partis politiques francophones », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1989-1990, 2008, p. 34. ↩
À titre d’exemple, le Front Nouveau de Belgique (FNB), parti d’extrême droite, a immédiatement indiqué dans sa présentation que « le F.N.B. veut défendre les droits légitimes des Belges et des saines valeurs qui ont permis de construire notre civilisation. Il interdit à ses membres toute attaque personnelle fondée sur la race, la vie privée ou la religion, toute attitude antisémite, toute polémique relative aux divers génocides qu’a connu l’Histoire, toute sympathie à l’égard des ennemis de la Nation belge et tout recours à la violence ». Il ajoute qu’il « adhère à la Convention européenne des droits de l’homme et à ses protocoles additionnels, même s’il estime que ceux-ci sont perfectibles (sic !) ». Voyez à ce sujet Jamin J., « Radicalismes et extrémismes de droite », in Bouhon F., Reuchamps M. (dir.), Les systèmes électoraux de la Belgique, Bruxelles, Bruylant 2012, p. 238. ↩
La Commission de contrôle avait même sollicité l’avis de deux experts, MM. Brewaeys et Mahieu, dont les avis étaient également divergents sur ce point ; voyez Doc. Parl., Sénat, Application de l'article 15bis de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques. Examen de la lettre de M. Leman, directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, concernant le Vlaams Blok, Rapport fait au nom de la Commission de contrôle des dépenses électorales et de la compatibilité des partis politiques, s.o. 1997-1998, 11 mai 1998, n° 1002/1 (Sénat) et n° 1575/1 (Chambre). ↩
Le Conseil d’État disposait d’un délai d’ordre de deux mois pour rendre son arrêt et décider de supprimer la dotation du parti mis en cause, soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l’accomplissement de l’acte litigieux, soit pendant une période d’au moins trois mois, et au plus d’un an. Voyez sur ce point et notamment Depré S., « Le financement public des partis politiques hostiles aux droits et libertés de l’homme », Rev. belg. dr. const., 1999, pp. 289 et suiv. ; Bribosia E., Juramie M., « Restrictions légales aux libertés et droits des partis liberticides », Rev. dr. étr., 1999, pp. 193 et suiv. Plusieurs auteurs ont plaidé pour que ce contentieux très spécifique soit confié à la juridiction constitutionnelle « eu égard à l’objet des évaluations à entreprendre » ; Dumont H., « Les partis liberticides et le loyalisme démocratique », A.P.T., 1997, p. 116. Voyez aussi en ce sens Bribosia E., Juramie M., « Restrictions légales aux libertés et droits des partis liberticides », op. cit., p. 195. ↩
Cour Const., 7 février 2001, n° 10/2001, § B.4.7.1. ↩
Uyttendaele M. , Trente leçons de droit constitutionnel, 1ère éd*.,* Limal, Anthémis 2014, p. 33. On relèvera que le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale a modifié son règlement le 13 décembre 2000, en prévoyant qu’« un groupe politique ne peut être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance si un de ses membres a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, ou de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale. Toutefois, le groupe politique conserve le bénéfice de la reconnaissance, si dans le mois de la décision visée au premier alinéa, il communique au président du Conseil la radiation du membre concerné » (article 9 du règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Doc. Parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition de modification du règlement, s.o. , 1999-2000, 27 mars 2000, n° A-95/1). Voyez également dans le même sens, l’article 14.4 du règlement du Parlement de la Communauté française, l’article 26.3 du règlement du Parlement wallon et l’article 9 du règlement du Parlement flamand). ↩
Le Vlaams Belang est en réalité le successeur de l’ancien Vlaams Blok, qui a changé de dénomination suite à sa condamnation par la Cour d’appel de Gand, le 21 avril 2004, sur la base de l’article 3 de la loi du 30 juillet 1981, tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie (voyez infra). ↩
Cette procédure introduite contre le FN, en décembre 2008, s’est rapidement avérée caduque, dès lors que ce parti n’était plus représenté à la Chambre des Représentants par au moins un parlementaire depuis les élections législatives de 2010, et ne bénéficiait dès lors plus du financement public organisé par la loi. Un arrêt de l’Assemblée générale du Conseil d’État du 27 octobre 2011 se limite ainsi à constater que les parties requérantes ne justifient plus d’un intérêt actuel à leur demande (C.E. 27 octobre 2011, n° 216.102, Bacquelaine et autres). ↩
