L’impact du fédéralisme sur la représentation démocratique en Belgique
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Cet article fait partie de « Miscellanées démocratiques. Actes du colloque tenu à l’occasion du 40e anniversaire du Centre de droit public »
Introduction : les liens entre démocratie et fédéralisme
§1 A priori, démocratie et fédéralisme sont deux notions indépendantes l’une de l’autre1 : la première tient à la forme de l’exercice du pouvoir (en contradiction avec d’autres formes comme le totalitarisme), alors que la seconde tient à la forme de l’État (en contradiction à d’autres formes comme l’État centralisé)2. Sous cet angle, un État démocratique peut être fédéral (par exemple, le Canada) ou ne pas l’être (par exemple, la Norvège) et, inversement, un État non démocratique peut-être fédéral (par exemple, les Émirats arabes unis) ou ne pas l’être (par exemple, la Corée du Nord)3. Cela n’empêche que pour peu que l’on se trouve face à un État démocratique comme la Belgique, ces deux notions entretiennent des liens étroits.
D’abord, les entités fédérées doivent au moins, pour être légitimes dans leur propre ordre juridique, être dotées d’un corps législatif constitué de représentants élus démocratiquement exerçant, lorsqu’il s’agit d’un régime parlementaire, un contrôle sur leur gouvernement4. Dans cette optique, le fédéralisme est un moyen pour la démocratie de se multiplier et de se déployer puisque les citoyens peuvent bénéficier d’un niveau de pouvoir démocratique supplémentaire encore plus proche de leurs besoins5.
Ensuite, la représentation dans un État fédéral est encore plus cruciale et complexe que dans un État centralisé, car le fédéralisme, en rapprochant les individus d’un nouveau corps élus, institue des entités fédérées qui deviennent des membres à part entière de la nouvelle Fédération. L’adage « une personne, une voix » s’applique ici comme « une entité fédérée, une voix » dans le sens où comme le droit de vote est accordé indifféremment du niveau de richesse, de l’âge (passé 18 ans) ou du niveau d’éducation, il implique que chaque entité fédérée soit considérée comme un partenaire, quel que soit son poids démographique, sa pyramide des âges ou sa richesse. Le « pacte social » constitué d’individus libres et égaux se double ici d’un « pacte fédéral » constitué d’entités autonomes et égales. Sous ce prisme, démocratie et fédéralisme peuvent entrer en tension. En effet, comment traiter sur un même pied d’égalité chaque individu de la Fédération si une entité fédérée moins peuplée est traitée sur un même pied qu’une autre plus peuplée6? En réalité, cette question se pose pour les États fédéraux, mais elle n’est que le prolongement d’une question qui se pose à toute démocratie. En effet, la démocratie ne se réduit pas à la loi du plus grand nombre, car elle repose sur les principes d’autonomie et d’égalité. Le principe d’autonomie permet aux différentes composantes d’un État, et en particulier aux minorités, d’être représentées et de décider pour elles-mêmes7. Le principe d’égalité implique que personne n’a le droit de dominer une autre. Il s’en déduit que si un régime démocratique ne peut tolérer qu’une minorité choisisse pour la majorité, elle empêche également que la majorité impose sa volonté dominatrice à une minorité8. Dans la mesure où les minorités sont aussi concernées par les décisions de la majorité, il s’agit dès lors de leur accorder des moyens pour participer à l’élaboration de ces décisions et ainsi d’éviter « la tyrannie de la majorité »9. Sous cet angle, le fédéralisme semble être une forme d’État plus appropriée pour réaliser cette exigence démocratique puisqu’il reconnait, en principe, davantage les minorités par l’intermédiaire des entités fédérées10.
Dans les pays fédéraux, il en résulte que des mécanismes de checks and balances sont mis en place pour essayer de trouver un équilibre pour respecter, d’une part, l’égalité entre les citoyens et, d’autre part, l’égalité entre les entités fédérées. D’abord, certaines tensions entre ces deux impératifs peuvent être évitées par la répartition des compétences entre les entités fédérées et l’État fédéral. En réservant des zones d’autonomie propres aux entités fédérées et à l’État fédéral, la répartition des compétences permet à chacune de ces autorités de poursuivre leurs priorités selon leurs spécificités et sans ingérence d’une autre autorité11. Ensuite, certains mécanismes internalisent déjà cette tension potentielle entre la volonté du plus grand nombre et le respect des minorités en renforçant l’interdépendance entre les niveaux de pouvoirs dans la prise de décisions politiques. Ainsi, des procédures de concertation, de collaboration, de coopération ou d’avis visent à désamorcer certains conflits. D’autres mécanismes, comme l’exigence de majorités spéciales, le consentement du Sénat représentant les entités fédérées ou l’assentiment unanime d’entités fédérées sont autant de procédures qui vont plus loin en intégrant davantage la volonté des entités fédérées et donc de minorités dans le processus de décision. Des armes dissuasives peuvent encore être placées entre les mains de certains groupes en vue de retarder ou bloquer l’adoption d’un texte et forcer un compromis. Enfin, dans un pays fédéral, une Cour constitutionnelle peut être saisie de conflits juridiques soulevés par une minorité ou des entités fédérées et ainsi être amenée à trouver un équilibre entre la légitimité démocratique et le fait fédéral notamment en s’assurant du respect de la hiérarchie des normes et des droits fondamentaux12.
La représentation dans un État fédéral est donc encore plus cruciale et complexe que dans un État centralisé. Alors que les États centralisés n’ont qu’un parlement représentant la population, les États fédéraux ont une multiplication de liens démocratiques dans les entités fédérées et ils doivent, en raison de cette multiplication, veiller à avoir un corps de règles qui assure la représentation des entités fédérées dans la Fédération.
§2 L’objet de cette contribution est de retracer l’évolution de cette représentation des entités fédérées et dans les entités fédérées, et ce depuis 1979, soit la date à laquelle se négocie la deuxième réforme de l’État et que, plus modestement, le Centre de droit public de l’Université Libre de Bruxelles est créé.
C’est que la deuxième réforme de l’État est venue se superposer à la première réforme de l’État datant de 1970. Cette première réforme pose les fondations de l’État fédéral13. Procédant d’un esprit volontiers pragmatique, le Constituant opte pour la mise en place de communautés et de régions14. Cependant, en 1971, seules les communautés apparaissent dans le paysage institutionnel. L’organisation des régions est, quant à elle, freinée en raison d’un blocage politique concernant Bruxelles15. La révision constitutionnelle de 1970, dite « communautaire », a également des effets sur les institutions centrales. Celles-ci doivent intégrer de nouveaux mécanismes juridiques assurant l’intégrité et la protection de l’une ou l’autre communauté linguistique face aux éventuels abus de l’autre. À cette fin, la Constitution est révisée pour instituer, d’une part, au sein du Parlement, les groupes linguistiques, la procédure de la sonnette d’alarme et les lois à la majorité spéciale et, d’autre part, la parité linguistique au Conseil des ministres. La deuxième réforme de l’État de 1980 concrétise la création de la Région wallonne et de la Région flamande16. La situation de Bruxelles reste au « frigo » encore neuf ans17. Progressivement, la Belgique ne se conçoit plus uniquement qu’à travers ses deux communautés – auxquels viendra s’ajouter la Communauté germanophone en 1983 – mais plus largement par le concept d’entités fédérées. Cette réforme ajoute, à la logique linguistique bipolaire instaurée en 1970, de nouveaux dispositifs juridiques basés sur une idée plus diversifiée du fédéralisme qui permet aux partenaires de l’État fédéral de collaborer et de se défendre face aux excès des autres. Il s’agit ainsi d’examiner comment ces réformes ont eu un impact sur la représentation des entités fédérées et dans les entités fédérées.
§3 Dès lors, la première partie de cette contribution analyse la représentation dans les entités fédérées. Il s’agit d’analyser les modalités de nomination des membres des parlements des entités fédérées, leur éventuelle autonomie pour organiser leur fonctionnement ainsi que leurs rapports entre leurs pouvoirs législatif et exécutif, notamment avec les mécanismes de parlementarisme rationalisé. Nous verrons que l’asymétrie du fédéralisme belge pose certaines questions quant à la représentation démocratique dans certaines entités fédérées dont le parlement n’est pas composé d’élus directs, mais d’élus indirects qui tirent leur légitimité démocratique d’une élection pour une autre entité fédérée. Le statut particulier de la Région de Bruxelles-Capitale implique aussi une représentation démocratique originale qui mérite d’être examinée.
La seconde partie se focalise sur la manière avec laquelle les entités fédérées sont associées à la représentation fédérale pour participer aux matières qui intéressent l’ensemble de la Fédération ou pour régler les conflits politiques qui les opposent. Nous verrons qu’à côté de cette logique institutionnelle qui entendait donner une représentation aux entités fédérées, prédomine toujours, en toile de fond, la logique linguistique bipolaire. Nous verrons que les réformes successives du Sénat tout comme l’incapacité à réviser la procédure de révision de la Constitution marquent, à cet égard, un échec dans la mise en œuvre du fédéralisme. Les procédures en conflit d’intérêts retiendront enfin notre attention dès lors qu’une analyse fine de leur mise en œuvre démontre à nouveau la logique bipolaire au sein des structures fédérales de l’État belge.
La représentation dans les entités fédérées : un renforcement (insuffisant)de leur légitimité démocratique
§4 Il est ici question d’analyser la représentation dans les entités fédérées. Puisque les entités fédérées ont été dotées de compétences législatives, il a fallu faire coïncider les utilisateurs et les destinataires de ces politiques fédéralisées avec ceux qui décident et qui payent18. À cet effet, nous analysons, dans un premier temps, l’évolution du mode électif des députés dans les assemblées fédérées. Ensuite, nous nous penchons sur les leviers dont bénéficient les entités fédérées pour régler les modalités de leur représentation. Enfin, nous examinons l’évolution des rapports entre leur parlement et leur exécutif.
L’élection directe et proportionnelle des parlements : une légitimité nouvelle à nuancer
§5 A l’occasion d’un bref rappel historique des différentes étapes de la représentation parlementaire au sein des assemblées législatives des régions et des communautés, nous verrons que la quatrième réforme de l’État a considérablement amélioré la représentativité démocratique de leurs membres. Cette légitimité nouvelle a été renforcée lors de la sixième réforme de l’État, quoiqu’elle peut être nuancée par le regroupement, certes encore théorique, des élections européennes, fédérales et régionales.
Le système du double mandat de 1980 : l’absence de légitimité démocratique
§6 La première réforme de l’État de 1970 institue la Communauté culturelle française, la Communauté culturelle néerlandaise et la Communauté culturelle allemande, qui deviendront plus tard, respectivement la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone. À la suite d’une révision de la Constitution19, la loi du 21 juillet 197120 crée, pour les Communautés culturelles française et néerlandaise, un organe compétent pour adopter des normes législatives – les Conseils culturels. À la différence de ces deux Conseils culturels21, le Conseil de la Communauté culturelle allemande, créé par la loi du 10 juillet 197322, adopte des règlements, soit des normes qui ont une valeur inférieure à la loi. Paradoxalement, il est toutefois le seul Conseil à être composé de représentants élus23. En effet, aux Conseils culturels français et néerlandais, prévaut le système du double mandat : les parlementaires siègent à cet échelon que parce qu’ils sont déjà parlementaires au niveau national24. Ils ne sont donc pas élus directement et ils siègent dans l’un des deux conseils en fonction de leur appartenance aux nouveaux groupes linguistiques français et néerlandais à la Chambre des représentants et au Sénat. Ils sont donc des émanations du pouvoir législatif central25.
§7 La deuxième réforme de l’État de 1980 abandonne le concept de Communautés culturelles au profit de celui, plus large, de Communautés. Elle met également sur pied la Région wallonne ainsi que la Région flamande, laquelle est directement absorbée par la Communauté flamande26. Cette réforme maintient le principe du double mandat selon lequel les parlements régionaux et communautaires sont composés de l’ensemble des députés et sénateurs élus au niveau national27. Plus particulièrement, trois phases sont prévues dans la loi spéciale. Dans une première phase, les Conseils régionaux et communautaires étaient composés de l’ensemble des députés et sénateurs élus, à l’exclusion des sénateurs de droit. Dans une deuxième phase, les Conseils étaient composés des députés et sénateurs élus directement, à l’exclusion des sénateurs de droit, des sénateurs provinciaux et des sénateurs cooptés. Dans une troisième et dernière phase – qui ne verra finalement jamais le jour, compte tenu de la quatrième réforme de l’État qui consacrera le principe de l’élection directe – les Conseils auraient dû être composés exclusivement de sénateurs élus directement28.
§8 Les critiques de ce système, guère imaginable aujourd’hui, mais qui perdurera jusqu’à la quatrième réforme de l’État de 199329, étaient nombreuses30 : le sort des parlements fédérés était lié à celui des chambres fédérales, les élus pouvaient avoir tendance à privilégier le niveau de pouvoir pour lequel ils étaient directement élus31 et, surtout, « les conseils de communauté et de région souffraient d’un manque de légitimité démocratique propre »32. Notons néanmoins deux exceptions notables à ce système du double mandat. Premièrement, le principe de l’élection directe pour le Conseil de la Communauté germanophone, déjà instauré en 1973, est confirmé lorsque la Communauté germanophone, dotée alors d’un véritable pouvoir législatif, est instituée en 198333. Deuxièmement, lorsque la Région de Bruxelles-Capitale est créée, le législateur spécial décide que les membres de son parlement seront directement élus aux élections de 1989, le même jour que les élections pour le Parlement européen34.
La mise en place (partielle) d’élections directes en 1993
§9 Lors du dialogue « de Communauté à Communauté » tenu en 1992, tous les partis politiques sont favorables à une élection directe des Conseils régionaux et communautaires35. C’est donc sans surprise que lors de la quatrième réforme de l’État en 1993, le régime du double – voire triple – mandat est remplacé par l’élection directe au niveau du Parlement wallon et du Parlement flamand. Dans le cadre d’un État fédéral désormais assumé, il est désormais permis d’affirmer que « l’élection est le procédé normal de sélection des autorités communautaires et régionales »36. Dès lors, le nouvel article 116, §2, de la Constitution consacre les élections directes dans les Communautés et les Régions, mais précise toutefois qu’un mandat dans une assemblée communautaire peut être le résultat d’une élection directe dans une assemblée régionale et vice versa.
L’asymétrie est donc consacrée dès lors que certaines assemblées législatives sont composées d’élus directs, d’autres élus indirects. Ainsi, à partir des élections de 1995, sont élus directement :
- les septante-cinq parlementaires de la Région wallonne,
- les vingt-cinq parlementaires de la Communauté germanophone,
- les quatre-vingt-neuf parlementaires de la Région de Bruxelles-Capitale,
- les cent vingt-quatre Parlementaires de la Communauté flamande37.
En revanche, ne sont pas élus directement, mais indirectement :
- Les nonante-quatre parlementaires de la Communauté française38,
- Les parlementaires des Commissions communautaires française et commune39.
§10 Certaines assemblées sont donc composées de parlementaires élus indirectement. La légitimité de ces derniers au sein d’une assemblée résulte d’une élection pour une autre assemblée. Ces parlementaires peuvent donc sembler moins légitimes que les représentants des autres collectivités fédérées40. Ce déficit de légitimité explique sans doute en partie pourquoi la loi spéciale a été rapidement modifiée pour que les six députés bruxellois du Parlement flamand soient directement élus qualitate qua41, alors qu’il s’agissait, initialement, des « six premiers membres élus du groupe linguistique néerlandais du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale »42. De plus, sur le plan personnel, le parlementaire risque en effet de favoriser le mandat pour lequel il a été directement élu et pour lequel il est directement responsable devant l’électeur. Sur le plan institutionnel, le sort de l’assemblée composée d’élus indirects est lié à celui des assemblées composées d’élus directs sans que ne soit toutefois prévue une parfaite similitude43. Un exemple révélateur a été donné lors de la crise politique de 2017 lorsque le Parlement wallon a voté une motion de méfiance constructive à l’égard du Gouvernement constitué du Parti socialiste (PS) et du Centre démocrate humaniste (cdH) et qu’il est rapidement apparu que le Parlement de la Communauté française se trouvait dans l’incapacité, compte tenu des rapports de force, d’agir44.
L’exception au principe de proportionnalité à Bruxelles instituée en 2001
§11 Avant la cinquième réforme de l’État de 2001, c’est le principe « une personne, une voix » qui était d’application en Région de Bruxelles-Capitale et qui était traduit, d’abord, par l’existence d’une liste néerlandophone et d’une liste francophone et par, ensuite, une répartition des sièges entre ces deux listes selon le principe de la proportionnelle. Dès lors, les sièges ainsi obtenus pour chaque groupe linguistique étaient répartis au sein des listes de candidats par le principe de la représentation proportionnelle. Ainsi, lors des premières élections régionales bruxelloises de 1989, soixante-quatre conseillers régionaux avaient prêté serment en français (85,3 %), onze en néerlandais (14,6 %). Lors des élections suivantes, en 1995, ces chiffres passèrent à respectivement soixante-cinq (86,6 %) et dix (13,4 %) pour revenir à une proportion soixante-quatre/onze en 199945.
Lors de la cinquième réforme de l’État46, le nombre de députés bruxellois augmente de septante-cinq à quatre-vingt-neuf tout en assurant une représentation fixe à la minorité néerlandophone de Bruxelles. L’objectif est alors d’empêcher que le Vlaams Blok obtienne la majorité dans le groupe linguistique néerlandais et puisse bloquer les institutions bruxelloises. Désormais, quel que soit le nombre de suffrages exprimés pour chaque liste, « les sièges sont répartis à concurrence de 72 entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du groupe linguistique français (ndlr : 80,9%) et de 17 (ndlr : 19,1%) entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du groupe linguistique néerlandais »47. Cette représentation fixe fut sévèrement critiquée par la section de législation du Conseil d’État48, qui a formulé de sérieuses réserves quant à la compatibilité du système avec le droit de vote et les principes d’égalité et de non-discrimination. Toutefois, la Cour constitutionnelle a considéré que cette réforme s’inscrivait « dans le système institutionnel général de l’État belge qui vise à réaliser un équilibre entre les diverses communautés et régions du Royaume. Au sein de ce système institutionnel général, la Région de Bruxelles-Capitale est la seule entité fédérée bilingue, ce qui justifie qu’elle soit dotée d’organes et de mécanismes institutionnels propres. Dans un tel système, la règle attaquée vise en particulier à apporter une solution au problème de la représentation des néerlandophones au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, lesquels avaient « démontré, de manière convaincante, qu’ils éprouvaient de grandes difficultés à s’acquitter démocratiquement de leur travail au parlement bruxellois » (Doc. Parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-709/7, p. 255) (…) S’il est avéré qu’une partie des élus du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ne peuvent, pour des motifs institutionnels, exercer pleinement les mandats qui leur reviennent, le fonctionnement démocratique des institutions concernées risque d’être mis en péril »49.