C.E. (A.G.), 15 juin 2011, n° 213.879, De Coene où le Conseil d’État avait rendu un premier arrêt avant-dire droit le 14 janvier 2009, posant une série de questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle (C.E. 14 janvier 2009, n° 189.463, De Coene), qui a amené celle-ci à rendre un arrêt n° 195/2009 du 3 décembre 2009, précisant que le terme « hostilité manifeste » « ne peut se comprendre dans ce contexte que comme une incitation à violer une norme juridique en vigueur. Il n’est pas nécessaire que cette incitation soit sanctionnée pénalement » (Cour Const., 3 décembre 2009, n° 195/2009, J.L.M.B. 2009, p. 2007). ↩
Uyttendaele, M. Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 35 ; Leroy M., Contentieux administratif, 5e éd., Limal, Anthémis 2014, p. 948, qui confirme que l’expression utilisée dans l’arrêt « laisse entendre que l’arrêt a été rendu par parité de voix ». ↩
Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 35 . ↩
Gand, 21 avril 2004. Voyez sur cette décision, l’éditorial de Toussaint Ph., « L’arrêt Vlaams Blok du 21 avril 2004 », Jour. Proc., 2004, n° 480, p. 4 ainsi que Brems E., Van Drooghenbroeck S., « Le Vlaams Blok, groupement raciste – à propos de l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 21 avril 2004 », J.T., 2004, p. 590 et Verdussen M., « Les rétroactes de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2004 dans l’affaire du Vlaams Blok », Rev. belg. dr. const., 2005, p. 371. ↩
Cass., 9 novembre 2004, Rev. dr. pén., 2005, p. 780 et note Rigaux M.F., p. 808 ; C.D.P.K. 2005, p. 597 et note Vandaele A. ↩
La présente étude se fonde sur l’analyse du Règlement de la Chambre des représentants de Belgique du 2 octobre 2003 (M.B., 2 octobre 2003), du Règlement du Sénat de Belgique (disponible sur le site Internet du Sénat de Belgique), du Règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la commission communautaire commune (disponible sur le site Internet du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale), du Reglement van het Vlaams Parlement (disponible sur le site Internet du Parlement flamand), du Règlement du Parlement wallon (disponible sur le site Internet du Parlement wallon), du Règlement du Parlement de la Communauté française (disponible sur le site Internet du Parlement de la Communauté française) et du Règlement du Parlement francophone bruxellois - Assemblée de la Commission communautaire française (disponible sur le site Internet du Parlement francophone bruxellois). Afin de ne pas alourdir la rédaction des prochaines références, les renvois aux articles des règlements se feront par le biais de la mention de l’entité responsable de ce Parlement. ↩
Chambre des représentants : article 62 ; Sénat : article 53 ; Région de Bruxelles-Capitale : article 76, Communauté flamande : article 47 ; Région wallonne : article 91 ; Communauté française : article 50 ; COCOF : article 60. ↩
Chambre des représentants : articles 62 et 63 ; Sénat : article 53 ; Région de Bruxelles-Capitale : article 76, Communauté flamande : article 47 ; Région wallonne : article 92 ; Communauté française : article 50 ; COCOF : article 60. Petite curiosité, le Règlement du Sénat précise que si le sénateur exclu n’obtempère pas à l’injonction qui lui est faite de quitter le palais, le président suspend ou lève la séance et donne à la garde de service les ordres nécessaires pour faire exécuter sa décision. Le règlement de la Chambre des Représentants ne contient pas une telle disposition : « si le député exclu n'obtempère pas à l'injonction de sortir de la Chambre qui lui est faite par le président, la séance est suspendue ou levée ». ↩
Ou des Annales pour les Parlements des entités fédérées. ↩
Chambre des représentants : article 66 ; Sénat : article 51 ; Région de Bruxelles-Capitale : article 78 ; Communauté flamande : article 47 ; Région wallonne : article 78 ; Communauté française : article 43 ; COCOF : article 53. ↩
Il est cependant curieux de constater qu’une telle sanction pécuniaire (une retenue de 20 % de l’indemnité parlementaire pendant une période de trois mois) est prévue pour le député fédéral qui viole la confidentialité des débats tenus à huis-clos (article 67.2.2° du Règlement de la Chambre des Représentants). ↩