Il en résulte finalement une surreprésentation, garantie par la loi spéciale, des néerlandophones de Bruxelles et l’absence, en Région de Bruxelles-Capitale, du principe de la représentation proportionnelle pourtant consacré au niveau fédéral et pour les autres entités fédérées50. Cette représentation garantie s’ajoute à d’autres garanties spécifiques (parité au Gouvernement51, répartition des tâches52, etc.) et semble immuable malgré son caractère singulier. Pour faire écho à notre introduction et comme le rappelle la Cour constitutionnelle dans une certaine mesure, la Région de Bruxelles-Capitale tente ainsi de trouver un point d’équilibre entre démocratie et fédéralisme en en tempérant le principe des élections proportionnelles par des mécanismes institutionnels singuliers à la seule région bilingue et ce afin de protéger sa minorité néerlandophone et la stabilité du fédéralisme belge. Si cela n’a rien de choquant, on peut néanmoins se demander ce qui justifie que la minorité néerlandophone bruxelloise soit mieux protégée que la minorité francophone au niveau fédéral alors qu’il s’agit, dans ce dernier cas, d’une minorité plus nombreuse.
§12 La quatrième réforme de l’État accroit significativement le caractère représentatif des assemblées législatives des entités fédérées en supprimant le système du double mandat53. Toutefois, l’élection directe apparait comme une condition nécessaire, mais non suffisante pour apporter la légitimité démocratique aux entités fédérées. La sixième réforme de l’État tente de consolider leur légitimité démocratique même si cette réforme souffle le chaud et le froid.
La tentative de renforcement de la légitimité démocratique des élus dans les entités fédérées lors de la sixième réforme de l’État de 2012-2014
§13 La sixième réforme de l’État a eu pour ambition de garantir le principe de l’effet utile du vote en améliorant la lisibilité du système électoral pour l’électeur54. À cet effet, le législateur spécial décide :
- d’interdire le cumul de candidatures à des élections simultanées dont les mandats sont incompatibles entre eux55 ;
- de prévoir qu’un parlementaire élu perd automatiquement son premier mandat parlementaire s’il est élu, lors de nouvelles élections, dans une assemblée dont le mandat est incompatible avec le premier56 ;
- d’interdire le cumul de candidatures entre une place effective et une place suppléante57.
§14 En outre, la Constitution consacre la simultanéité des élections fédérales, régionales et européennes, tout en permettant, à terme, une dissociation de celles-ci58. Cette manière de procéder, qui évitait de trancher la thèse des tenants de l’autonomie et ceux de la simultanéité, ne garantit pas la lisibilité du système59. C’est d’ailleurs le point de vue de la section de législation du Conseil d’État qui, déjà en 198860, considérait que la coïncidence des élections était à proscrire dès lors que « les élections régionales et européennes ayant chacune pour objet une politique différente, il se recommande, dans un souci de clarté, que ces élections et campagnes électorales respectives restent nettement séparées également dans le temps »61 .
§15 Ce principe n’est pas sans effets néfastes et les élections de mai 2019 en ont confirmé l’échec. Certes, l’objectif premier, quoique sérieusement contestable, a été atteint : les électeurs ne se sont déplacés qu’une fois62. Mais force est de constater que – même si les résultats électoraux n’ont fondamentalement pas simplifié les choses, avec la montée au nord (le Vlaams Belang) comme au sud (le PTB) de partis a priori exclus de toute participation à une majorité, les négociations au niveau des entités fédérées ont été extraordinairement longues, le sort des majorités dans les régions et communautés ayant des conséquences au niveau de la formation d’une majorité fédérale et inversement63.
Plus fondamentalement encore, ce regroupement des élections a eu pour conséquence de faire survivre artificiellement un gouvernement en affaires courantes et (largement) minoritaire de surcroît. En effet, à la suite de la démission des ministres N-VA en décembre 2018, aucune majorité n’a été trouvée pour dissoudre la Chambre des Représentants et provoquer une élection anticipée – ou, en fait, déclarer qu’il y avait lieu de réviser la Constitution et entraîner la dissolution des Chambres conformément à l’article 195 de la Constitution – que toute démocratie sensée aurait connue. À défaut de majorité alternative, la dissolution s’imposait sans attendre six mois avec un gouvernement en léthargie. Si les élections fédérales s’étaient donc, par exemple, tenues un an après les élections dans les entités fédérées, on aurait pu s’attendre à ce que la dissolution de la Chambre soit prononcée dès la crise gouvernementale de décembre 2018.
Ce recul significatif consistant à regrouper les élections et, partant, à rendre difficile la différenciation des scrutins et de leurs débats pourrait cependant être de courte durée64.
§16 Quel bilan pouvons-nous tirer de l’élection directe des parlements régionaux et communautaires ?
Cette élection directe a assurément octroyé une légitimité incontestable aux entités fédérées ainsi qu’une indépendance aux parlementaires régionaux et communautaires par rapport au niveau fédéral. Lors des discussions de juillet-août 2020 relatives à la formation d’un gouvernement fédéral, il a même été fait État de divergences sensibles au sein de mêmes partis politiques selon que les parlementaires étaient députés fédéraux ou parlementaires régionaux ou communautaires65. Au sein d’un même parti politique, il est donc possible de voir émerger des logiques électorales distinctes selon l’endroit où siège un élu. Les résultats des élections dans les entités fédérées montrent des spécificités de plus en plus saillantes de sorte qu’il n’est plus possible d’affirmer une homogénéité entre les électeurs wallons et bruxellois francophones, flamands et bruxellois néerlandophones ou francophones et germanophones. Le dossier de la taxe kilométrique ou de l’abattage rituel à Bruxelles ne sont que des exemples parmi d’autres qui attestent de ces réalités différentes. En cela, les élections directes dans les entités fédérées ont permis de renforcer leur représentativité et d’affirmer leurs spécificités propres.
Le revers de la médaille est certainement que l’élection directe et la fin du dédoublement fonctionnel ont sans doute accentué la séparation des acteurs politiques. Les lieux de rencontres des parlementaires des différentes entités du pays – avant, la Chambre et le Sénat – ne sont plus que sporadiques. Certes, le nouveau Sénat est censé accomplir cette fonction de rencontre, mais comme nous le verrons, cet objectif est loin d’être rempli. Très concrètement, seuls les députés et sénateurs peuvent échanger, de manière formelle et informelle, avec des membres d’un autre groupe linguistique. Bien sûr, ce constat ne vaut pas pour les entités fédérées dont les parlementaires sont des élus indirects, mais comme nous l’avons souligné, ce dédoublement fonctionnel a un prix : moins de légitimité démocratique et confusion des intérêts. Avec d’importantes nuances et de manière sans doute très schématique, on assiste à l’émergence de cinq mondes politiques relativement étanches66, reflétant l’émergence du fédéralisme à quatre67. Il est permis de considérer que l’existence de ces mondes politiques distincts – ils n’ont pas de raison de se réunir formellement ou de nouer des relations entre eux – permet au fédéralisme belge de s’approfondir, voire d’accroitre les tendances centrifuges à l’œuvre depuis la création du Centre de droit public.
Enfin, on a vu que les modalités des élections étaient déterminantes pour trouver des équilibres constitutionnels entre démocratie et fédéralisme. Ainsi, en Région de Bruxelles-Capitale, une entaille importante au principe des élections proportionnelles a été instituée pour protéger la minorité néerlandophone du pays et la stabilité du pays. Ces mesures pourraient inspirer le Constituant à trouver des solutions équivalentes pour sauvegarder les intérêts de la minorité francophone au fédéral. Par ailleurs, la simultanéité des élections est une modalité qui porte aussi atteinte à la légitimité démocratique des élus puisqu’elle trouble les enjeux des débats électoraux entre les différents niveaux de pouvoir. À notre estime, l’atout que représente cette simultanéité pour les électeurs qui ne sont pas obligés de se déplacer un dimanche de plus aux urnes est incommensurable par rapport au déficit démocratique qu’elle crée.
Une autonomie limitée quant aux choix de représentation
§17 L’autonomie des entités fédérées est l’une des caractéristiques du fédéralisme. Si les régions et les communautés belges disposent d’un certain degré d’autonomie, force est de constater qu’en ce qui concerne les modalités de la représentation en leur sein, le législateur spécial a gardé l’essentiel des compétences. Cette réserve de compétence a d’ailleurs des conséquences concrètes dans l’exercice des compétences par les entités fédérées qui voient leur autonomie limitée.
La représentation, apanage du législateur spécial
§18 Nous avons vu qu’avant la quatrième réforme de l’État le modèle représentatif au sein des entités fédérées était le reflet fidèle du modèle national, sauf en ce qui concernait la Communauté germanophone et la Région de Bruxelles-Capitale. En effet, les députés régionaux et communautaires étaient, avant tout, des députés ou sénateurs du niveau fédéral. C’est donc la Constitution68 – complété par les lois électorales fédérales – qui fixait les principes de la représentation de sorte que les régions et communautés ne pouvaient y déroger.
§19 La quatrième réforme de l’État octroie à la Région wallonne et aux Communautés flamande et française une faculté d’auto-organisation qui donne à ces entités – à l’exclusion donc de la Région de Bruxelles-Capitale, des Commissions communautaires bruxelloises et de la Communauté germanophone – la compétence de régler certaines matières relatives à l’élection du parlement, de déterminer des incompatibilités supplémentaires pour les membres du parlement, de fixer le nombre de membres du parlement et de régler certaines matières relatives au fonctionnement du parlement et du gouvernement. Cette autonomie constitutive sera modestement élargie avec la sixième réforme de l’État et, dans sa nouvelle dimension, octroyée à la Communauté germanophone et à la Région de Bruxelles-Capitale69. Avec la quatrième et la sixième réforme de l’État, les entités fédérées gagnent en autonomie constitutive, ce qui leur permet, lorsqu’elles connaissent l’élection directe, d’imaginer de nouvelles manières d’organiser leur représentation démocratique.
Même limitée, l’autonomie constitutive des entités fédérées leur permet d’agir sur la question de la représentativité. Elles en ont d’ailleurs pleinement fait usage en déterminant des incompatibilités supplémentaires70, en prévoyant l’obligation d'alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes électorales71, ou de garantir une présence équilibrée de femmes et d'hommes au sein du gouvernement72, etc. Ces quelques exemples montrent que les entités fédérées disposent, malgré tout, d’une compétence pour agir sur la représentativité au niveau de leurs institutions.
§20 Malgré l’autonomie dont disposent les entités fédérées73, il n’en reste pas moins qu’un socle commun de règles relatives au modèle représentatif reste indérogeable pour les entités fédérées. Seule l’autorité fédérale est donc compétente pour modifier les principes essentiels suivants :
- le vote est obligatoire74,
- chaque électeur n'a droit qu'à un vote75,
- la représentation est proportionnelle76,
- seuls les Belges de dix-huit ans peuvent voter77,
- le seuil électoral est fixé à 5%78,
- les Belges résidant à l’étranger ne peuvent pas voter79.
§21 Les articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution disposent que les décrets et ordonnances qui règlent les matières relatives à l’élection, à la composition et au fonctionnement des parlements fédérés et de leur gouvernement « sont adoptés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du parlement concerné soit présente ». En plus de cette obligation, les ordonnances spéciales doivent également recueillir une majorité dans chaque groupe linguistique80.
§22 On le constate, la mise en œuvre de l’autonomie constitutive dans les entités fédérées implique un large consensus parlementaire, y compris pour des règles qui peuvent être qualifiées de détails81. Toutefois, dans le cadre de cette autonomie constitutive, les entités fédérées ne peuvent pas qualitate qua modifier elles-mêmes les principes essentiels de la représentation évoqués ci-dessus.
Un déficit d’autonomie qui se traduit dans l’exercice des compétences
§23 Si la fixation des principes essentiels de la représentation reste une compétence de l’autorité fédérale, agissant à la majorité spéciale, la question se pose de savoir s’il ne s’agit pas d’une entrave à l’autonomie des entités fédérées qui ne serait aujourd’hui plus admissible. À l’instar de l’exercice de certaines compétences, n’y a-t-il pas lieu d’avoir un débat au sein des entités fédérées sur certains principes qui façonnent le régime représentatif ? Et si le modèle institutionnel est la cause qui empêche ce débat, n’y a-t-il pas lieu de le repenser, pour permettre l’émergence de modèles représentatifs propres ?
§24 Un exemple illustre ce besoin de réfléchir à l’évolution de l’autonomie des entités fédérées quant à leur régime représentatif. L’accord de gouvernement flamand, qui fait suite aux élections de mai 2019, indique vouloir « évoluer avec son temps » en abolissant le vote obligatoire au niveau communal82. L’idée n’est pas neuve et certains parlementaires défendent cette idée, pour les élections fédérales, régionales et communautaires, à intervalles réguliers. On pourrait donc s’étonner que cet accord de gouvernement soit muet en ce qui concerne les élections régionales. Nous nous garderons d’examiner la pertinence et l’opportunité de la mesure envisagée par la coalition flamande (N-VA/Open-VLD/CD&V) au niveau communal afin de nous concentrer sur ce qu’elle pose comme question en droit constitutionnel belge, et plus singulièrement sur la question de savoir si le fédéralisme belge laisse aux entités fédérées la possibilité de remettre en cause l’une des caractéristiques du régime représentatif belge.
Que cela soit au niveau local83, fédéral, régional, communautaire ou européen, le vote est, en Belgique, obligatoire et secret84. Si l’accord de gouvernement flamand envisage la suppression de l’obligation du vote au niveau local sans le prévoir au niveau régional, ce n’est pas en raison d’une contrainte de fond, mais bien d’une question de compétence. En effet, si on pouvait être tenté de voir dans les différentes dispositions constitutionnelles et légales l’expression d’un principe général du droit constitutionnel belge, il nous semble désormais acquis que tel n’est pas le cas. C’est la question du vote des Belges à l’étranger aux élections fédérales qui a ouvert une brèche dans l’édifice, ardemment protégé par la section de législation du Conseil d’État jusqu’à ce qu’elle baisse les armes en 2012, lors de la sixième réforme de l’État.
Pour permettre aux Belges résidant à l’étranger de voter aux élections fédérales, le législateur a habilement distingué la question du vote – qui est obligatoire – de la question de l’inscription sur la liste des électeurs – qui ne l’est pas. Partant de cette distinction, la législation a rendu possible le fait qu’un Belge puisse, légalement, ne pas voter dès lors qu’il n’est pas inscrit sur la liste des électeurs85. La section de législation du Conseil d’État avait sévèrement critiqué cette méthode au motif que l’obligation constitutionnelle du droit de vote « ne saurait être interprétée comme faisant peser sur les seuls électeurs résidant en Belgique et inscrits ainsi de plein droit sur la liste des électeurs l’obligation de voter. Dès lors que les Belges résidant à l’étranger acquéraient la qualité d’électeur, ils devraient voter »86.
Après de nombreux et vains rappels à l’ordre, la section de législation du Conseil d’État a abouti à une conclusion plus conciliante en 2012. Elle a estimé que : « pour les Belges de l’étranger, le système de reconnaissance de la qualité d’électeur lié à leur inscription dans les registres de la population tenus dans les postes diplomatiques et consulaires de carrière et la règle, qui en est la conséquence, de l’obligation du vote à leur égard peuvent être considérés comme admissibles au regard des articles 62 et 68, §§ 2 et 3, de la Constitution » 87.
Depuis cette inflexion de la section de législation du Conseil d’État, on peut considérer comme acquis qu’aucune disposition constitutionnelle n’impose à tous les Belges d’avoir la qualité d’électeur. Autrement dit, sans remettre en cause le principe selon lequel le vote est obligatoire, un législateur pourrait laisser le libre choix aux citoyens de s’inscrire, ou non, au registre des électeurs. Comment soutenir alors l’existence d’un principe général de l’obligation de vote dans ces conditions ?
Si l’accord de gouvernement flamand est muet sur la question de la suppression du droit de vote obligatoire aux élections régionales, c’est bien en raison du fait que la Communauté flamande n’est pas compétente pour modifier la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sur ce point. Les entités fédérées ne disposent, en effet, pas de l’autonomie constitutive suffisante pour régler ce principe essentiel. À supposer même que cette compétence soit octroyée aux régions et aux communautés, il subsisterait un problème technique concernant la région bilingue de Bruxelles-Capitale où l’on sait qu’il ne peut exister de sous-nationalité88 et que les élections régionales laissent aux Bruxellois le libre choix de voter pour des candidats francophones ou néerlandophones. Dès lors que les six élus bruxellois du Parlement flamand sont élus le jour des élections régionales bruxelloises – toujours communes à ce jour – il est facile de permettre aux électeurs bruxellois de voter, d’une part, pour le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et, d’autre part, pour le Parlement flamand (pour autant qu’ils aient voté, en premier lieu, pour des candidats au groupe linguistique néerlandais). Si la Région de Bruxelles-Capitale conserve le principe du vote obligatoire, alors que la Communauté flamande le supprime, l’électeur bruxellois néerlandophone ne pourrait pas, sans une modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989, exercer sa nouvelle « liberté » de ne pas devoir voter dès lors qu’il sera automatiquement appelé à voter pour le parlement flamand après avoir voté au niveau régional. Il faudra s’interroger sur la combinaison d’un vote qui serait obligatoire et d’un autre qui ne le serait pas, par exemple en permettant à l’électeur qui émet son suffrage en faveur d'une liste de candidats appartenant au groupe linguistique néerlandais de ne pas voter après l’avoir fait pour le scrutin régional. Concrètement toutefois, s’il existe une majorité en Flandre pour supprimer le caractère obligatoire du vote, cette suppression ne pourra avoir lieu, au niveau régional, qu’après l’approbation par une majorité dans chaque groupe linguistique à la Chambre et au Sénat. Autrement dit, les francophones auront la possibilité d’empêcher la Flandre de décider elle-même ce qui pourrait pourtant relever de l’essence de son régime représentatif.