L’article 176 du Règlement du Parlement européen propose un catalogue beaucoup plus étoffé de sanctions disciplinaires à l’encontre des eurodéputés. La sanction prononcée peut consister en l'une ou plusieurs des mesures suivantes : un blâme, la perte du droit à l'indemnité de séjour pour une durée pouvant aller de deux à trente jours, sans préjudice de l'exercice du droit de vote en séance plénière, et sous réserve, dans ce cas, du strict respect des règles de conduite applicables aux députés, une suspension temporaire, pour une durée pouvant aller de deux à trente jours pendant lesquels le Parlement ou l'un quelconque de ses organes, commissions ou délégations se réunissent, de la participation à l'ensemble ou à une partie des activités du Parlement, l'interdiction faite au député de représenter le Parlement dans une délégation interparlementaire, conférence interparlementaire ou toute instance interinstitutionnelle, pour une durée pouvant aller jusqu'à un an et, dans le cas d'une violation de la confidentialité, une limitation des droits d'accès aux informations confidentielles ou classifiées pour une durée pouvant aller jusqu'à un an. Ces mesures pouvant être doublées en cas de violations répétées, ou si le député refuse de respecter une sanction prononcée à l’issue de la procédure disciplinaire. ↩
Chambre des représentants : article 63.5 ; Communauté flamande : article 47.2 ↩
Région wallonne : article 93. ↩
Dans le cas où un parlementaire est issue d’une profession disposant d’instances disciplinaires comme les avocats, les médecins, les vétérinaires, les architectes, etc., « le parlementaire qui est titulaire d’une profession libérale est ainsi protégé des poursuites disciplinaires qui seraient dirigées contre lui en raison d’une opinion ou d’un vote émis dans l’exercice de ses fonctions parlementaires ». Voyez à ce sujet Jousten A., « La révision de l'irresponsabilité parlementaire (articles 58 et 120 de la Constitution) », C.D.P.K., 2019/2, p. 306. ↩
Ibid. p. 311. Voyez aussi, Chambre des Représentants, « L’irresponsabilité parlementaire (freedom of speech) », in Précis de droit parlementaire, Service juridique, mai 2015, disponible sur le site de la Chambre ; in [https://www.lachambre.be/kvvcr/pdf_sections/jurid/responsaF.pdf] ; et Muylle K., « Parlementaire onverantwoordelijkheid en parlementaire tucht : not so strange bedfellows » in Liber Discipulorum André Alen, Bruges, die Keure, 2015, pp. 297-328. ↩
CrEDH, Karácsony et autres c. Hongrie, 17 mai 2016, requête n° 42461/13. ↩
Trib. ord, Korwin-Mikke /Parlement européen, 31 mai 2018, T352/17. ↩
Ann. Parl., Chambre des représentants, Compte rendu analytique de la Séance plénière du 27 mars 2014, s.o. 2013-2014, n° CRIV53 - PLEN193, pp. 6-10. Le député indépendant, connu médiatiquement pour ses débordements, avait interpellé le Premier ministre en le dénommant « Merci monsieur le pédophile … monsieur le premier ministre ». ↩
Ann. Parl., Chambre des représentants, Compte rendu analytique de la Séance plénière du 15 septembre 2016, s.o. 2015-2016, n° CRABV 54 PLEN 125, pp. 12-13 et p. 16. Un peu plus tard, lors de la même séance, le député précisa également que « je n'ai absolument pas prononcé les propos qui m'ont été attribués. Tous ceux qui me connaissent savent parfaitement que jamais je ne m'exprimerais de la sorte. Je respecte beaucoup trop tous les membres du Parlement, et sûrement Mme Kitir, pour tenir de tels propos ». ↩
« Je veux dire que je suis désolé d’avoir utilisé les mots blessants de retour au Maroc dans le cadre d’un raisonnement hier à la Chambre. Je regrette d’avoir donné l’impression de blesser Mme Kitir et la communauté marocaine. Je m’en excuse. Je n’ai voulu blesser ni l’une, ni l’autre. Ce sont des mots qui n’appartiennent pas à mon vocabulaire et j’espère qu’on pourra à l’avenir travailler ensemble pour lutter contre le racisme. Au Parlement, nous avons une fonction d’exemple. Je ne suis pas raciste et le racisme n’a pas sa place ici » ; propos rapporté par le Courrier international, « Dérapage raciste contre une députée d’origine marocaine », 16 septembre 2016, disponible en ligne, in [https://www.courrierinternational.com/article/belgique-derapage-raciste-contre-une-deputee-dorigine-marocaine]. ↩
VRT.be, « Vague d’indignation après des propos racistes à la Chambre », 16 septembre 2016 ; disponible en ligne, in
[https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2016/09/16/vague_d_indignationapresdesproposracistesalachambre-1-2769334/]. ↩
Le premier incident eut lieu lors de la séance plénière du Parlement européen du 7 juin 2016 portant sur la question de « l’état actuel des aspects extérieurs du programme européen sur la migration : pour une nouvelle entente sur la migration ». À cette occasion, le parlementaire a déclaré : « le problème ne vient pas du fait que les immigrants nous submergent, mais du fait que ce sont des immigrants inappropriés. Ils ne veulent pas du tout travailler à Bayerische Motorwerke ni chez Aldi. On leur a promis d’importantes allocations et ils veulent recevoir d’importantes allocations. Une fois déjà, [j’ai fait allusion à eux], ce qui m’a coûté 3 000 euros, mais un diplomate congolais a dit que l’Europe était submergée par le cloaque africain. Alors, nous pouvons être fiers du fait que nous avons libéré