§25 L’autonomie constitutive devrait permettre aux entités fédérées de délimiter elles-mêmes les contours de leur mode de fonctionnement. En ce sens, l’autonomie constitutive assurerait une forme de légitimité démocratique aux régions et communautés. Pour mieux y parvenir, deux obstacles – la mainmise du législateur spécial sur l’essentiel des règles et les liens inextricables entre les différentes entités – restent donc à lever.
Les mécanismes de parlementarisme rationalisé : le poids de l’histoire déterminant dans l’inertie du législateur
§26 Nous analysons ici les mécanismes du parlementarisme rationalisé, c’est-à-dire le corps de règles de droit constitutionnel qui concerne la formation du gouvernement, la cessation de fonction d’un ou de l’entièreté de ses membres et la dissolution du parlement. L’objectif de ces règles est de trouver un équilibre entre la stabilité politique et la mise à jour des nouvelles réalités politiques durant une législature. Autrement dit, la réalité politique issue des élections et sur la base de laquelle se forme un gouvernement peut changer de sorte qu’il s’avère nécessaire de disposer de mécanismes juridiques qui permettent d’adapter la composition des organes décisionnels à de nouveaux rapports de forces sans toutefois créer une instabilité gouvernementale trop importante qui nuirait au bon fonctionnement de l’État89. Nous analysons ici l’évolution de ces règles, car elles sondent le régime de responsabilité des gouvernements devant l’assemblée élue et donc, en creux, la représentation des électeurs au sein de la majorité.
La phase transitoire du début des années 1980
§27 En 1980, le législateur spécial prévoit des règles de composition et de fonctionnement pour la Communauté française, la Communauté flamande, la Région wallonne et la Région flamande. Néanmoins, même s’il ressort un désir de rendre les exécutifs responsables de leurs actes devant leur assemblée, il n’est pas encore question de mettre en œuvre un régime de parlementarisme rationalisé90. D’ailleurs, dans un premier temps, le régime mis en place dans les entités fédérées ne relève pas totalement du parlementarisme puisque les mandats aussi bien parlementaires qu’exécutifs dépendent totalement des rapports de force politique au fédéral.
Ainsi, les députés régionaux et communautaires bénéficient du double mandat. Ils ne sont donc pas élus directement par le corps électoral de leur entité fédérée. En l’absence de mécanisme démocratique de représentation en leur sein, il est logique qu’il n’existe pas de droit de dissolution des assemblées dans les entités fédérées. En effet, contrairement à ce qui est prévu au fédéral, où la dissolution est possible91, cette option est, à l’époque, inenvisageable puisqu’elle reviendrait, dans les entités fédérées, à créer de l’instabilité au Parlement fédéral étant entendu qu’une dissolution d’une des assemblées fédérées devrait, pour avoir de l’effet, entrainer une élection pour la Chambre des Représentants et le Sénat92.
§28 Quant aux fonctions gouvernementales des entités fédérées, elles sont d’abord exercées de manière transitoire par le gouvernement national93. Les ministres dans les entités fédérées ne sont donc pas désignés par leur assemblée. Le législateur en tire les conséquences en gelant les mécanismes qui, comme la motion de confiance ou de méfiance constructive, permettent d’engager concrètement leur responsabilité94. Malgré cela, la loi spéciale évoque néanmoins le principe selon lequel les ministres sont responsables devant leur assemblée95. Une incongruité que ne manque d’ailleurs pas de relever le Conseil d’État qui estime qu’aussi longtemps que les ministres ne sont pas désignés par leur assemblée et que celles-ci n’ont aucune emprise sur eux, les exécutifs n’engagent pas leur responsabilité devant leur conseil96.
De 1981 à1993 : un régime définitif contestable et des débats éludés
§29 Ce n’est que dans un second temps, le 7 décembre 1981, que le régime transitoire prend fin97. À cette date, les exécutifs régionaux et communautaires sont désignés par leurs assemblées98. Par conséquent, le verrou qui bloquait l’application des mécanismes de parlementarisme rationalisés saute : les assemblées peuvent désormais faire usage de la motion de méfiance constructive afin de renverser leur exécutif si, à la majorité absolue de leurs membres, elles désignent un nouveau gouvernement. Les gouvernements peuvent également demander la confiance à leur parlement, mais il est paradoxal de constater qu’alors que la stabilité du pouvoir exécutif semblait être une priorité99, la confiance est plus difficile à obtenir dans les entités fédérées que dans les institutions centrales. En effet, pour celles-ci, la confiance est acquise si la majorité des votes exprimés (à ne pas confondre avec la majorité des membres de l’assemblée) donnent la confiance100, alors que pour celles-là, la confiance n’est obtenue que si la majorité des membres – et non la majorité des votes exprimés – se prononce favorablement101. Avec les absences et les abstentions, cette motion est donc paradoxalement bien plus risquée à demander dans les entités fédérées, d’autant que si la confiance est refusée, le Gouvernement est démissionnaire de plein droit102. Ces dispositifs juridiques de désignation et de responsabilisation sont restés jusqu’à aujourd’hui intacts103.
§30 En revanche, l’arrivée à échéance du régime transitoire ne met pas fin au système du double mandat dans la mesure où, en 1981, aucune élection directe n’est encore envisagée. Cela implique qu’il n’existe aucune raison de remettre en question l’absence de possibilité de dissolution dans les assemblées fédérées. Toutefois, lorsque le législateur spécial institue des élections directes en Communauté germanophone, en 1983, et en Région de Bruxelles-Capitale, en 1989, aucune réflexion n’est menée à propos de l’absence de droit de dissolution alors que l’élection directe peut rendre ce droit pertinent. C’est seulement au détour d’un débat concernant le fait de lier ou non les élections directes à Bruxelles avec le cycle des élections européennes que le législateur indique quelques éléments de réponses : il serait préférable de lier les élections bruxelloises avec les élections européennes pour ne pas multiplier les élections, et il ajoute que la fixation d’élections à date fixe est gage de stabilité104. En bref, la création de la Communauté germanophone et celle de la Région de Bruxelles-Capitale sont des occasions manquées pour ouvrir le débat sur la dissolution des Assemblées législatives au niveau fédéré.
De 1993 à aujourd’hui : l’absence de dissolution des assemblées pour préserver la stabilité
§31 En 1993, il est mis fin au système du double mandat puisque des élections directes auront désormais lieu au Parlement flamand et au Parlement wallon105. Toutefois, lors de cette réforme, Johan Vande Lanotte (sp.a), l’un des architectes de la réforme de l’État, prévient que « toute dissolution anticipée des Conseils est exclue »106. L’idée est d’instituer des « parlements de législature »107 c’est-à-dire des assemblées qui ne peuvent être renouvelées qu’à des dates fixes (ici tous les quatre ans, qui deviendront cinq).
§32 L’exclusion d’élections anticipées est critiquée par l’opposition qui considère que « c'est un choix qui peut se justifier notamment par le besoin de stabilité et de continuité dans la gestion des affaires, mais qui rompt malgré tout avec la tradition parlementaire en Belgique »108 de sorte que les assemblées parlementaires des entités fédérées n’ont pas les « caractéristiques inhérentes à un véritable Parlement »109. Par ailleurs, certains parlementaires doutent de la stabilité d’un tel système, puisqu’en cas de crise grave rendant impossible la formation d’une majorité de rechange, l’entité fédérée en question deviendra ingouvernable110. Pour Johan Vande Lanotte, au contraire, le parlement de législature constitue « un moyen structurel qui incite à cette stabilité »111, car les partis seraient davantage incités à être responsables s’ils ne peuvent pas tirer profit d’un regain de popularité en convoquant les électeurs.
Une synchronisation démocratique brimée par le primat de la stabilité et l’interdépendance entre assemblées
§33 L’historique des mécanismes de parlementarisme rationalisé dans les entités fédérées montre une histoire sans évolution. La quasi-absence de débat sur ce sujet fait ressortir une tendance à l’accommodement des choix passés, même lorsque les soubassements sur lesquelles ces choix reposaient n’existent plus. Les choix d’hier, qui étaient justifiés par des considérations qui ont pourtant disparu avec l’apparition d’élections directes, n’ont pas été remis en cause. Les changements constitutionnels se sont inscrits dans une sorte de path dependency où le poids de l’histoire a engourdi le législateur dans ses facultés réflexives. Pourtant ces mécanismes sont essentiels, car ils font vivre les régimes démocratiques et plus précisément les relations entre l’exécutif et son organe de contrôle. Ils permettent de synchroniser des aspirations démocratiques nouvelles à travers des mécanismes qui renouvellent la représentation politique.
§34 En 1980, dans les débuts de la construction de notre modèle fédéral, les architectes de la deuxième réforme de l’État n’avaient pas à s’encombrer de débats superflus vis-à-vis de la mise en œuvre du parlementarisme dans la mesure où les exécutifs et les parlementaires régionaux et communautaires provenaient des instances fédérales.
Avec l’apparition d’un véritable fédéralisme « à la belge » qui entendait donner une légitimité démocratique aux organes politiques des entités fédérées, la dépendance des organes communautaires et régionaux vis-à-vis du fédéral s’est, de jure, effacée112. Des élections directes ont été mises en place et les gouvernants sont devenus responsables devant leur organe démocratiquement élu. Malgré ces changements, la motion de confiance, la motion de méfiance constructive et l’absence de droit de dissolution sont restées inchangées. Le législateur les à peine effleurées du regard, se contentant, de réitérer un argument qui a perduré de 1980 à aujourd’hui : la stabilité. Or, cette stabilité doit être mise en perspective avec d’autres impératifs comme la légitimité démocratique – une dictature peut être stable pendant des siècles. Est-ce que ces mécanismes de parlementarisme rationalisé offrent donc une stabilité qui mériterait d’empêcher d’inviter les électeurs à renouveler leurs intentions électorales ?
§35 La motion de méfiance constructive œuvre, à n’en pas douter, à garantir la stabilité des institutions et, dans le même temps, à permettre un renouveau institutionnel conforme à l’idéal démocratique. Elle permet à une majorité de parlementaires de renverser un gouvernement qui ne bénéficie plus de son soutien et de le remplacer par un nouveau qui en bénéficie. À ce jour, dans les entités fédérées, ce mécanisme n’a été mobilisé qu’une seule fois, à savoir durant l’été 2017 lorsque Benoit Lutgen, le Président du cdH, désormais devenu Les Engagé·e·s, a décidé de rompre l’alliance politique avec le PS dans les gouvernements où siégeait sa formation politique. À la Région wallonne, c’est avec succès que le cdH s’est allié avec le Mouvement réformateur (MR) et qu’une nouvelle majorité parlementaire a renversé, par l’intermédiaire d’une motion de méfiance constructive, le gouvernement précédent113. Par contre, en Région de Bruxelles-Capitale et en Communauté française, le cdH n’est pas parvenu à former de majorité alternative de sorte que les gouvernements restèrent en place114. Cet épisode illustre parfaitement comment la motion de méfiance constructive préserve la volonté démocratique en ménageant la stabilité politique. Si une nouvelle majorité se forme, elle gouverne. Si elle ne se forme pas, le gouvernement précédent reste en place.
§36 La motion de confiance dans les entités fédérées se différencie de celle prévue au fédéral, car elle nécessite la majorité des membres plutôt que la majorité des votes. Comparativement à la procédure prévue au niveau fédéral, le caractère démocratique est renforcé, mais la stabilité est quant à elle amoindrie puisqu’il est plus difficile, dans les entités fédérées, d’obtenir la confiance du Parlement ; ce qui est paradoxal dans la mesure où l’objectif était de préserver la stabilité115.
§37 Lorsqu’on analyse la combinaison de la question de confiance dans les entités fédérées avec l’absence de dissolution des assemblées, on constate un déficit démocratique, mais aussi, paradoxalement, un amoindrissement de la stabilité. En atteste la crise qui a heurté la nouvelle coalition MR-cdH formée durant l’été 2017 et dont l’alliance ne tenait qu’à un siège. Ce siège crucial est néanmoins perdu lorsqu’à l’approche des élections de mai 2019, Patricia Potigny, une députée MR quitte sa formation qu’elle juge « trop politiquement correcte » pour rejoindre la Liste Destexhe116. À une date aussi proche des élections, le gouvernement Borsus s’est abstenu de démissionner et de poser une question de confiance. Juridiquement, il n’avait aucune obligation de faire l’un ou l’autre, d’autant que l’objectif du législateur spécial était d’assurer la stabilité des gouvernements des entités fédérées en les laissant en place aussi longtemps qu’ils n’étaient pas renversés et remplacés par une majorité alternative117. Toutefois, à notre estime, constatant qu’il ne bénéficiait plus du soutien majoritaire de l’assemblée, il aurait dû en tirer les conclusions soit en présentant sa démission soit en posant une question de confiance pour tenter de retrouver une nouvelle assise parlementaire majoritaire. En s’y abstenant, il s’est accroché à un pouvoir dont les prérogatives n’étaient pas limitées aux affaires courantes et dont l’existence ne se concevait qu’en raison de la légitimité démocratique que lui avait manifestée l’assemblée en 2017, mais qu’il venait de perdre. L’illégitimité démocratique d’un gouvernement minoritaire qui bénéficie pourtant des pleins pouvoirs n’était en l’occurrence que très temporaire, mais elle aurait été beaucoup plus problématique si des élections n’arrivaient pas à grands pas. À un moment éloigné des élections et avec une inimitée politique aussi forte (difficile de trouver un autre partenaire après le renversement de la majorité de 2017), la seule solution aurait été d’appeler les électeurs à voter pour qu’ils puissent rebattre les cartes et manifester leurs nouvelles aspirations politiques. Sans cette possibilité de dissoudre l’assemblée, la double contrainte est de mise en temps de crise : soit un gouvernement minoritaire reste en place avec les pleins pouvoirs sans être obligé de démissionner ou de poser une question de confiance ; soit il démissionne et il doit exercer les affaires courantes en attendant les futures élections, lesquelles ne peuvent être anticipées pour installer un gouvernement de plein exercice soutenu par une nouvelle majorité. On le voit, parce qu’il existe un silence démocratique forcé, soit la stabilité est préservée au prix d’une illégitimité démocratique, soit un gouvernement tenu aux affaires courantes prolongées constitue la seule façon de prendre en compte le manque de soutien démocratique. Ainsi, l’absence de dissolution crée un écart inutile entre les responsables politiques et la réalité politique. Certains moments sont décisifs dans l’histoire d’une démocratie. Ils peuvent nécessiter une synchronisation entre les idées de la société et les responsables politiques. Ainsi que l’exprimait Michel Leroy, « attendre les élections ordinaires, c’est parfois maintenir une tristement célèbre distance entre le monde réel et le monde légal »118.
§38 Enfin, l’interdépendance institutionnelle qui existe entre certaines entités fédérées rend toutefois difficile l’exercice de mécanismes de parlementarisme rationalisé.
L’épisode de la déclaration du Président du cdH désirant retirer le soutien de son parti à tous les gouvernements où celui-ci était présent avec le PS en est un bel exemple. En effet, les députés de la Communauté française sont titulaires de leur mandat en leur qualité de parlementaire wallon ou bruxellois. Dans cette affaire, le Parlement de la Communauté française n’était pas guidé par sa propre logique pour contrôler son gouvernement. Il est resté silencieux, certainement parce que les élus cdH avaient adopté une approche différente selon qu’ils provenaient de la Région wallonne (ont adopté la motion de méfiance constructive contre le gouvernement composé du PS) ou de la Région de Bruxelles-Capitale (ont réitéré leur confiance dans le gouvernement bruxellois composé, lui aussi du PS). Ainsi, on peut supposer un signal plus clair et plus transparent si le gouvernement communautaire était responsable devant des parlementaires élus directement en Communauté française.
Cette interdépendance compliquerait également la mise en œuvre d’un droit de dissolution dans les assemblées étant entendu que la dissolution du Parlement wallon ou du Parlement bruxellois entrainerait respectivement le renouvellement de septante-cinq et de dix-neuf députés du Parlement de la Communauté française. Inversement, la dissolution du Parlement de la Communauté française n’aurait aucun effet utile puisqu’aucune élection ne pourrait être organisée. La potentielle dissolution du Parlement flamand provoquerait aussi des problèmes puisqu’elle impliquerait que des Bruxellois soient amenés à voter pour leurs représentants au Parlement flamand. Or, il est interdit à Bruxelles de convoquer des électeurs selon leur langue. Il faudrait, dès lors, soit inviter tous les Bruxellois à voter119 soit repenser la composition du Parlement flamand s’agissant des Bruxellois en prévoyant, par exemple, un mécanisme similaire à celui prévu pour les députés bruxellois siégeant à la Communauté française, lequel permettrait aux députés issus du groupe linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale de siéger au Parlement flamand.
La représentation des entités fédérées dans le système fédéral : trompe-l’œil d’une représentation axée sur le dualisme linguistique
§39 Nous venons de voir que la construction du fédéralisme belge a mené à la mise en place d’entités fédérées composées d’assemblées législatives pour la plupart élues et autonomes pour organiser leur fonctionnement démocratique. Nous nous penchons désormais sur les effets que cette évolution a provoqué sur la représentation des entités fédérées dans la Fédération. C’est parce que les compétences législatives ont été transférées vers les entités fédérées qu’il a fallu instituer des procédures qui assurent le respect de chaque autorité et qui résolvent leurs potentiels conflits. Il s’agit de concilier la démocratie dans l’ensemble du pays avec la démocratie dans chacune des entités fédérées.