une partie de l’Afrique de ce cloaque, mais notre devoir est de faire entendre raison à ces gens. Eh bien, rien ne fait entendre raison mieux que la faim. Il faut cesser de leur payer les allocations et tout simplement les forcer à travailler. Et vu que l’exemple, c’est le meilleur enseignant, nous devons leur donner l’exemple et cesser de payer les allocations à nous-mêmes également, car nous démoralisons nos propres gens aussi » (Trib. ord., J. Korwin-Mikke c. Parlement européen, 31 mai 2018, T‑770/16). Le second incident se déroula mors de la séance plénière du Parlement européen du 1er mars 2017 portant sur la question du « Gender pay gap » (soit la problématique de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes), débat au cours duquel le parlementaire a adressé une question à une députée européenne, dans les termes suivants : « Connaissez-vous le palmarès des femmes lors des Olympiades polonaises de physique théorique ? Quelle était la position de la meilleure femme ou fille ? Je peux vous le dire : 800. Et vous savez combien de femmes se trouvent parmi les cent premiers joueurs d’échecs ? Je vous le dis : pas une. Et bien sûr, les femmes doivent gagner moins que les hommes parce qu’elles sont plus faibles, plus petites et moins intelligentes, elles doivent gagner moins. C’est tout. ». Le président du Parlement a ensuite informé le parlementaire, d’une part, du fait que les propos qu’il avait tenus lors de la séance plénière du 1er mars 2017 portaient atteinte à la dignité du Parlement et aux valeurs définies à l’article 11 du règlement intérieur du Parlement européen et, d’autre part, de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son égard (Trib. ord., J. Korwin-Mikke c. Parlement européen, 31 mai 2018, T‑352/17). ↩
Voyez à propos de ces décisions, De Fontbressin P., « La notion de ‘dignité du Parlement européen’ à l'épreuve de la liberté d'expression : inquiétudes d'un citoyen européen », Rev. trim. D. H., 2018/116, pp. 1011-1027. ↩
Actuellement l’article 10 du Règlement intérieur du Parlement européen et l’article 62 du Règlement de la Chambre. ↩
Dont les parents sont d’origine africaine. ↩
Laissant ainsi planer un doute sur le fait que ces mots étaient soit dirigés vers le député qui avait la parole à cet instant ou qu’ils visaient les « immigrés clandestins », objet du débat en cours au moment des faits incriminés. ↩
Conformément à l’article 73, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale, « la censure avec exclusion temporaire emporte de droit la privation, pendant deux mois, de la moitié de l’indemnité parlementaire allouée au député. Elle entraîne l’interdiction de prendre part aux travaux de l’Assemblée et de reparaître dans le Palais de l’Assemblée jusqu’à l’expiration du quinzième jour de séance qui suit celui où la peine a été prononcée. » ↩
Journal officiel de la république française - XVIe Législature - session ordinaire de 2022-2023 - 46e séance -Séance du vendredi 4 novembre 2022, N°77 A.N. (C.R.), page 5129 ; Compte-rendu de la réunion du Bureau de l’Assemblée nationale du 4 novembre 2022 – disponible en ligne sur le site de l’assemblée nationale https://www2.assemblee-nationale.fr/16/le-bureau-de-l-assemblee-nationale/comptes-rendus-et-convocation/2022/reunion-du-vendredi-4-novembre-2022 . ↩
Prise de parole de la Présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, lors de la séance du vendredi 04 novembre 2022 - Journal officiel de la république française - XVIe Législature - session ordinaire de 2022-2023 - 46e séance -Séance du vendredi 4 novembre 2022, N°77 A.N. (C.R.), page 5129. ↩
Article 10.3 du Règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la commission communautaire commune ; article 33.5 du Règlement du Parlement wallon ; article 14.4. du Règlement du Parlement de la Communauté française. ↩
La notion de succession d’un parti politique ou d’une composante de celui-ci à un parti politique ou à une composante, condamné en application de la loi précitée du 30 juillet 1981, de la loi précitée du 23 mars 1995, ou de la loi précitée du 4 juillet 1989, s’apprécie en ayant égard, notamment, à la composition du nouveau parti ou de la composante, à son objet social éventuel, à son programme, à ses activités, à son attitude par rapport aux programme, activités, discours du parti politique ou de la composante condamné, et au fait que la dotation, octroyée en vertu de la loi précitée du 4 juillet 1989, a continué à être perçue par l’institution désignée en vertu de l’article 22 de cette loi par le parti politique condamné en application de la loi précitée du 30 juillet 1981, de la loi précitée du 23 mars 1995, ou de la loi précitée du 4 juillet 1989 ou dont une composante a été condamnée en application d’une de ces mêmes lois. ↩