§40 Nous verrons néanmoins que les modalités et les effets de cette représentation des entités fédérées dans la Fédération cache une logique communautaire qui précédait la logique fédérale. En effet, en 1970, la première réforme de l’État a reconnu les deux plus grandes communautés linguistiques du pays et a mis à leur disposition des outils juridiques qui renforcent leur interdépendance dans la prise de certaines décisions et d’autres qui les protègent contre de potentiels abus de l’autre communauté. Nous commençons par analyser les manifestations juridiques de cette logique communautaire duale qui n’a, non seulement, jamais disparue, mais qui, comme nous le verrons ensuite, s’est distillée dans les mécanismes de représentation institués à partir de 1980 pour protéger les intérêts des entités fédérées. À cet égard, nous analyserons la représentation des entités fédérées au sein du Sénat, l’absence quasi totale de représentation de ces entités dans la procédure de révision de la Constitution, ainsi que la procédure de conflit d’intérêts entre assemblées législatives.
Le système de 1970, prévalence du dualisme linguistique
§41 En 1970, la réforme de l’État a pour objectif d’adapter les institutions fédérales aux nouvelles réalités institutionnelles. La création de deux communautés rime avec la reconnaissance d’un fait majeur qu’est l’existence de deux communautés linguistiques, l’une néerlandophone et l’autre francophone. Il n’est donc pas uniquement question d’instituer des entités fédérées, mais également de réguler les relations entre ces deux communautés linguistiques au sein de l’État en assurant leur intégrité et leur protection face aux abus de l’autre. Cette réforme surnommée par le Constituant de « révision communautaire »120 met en place autant d’éléments indissociables d’une nouvelle réalité politique que sont la majorité spéciale, la création de groupes linguistiques, la procédure de la sonnette d’alarme et la parité au Conseil des ministres.
§42 Afin de protéger les deux plus grandes communautés linguistiques des excès de l’autre, il est mis en place une règle de majorité spéciale selon laquelle, pour adopter certaines lois jugées par le Constituant comme fondamentales pour l’équilibre du pays (transfert de compétences, limites territoriales, autonomie des entités fédérées…), il est nécessaire d’obtenir, d’une part, le soutien des deux tiers des suffrages exprimés et, d’autre part, considérant que les deux tiers ne sont pas suffisants pour protéger la minorité francophone, la majorité des suffrages exprimés dans chaque groupe linguistique121.
§43 La parité linguistique au Conseil des ministres est, elle aussi, une règle qui apparait en 1970 dans la Constitution122. Elle impose que le Conseil des ministres – à ne pas confondre avec le gouvernement qui inclut les secrétaires d’État – compte autant de francophones que de néerlandophones, étant entendu que le Premier ministre peut éventuellement être exclu de ce décompte.
Pour le Constituant, l’inscription de la parité linguistique dans la Constitution est vue comme une constitutionnalisation écrite nécessaire d’une règle coutumière qui n’a cessé de s’affirmer avec le temps depuis la Seconde Guerre mondiale123. Alors que certains considéraient que la coutume suffisait pour garantir la parité linguistique dans la mesure où « personne n'élève sérieusement de contestation », la majorité a néanmoins estimé qu’il était préférable de garantir son caractère écrit. Le Constituant a décidé de ne pas formaliser cette règle pour les secrétaires d’État, mais il a tenu à préciser que cela « n’entraîne pas la non-parité pour les secrétaires d’État ; à leur égard, ce sera la coutume actuelle qui continuera. En fait, la parité doit toujours être recherchée, sauf nécessité occasionnelle »124.
§44 La procédure de la sonnette d’alarme est considérée par le Constituant comme l’un des éléments essentiels de la « révision communautaire »125. Elle permet au groupe linguistique néerlandais, mais aussi, et surtout, au groupe linguistique français de suspendre un projet ou une proposition de loi dont le rapport a été déposé en Commission et dont le texte n’a pas encore été voté en séance plénière lorsque trois quarts de leurs membres signent une motion motivée qui désigne des dispositions de nature à porter gravement atteintes aux relations entre les communautés126.
La motion a pour effet de suspendre le projet ou la proposition de loi pendant trente jours afin de laisser au Conseil des ministres le soin de donner un avis motivé. Il a été jugé que cet organe paritaire linguistiquement et au sein duquel les décisions étaient prises au consensus était le plus à même pour arbitrer ce type de conflits linguistiques, d’autant qu’il y joue sa survie127. Il peut être amené à démissionner si la solution qu’il a préconisée ne reçoit pas le soutien de la Chambre, ce qui implique qu’il est hautement incité à trouver une solution128.
La procédure de la sonnette d’alarme et la parité linguistique au Conseil des ministres sont vues comme les deux faces d’une même pièce. Le caractère paritaire du Conseil des ministres est considéré comme la clé de voute de la « solidarité nationale »129 car elle incarne l’arbitrage du gouvernement pour régler les conflits entre les deux plus grandes communautés linguistiques du pays. La sonnette d’alarme oblige ainsi les deux plus grandes communautés linguistiques à trouver un terrain d’entente qui ne froisse pas, outre mesure, l’autre. Elle ne parvient néanmoins pas à protéger les francophones et les néerlandophones lorsque moins de 75 % de leur groupe linguistique ne s’oppose pas à une loi en préparation. Autrement dit, sur les soixante-et-un sièges que compte le groupe linguistique français130, il suffit que quinze d’entre eux (24,5%)131 adhèrent à la proposition ou au projet de loi soutenu par les néerlandophones pour que la sonnette d’alarme ne puisse pas être actionnée. Quant au groupe néerlandais, un projet ou une proposition de loi soutenue par l’entièreté du groupe linguistique français serait adopté pour autant que vingt-deux des quatre-vingt-neuf députés néerlandophones (24,7%) votent en sa faveur. Par ailleurs, la sonnette d’alarme protège indistinctement les néerlandophones et les francophones, mais cela ne signifie toutefois pas que sa suppression frapperait indistinctement les deux groupes linguistiques. Si elle n’existait pas, le groupe linguistique néerlandophone pourrait adopter des lois sans le moindre soutien francophone, alors que l’inverse serait impossible. Ce qu’il ressort de ces exemples, c’est que le mécanisme de la sonnette d’alarme ne peut rien lorsqu’un gouvernement est largement minoritaire dans un groupe linguistique pour autant que ce dernier ait moins de 25% du groupe linguistique minoritaire.
§45 Depuis 1970, aucune de ces règles n’a été révisée. La règle de la majorité spéciale a été mobilisée à de nombreuses reprises, notamment pour contrebalancer la rigidité et la lourdeur de la procédure de révision constitutionnelle. Quant à la procédure de la sonnette d’alarme, elle n’a été enclenchée qu’à deux reprises durant l’histoire du pays132. Enfin, tous les Conseils des ministres ont été composés paritairement. Toutefois, on observe que la parité linguistique des secrétaires d’État, qui semblait relever de la coutume constitutionnelle en 1970, n’est aujourd’hui plus respectée133. À ces mécanismes destinés à protéger et lier les deux plus grandes communautés linguistiques du pays, viendra s’en superposer une autre, non plus liée à ce dualisme linguistique, mais plutôt à la reconnaissance d’entités fédérées voulue par le fédéralisme.
Le système à partir de 1980, la reconnaissance partielle des entités fédérées sur toile de fond linguistique
§46 À partir de 1980, l’architecture institutionnelle de la Belgique prend un tout autre visage. La reconnaissance d’entités fédérées en tant que parties prenantes du fédéralisme belge fait naître de nouvelles procédures destinées à les faire collaborer, à prévenir et résoudre des conflits et à les associer dans des matières qui intéressent l’ensemble de la Fédération.
§47 Afin d’analyser la représentation des entités fédérées dans ce système fédéral, il est indispensable d’examiner comment les entités fédérées sont représentées et participent au sein du Sénat étant entendu que cette chambre est considérée comme celle des entités fédérées. Il semble également nécessaire de rappeler, en écho à l’examen du Sénat, l’absence de prise en compte des entités fédérées dans la procédure de révision de la Constitution. Il nous a enfin semblé nécessaire d’analyser comment les entités fédérées sont amenées à participer ou plutôt à s’opposer, par l’intermédiaire de la procédure en conflit d’intérêts. Cette étude montre que les entités fédérées sont rarement considérées comme des parties prenantes à part entière et qu’elles sont plutôt devenues des instruments d’une logique linguistique dualiste.
Le Sénat, de belles intentions sans concrétisation
§48 Le Sénat est une institution aussi vieille que la Belgique. Son évolution depuis 1831, dans sa composition et ses missions, reflète des idées bien différentes de conjuguer le principe démocratique avec d’autres visions et principes. Ainsi, lors de sa création en 1831, le Sénat a pour fonction de canaliser la fougue du peuple et d’ainsi tempérer ce qui est vu, à l’époque, comme les excès de la démocratie. Il est alors composé d’élus représentant un certain niveau de richesse134. Petit à petit, il se démocratise et devient une chambre de réflexion. Il accueille alors de nouveaux sénateurs censés incarner un certain degré d’expertise. Le Sénat est vu comme un filtre à la volonté populaire capable de faire preuve de sagesse et de réflexion sur certaines thématiques135. Malgré les évolutions institutionnelles, il faudra attendre 1993 pour que le Sénat se transforme et que ses membres aient pour mission de représenter les intérêts des entités fédérées. Il s’agit de mettre en œuvre le principe de participation en octroyant à chaque entité fédérée le droit de contribuer à l’élaboration de règles qui les intéressent. Ce faisant, le Sénat entre en tension avec le principe démocratique puisqu’il a pour but de représenter les entités fédérées en tant que partenaire de la Fédération, indifféremment de leur poids démographique. . Comme nous l’avons vu durant l’introduction, si le principe de participation peut s’entrechoquer avec le principe démocratique, il le complète dans un État fédéral, car il permet à des entités fédérées de faire valoir, dans certaines matières, les intérêts démocratiques de leur population. Nous nous penchons ici sur ce système de représentation, en mettant de côté celui des matières dévolues au Sénat, même si ces deux thématiques sont intrinsèquement liées pour mettre en œuvre le principe de participation136.
§49 En 1993, le Constituant entend donc donner au Sénat un rôle prépondérant dans le système fédéral belge137. À cet effet, vingt-et-un sénateurs communautaires viennent s’assoir sur les bancs de l’assemblée138. Dix sont désignés par le Parlement flamand, dix autres par le Parlement de la Communauté française et enfin un par le Parlement de la Communauté germanophone139.
Toutefois, la fonction réflexive du Sénat n’est pas encore totalement abandonnée et son nouveau rôle dans le nouveau paysage fédéral n’est pas encore totalement assumé140. En effet, à côté des vingt-et-un sénateurs communautaires et des quarante sénateurs élus directement (vingt-cinq dans le collège électoral néerlandais et quinze dans le collège électoral français), siègent encore dix sénateurs cooptés (quatre francophones et six néerlandophone)141.
Afin de ne pas bousculer les équilibres politiques au fédéral142, les sénateurs communautaires ne représentent qu’à peine 30 % des membres et ceux-ci sont répartis selon le résultat aux élections fédérales de sorte que les rapports de force politique au sein des communautés sont complètement niés143. Par ailleurs, seules les communautés sont représentées. Les régions sont absentes. Parce que le Sénat oscille entre sa fonction réflexive et son rôle de représentation des entités fédérées, il est encore en quête d’identité et soumis à la critique144.
§50 Lors de la sixième réforme de l’État, le choix est fait : le Sénat sera « la Chambre des entités fédérées »145. L'objectif de la réforme est de « garantir la participation des parlements des entités fédérées à l'organisation et au fonctionnement fondamentaux de l'État fédéral ainsi que de créer un réel lieu de rencontre pour les parlements de communauté et de région »146.
Afin de réaliser cette ambition, la composition du Sénat est entièrement revue. En toute logique, les sénateurs de droit ainsi que ceux élus directement par le collège électoral néerlandais ou français disparaissent.
Le nombre de sénateurs communautaires est donc revu à la hausse (vingt-neuf sont désignés par le Parlement flamand, dix par le Parlement de la Communauté française, et toujours un seul par le Parlement de la Communauté germanophone). La Région wallonne est désormais représentée par huit sénateurs, mais la Région de Bruxelles-Capitale n’est toujours pas représentée. Il y a certes deux sénateurs qui sont désignés par le groupe linguistique français du Parlement bruxellois, mais ce groupe n’est pas la Région. Trois sénateurs supplémentaires émanent de ce groupe, mais ils sont désignés par le Parlement de la Communauté française. Enfin, un sénateur est désigné par le Parlement flamand pour autant qu’il habite en Région de Bruxelles-Capitale le jour des élections.
Tous ces sénateurs sont répartis selon les rapports de forces dans les assemblées correspondantes, mais il y a un sérieux tempérament qui prend la forme d’un seuil électoral uniquement applicable pour les sénateurs communautaires et régionaux francophones. Pour pouvoir siéger au Sénat, une formation politique francophone doit cumulativement bénéficier d’au moins un siège au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à celui de la Communauté française et à celui de la Région wallonne. En outre, la formation politique doit aussi obtenir plus de 5% des votes aux élections régionales wallonne et bruxelloise147.
Assez étrangement, alors que le Constituant décide de ne plus faire du Sénat une chambre de réflexion, il décide de maintenir dix sénateurs cooptés148. Plus surprenant, leur répartition entre les différents groupes politiques est liée à leur résultat électoral aux élections fédérales.
§51 Eu égard à l’objectif de faire du Sénat une chambre qui met en œuvre le principe de participation des entités fédérées149, sa nouvelle composition présente certaines améliorations telles que la disparation des sénateurs élus directement ainsi que la représentation de la Région wallonne. Elle pêche cependant à donner, aux plus petites entités fédérées, une place plus importante que celle qui serait la leur avec une représentation de type proportionnelle150. En effet, la Région de Bruxelles-Capitale n’est pas représentée et la Communauté germanophone, avec son seul sénateur, fait de la figuration. Son représentant est dans l’incapacité d’actionner la sonnette d’alarme puisqu’il n’appartient à aucun groupe linguistique. Par ailleurs, le tableau 1 repris ci-dessous montre que la composition du Sénat entre entités fédérées ressemble fortement à celle de la Chambre des représentants151 ; ce qui démontre que le principe de participation n’a pas été totalement assumé. La Belgique est même le seul pays fédéral au monde, avec l’Inde, à avoir dans les faits une répartition entre entités fédérées qui est proportionnelle à leur nombre d’habitants152.
Tableau 1 : Rapport entre le nombre de sièges au Sénat et à la Chambre selon la population
Sièges au Sénat | % de sièges sur les 60 | Nombre d’habitants et leur pourcentage au 28 mai 2012153 | % de sièges à la Chambre154 | |
---|---|---|---|---|
Région wallonne | 8 Parl. wal. 7 Parl. Com. fr qui ne sont pas bruxellois155 4 cooptés156 Total : 19 | 31,6 % | 3.471.584157 (31,4 %) | 31,3 %158 |
Communauté Flamande | 28 Com. fl159 6 cooptés160 Total : 34 | 56,6 % | 6.356.108 (57,55 %) | 58 % |
Région de Bruxelles-Capitale | 2 gr. ling. fr. 3 Parl. Com. fr. 1 Parl. Com. fl. Total : 6 | 10 % | 1.140.898 (10,33 %) | 10 % |
Communauté germanophone | 1 Com. germ. | 1,6 % | 76.122 (0,69 %) | 1 % |
Quant aux sénateurs cooptés, on a du mal à comprendre leur maintien. Si leur mission est d’amener de l’expertise au sein de l’hémicycle, peut-être aurait-il fallu, comme en Inde – l’autre seul pays fédéral à avoir un Sénat avec des sénateurs cooptés (douze sur deux cents cinquante) – établir des critères de sélection basés sur l’expertise161. En l’occurrence, depuis 2003, seulement trois sénateurs sur soixante-deux (4 %) ne se sont pas présentés à des élections régionale, communautaire, fédérale ou européenne ayant précédé leur cooptation. À partir de 2014, date à laquelle le Sénat ne semble plus remplir cette fonction réflexive, seulement deux sénateurs sur vingt-deux (9%)162 ne se sont pas présentés à des élections régionales, communautaires, fédérales et européennes ayant précédé leur cooptation 163. Ces chiffres semblent indiquer que les sénateurs cooptés ne sont pas sélectionnés en fonction de leur expertise, mais plutôt en raison de leur désillusion électorale164.
Graphique 1 : les sénateurs cooptés en fonction de leur présentation aux élections
§52 La Belgique présente ce paradoxe d’être un pays où l’autonomie et les compétences des entités fédérées s’accroissent graduellement, alors que leurs possibilités de participation aux affaires de la Fédération se réduisent. La composition du Sénat belge est atypique pour un pays fédéral, car, contrairement aux autres pays fédéraux qui ont institué un régime parlementaire bicaméral pour surreprésenter les petites entités fédérées et les faire participer aux décisions pour lesquelles elles sont concernées165, elle ne met aucunement en œuvre le principe de participation. Cet échec est accentué par le fait que les seuils électoraux applicables aux formations politiques francophones peuvent avoir pour effet de saper la représentation de partis qui ont un ancrage régional fort dans une région (par exemple, un parti régionaliste bruxellois réalisant 40 % des suffrages à Bruxelles, mais uniquement 2 % en Région wallonne ne serait pas représenté) 166 et par le fait que dix sénateurs sont encore départagés entre les formations politiques selon leurs résultats aux élections fédérales. Tout porte à croire que le Constituant a voulu limiter autant que possible les différences entre la Chambre et le Sénat et qu’il a voulu perpétuer le rapport de force dual entre les francophones et les néerlandophones, déjà présent à la Chambre, au lieu de consacrer un réel lieu d’échange multipolaire entre les entités fédérées.
Il en résulte que le Sénat actuel est un doublon inutile de la Chambre des représentants, laquelle représente déjà les tendances politiques des habitants du Royaume en étant composée de représentants élus démocratiquement. Or, dans un pays fédéral, il convient de trouver, pour certaines matières essentielles, un équilibre entre la volonté démocratique de l’ensemble de la population et celle des entités fédérées à qui on a voulu donner plus d’autonomie. C’est d’ailleurs l’objectif louable qui lui a été initialement assigné, sans toutefois qu’il ait été mis en place des moyens pour y parvenir. Dès lors, la composition du Sénat devrait être revue afin de conjuguer le fait démocratique avec le fait fédéral. Certaines formules de représentation sont radicales en ce qu’elles donnent un même nombre égalitaire de sièges à chaque entité fédérée, quel que soit son poids démographique (USA, Australie ou Suisse). D’autres formules intermédiaires tentent de trouver une solution à mi-chemin entre la représentation égalitaire et la représentation proportionnelle en surreprésentant les entités fédérées moins peuplées tout en laissant un avantage numéraire aux plus peuplées (Allemagne, Autriche ou Canada). Bien entendu, plus les petites entités sont surreprésentées, plus la composition du Sénat entre en opposition avec la volonté démocratique de l’ensemble du pays et plus elle est respectueuse de la volonté démocratique dans les entités fédérées167. C’est notamment pour cette raison, mais aussi parce que la Belgique compte peu d’entités fédérées que la solution égalitaire semble infaisable. Toutefois, entre un Sénat à la composition égalitaire et un Sénat représenté proportionnellement au nombre d’habitants, une composition intermédiaire permettrait aux plus petites entités fédérées de participer davantage aux affaires qui les concernent et d’élargir les débats à de nouvelles alternatives.