Article 8 du Reglement van het Vlaams Parlement. ↩
Jamin J., Nossent J., « Groupements liberticides et pluralisme politique » in Bouhon F., Reuchamps M. (dir.), Les systèmes électoraux de la Belgique, op. cit., p. 239. ↩
Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op.cit., p.36. ↩
Rappelons que la loi du 30 juillet 1981 a été adoptée parce que diverses dispositions internationales résultant d'une vision politique identique avaient demandé que des initiatives positives soient prises (comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention des Nations Unies du 7 mars 1966 sur la suppression de toutes les formes de discrimination raciale). ↩
Sur l’aspect pénal du délit de presse, voyez F. Jongen F., Strowel A., « La responsabilité pénale : le délit de presse » in Droit des médias et de la communication, Larcier, 2017, pp. 709-728 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 561. ↩
Idem. ↩
Cass. (2e ch.), 6 mars 2012, J.T., 2012, p. 505, note Van Enis Q., « La Cour de cassation admet que l’on puisse se rendre coupable d’un délit de presse sur l’internet – Le temps du “délit de presse 2.0” est-il (enfin) arrivé ? ». Voyez également Cass. (2e ch.), 29 octobre 2013, J.T., 2014, p. 391, note Van Enis Q., « Entre interprétation restrictive du délit de presse et interprétation extensive de l’infraction de harcèlement : un régime en clair-obscur pour la vidéo en ligne ? ». ↩
Avant la révision de la Constitution du 7 mai 1999, l’article 150 de la Constitution était rédigé de la manière suivante : « Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse ». ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de l’article 150 de la Constitution, Développements, s.o. 1998-1999, 20 janvier 1998, n° 1936/1, pp. 2-3. ↩
Voyez par exemple Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de l'article 150 de la Constitution, s.o. 1996-1997, n° 1094/1; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de l'article 150 de la Constitution*,* s.o. 1997-1998, 30 juin 1997, n° 1288/1 ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de l'article 150 de la Constitution, s.o. 1998-1999, 30 novembre 1998, n° 1852/1 et Doc. Parl., Sénat, Proposition de loi tendant à mettre en place une procédure sommaire devant la cour d'assises en vue d'une répression effective des délits de presse à caractère raciste, s.o. 1996-1997, 14 novembre 1996, n° 472/1. ↩
Inséré par la modification à la Constitution du 7 mai 1999 (M.B., 29 mai 1999). ↩
Voyez l’article 58 de la Constitution pour les membres du Sénat et de la Chambre des représentants et les articles 120 de la Constitution, l’article 42 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, l’article 28, alinéa 1er, de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises du 12 janvier 1989 et l’article 44, alinéa 1er, de la loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone du 31 décembre 1983, pour les membres des parlements des Régions et Communautés. ↩
Solbreux M., Verdussen M., « Le statut pénal des parlementaires », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 24362437, 2019, p. 17. ↩
Voyez l’article 59 de la Constitution pour les membres du Sénat et de la Chambre des représentants et son articles 120 pour les membres des parlements des Régions et Communautés. ↩
M. Solbreux, M. Verdussen, « Le statut pénal des parlementaires », op. cit., p. 37. ↩
Sur le mécanise de l’inviolabilité parlementaire, voyez notamment ibidem ; El Berhoumi M., Romainville C., « Pour des parlementaires plus irresponsables », J.T., 2017, pp. 449-451 et Verdussen M., « Un parlementaire peut-il tout dire ? », in Liège, Strasbourg, Bruxelles : parcours des droits de l’homme. Liber amicorum Michel Melchior, Limal, Anthemis, 2010, pp. 1001-1014. ↩
Lejeune Y., Droit constitutionnel belge, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 580. ↩
Marie Solbreux et Marc Verdussen ont ainsi dressé méthodiquement un tableau récapitulatif de l’ensemble des rapports faits au nom des commissions des poursuites et comptes rendus intégraux en séance plénière des différentes assemblées parlementaires belges (Solbreux M. et Verdussen M., « Le statut pénal des parlementaires », op. cit., pp. 102-108). L’étude de ces tableaux démontre que les poursuites intentées à l’encontre des députés sont en réalité assez rares. ↩
Liège (20e chambre A), 28 janvier 2021, J.L.M.B., 2021, n° 14, pp. 615-625 et note de Jousten A., « Une conception singulière de l’irresponsabilité parlementaire : voie à suivre ou début de la fin pour la liberté de parole des députés ? ». ↩
L’affaire « Kazakhgate » est une affaire de corruption présumée qui a mené à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire devant la Chambre des représentants en raisons de suspicions d'influence entre l'Élysée et des membres de la Chambre des représentants et du Sénat (Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition visant à instituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’enquêter sur les incitations et circonstances ayant conduit à l’adoption de la loi du 14 avril 2011 portant des dispositions diverses, à la transaction pénale intervenue le 17 juin 2011 et sa validation par la Cour d’appel de Bruxelles, à l’adoption de la loi réparatrice du 11 juillet 2011 modifiant les articles 216bis et 216ter du Code d’instruction criminelle, et de déterminer les responsabilités politiques, s.o. 2016-2017, 23 novembre 2016, n° 2179/001). ↩
Civ. Namur, 19 juin 2019, n° de rôle 17/1063/A. ↩
« Un juge peut limiter la liberté d’expression des députés », interview de Marc Verdussen dans La Libre Belgique, 8 février 2021. Voyez également Jousten A., « Une conception singulière de l’irresponsabilité parlementaire : voie à suivre ou début de la fin pour la liberté de parole des députés ? », J.L.M.B., 2021, n° 14, pp. 630 et suivantes. ↩
Le Soir, « La Cour de cassation confirme la condamnation de Georges Gilkinet », 4 janvier 2023. ↩
Le procureur général près de la Cour d’appel de Gand a expliqué que cette demande résultait de l’enquête visant l’organisation Schild en Vrienden, qui avait été ouverte à la suite de la diffusion, le 5 septembre 2018, du reportage de l’émission de télévision Pano, dans lequel il est apparu qu’outre sa face publique, cette organisation avait aussi une face cachée et que du matériel à caractère raciste et négationniste avait été partagé entre les membres dans plusieurs groupes de chat fermés, notamment. À noter que lors de la réunion du 1er mars 2021, M. Dries Van Langenhove a été entendu à sa demande par la Commission des poursuites de la Chambre et a demandé la levée de son immunité parlementaire. À ce propose la Commission a précisé que : « La Commission rappelle tout d’abord que la circonstance que M. Dries Van Langenhove sollicite lui-même la levée de son immunité parlementaire ne peut amener la commission à faire droit d’office à la demande de levée de l’immunité parlementaire. En effet, l’inviolabilité parlementaire est d’ordre public et vise la protection de la fonction et non de la personne. L’objectif de l’article 59 de la Constitution est de garantir le fonctionnement normal des assemblées parlementaires en protégeant la fonction parlementaire contre des poursuites qui seraient arbitraires ou engagées pour des motifs politiques » ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Rapport fait au nom de la Commission des Poursuites de la Chambre des Représentants, s.o. 2020-2021, 9 mars 2021, n° 1837/001, p. 11. ↩
Ann. Parl., Chambre des représentants, Compte rendu analytique de la Séance plénière du 18 mars 2021, s.o. 2020-2021, n° CRIV 55 PLEN 093, pp. 62 à 67. ↩
Journal officiel, 12 juin 2008, n° L328, pp. 55-58 ↩
Voyez le communiqué de presse du 18 février 2021 de la Commission européenne, disponible en ligne in [https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/inf_21_441]. ↩
Loi du 10 avril 1995 modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques ; M.B., 15 avril 1995. ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, Rapport fait au nom de la commission de l'intérieur, des affaires générales et de la fonction publique, s.o. 1994-1995, 13 mars 1995, n° 1113/5, p. 4. ↩
Citons par exemple les promesses électorales du Parti Islam lors des élections communales de 2018, les agissements des groupements Schild en Vrienden en Flandre ou du Groupe identitaire Ardenne en Wallonie. ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de la Constitution visant à dissoudre les partis politiques liberticides et non démocratiques ou à leur interdire de concourir aux élections, s.o. 2018-2019, 18 octobre 2018, n° 3333/001. Voyez également en ce sens Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de déclaration de révision de la Constitution, s.o. 2018-2019, 27 mars 2019, n° 3696/001 ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de déclaration de révision l’article 142 de la Constitution, s.o. 1999-2000, 28 juin 2000, n° 767/001 ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution en vue d’insérer un article 7ter, s.o. 2017-2018, 28 juin 2018, n° 3207/001 ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution visant à reconnaître les partis politiques, s.o. 2017-2018, 26 septembre 2018, n° 3299/001 et Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution visant à reconnaître les partis politiques, s.o. 2019-2020, 26 mars 2020, n° 1111/001. ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution visant à reconnaître les partis politiques, s.o. 2017-2018, 26 septembre 2018, n° 3299/001, p. 6. ↩