Notons enfin qu’il serait possible de réaliser le principe de participation tout en renforçant la légitimité démocratique des sénateurs en les faisant élire dans l’entité fédérée qu’ils représentent plutôt que de laisser le soin à l’assemblée de choisir ceux et celles qui pourront cumuler
L’absence des entités fédérées dans la procédure de révision de la Constitution
§53 L’article 195 de la Constitution n’a jamais, sur le fond, été modifié alors que l’État unitaire devenait fédéral. Le principe de participation aurait pourtant justifié une révision de cette disposition cardinale. Seules les réformes successives du Sénat permettent, du bout des lèvres, de justifier la participation des entités fédérées dans la procédure de révision de la Constitution, mais vu sa composition, celle-ci s’avère largement insuffisante.
Le fédéralisme belge étant un fédéralisme de dissociation, les entités fédérées n’ont jamais été amenées à accepter formellement le pacte fédératif que constitue la Constitution, mais il est traditionnellement enseigné168 que les entités fédérées doivent pouvoir participer au pouvoir fédéral, notamment lors des révisions de la Constitution.
Beaucoup a déjà été écrit sur le sujet169 et un examen de droit comparé permet de constater l’inexistence d’un modèle unique qui appréhenderait le principe de participation des entités fédérées dans le processus de révision de la Constitution. En substance, on constate que ce principe se traduit explicitement dans les Constitutions examinées170 et s’opère par une ratification de la révision par les entités fédérées voire par un vote préalable au sein de celles-ci. Il convient également de noter que certains modèles fédéraux distinguent, dans la Constitution, les dispositions qui méritent une intervention directe – et de plus ou moins grande intensité – des entités fédérées. Ainsi, la participation de ces dernières est plus importante lorsqu’il est question de modifier les dispositions relatives aux principes du fédéralisme.
§54 En Belgique, trois options sont schématiquement retenues pour garantir, le principe de participation des entités fédérées dans la procédure de révision de la Constitution. L’intervention du Sénat (a priori recomposé), le vote à la majorité spéciale et la participation directe des entités fédérées. À notre sens, l’exigence d’un vote à la majorité (des voix ou des membres) dans les groupes linguistiques de la Chambre ne rencontre pas pleinement le caractère fédéral de l’État. Cette exigence repose sur la logique duale qui ignore la nuance d’au moins trois composantes fédérales essentielles que sont la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone. En outre, nous ne considérons pas qu’il reviendrait à la Chambre des représentants de garantir la protection d’une composante fédérale de l’État, à supposer que le groupe linguistique francophone puisse représenter effectivement une telle composante. Cette participation devrait, à notre estime, se situer à un autre niveau171.
Ce niveau pourrait alors être le Sénat. Mais nous avons vu que, dans son État actuel, le Sénat ne semble guère répondre aux exigences de participation des entités fédérées. Sans revoir sa composition, il serait possible pour la procédure de révision de recueillir en plus de la majorité au Sénat, la majorité des députés représentant une entité fédérée (avec un mandat impératif ou non)172. Toutefois, cette solution n’est, à l’heure actuelle, pas pleinement satisfaisante dans la mesure où la Région de Bruxelles-Capitale est qualitate qua ignorée. Quoi qu’il en soit, se pose également la question de savoir quelle entité fédérée est représentée par un sénateur coopté et donc, en creux, leur suppression.
§55 Une troisième option pourrait être la participation directe des entités fédérées, via leur parlement, dans le processus de révision de la Constitution. Cette participation pourrait s’envisager sous un angle positif ou négatif.
Sous l’angle positif, la participation directe pourrait consister dans un vote de ratification au sein de chaque parlement composé exclusivement d’élus directs (pour les raisons que nous avons indiquées ci-dessus) après l’adoption au niveau fédéral (Chambre des représentants et Sénat). Il conviendrait alors de définir la majorité requise au niveau des entités fédérées avec le risque de priver la Communauté flamande du poids politique qu’elle peut revendiquer, mais, il faut le rappeler, dont elle bénéficie au niveau de la Chambre. Plus extrême, l’unanimité pourrait être exigée pour protéger la majorité flamande au risque de donner à la Communauté germanophone un poids qui pourrait être considéré comme excessif. L'unanimité respecterait néanmoins une logique « confédérale » revendiquée par d’aucuns. Une solution panachée pourrait alors être d’exiger une majorité au niveau des entités fédérées pour autant que celles qui votent en faveur de la révision représentent une certaine proportion de leur population173.
Sous l’angle négatif, la participation directe des assemblées élues directement consisterait en un droit de véto dans un délai déterminé (par exemple trois mois). Autrement dit, une révision de la Constitution votée au niveau fédéral n’entrerait en vigueur que pour autant qu’aucune entité fédérée ne se soit expressément opposée, à une majorité qualifiée, à une telle révision. Cette solution – qui pourrait également être aménagée pour tenir compte du risque de surreprésentation de certaines entités – permettrait qu’une révision de la Constitution soit adoptée pour autant qu’elle ne rencontre pas une opposition suffisante au sein des entités fédérées. La procédure négative serait alors de nature à ne pas impliquer l’approbation des entités fédérées à une révision constitutionnelle, mais, à tout le moins, une neutralité bienveillante à l’égard de celle-ci. Cette formule n’est pas marquée du sceau de l’enthousiasme, mais elle présente l’avantage d’effectivement donner une place aux entités fédérées dans le processus de révision de la Constitution. En outre, compte tenu de l’asymétrie politique dans les majorités des différents niveaux de pouvoirs, cette solution n’impose pas à des partenaires dans les majorités régionales ou communautaires de donner leur approbation formelle à une réforme votée au niveau fédéral grâce à une majorité à laquelle ils n’appartiendraient, par hypothèse, pas nécessairement. À ceci pourrait s’ajouter le fait que ne serait pas adoptée une révision de la Constitution qui n’obtiendrait pas la ratification d’une entité fédérée représentant au moins un quart de la population belge (autrement dit, la Communauté flamande et la Région wallonne) ou qui n’obtiendrait pas la ratification de deux entités fédérées (permettant potentiellement une « alliance » de la Communauté germanophone et de la Région de Bruxelles-Capitale).
Ces solutions ne sont pas limitatives, mais elles mettent en exergue la lacune actuelle de représentation des entités fédérées dans le processus de révision constitutionnelle. La participation qu’on entend donner aux entités fédérées dépend aussi largement de la composition du Sénat. Ainsi, les majorités nécessaires pour voter une révision de la Constitution pourraient ne pas devoir être qualifiées, mais simples, si les entités fédérées étaient représentées paritairement.
Les motions en conflit d’intérêts entre les partenaires de l’État fédéral174
§56 L’approfondissement du fédéralisme belge lors de la deuxième réforme de l’État a impliqué la mise en place de mécanismes de résolution de conflits entre les partenaires de la Fédération. Dans cet esprit, le Constituant a prévu des dispositifs curatifs en confiant à la Cour d’arbitrage (devenue Cour constitutionnelle en 2007) le pouvoir de sanctionner d’éventuels excès de compétence175. Pour tenter de résoudre les conflits avant qu’ils ne deviennent juridiques, la procédure en conflit d’intérêts a, entre autres176, été instituée par la loi du 9 aout 1980177. Cette procédure permet ainsi à l'une des chambres de l'autorité fédérale ou à une assemblée d’une entité fédérée (une des trois Régions, une des trois Communautés, la COCOM ou la COCOF)178 –, lorsqu’elle s'estime gravement lésée par un projet ou une proposition de loi, de décret ou d’ordonnance ou d’un amendement à ces projets ou propositions, de suspendre la procédure parlementaire afin de tenter de trouver un compromis179. Il s’agit ici d’analyser comment les entités en conflit sont représentées et dans quelle proportion cette procédure permet de rapprocher les points de vue.
Lorsqu’une motion en conflit d’intérêts est déposée dans une assemblée parlementaire, elle doit recueillir le soutien des trois-quarts des voix exprimées. Par exception, l’Assemblée de la Commission communautaire commune doit « seulement » réunir la moitié des voix exprimées par chacun des groupes linguistiques pour adopter la motion180. Toutefois, l’art. 81, §4 du Règlement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune impose une double majorité (des trois quarts et dans chaque groupe linguistique) soit une condition beaucoup plus stricte que celle prévue par la loi du 9 aout 1980. La volonté de s’assurer du soutien des trois-quarts de l’assemblée atteste de l’importance de l’atteinte ressentie par l’assemblée pour qu’elle puisse mériter la suspension de la procédure législative litigieuse.
Dès la motion votée, la procédure législative est suspendue durant soixante jours afin de permettre aux assemblées en conflit de se concerter181. En pratique, des représentants de chaque assemblée en conflit se réunissent pour tenter de trouver une solution. Si aucune solution n’est trouvée, endéans les soixante jours, le Sénat rend un avis motivé dans les trente jours182. À l’origine, c’était la Chambre des représentants qui était chargée de jouer les médiateurs. Mais, en 1993, lorsque le Constituant a revu le rôle de la chambre haute pour l’adapter au paysage fédéral belge en faisant d’elle la « Chambre des entités fédérées », il lui a confié le pouvoir de rendre des avis sur les conflits d’intérêts entre les différents partenaires de l’État fédéral183. L’avis du Sénat ne lie pas et il est transmis au Comité de concertation, lequel est chargé de rendre un avis dans les trente jours. Cet organe, qui est composé d’autant de membres francophones que néerlandophones et d’autant de représentants de l’autorité fédérale que des entités fédérées184, rend sa décision au consensus185. Lorsqu’une motion en conflit d’intérêts est adoptée par la Chambre ou le Sénat186, le Comité de concertation est directement saisi sans passer par le Sénat. Il bénéficie alors de soixante jours pour rendre une décision187. Toutefois, ce cas de figure ne s’est jamais présenté.
Au total, la procédure législative peut être suspendue cent-vingt jours, voire davantage si les assemblées concernées y consentent. À terme, la procédure reprend son cours et l’assemblée n’est nullement tenue par la décision du Comité de concertation ni d’ailleurs par aucun autre accord qui serait survenu entre les assemblées. Cette procédure n’a pas connu de modifications majeures188.
§57 Tentons désormais d’analyser les rapports entre les partenaires de la Fédération à travers cette procédure.
En Belgique, depuis la création des motions en conflit d’intérêts en 1980, les assemblées législatives ont adopté cinquante-six motions. Le Parlement flamand est l’assemblée qui a voté le plus de motions (27). Viennent ensuite le Parlement de la Communauté française (16), celui de la COCOF (7), celui de la Région wallonne (4) et enfin celui de la Communauté germanophone (2). Jamais, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, l’Assemblée communautaire commune ou une assemblée fédérale n’ont donc adopté de motion en conflit d’intérêts. Il est saisissant de constater que toutes ces assemblées ont en commun d’être divisées en deux groupes linguistiques : l’un français et l’autre néerlandais et que leur gouvernement est composé paritairement entre membres d’expression française et néerlandaise. On observe également que, si on tient compte de cette logique linguistique, les parlements qui peuvent être vus comme des assemblées francophones (Parlement wallon, Parlement de la Communauté française et l’Assemblée de la COCOF) comptent autant de motions adoptées (27) que celui du Parlement flamand (27).
Cette logique linguistique est en réalité partout dans les relations entre les partenaires de l’État fédéral. Pour s’en convaincre, nous analysons, d’une part, les motions en conflit d’intérêts qui opposent des entités fédérées et, d’autre part, celles où s’affrontent une assemblée fédérée et une chambre fédérale. Sur les cinquante-six motions adoptées depuis 1980, trente-et-une concernent les entités fédérées entre elles (55,4 %), alors que vingt-cinq ont été adoptées par un parlement d’entité fédérée à l’encontre d’une chambre fédérale (44,6 %). Le tableau ci-dessous montre la répartition des motions adoptées selon les assemblées émettrices et destinatrices.
Graphique 2 : Répartition des motions adoptées eu égard aux assemblées émettrices et destinatrices (1980-2021)
En ce qui concerne les trente-et-une motions adoptées par des entités fédérées à l’égard d’autres entités fédérées, il est remarquable de constater qu’elles peuvent globalement se diviser en deux catégories. D’une part, les motions adoptées par des parlements qualifiés de francophones contre le Parlement flamand, et, d’autre part, les motions adoptées par le Parlement flamand à l’encontre d’un parlement qui peut être connoté francophone. Ainsi, dans les relations entre entités fédérées, toutes les motions votées par le Parlement de la Communauté française (11), le Parlement wallon (3) et l’Assemblée de la COCOF (2) ont été adressées au Parlement flamand. On constate donc qu’il n’y a jamais eu de motions entre les assemblées suivantes : le Parlement de la Communauté française, le Parlement wallon, le Parlement germanophone et le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Aussi, aucune motion n’a, à ce jour, visé le Parlement germanophone. Quant au Parlement flamand, douze de ses quinze motions ont visé un projet ou une proposition de décret du Parlement de la Communauté française (11) et du Parlement wallon (1). Les trois motions restantes font exception à la règle puisqu’elles ont été adressées au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Notons à propos de ces dernières qu’il s’agit d’un phénomène relativement récent étant entendu que ces trois motions se concentrent toutes durant la législature 2014-2019. Par ailleurs, il est intéressant de relever que deux motions189 avaient dans le collimateur la même proposition d’ordonnance visant à créer une incompatibilité entre une fonction exécutive locale avec le mandat de parlementaire bruxellois190. Alors qu’en principe une seule motion peut être votée à l’égard d’une même proposition, le Parlement flamand s’est ici dédoublé en usant de ses compétences communautaires d’abord, puis régionales pour doubler sa capacité d’action. Le dédoublement du Parlement flamand permet de contrebalancer la possibilité qu’ont les francophones de voter, dans trois assemblées différentes, des motions identiques à l’égard d’un seul texte. Les francophones ont ainsi fait front, une première fois en 2006, pour bloquer le Code flamand du logement qui entendait conditionner l’octroi à un logement social aux candidats qui démontraient leur disposition à apprendre le néerlandais191. Toutefois, le Parlement wallon et le Parlement de la Communauté française votent leur motion concomitamment de sorte que les délais de suspension se sont superposés192. Quelques années plus tard, les francophones se sont mobilisés de manière concertée pour voter successivement au Parlement de la Communauté française, à l’assemblée de la COCOF et au Parlement wallon trois motions193 à l’égard d’une proposition de décret permettant à la Communauté flamande d’exercer la tutelle pédagogique sur les écoles francophones qui se situent dans la périphérie bruxelloise194. Cette fois-ci leurs trois motions permettent de cumuler les suspensions pour suspendre plus longtemps la proposition de décret flamand. On peut donc aisément comprendre que le Parlement flamand ait aussi voulu se multiplier pour étendre le délai de suspension du texte litigieux. Toutefois, d’un point de vue juridique, ce dédoublement pose question.
D’abord, parce que lors de son premier vote, le Parlement flamand n’a pas précisé sur la base de quelle compétence il se prononçait195. Ensuite, parce que lors de sa seconde motion, ce sont les intérêts de l’entité fédérée régionale flamande qui ont été pris en compte plutôt que ceux du Parlement, comme la loi l’exige pourtant. Par ailleurs, on doute que politiquement, la manœuvre soit judicieuse, car en admettant que le procédé puisse être valable sous certaines conditions196, quod non, cela impliquerait que le Parlement wallon et, dans une moindre mesure le Parlement de la Communauté germanophone, puissent également se dédoubler selon qu’ils exercent leurs compétences d’origine ou celles dont l’exercice leur a été transféré respectivement sur la base des articles 138 et 139 de la Constitution197.
En ce qui concerne les vingt-cinq motions adoptées à l’encontre d’une chambre fédérale, douze motions ont été adoptées par le Parlement flamand, onze par des assemblées étiquetées francophones et deux par le Parlement de la Communauté germanophone198. À première vue, il ne ressort pas de cette répartition entre assemblées un clivage linguistique. Toutefois, lorsqu’on observe l’objet litigieux de ces motions, on aperçoit que 56 % évoquent un problème linguistique. Parmi celles-ci, on retrouve, par exemple, cinq motions du Parlement flamand à l’égard de projets de loi qui règlementent l’usage ou les connaissances des langues dans l’organisation de la justice199, deux motions de la Communauté française à l’égard de deux propositions de loi concernant les connaissances linguistiques des mandataires communaux situés en Flandre et à Bruxelles200 ou encore quatre motions concernant la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde votées successivement par le Parlement de la Communauté française, de l’Assemblée de la Cocof, de la Région wallonne et de la Communauté germanophone201.
Par ailleurs, même lorsque l’objet d’une motion n’est pas linguistique, il arrive que les tensions soient le résultat d’une sous-représentation d’un groupe linguistique au gouvernement fédéral. Ainsi, durant la législature 2014-2019, la Chambre des représentants a été la cible de quatre motions en conflit d’intérêts, toutes adoptées par l’Assemblée de la Cocof, soit la seule assemblée où le MR, alors le seul partenaire francophone au gouvernement fédéral et représentant seulement 32 % du groupe linguistique français à la Chambre, n’avait pas suffisamment de parlementaires pour bloquer une motion en conflit d’intérêts202. Ainsi, l’Assemblée de la Cocof est devenue, le temps de cette législature, le lieu de résistance des francophones à l’égard d’une majorité fédérale où ils ne se jugeaient pas suffisamment représentés. Enfin, ainsi qu’on le constate sur le graphique 3, quand on calcule le nombre de motions en conflit d’intérêts adoptées contre un projet ou une proposition de loi, on observe que les griefs à l’égard d’une chambre fédérale ne se sont pas réduits au fil des réformes de l’État. Au contraire. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que ces motions diminuent au fur et à mesure que le fédéralisme se construisait et que l’État fédéral se voyait dépecer de certaines compétences, on observe que depuis 1996, le nombre de motions en conflit d’intérêts adoptées contre une chambre fédérale a fortement augmenté.