D’autres constitutions européennes reconnaissent déjà officiellement l’existence des partis politiques : En France, l’article 4 de la Constitution française de 1958 indique que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi ». En Espagne, l’article 6 de la Constitution de 1978 dispose que « les partis politiques traduisent le pluralisme politique, concourent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental de la participation politique. Ils se constituent et exercent leur activité librement dans le respect de la Constitution et de la loi. Leur structure interne et leur fonctionnement doivent être démocratiques ». ↩
Voyez les déclarations de révision de la Constitution publiées au Moniteur belge le 23 mai 2019. ↩
Alors que les déclarations adoptées par la Chambre des représentants et par le Sénat visaient davantage de dispositions constitutionnelles soumis à révision dont notamment l’article 142 de la Constitution. ↩
Voyez Solbreux M., M. Verdussen, « Le statut pénal des parlementaires », op. cit., pp. 94-96 ; El Berhoumi M., Romainville, C., « Pour des parlementaires plus irresponsables », op. cit., p. 451 et « Un juge peut limiter la liberté d’expression des députés », interview de Marc Verdussen dans La Libre Belgique, 8 février 2021. ↩
Jousten A., « La révision de l'irresponsabilité parlementaire (articles 58 et 120 de la Constitution) », op. cit., p. 313. ↩
Proposition de loi tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes n°108 (2019-2020) de M. Bruno Retailleau (président du groupe « Les Républicains » au Sénat français) et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 8 novembre 2019 – Fiche consultable en ligne sur le site du Sénat français, in [https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-108.html]. ↩
Article 3 de la proposition de loi. ↩
Amendement n° 290 rect. bis du 30 mars 2021 présenté par M. Bruno Retailleau et consorts, en ligne sur le site du Sénat français, in [https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/455/Amdt_290.html]. ↩
Avis défavorable du Gouvernement français exprimé lors des débats au Sénat français le par Marlène Schiappa, ministre déléguée, lors de la séance du 31 mars 2021, compte-rendu intégral en ligne sur le site du Sénat français, in [https://www.senat.fr/seances/s202103/s20210331/s20210331009.html#section1179]. ↩
Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; J.O., 25 août 2021. ↩
BVG 14 novembre 1994, BVGE Bd 91, p. 262 et p. 276. Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Land concerné ont, par la suite, proclamé l’interdiction de ces organisations, sur la base de l’article 9, § 2 de la Loi fondamentale relatif aux conditions de la liberté d’association. ↩
Ce parti était encore insignifiant en 2013, n’ayant obtenu que 1,3 % aux élections et aucun représentant au parlement fédéral. Ceci explique que, pour des raisons politiques, le gouvernement ne se soit pas associé à cette seconde procédure menée devant le Tribunal constitutionnel, vu le risque que le NPD en ressorte renforcé aux yeux de l’opinion publique. ↩
BVG, 17 janvier 2017, 2 BvB 1/13,1-1010. Sur cette décision, voyez Gaschignard A. « Nouveau rejet de l’interdiction du parti néo-nazi allemand », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 27 février 2017, in [http://journals.openedition.org/revdh/3019]. ↩
Lauvaux Ph. , Les grandes démocraties contemporaines, 3e éd., Paris, P.U.F., 2006, p. 727. Voyez également en ce sens, Rotschild C., « Le statut des partis politiques », Pouvoirs, 1982, n° 22, p. 61 et Muylle K., « La Cour européenne des droits de l’homme et l’extrémisme politique », obs. sous C.E.D.H. 30 juin 2009, J.L.M.B. 2009, p. 1994. ↩
Aux dernières élections législatives fédérales de 2017, le parti d’extrême droite AfD a obtenu 12,64 % des suffrages et a pu ainsi, pour la première fois, accéder au Bundestag. Il n’avait atteint que 4,7 % aux élections précédentes de 2013. ↩
Voyez Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de la Constitution visant à dissoudre les partis politiques liberticides et non démocratiques ou à leur interdire de concourir aux élections, s.o. 2018-2019, 18 octobre 2018, n° 3333/001. Voyez également en ce sens Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de déclaration de révision de la Constitution, s.o. 2018-2019, 27 mars 2019, n° 3696/001 ; Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de déclaration de révision l’article 142 de la Constitution, s.o. 1999-2000, 28 juin 2000, n° 767/001 et Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution visant à reconnaître les partis politiques, s.o. 2019-2020, 26 mars 2020, n° 1111/001. ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution en vue d’insérer un article 7ter, s.o. 2017-2018, 28 juin 2018, n° 3207/001, p. 9. ↩