Graphique 3 : Répartition chronologique des motions adoptées contre le Parlement fédéral, par assemblée émettrice (1980-2021)
Lorsqu’on analyse les résultats des motions en conflit d’intérêts (graphique 4 et tableaux 2 et 3), on observe une nette différence selon que les motions opposent l’État fédéral à l’une des entités fédérées ou qu’elles ne concernent que les entités fédérées entre elles. Par « résultat », nous nous ne limitons pas à dénombrer celles qui ont donné lieu à un accord. En effet, on analyse également si l’assemblée qui a adopté la motion a obtenu un résultat favorable malgré qu’aucun accord n’ait été trouvé. Tel est le cas, si la procédure législative litigieuse a été abandonnée ou si l’adoption de motions, parfois de manière successive, a permis d’emporter la caducité du texte litigieux. Inversement, un accord peut être battu en brèche de sorte que le résultat n’est finalement pas favorable à l’assemblée qui a adopté la motion.
Graphique 4 : Résultats des motions, par assemblée destinatrice (1980-2021)
*Le Parlement fédéral comprend la Chambre et le Sénat
Tableau 2 : Accords et taux d’accords par motions en conflit d’intérêts adoptées,
par assemblées parlementaires émettrices et destinatrices (1980-2021)
Assemblée parlementaire destinatrice | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Parlement fédéral* | Parlement wallon | Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale | Parlement de la Communauté française | Parlement flamand | ||
Assemblée parlementaire émettrice | Parlement wallon | 0/1 0,0% | – | 0 | 0 | 0/3 0,0 % |
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale | 0 | 0 | – | 0 | 0 | |
Parlement de la Communauté française | 2/5 40,0 % | 0 | 0 | – | 1/11 9,1 % | |
Parlement flamand | 9/12 75 % | 0/1 0,0 % | 1/3 33,3 % | 2/11 18,2 % | - | |
Parlement de la Communauté germanophone | 1/2 50,0 % | 0 | 0 | 0 | 0 | |
Assemblée de la COCOF | 0/5 0,0 % | 0 | 0 | 0 | 0/2 0,0 % |
*Le Parlement fédéral comprend la Chambre et le Sénat
Tableau 3 : Résultats favorables et taux de réussite globale par motions en conflit d’intérêts adoptées, par assemblées parlementaires émettrices et destinatrices (1980-2021)
Assemblée parlementaire destinatrice | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Parlement fédéral* | Parlement wallon | Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale | Parlement de la Communauté française | Parlement flamand | ||
Assemblée parlementaire émettrice | Parlement wallon | 1/1 100,0% | – | 0 | 0 | 0/3 0,00 % |
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale | 0 | 0 | – | 0 | 0 | |
Parlement de la Communauté française | 5/5 100,0 % | 0 | 0 | – | 3/11 ou 4/11 27,3 ou 36,4 % | |
Parlement flamand | 10/12 83,3 % | 0/1 0,0 % | 3/3 100,0 % | 4/11 36,4 % | – | |
Parlement de la Communauté germanophone | 2/2 100,0 % | 0 | 0 | 0 | 0 | |
Assemblée de la COCOF | 1/5 20,0 % | 0 | 0 | 0 | 0/2 ou 1/2 0,0 ou 50 % |
*Le Parlement fédéral comprend la Chambre et le Sénat
Le graphique 4 et les tableaux 2 et 3 montrent que lorsque les motions sont dirigées contre l’État fédéral, on atteint 48 % d’accords et 76 % d’issues favorables pour l’assemblée qui a adopté la motion en conflit d’intérêts (addition des accords, des échecs ayant néanmoins provoqué l’abandon de la norme litigieuse et des blocages en raison de l’adoption de motions successives). Lorsque les conflits visent les institutions fédérales, les échanges de vues entre assemblées sont plus ouverts et coopératifs, car il est, en principe, nécessaire de trouver un compromis compte tenu du contexte institutionnel bicommunautaire des organes exécutifs et législatifs fédéraux. Ainsi, des règles comme celles de la parité au sein du gouvernement ou de la prise de décision au consensus en son sein sont facilitent clairement l’issue des négociations.
Toutefois, ces chiffres encourageants cachent deux réalités distinctes selon que la procédure est enclenchée au Parlement flamand ou dans une assemblée connotée francophone. En effet, les motions flamandes ont un taux d’accord de 75 %, alors que ce taux n’est que de 18,2 % pour les motions francophones. Lorsqu’on regarde le taux de résultats favorables, on constate une différence moins marquée entre les assemblées francophones et le Parlement flamand, puisque les premières obtiennent gain de cause dans 63,6 % des motions qu’elles ont adoptées, pour 83,3 % pour le second. C’est que les stratégies et les mécanismes de défense diffèrent selon que la procédure est initiée par le Parlement flamand ou par une assemblée « francophone ». Les néerlandophones sont en supériorité numérique à la Chambre, de sorte qu’il est, en principe, impossible d’adopter une norme à laquelle ils s’opposent. Les francophones n’ont pas cet atout numérique, mais, d’une part, ils peuvent provoquer une crise gouvernementale qui pourrait entraîner la chute de l’exécutif et, d’autre part, ils peuvent mobiliser trois assemblées pour adopter des motions et donc mettre en péril l’adoption du texte litigieux. Ce nombre peut même être supérieur s’ils parviennent à convaincre le Parlement germanophone ou le Parlement bruxellois – qui mettrait néanmoins en péril sa majorité – ou s’ils s’inspirent du dédoublement du Parlement flamand pour dédoubler également le Parlement wallon selon que celui-ci s’exprime au titre de ses compétences régionales ou celles dont l’exercice lui a été transféré. Par ailleurs, les trois quarts du groupe linguistique français à la Chambre peuvent aussi actionner la procédure de la sonnette d’alarme pour bloquer l’adoption d’une loi. Les francophones disposent donc de plusieurs munitions, mais cet arsenal ne rivalise pas avec la loi du nombre dont disposent les néerlandophones. Comme nous l’avons vu durant la législature de 2014-2019, il peut exister une vive opposition francophone aussi importante qu’inutile si la composante francophone du gouvernement aussi faible soit-elle numériquement représente néanmoins 25 % de son groupe linguistique. Dans ces circonstances, les francophones sont impuissants pour actionner la procédure de la sonnette d’alarme et il est probable qu’ils seront paralysés dans toutes les assemblées dites francophones si le parti francophone présent au gouvernement fédéral dispose d’au moins 25 % des sièges. Pour résumer, la superposition de tous ces mécanismes de conflits et de défense parvient à trouver un certain équilibre, mais celui-ci s’avère précaire lorsque les francophones sont sous-représentés au gouvernement fédéral.
Il ressort également du graphique 4 et des tableaux 2 et 3 que le résultat des actions en conflit d’intérêts à l’égard d’une assemblée fédérale est le fruit de nombreux paramètres relativement subtils. Cette configuration est plus simple dans les relations entre entités fédérées, mais au prix de résultats bien moins satisfaisants : le taux d’accord chute à 12,9 % et seulement entre 25,8 et 38,7 % des motions adoptées parviennent à satisfaire l’assemblée qui l’a adoptée203. Il est probable, à cet égard, que l’outil n’est pas adapté à ce type de confrontation où s’opposent frontalement des entités institutionnelles homogènes d’un point de vue linguistique. Il n’est, en effet, pas rare que les arguments que décochent les néerlandophones aux francophones, et inversement, se heurtent sur la cuirasse de deux logiques contradictoires. Et même si d’aventure un accord est trouvé, l’assemblée peut finalement faire volte-face et adopter le texte litigieux, ce qui n’est pas de nature à améliorer les relations entre assemblées. Dans ce contexte, les concessions sont souvent perçues comme des faiblesses. La logique est donc essentiellement celle de la confrontation. C’est que, et ici réside la principale faiblesse de ce dispositif, le sort des uns et des autres n’est nullement lié, contrairement à ce qui se passe au niveau fédéral. Si aucun compromis n’est trouvé entre entités fédérées, les chances de voir tomber un gouvernement sont infiniment plus minimes qu’au niveau fédéral. En ce sens, il n’est guère surprenant que seules les motions adressées au Parlement régional bruxellois connaissent un certain succès. Même si à ce jour seul le Parlement flamand s’en est employé, les motions qu’il a transmises aux Parlement régional bruxellois ont conduit à 33 % d’accords et à 100 % de résultats favorables. Encore une fois, cette réussite s’explique en grande partie par la composition du gouvernement bruxellois qui est non seulement paritaire, mais aussi, à la différence du gouvernement fédéral, soutenu par la majorité des députés de chaque groupe linguistique. La survie du gouvernement bruxellois est ainsi intimement liée à la probabilité de trouver une issue favorable au conflit.
Enfin, il est intéressant de relever brièvement l’efficacité des principaux acteurs qui interviennent dans la procédure, et plus particulièrement des institutions extérieures au conflit204. Ainsi, sur les seize accords formels obtenus, deux sont intervenus avant la concertation entre assemblées (12,5 %), sept durant cette dernière (43,75 %), six en Comité de concertation (37,5 %)205 et un après la clôture de la procédure (6,25 %)206. Bien que le Sénat (préalablement la Chambre) n’a pas pour fonction de trouver des accords, il est toutefois intéressant de relever les principales tendances décelables lors de ses trente-huit saisies. La principale tendance qui prévaut est une logique linguistique puisqu’à huit reprises la Chambre ou le Sénat s’est prononcé à une majorité néerlandophone contre une minorité francophone (22,2 %) et que le Sénat a également refusé, un même nombre de fois, de rendre un avis après avoir constaté une opposition entre francophones et néerlandophones (22,2 %). La seconde tendance qui se dégage semble être plus optimiste, car elle indique que dans treize cas des majorités alternatives, qui ne correspondent ni au rôle linguistique ni à la coalition fédérale, s’accordent pour rendre un avis (34,2 %). Il faut toutefois nuancer la portée de ces avis, qui, la plupart du temps, constatent une divergence de points de vue et invitent les négociateurs à continuer de tenter de trouver un compromis (sept fois, soit 18,4 %) ou constate qu’il s’agit davantage d’un conflit de compétence (qui ne relève en principe pas de la procédure en conflit d’intérêts) que d’un conflit politique (trois fois, soit 7,9 %). Enfin à cinq reprises, la majorité qui s’est prononcée pour adopter l’avis est uniquement constituée des partis qui font partie de la coalition fédérale (13,15 %). Lors de ces cinq avis, le Sénat ou la chambre a uniquement constaté la divergence des points de vue et à encourager à poursuivre les négociations.
§58 La procédure en conflit d’intérêts permet à toutes les assemblées législatives du pays, quel que soit leur poids démographique, de suspendre une procédure législative entamée dans un autre niveau de pouvoir lorsque celles-ci jugent leurs intérêts gravement lésés. Elle permet ainsi aux partenaires de la Fédération de tenter de trouver des solutions à leurs conflits en entamant des procédures de concertation qui débutent par des discussions entre élus. Cette procédure est toutefois bien souvent déviée de sa fonction. Elle dissimule en effet fréquemment des rapports de force linguistique comme le montrent les entités en conflit, les objets soulevés par les motions, encore les majorités qui se dégagent au Sénat ou encore les motions adoptées par une entité francophone pour contrebalancer leur sous-représentation francophone au fédéral. L’examen des accords obtenus durant la procédure montre aussi que l’intervention d’acteurs extérieurs n’est peut-être pas aussi efficace qu’on pourrait l’espérer. On l’a vu, le Sénat, de par sa composition, n’est pas apte à trouver des solutions alternatives constructives. Reflétant dans sa composition celle de la Chambre, il se prononce majorité néerlandophone contre opposition francophone ou reste bien souvent au balcon en enjoignant les négociateurs à poursuivre leurs négociations. Le Comité de concertation est en revanche, dans sa composition, un organe intéressant qui internalise la logique fédérale grâce à sa composition paritaire entre le fédéral et les entités fédérées ainsi qu’entre néerlandophones et francophones. À cet égard, il représente bien plus que le Sénat, un fédéralisme accompli davantage respectueux des entités fédérées. Toutefois, cet organe est peu transparent et il est parfois difficile d’identifier qui est responsable des décisions qui y sont prises. Il serait à cet égard intéressant que le Sénat s’inspire de cette composition tant paritaire linguistiquement qu’entre entités fédérées et qu’il puisse être un organe démocratique représentant les entités fédérées capables de contrôler les décisions du Comité de concertation. Enfin, le fait que le Comité de concertation ne rende que des décisions non contraignantes et que le Sénat ne rende que des avis n’incite pas les partenaires en conflit à trouver des solutions. À cet égard, il serait peut-être intéressant de renforcer le rôle du Sénat, s’il est recomposé, en exigeant, par exemple, que le projet ou la proposition de norme législative contestée obtiennent le consentement d’une majorité qui varierait à la hausse selon l’ampleur de l’opposition du Sénat.
Conclusions
§59 Quarante ans après la naissance du Centre de droit public de l’ULB, quels ont été les impacts du fédéralisme sur la représentation?
Nous avons constaté que le fédéralisme belge, malgré ses importantes évolutions, reste profondément marqué par le dualisme communautaire consacré lors de la première réforme de l’État. Cette logique duale se retrouve profondément ancrée dans la composition du Sénat ou dans les rapports entre les entités fédérées, lors des procédures en conflit d’intérêts.
L’évolution du modèle représentatif, au sein des entités fédérées, n’est donc pas sans paradoxe. D’un côté, les entités fédérées ont été progressivement réformées pour leur permettre de mieux représenter leurs propres réalités sociales, économiques ou culturelles, etc. L’élection directe des parlementaires amplifie cette composante et l’octroi d’une certaine autonomie constitutive leur permet d’adopter des réformes qui collent au mieux avec l’évolution en leur sein. D’un autre côté, le modèle institutionnel des régions et des communautés, tel qu’il résulte des six réformes de l’État, reste empreint du poids du passé. Les institutions régionales et communautaires doivent, en raison de l’architecture globale de la fédération, conserver des figures – le parlementarisme rationalisé tel qu’organisé par la loi spéciale du 8 août 1980, le vote obligatoire, l’absence de droit de dissolution du parlement, etc. – qui ne correspondent plus nécessairement à la volonté politique au sein de l’entité considérée.
Cette conclusion s’impose d’autant plus que, progressivement, quatre entités fédérées – cohérentes sur le plan territorial – se sont imposées dans le paysage politique et institutionnel. Dans les entités fédérées, la logique duale – qui reste dominante au niveau des institutions fédérales – s’est affinée en faisant de la Région wallonne la principale composante francophone et, en même temps, s’est complétée par la montée en puissance de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Communauté germanophone. Pouvant s’appuyer sur une légitimité démocratique propre, ces deux entités fédérées entendent désormais se placer à égalité avec les « grandes » entités que sont la Région wallonne et la Communauté flamande. L’élection directe des parlementaires, l’octroi de l’autonomie constitutive, et certains transferts de compétences permettent désormais à ces entités d’afficher plus clairement leur autonomie, dans un cadre fédéral qui les respecterait plus encore.
L’élection directe des parlementaires semble avoir joué un rôle prédominant dans l’affirmation des différentes entités fédérées. À l’inverse, il n’est pas étonnant de constater que les seules entités fédérées à ne pas connaître l’élection directe se voient régulièrement remises en cause. À cet égard, les réalités bruxelloises et wallonnes sont telles qu’un débat sur l’avenir de la Communauté française est inévitable à terme. Celle-ci ne se définit d’ailleurs plus par elle-même, mais bien par l’adjonction de ses deux composantes principales comme en témoigne clairement son appellation informelle, la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Ces quatre entités, composées d’élus directement par des électeurs clairement localisés sur un territoire, sont le socle de base du modèle, défendu par d’aucuns, de la Belgique à quatre.
§60 Dans cette Belgique, les quatre entités fédérées devraient être amenées à participer plus clairement, de manière à mieux garantir leur représentation au sein de la fédération.
D’abord dans une Chambre haute réformée, au moins dans sa composition, pour devenir une véritable Chambre des entités fédérées où les plus petites entités fédérées, à savoir la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone, devraient être représentées en tant qu’entités fédérées à part entière pour les matières qui intéressent la Fédération. Un Sénat réformé dans sa composition pourrait même justifier la suppression de la figure de la loi spéciale. Celle-ci, en effet, repose sur une logique duale surannée qui ne prend pas en compte les entités fédérées. Un Sénat réformé dans sa composition pourrait aussi être investi d’un rôle plus important en matière de conflit d’intérêts en étant l’instance démocratique et fédérale idéale ou se désamorce les conflits entre les partenaires de la Fédération.
Cette même logique justifierait une modification profonde – indépendamment d’autres aspects tout autant critiquables – de la procédure de révision de la Constitution. L’article 195 de la Constitution est en effet resté inchangé depuis 1831 et il n’a, par conséquent, traduit aucune des évolutions du fédéralisme belge. Différentes solutions sont envisageables, mais il semble essentiel de traduire la cohérence des choix opérés lors des réformes de l’État en faisant de cette procédure celle des e des citoyens et des entités fédérées.
Notre conclusion est donc sans appel : les bases mêmes du fédéralisme belge doivent donc être, au regard du principe essentiel de la représentation, repensées.