La Cour constitutionnelle « paraît être le juge naturel du caractère liberticide d’un parti politique. De par l’interprétation extensive qu’elle a donnée de ses compétences et, plus particulièrement, des articles 10 et 11 de la Constitution, elle s’est, en effet, progressivement érigée en gardienne de l’ensemble des droits fondamentaux consacrés tant par la Constitution que par les normes de droit international. Aucune autre juridiction interne n’est mieux habilitée qu’elle pour connaître d’une mesure aussi indispensable à la sauvegarde de la démocratie (…) Par ailleurs, la Cour dispose déjà de l’ensemble des moyens juridiques nécessaires à l’exercice de cette délicate mission. L’article 91 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 la dote des pouvoirs d’instruction et d’investigation les plus étendus, en ce compris le pouvoir de procéder sur les lieux à toutes les constatations utiles » ; Uyttendaele M., Van Laer N., « Une interdiction constitutionnelle des partis liberticides », op. cit., p. 68. ↩
Doc. Parl., Chambre des représentants, Proposition de la Constitution visant à dissoudre les partis politiques liberticides et non démocratiques ou à leur interdire de concourir aux élections, s.o. 2018-2019, 18 octobre 2018, n° 3333/001, p. 3. ↩
Comme l'a écrit la journaliste Martine Vandemeulebroecke au lendemain des élections de 2004, « l'opposition, c'est le nid douillet du Blok. Le lieu d'où il peut s'afficher comme victime des ‘politiciens pourris’ qui l'écartent a priori du pouvoir au nom de la démocratie. Le lieu qui le préserve du difficile travail politique, fait de compromis, de victoires, d'échecs et donc de confrontations avec l'électeur. Le cordon sanitaire protège finalement le Blok plus qu'il ne protège nos institutions. En 25 ans d'existence et d'opposition, le Blok n'a cessé de gagner les élections. Stop ou encore ? », Le Soir, 17 juin 2004. Voyez également en ce sens, l’interview de Jérôme Jamin parue dans Le Vif du 28 octobre 2016, n° 43, p. 35 : « Le cordon sanitaire (et sa version française, le ‘Front républicain’) pose deux problèmes. Le premier réside dans la perméabilité du cordon au niveau des idées politiques. Quel est l’intérêt et, surtout, la légitimité d’un blocage au niveau des individus et des acteurs politiques si les idées, elles, peuvent traverser le cordon ? (…). Le deuxième problème concerne le détournement d’institution qui consiste, au nom de la démocratie, à former des alliances entre perdants pour écarter le gagnant. Le Front républicain, contre l’extrême droite, a du sens à condition de s’inscrire dans des circonstances exceptionnelles et à condition de s’engager à lutter ensuite contre le terreau qui fait le succès de l’extrême droite ». ↩
Voyez l’éditorial de Véronique Lamquin publié sous le titre « Partis : l’urgence d’une remise en question » trois ans avant les élections de mai 2019 : « En Flandre, la NVA avait siphonné l‘extrême droite, voici deux ans ; une stratégie court-termiste, puisque les nouveaux électeurs délaissent déjà la copie pour l’original », Le Soir, 19 mai 2016. ↩
Cour Const., 11 mars 2009, n° 40/2009, § B.84.2. ↩
Sur les lacunes de la réglementation belge des partis politiques, Gaudin Th., « La régulation juridique des partis politiques », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2483-2484, 2020. ↩
Comme l’énonce Marc Verdussen, il convient d’être attentif à la portée « symbolique » du financement d’un parti politique. Au-delà des questions de sous, il y va de la reconnaissance officielle du rôle de ce parti dans le fonctionnement des institutions publiques, si bien que le libre accès d’un parti raciste au subventionnement public ajoute à sa légitimité populaire une légitimité étatique, sur laquelle il convient, à tout le moins, de s’interroger ; Verdussen M., « Le financement public d’un parti raciste est-il légitime dans un État démocratique ? », Rev. trim. D. H., 2001, p. 659. ↩
Masclet J.C, « Le prix de la démocratie. Recherche sur la réglementation des dépenses et des ressources des partis politiques et sur la question de leur financement public », in Études de finances publiques – Mélanges Gaudemet, Paris, Economica, 1984, p. 88, cité par Verdussen M., « Le financement public d’un parti raciste est-il légitime dans un État démocratique ? », op. cit., p. 652. ↩
CrEDH*, Parti communiste unifié de Turquie et autres / Turquie*, 30 janvier 1998, requête n°19392/92 §§ 43-44. ↩
Uyttendaele M. , Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 35. ↩