Afin de conserver une certaine lisibilité dans l’appareil bibliographique et de limiter l’ampleur des notes de bas de page, nous avons choisi de privilégier un format abrégé dans les références aux nombreux travaux parlementaires mobilisés dans cette contribution (parlement, session, n° de référence). Le titre du document parlementaire cité ou encore sa date précise n’apparaissent ainsi pas dans ces notes mais son numéro de référence ainsi que l’année de la session permettra au lectorat d’aisément le retrouver. ↩
Capitant R., « Fédéralisme et démocratie », Jus Politicum. Revue de droit politique, n° 16, consulté le 16 septembre 2022 ; disponible en ligne in [http://juspoliticum.com/article/Federalisme-et-democratie-1102.html]. ↩
Pour citer ces quelques exemples, nous nous sommes basés sur : Economist Intelligence Unit (EIU), Democracy Index 2021 : The China Challenge, 2022, disponible en ligne in [https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2021/#mktoForm_anchor] ; lequel ne fait pas foi en la matière puisqu’il fait des choix de classification discutables (par exemple, le droit de vote obligatoire est vu comme antidémocratique), mais il permet d’obtenir une certaine indication du degré démocratique de cent soixante-six pays. ↩
Il s’agit d’un minimum qui n’empêche pas l’édiction de mécanismes législatifs et de contrôle directement dévolu aux électeurs comme le référendum décisionnel ou le droit de révoquer les élus. ↩
Watts R. L., Comparing Federal Systems, 3e éd., Montréal, McGill-Queen's University Press, p. 192. ↩
Whitaker R., Sovereign Idea: Essays on Canada as a Democratic Community, Montreal-Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1992, p. 167 ; Stepan A. C., « Federalism and Democracy: Beyond the U.S. Model », Journal of Democracy, 1999/4, pp. 23-24. ↩
À ce sujet, voyez la contribution de Vincent de Coorebyter dans le présent ouvrage. Voyez également : Capitant R., « Fédéralisme et démocratie », op. cit. ↩
Capitant R., « Fédéralisme et démocratie », op. cit.. Cet auteur va cependant plus loin en considérant que le fédéralisme est, à l’opposé de la centralisation, la seule forme d’État qui soit à même de réaliser la démocratie. Hans Kelsen avec son principe de tolérance parvient aussi à la conclusion que « la démocratie ne peut être une domination absolue, pas même une domination absolue de la majorité. Car la domination par la majorité se distingue de toute autre domination non seulement par le fait qu'elle présuppose une opposition, nommément la minorité, mais aussi parce qu'elle reconnaît politiquement son existence et protège ses droits » (Kelsen H, Urfalino P. « Les fondations de la démocratie. Extraits sur la règle de majorité », Raisons politiques, vol. 53, 2014/1, p. 31. Voyez aussi Watts R. L., Comparing Federal Systems, op. cit., p. 192. ↩
Mill J. S., De la liberté, Chicoutimi, Institut des libertés, 2002, p. 7 disponible en ligne in [https://institutdeslibertes.org/wp-content/uploads/2013/09/mill_libertepdf.pdf] ; de Tocqueville A., De la Démocratie en Amérique, t.1, Paris, Pagnerre, 1850, p. 333. Voyez également en ce sens, mais dans d’autres formules Hayek F.A., The Road to Serfdom, Londres-New-York, Routledge, 2006, p. 73, disponible en ligne in [https://ctheory.sitehost.iu.edu/img/Hayek_The_Road_to_Serfdom.pdf]. Voyez enfin Lewis W. A., Politics in West Africa. Londres, George Allen and Unwin, 1965, pp. 64-65 ; Przeworski A. « Some Problems in the Study of the Transition to Democracy », in O’Donnell G., Schmitter P.C., Whitehead L. (éds.), Transitions from Authoritarian Rule: Comparative Perspectives, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986, pp. 56-57 ; Lijphart A., Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-six Countries, 2e éd., New Haven, Yale University Press, 2012, pp. 30-33. ↩
Watts R. L., Comparing Federal Systems, op. cit., p. 192. ↩
Voyez à ce propos Stepan A. C., « Federalism and Democracy: Beyond the U.S. Model », op. cit., p. 23, 27-29. ↩
Kelsen H., « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », Revue du droit public, 1928, p. 253 ; Riker W. H., Liberalism Against Populism: A Confrontation Between the Theory of Democracy and the Theory of Social Choice, San Francisco, W.H. Freeman, 1982, pp. 247–253 ; Watts R. L., Comparing Federal Systems, op. cit., p. 192. ↩
Elle fait suite à des revendications différentes selon qu’elles proviennent du nord ou du sud du pays. Les Flamands, depuis la création de la Belgique, luttent pour faire reconnaître leur langue dans tous les appareils de l’État, acquis alors à l’hégémonie francophone. Naturellement, lorsqu’il est question en 1970 de poser les jalons du fédéralisme, les Flamands entendent défendre, avant tout, leur langue et leur culture. Par conséquent, ils veulent mettre en place des communautés qui exercent des compétences qui sont liées à la langue. Au sud du pays, les francophones veulent récupérer la maîtrise de leurs industries dont la conduite serait dictée par le nord du pays. Ils privilégient la mise en place de régions et donc d’institutions mieux à même de mettre en œuvre des compétences davantage liées aux territoires. ↩
Article 59bis et 107quater de la Constitution. Voyez sur ce point Bitsch M.-T., Histoire de la Belgique. De l’Antiquité à nos jours, Bruxelles, Complexe, 2004, pp. 207-208 ; Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, Limal, Anthémis, 2020, p. 751 et Rigaux L., « Dans quel État vivent les Belges ? 50 ans après la première réforme de l’État », in 12 mois 12 experts (ULB), 17 décembre 2019, consulté le 16 septembre 2022, disponible en ligne in [https://actus.ulb.be/fr/12-mois-12-expert%C2%B7e%C2%B7s/2019-2020/12-mois-12-experts-dans-quel-etat-vivent-les-belges]. ↩
En 1974, la Région wallonne, la Région flamande et la Région bruxelloise sont créées, mais à titre provisoire et préparatoire sans qu’elles soient disposées à adopter des normes législatives (Loi du 1er aout 1974 créant des institutions régionales, à titre préparatoire à l’application de l’article 107quater de la Constitution ; M.B., 22 aout 1974). La loi du 1er aout 1974 pose d’ailleurs question au regard de sa constitutionnalité. En effet, l’avis des conseils régionaux est obligatoire pour l’adoption de certaines lois de sorte que le législateur crée des procédures d’adoption de normes législatives non contenues dans la Constitution et qui empiètent sur l’article 107quater de la Constitution*.* Sur la critique de la loi de 1974, voyez Doc. Parl., Ch. repr., 1974, 170/1, p. 1 ; Doc. Parl., Sénat, 1974, 301/1, pp. 13-14. Voyez aussi plus largement sur cette réforme : « La régionalisation. Réalités et perspectives. Actes du colloque organisé par l’Association des Diplômés en droit de Louvain-Namur du 21-22 mars 1975 », Annales de droit, 1975/2, pp. 83-292. ↩
Celle-ci sera directement absorbée par la Communauté flamande conformément à ce que permet l’actuel article 137 de la Constitution. ↩
Beyen M., Destatte P., Nouvelle histoire de Belgique 1970-2000. Un autre pays, Bruxelles, Le Cri, 2009, p. 169. ↩
Tulkens H., « Le fédéralisme, la démocratie et la Belgique », Reflets et perspectives de la vie économique, Vol. XLVI, 2007/1, p. 70. La question des relations entre fédéralisme, démocratie et financement ne sera cependant pas abordée ici. À ce sujet, voyez Oates W., The political economy of fiscal federalism, Lexington, Heath, 1977 ; Inman R. P., Rubinfeld D., « Federalism », in Encyclopedia of Law & Economics, Vol. V, 2000, pp. 661-691, consulté le 15 septembre 2022, disponible en ligne in [https://reference.findlaw.com/lawandeconomics/9700-federalism.pdf] et Groenendijk, N., « Federalism, Fiscal Autonomy and Democratic Legitimacy in Europe: Towards Tax Sharing Arrangements », in L'Europe en Formation, Vol. 359, 2011/1, pp. 3-19. ↩
Anciens art. 3ter, 59bis et 59ter de la Constitution. ↩
Loi du 21 juillet 1971 relative à la compétence et au fonctionnement des conseils culturels pour la Communauté culturelle française et pour la Communauté culturelle néerlandaise ; M.B., 23 juillet 1971. ↩
« Les dimensions territoriales et numériques de cette communauté culturelle et certains problèmes particuliers qui ne trouvent leur équivalent dans aucune des deux autres communautés ne permettaient de calquer, ni le statut du Conseil, ni sa composition, ni ses compétences sur ceux des Conseils culturels de la communauté culturelle française et de la communauté culturelle néerlandaise. Il était par exemple impossible de composer le Conseil de la Communauté culturelle allemande de parlementaires et de lui accorder un pouvoir de même niveau, car c’est en fonction de cette composition que les Conseils culturels des deux autres communautés ont reçu un pouvoir législatif » ; Doc. Parl., Ch. repr., 1972-1973, 619/1, p. 2. ↩
Loi du 10 juillet 1973 relative au Conseil de la communauté culturelle allemande ; M.B., 14 juillet 1973. ↩
Sägesser C., Germani D., « La Communauté germanophone : histoire, institutions, économie », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1986, 2008, pp. 9-10 ; Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel,, op. cit., pp. 751-752. ↩
Voyez à ce sujet Uyttendaele M., « La réforme des assemblées législatives et le cumul des mandats », Rev. dr. ULB, 1990, pp. 93-95 ; Legast C., « Les élections régionales directes », R.B.D.C., 1994, pp. 284-289 et Velaers J., « Le cadre institutionnel des élections dans la Belgique actuelle, à la lumière du principe de représentation », in Bouhon F., Reuchamps M. (dir.), Les systèmes électoraux de la Belgique, 2e éd. Bruxelles, Larcier, 2018, pp. 130-131. ↩
En attendant une solution durable pour Bruxelles, la loi du 26 juillet 1971 organisant les agglomérations et les fédérations de communes (M.B., 24 août 1971) prévoit, notamment pour Bruxelles, l’élection directe des membres du Conseil d’agglomération. Ce conseil ne peut toutefois pas s’apparenter aux conseils culturels naissants. ↩
Anciens art. 59bis, 59ter et 59quater de la Constitution. ↩
Loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles (ci-après la LSRI) ; M.B., 15 aout 1980. Voyez Uyttendaele M., Précis de droit constitutionnel belge, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 728 et s. Notons que le projet de loi spéciale de réformes institutionnelles ne visait que « les sénateurs élus directs » (Doc. Parl., Sénat, 1979-1980, 434/1, p. 42). En outre, la répartition se fait toujours selon les groupes linguistiques, sauf pour le Conseil wallon où le critère déterminant est le lieu du domicile. Enfin, notons qu’à l’origine, les accords du Stuyvenberg entendaient, entre autres choses, consacrer l’élection directe au suffrage universel dans les entités fédérées (Doc. Parl., Ch. repr., 1977-1978, 461/1, p. 4). Aussi certains parlementaires ont plaidé, en vain, pour prévoir l’élection des Conseils au suffrage direct afin de réaliser pleinement l’autonomie des Régions et des Communautés (Doc. Parl., Sénat, 1979-1980, 434-2, p. 240). ↩
Voyez les art. 25, 28 et 29 de la LSRI et Uyttendaele M., Le fédéralisme inachevé, Bruxelles, Bruylant, 1991, p. 349. ↩
Voyez l’historique de sa suppression dans Arcq E., Blaise P., Lentzen E., « Enjeux et compromis de la législature 1988-1991 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1332-1333, 1991, pp. 17-18. ↩
Voyez notamment Uyttendaele M., Le fédéralisme inachevé, op. cit., pp. 350 et s. ; Vandernacht P., « Les nouvelles règles de fonctionnement et de composition des organes des entités fédérées à la lumière des dernières réformes institutionnelles », in Les réformes institutionnelles de 1993 – Vers un fédéralisme achevé ?, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 345 et s. ↩
Uyttendaele M., Le fédéralisme inachevé, op. cit., p. 351. ↩
Vandernacht P., « Les nouvelles règles de fonctionnement et de composition des organes des entités fédérées à la lumière des dernières réformes institutionnelles », op. cit., p. 346. ↩
Loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone ; M.B., 18 janvier 1984. ↩
Il est remarquable de constater que cette coïncidence des élections a été initialement justifiée « pour permettre la mise en place des nouvelles institutions bruxelloises dans le délai le plus rapproché » (Doc. Parl., Sénat, 1988-1989, 514-1, p. 5). Il convient cependant de noter que, conformément à l’article 11, alinéa 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (ci-après, la LSIB), les élections régionales suivant celles de 1989 n’ont pas eu lieu en 1994, mais en 1995, en même temps que les élections fédérales. ↩
Brassinne J., « Le dialogue de communauté à communauté : Avril-juillet 1992 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1369-1370, 1992, pp. 1-73. ↩
Delpérée F., Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles-Paris, Bruylant, L.G.D.J., 2000, p. 546. ↩
À l’exception dans un premier temps des 6 élus bruxellois dont l’élection directe ne sera consacrée que dans la loi spéciale du 13 juillet 2001 ; M.B., 3 août 2001. ↩
Rappelons également que cette élection directe, sur la base d’une assise territoriale claire, a pour conséquence de mettre fin à la possibilité pour les électeurs francophones des communes périphériques d’être représentées au sein du Parlement de la Communauté française. ↩
Compte tenu de son statut, nous n’évoquons pas ici la Commission communautaire flamande. ↩
Delpérée F. et Depré S., « Système constitutionnel de la Belgique », Rép. Not., T. XIV, Le droit public et administratif, Livre 1, Bruxelles, Larcier, 1998, n° 221. ↩
Art. 24, §1er, al. 1er, 2°, de la LSRI. ↩
Elst M., Van Looy L., Het Vlaams Parlement. Verkiezing en statuut van de Vlaamse volksverte-
genwoordigers, Anvers, Kluwer Rechtswetenschappen, 2004, pp. 104 et s. ↩Dumont H., « La dualité Communauté française – Région wallonne : sens ou non-sens ? », A.P.T., 1994, pp. 247 et s. ↩
Voyez infra le §35 ainsi que le numéro spécial de la Revue belge de droit constitutionnel consacré à ce sujet, R.B.D.C., 2018/1. ↩
Blaise P., Lentzen E. , « Les élections du 21 mai 1995. II. Les conseils de région et de communauté », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1483-1484, 1995, p. 22 et Blaise P., « Les résultats des élections législatives du 13 juin 1999 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1725-1726, 2001, p. 24. ↩
Loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés ; M.B., 3 août 2001. Voyez à ce sujet Nassaux J.P., « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Deuxième phase et accord », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1716-1717, 2001. ↩
Art. 20, §2, de la LSIB. ↩
Doc. Parl., Sénat, 2000-2001, 2-709/6. ↩
Cour Const., arrêt n° 35/2003 du 25 mars 2003 et arrêt n° 36/2003 du 27 mars 2003. Sur ces arrêts, voyez Vuye H., Desmecht C., Stangherlin K., « La cinquième réforme de l'État devant ses juges », J.L.M.B., 2003/17, pp. 718-749 et Boucquey P., De Broux P.-O., Delgrange X., Detroux L., Dumont H., Hachez I., Lombaert B., Tulkens F., Van Drooghenbroeck S., « La Cour d'arbitrage et Saint-Polycarpe : un brevet de constitutionnalité mal motivé – Le C.I.R.C. Centre interdisciplinaire de recherches en droit constitutionnel des Facultés universitaires Saint-Louis », J.T., 2003/25, n° 6103, pp. 521-537. ↩
Voyez l’art. 62, al. 2, de la Constitution, l’article 29, §1er, de la LSRI et l’art. 55, §2, de la loi de réformes institutionnelles du 31 décembre 1983 pour la Communauté germanophone. ↩
Art. 34 de la LSIB. ↩
Art. 37 de la LSIB. ↩
Delpérée F., « La Belgique est un État fédéral », J.T., 1993, p. 639. ↩
La Cour d’arbitrage a relevé, dans son arrêt n° 73/2003 du 26 mai 2003 à propos de la double candidature pour la Chambre et le Sénat qui avait été instaurée par l’article 6 de la loi du 13 décembre 2002 portant diverses modifications en matière de législation électorale, que « la mesure attaquée est de nature à tromper l’électeur puisqu’il ne peut pas apprécier l’effet utile de son vote. En outre, elle avantage sans justification raisonnable les candidats qui peuvent bénéficier de la double candidature » (§ B.16.3). Le Conseil d’État a quant à lui souligné, dans ses avis n° 49.444/2 et n° 49.445/2 du 14 juin 2011, que « la jurisprudence tirée de cet arrêt, qui ne concernait que l’élection simultanée à la Chambre des représentants et au Sénat, peut être étendue à toutes les élections simultanées d’assemblées parlementaires ». ↩
Art. 28bis, §2, al. 4 et 5, de la LSRI. ↩
Art. 24ter, de la LSRI. ↩
Art. 28bis, §2, al. 3, de la LSRI. ↩
Voyez les art. 65 et 117 de la Constitution. ↩
Velaers J., « De gewestelijke volksraadpleging en het Grondwettelijk Hof, de constitutieve autonomie van gemeenschappen en gewesten en de (niet-)samenvallende Europese, federale en deelstatelijke verkiezingen », in Velaers J. Vanpraet j., Peeters Y., Vandenbruwaene W. (dir.), De zesde staatshervorming : instellingen, bevoegdheden en middelen, Anvers, Intersentia, 2014, p. 260. Voyez également Bourgaux A.-E., « Pour une réforme de l’État citoyenne », C.D.P.K., 2019/2, pp. 437-447. ↩
En effet, dès 1988 lors des discussions relatives aux institutions bruxelloises, l’idée de rationaliser le calendrier et les opérations électorales est évoquée pour justifier la simultanéité des élections régionales et européennes et il est déjà acquis que les élections de tous les parlements de régions et communautés se feront selon des modalités de temps identiques à celles du Parlement bruxellois. ↩
Avis du 23 novembre 1988, Doc. Parl., Sénat, 1988-1989, 514-2, p. 63. La section de législation avait également mis en avant des motifs d’ordre technique incitant à proscrire ce régime de simultanéité. ↩
C’était d’ailleurs le même objectif qui était déjà poursuivi en 1988 lorsque le législateur, après avoir constaté que « la population s’oppose à des élections successives », avait considéré que la sagesse commandait de se lier à un des trois cycles d’élections existants (communales, législatives et européennes), sans en créer un quatrième (Doc. Parl., Sénat, 1988-1989, 514-2, p. 77). Finalement, l’article 11, al. 3, de la LSIB consacre cette volonté : « [les élections ultérieures] auront lieu à la même date que celle qui sera fixée pour le renouvellement intégral du Conseil flamand, du Conseil de la Communauté française et du Conseil régional wallon, lorsque les membres de ceux-ci seront élus directement en cette qualité ». Voyez à ce sujet Biard B., Blaise P., Faniel J., Istasse C., Sägesser C. « Les résultats des élections fédérales et européennes du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2433-2434, 2019. ↩
Ces discussions parallèles se sont même entrechoquées de manière spectaculaire lorsque le Président de la NV-A a décidé de temporiser la formation d’un gouvernement flamand en indiquant que « le manque de clarté de la situation politique au niveau fédéral plane comme une ombre au-dessus de la formation du gouvernement flamand » ; « Bart De Wever (N-VA) veut rester le maître du jeu », Le Soir, 2 juillet 2019, p. 4. ↩
En effet, la simultanéité des élections n’est pas constitutionnellement garantie dès lors que l’entrée en vigueur de cet aspect de la sixième réforme de l’État est conditionnée à l’adoption d’une loi spéciale qui concernera, d’une part, la simultanéité des élections fédérales et européennes (art. 65, al. 3, de la Constitution) et, d’autre part, la possibilité pour les entités fédérées de régler la durée de leur législature ainsi que la date de leur élection (art. 118 de la Constitution). ↩
Voyez notamment « Le CD&V ne dit ni oui ni non à la coalition Vivaldi » ; Le Soir, 1er septembre 2020, p. 8. ↩
Le niveau fédéral, ainsi que les niveaux francophone, flamand, bruxellois et germanophone. ↩
L’élection directe met également en lumière le statut spécifique de la Communauté française dont d’aucuns envisagent de la transformer en une fédération entre les entités « Wallonie » et « Bruxelles » voire en demander purement et simplement la suppression. Quoi qu’il en soit, les quatre entités fédérées qui connaissent l’élection directe constituent le socle de l’évolution du fédéralisme belge vers une « Belgique à quatre ». En ce sens, voyez Uyttendaele M., Verdussen M., « Réforme de l’Etat » in Uyttendaele M. et Verdussen M (dir.), Dictionnaire de la Sixième Réforme de l’Etat, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 732 ; El Berhoumi M., Losseau L., Van Drooghenbroeck S., « Vers une Belgique à quatre ? Les compétences communautaires à Bruxelles après la sixième réforme de l’État » in Vandenbossche E. (dir.), De Brusselse instellingen anno 2014 / Les institutions bruxelloises en 2014 », die Keure, Bruges, 2017, pp. 45 et s. et Dumont H., « La sixième réforme de l’État ou l’art de ne pas choisir ? », J.T., 2015/23, n° 6609, p. 500. ↩
Voyez notamment les art. 61, 62 et 64 de la Constitution. ↩
Peiffer Q., « L’autonomie constitutive des entités fédérées », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2350-2351, 2017. ↩
Voyez le décret spécial du 9 décembre 2010 limitant le cumul de mandats dans le chef des députés du Parlement wallon ; M.B., 22 décembre 2010. ↩
Voyez le décret spécial du 11 mai 2018 modifiant l'article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue d'instaurer l'obligation d'alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes pour l'élection des membres du Parlement wallon ; M.B., 28 mai 2018. ↩
Voyez le décret spécial du 2 mai 2019 modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d'hommes au sein du Gouvernement wallon ; M.B., 22 mai 2019. Sur ce sujet, voyez la contribution de Julien Pieret et de Joëlle Sautois dans le présent volume. ↩
Avant la sixième Réforme de l’État, voyez Berx C., « Een Grondwet voor de Belgische deelstaten? 'Lessen' uit het buitenland en de Europese Unie », in Peeters B., Velaers J. (éds.), De Grondwet in groothoekperspectief. Liber amicorum discipulorumque Karel Rimanque, Anvers, Intersentia, 2007, p. 244 ; Berx C., De ruime grondwetgevende bevoegdheid van deelstaten : een rechtsvergelijkende studie, Anvers, Maklu, 1994 ; Nihoul M., Barcena F.-X., « Le principe de l’autonomie constitutive : le commencement d’un embryon viable » et Judo F., « Constitutieve autonomie anno 2010 : onmiskenbare stilstand of onderhuidse evolutie », in De Becker A., Vandenbossche M. (éds.), Eléments charnières ou éléments clés en droit constitutionnel. Le principe de l’autonomie constitutive, les articles 35 et 195 de la Constitution, Bruges, La Charte, 2011 ; Ergec R., « Le paysage institutionnel après la quatrième réforme de l’État », A.P.T., 1994, p. 121 ; Judo F., « Deelstatelijk Staatsrecht in België - Theorie en praktijk van constitutieve autonomie en bijzondere decreten », C.D.P.K., 2006/2, pp. 250-279 ; Leus K., « Constitutieve autonomie in een middelpuntvliedend federalisme », in Sybesma-Knol N., Van Bellinghen J. (éds.), Naar een nieuwe interpretatie van het Recht op Zelfbeschikking ?, Bruxelles, VUBPRESS, 1995 ; Mertes C., « L’autonomie constitutive des Communautés et des Régions », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1650-1651, 1999 ; Tulkens F., « L’ ‘autonomie constitutive’ : nouveau concept de droit constitutionnel belge ? », A.P.T., 1994, p. 164 ; Uyttendaele M., « L’autonomie constitutive en droit fédéral belge », A.P.T., 1993/4, p. 227 et Vandernacht P., « Les nouvelles règles de fonctionnement et de composition des organes des entités fédérées à la lumière des dernières réformes institutionnelles », op. cit., p. 343. ↩
Art. 26bis de la LSRI. ↩
Art. 25, §2, de la LSRI. ↩
Art. 29 de la LSRI. ↩
Art. 25, §1er, de la LSRI. ↩
Art. 29ter de la LSRI. ↩
Art. 25, §1er, de la LSRI, a contrario. ↩
Art. 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution ; l’article 28, alinéa 5, de la LSIB. ↩
Notons cependant que l’article 39bis de la Constitution exclut les matières liées aux finances ou au budget ou celles qui doivent être réglées à une majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Tout débat à caractère institutionnel est donc exclu du mécanisme de démocratie directe instauré au niveau régional. ↩
Regeerakkoord van de Vlaamse Regering 2019-2024, octobre 2019, p. 18 disponible en ligne in [https://www.vlaanderen.be/publicaties/regeerakkoord-van-de-vlaamse-regering-2019-2024], p. 18. ↩
Art. L4111-1 du Code de la démocratie locale ; art. 62 du Code électoral bruxellois ; art. 249 du décret flamand électoral local et provincial du 8 juillet 2011 (M.B., 25 août 2011). ↩
Art. 62 de la Constitution ; art. 26bis de la LSRI ; art. 21 de la LSIB ; art. 4 de la loi du 6 juillet 1990 réglant les modalités de l’élection du Parlement de la Communauté germanophone (M.B., 20 juillet 1990) ; art. 39 de la loi du 23 mars 1989 relative à l’élection du Parlement européen. Au niveau local, voyez par exemple l’article L4111-1 du Code de la démocratie locale. ↩
Art. 2 du Code électoral tel qu’inséré par la loi du 18 décembre 1998 modifiant le Code électoral en vue d’octroyer le droit de vote aux Belges établis à l’étranger pour l’élection des chambres législatives fédérales ; M.B., 31 décembre 1998. ↩
Avis n° 25.386/2 donné le 16 avril 1997 sur une proposition de loi ‘modifiant le Code électoral, en vue de permettre aux Belges résidant à l’étranger de participer aux élections législatives’ (Doc. Parl., Sénat, 1995-1996, 162/2) ; avis n° 27.251/2 donné le 28 janvier 1998 sur une proposition de loi ‘modifiant le Code électoral, en vue de permettre aux Belges résidant à l’étranger de participer à l’élection des sénateurs élus directement’ (Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, 610/3) ; avis n° 28.179/2/V donné le 2 septembre 1998 sur l’avant-projet devenu la loi du 18 décembre 1998 modifiant le Code électoral en vue d’octroyer le droit de vote aux Belges établis à l’étranger pour l’élection des Chambres législatives fédérales (Doc. Parl., Ch. repr., 1997-1998, 1742/1) ; avis n° 30.271/2 donné le 6 décembre 2000 sur l’avant-projet devenu la loi du 7 mars 2002 ‘modifiant le Code électoral en vue d’octroyer le droit de vote aux Belges résidant à l’étranger pour l’élection des Chambres législatives fédérales et instaurant la liberté de choix du mandataire en cas de vote par procuration’ (Doc. Parl., Ch. repr., 2000-2001, 1378/1). ↩
Avis n° 51.196/AG du 2 mai 2012 sur une proposition devenue loi du 19 juillet 2012 portant modification du Code électoral, en ce qui concerne le vote des Belges à l’étranger (Doc. Parl., Ch. repr., 2011-2012, 53-2139/2). ↩
Dumont H., Van Drooghenbroeck S., « L’interdiction des sous-nationalités à Bruxelles », A.P.T., 2011/3, p. 203. ↩
Nous nous sommes inspirés des éléments caractéristiques proposés par les auteurs cités ci-dessous. Seuls les derniers auteurs cités se sont risqués à une définition que nous n’avons pas totalement reprise, car ils considèrent, d’une part, que le parlementarisme rationalisé repose sur des règles juridiques écrites, alors que, selon nous, ces règles ne le sont pas nécessairement et, d’autre part, parce qu’ils n’insistent pas suffisamment sur l’objectif d’équilibre entre la stabilité et les évolutions politiques en ne retenant que le premier objectif de stabilité. Or s’il est vrai qu’historiquement le parlementarisme rationalisé a pour objectif d’assurer plus de stabilité gouvernementale, il n’en demeure pas moins que l’ensemble des mécanismes qui découlent de ce vocable tente de réaliser un compromis sans essayer de barricader le pouvoir. Voyez à ce sujet Mirkine-Guetzévitch B., Les Constitutions de l’Europe nouvelle, 10e éd., Paris, Delagrave, 1938, pp. 14-22 ; Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 15 ; Vande Lanotte J, Goedertier G., Haeck Y., Goosens J., De Pelsmaeker T., Belgisch Publiekrecht, t. 1, Bruges, die Keure, 2015, pp. 213-214 ; Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 275-276 et El Berhoumi M., Romainville C., « Le parlementarisme rationalisé des entités fédérées : vecteur d’instabilité », R.B.D.C., 2018/1, pp. 14-15. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1979-1980, 434/1, p. 52. ↩
Art. 46 de la Constitution. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1977-1978, 461/1, p. 19 ; Doc. Parl., Ch. repr., 1979‑1980, 627/10, pp. 143- 144. Voyez aussi Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op. cit., p. 201 ; Leroy M., « Les régions et les communautés, bancs d’essai de réformes nationales », in Uyttendaele M. (coord.), À l’enseigne de la Belgique nouvelle, Bruxelles, Éditions de l’ULB, 1989, p. 145 ; Uyttendaele M., « La réforme des assemblées législatives et le cumul des mandats », Rev. dr. ULB, 1990, p. 94 et El Berhoumi M. et Romainville C., « Le parlementarisme rationalisé des entités fédérées : vecteur d’instabilité », op. cit., p. 31. ↩
Anciens articles 65, 66 et 67 de la LSRI. Voyez également, Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 754 (note n° 63). ↩
Anciens articles 71, 72 et 75 de la LSRI. ↩
Ancien article 70 de la LSRI. ↩
Avis n° 13.622, 6 juin 1980, p. 13 et avis n° 13.424, 13 aout 1979, p. 3. ↩
Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op. cit., p. 187. ↩
Art. 59 et 60 de la LSRI. ↩
Doc. Parl., Ch. Repr., 1979‑1980, 627/10, p. 144. ↩
Service des affaires juridique de la Chambre, Note interne sur la question de confiance (relayée dans son intégralité par RTL), décembre 2018, disponible en ligne in [https ://www.rtl.be/info/Belgique/politique/faut-il-un-vote-de-confiance-pour-le-gouvernement-michel-voici-la-reponse-du-service-juridique-de-la-chambre-10839 4.aspx] ; Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op*. cit.* p. 229 ; Y. Lejeune, Droit constitutionnel belge, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 682 ; Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », R.B.D.C., 2019/4, pp. 34 -349 et pp. 356-357 et Velaers J., « Honderd jaar vertrouwensstemmingen in de rege ing (1919-2018) : een gewoonte die de crisis over het Marrakesh-pact overleeft », T.B.P., 2020/1, pp. 10 et 11. ↩
Art. 72, al. 3 et 4 de la LSRI ; Art. 51 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. Voyez Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », op. cit., pp. 348-349. ↩
Art. 72, al. 4 de la LSRI. ↩
Pour une analyse de ces règles voyez entre autres Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op. cit., pp. 188-202, pp. 217-253 et pp. 262-266 ; Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 274-278 ; El Berhoumi M. et Romainville C., « Le parlementarisme rationalisé des entités fédérées : vecteur d’instabilité », op. cit., pp. 20-28 ; Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », op. cit., pp. 342-353 et pp. 378-383. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1988-1989, 514/2, p. 77. ↩
Art. 116, §2 de la Constitution. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑1, p. 4. ↩
Sur le caractère tautologique de cette expression, voyez Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op. cit., pp. 160-162 et El Berhoumi M. et Romainville C., « Le parlementarisme rationalisé des entités fédérées : vecteur d’instabilité », op. cit., p. 15, (note n° 9). Voyez également au sujet des parlements de législature, Muylle K., « Legislatuurparlement of legislatuurregering, een hervorming naar bestaande voorbeelden ? », Jur. Falc., 1992-1993, pp. 127-156 et Alen A, Clement J, « “Legislatuurregering” en “legislatuurparlement” : politieke gadgets of een wezenlijke innovatie ? », in Alen A., Suetens L.-P. (éds.), Het federale België na de vierde Staatshervorming. Een commentaar op de nieuwe Grondwet en haar uitvoeringswetten, Bruges, die Keure, 1993, pp. 195-226. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑6, p. 65. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑6, p. 77. Certains auteurs, comme Francis Delpérée et Xavier Reumont, partagent cet avis. Le premier considère qu’en l’absence de droit de dissolution, on fait face à un régime «semi-parlementaire » ; là où le second estime qu’il y a abandon de la logique parlementaire (Reumont X., « Le parlementarisme rationalisé en Belgique », Ann. Dr., 1994, p. 215 et Delpérée F., Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit., p. 858). D’autres auteurs lient cette critique à la définition qui est donnée au parlementarisme. Ainsi selon qu’on élève ou non la dissolution des parlements au stade d’élément essentiel ou de simple variante constitutionnelle du parlementarisme, les avis divergeront forcément (Tanchev E., « Parliamentarism Rationalized », East European Constitutional Review, 1993, p. 34 ; Bradley A.W., Pinelli C., « Parliamentarism », in Rosenfeld M., Sajò A. (éds.), The Oxford Handbook of Comparative Constitutional Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, pp. 664- 665 et El Berhoumi M. et Romainville C., « Le parlementarisme rationalisé des entités fédérées : vecteur d’instabilité », op. cit., pp. 16-17). ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑6, pp. 40-41. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑6, p. 59. ↩
Depuis lors, la dépendance des organes régionaux et communautaires se conçoit désormais plus vis-à-vis des autres organes régionaux ou communautaires, comme le montre, par exemple, clairement la composition du Parlement de la Communauté française complètement dépendante de la composition du Parlement wallon et du groupe linguistique français du Parlement bruxellois. ↩
Motion de méfiance constructive en application de l’article 71 de la LSRI, C.R.I., Parl. Rég. wall., 2016-2017, séance plénière du 28 juillet 2017, pp. 1-10. ↩
Voyez sur cette crise le numéro spécial consacré par la Revue belge de droit constitutionnel sur le sujet « Crise politique francophone de l'été 2017 », R.B.D.C., 2018/1. Voyez également Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », op. cit., pp. 351-352. ↩
Par ailleurs, lorsqu’un tel blocage survient dans les entités fédérées, une procédure subsidiaire de désignation des ministres par scrutin individuel et séparé est applicable, de sorte qu’il est possible que des ministres qui n’ont pas l’envie ou l’affinité politique suffisante pour suivre un cap commun de gouvernance se retrouvent dans un gouvernement. L’espérance de vie d’un tel gouvernement est ainsi fortement menacée, ce qui réduit la stabilité des institutions (art. 60, § 2, de la LSRI ; art. 35, § 2, de la LSRI ; art. 49, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone). Voyez également Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », op. cit., pp. 345-349 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 449-452. Il faut toutefois nuancer ce propos dans la mesure où, au fédéral, la motion de confiance est obligatoire à chaque fois qu’un nouveau gouvernement se forme, alors qu’elle ne l’est pas dans les entités fédérées. Cette différence tient au fait que le fédéral connait un régime parlementaire dit « dualiste » tandis que les entités fédérées fonctionnent avec un régime parlementaire « moniste ». Cela implique que pour le premier, le Roi désigne le gouvernement. Étant donné l’érosion progressive des pouvoirs effectifs du Roi compte tenu des exigences démocratiques, il est indispensable que le gouvernement réclame la confiance du Parlement (art. 96 et 104 de la Constitution ainsi que la coutume constitutionnelle). En revanche, dans les entités fédérées, l’assemblée désigne ses ministres de sorte qu’il ne parait plus nécessaire de demander la confiance (art. 122 de la Constitution). Sur ces questions voyez Lauvaux P., Parlementarisme rationalisé et stabilité du pouvoir exécutif. Quelques aspects de la réforme de l’Etat confrontés aux expériences étrangères, op. cit., p. 264 et Rigaux L., « Les gouvernements minoritaires en Belgique. Leur formation et l’étendue de leur pouvoir au regard de leur légitimité démocratique », cit., p. 341. À la lumière de cette précision, on peut comprendre que les exigences procédurales d’une obligation soient moins strictes que celles d’une faculté. ↩
Hermans R., « Patricia Potigny quitte le MR et rejoint les listes Destexhe : “Il n’y avait plus de ligne claire” », RTBF Info, 18 mars 2019, disponible en ligne in [https://www.rtbf.be/info/regions/detail_patricia-potigny-quitte-le-mr-et-rejoint-les-listes-destexhe-il-n-y-avait-plus-de-ligne-claire?id=10173861]. ↩
Doc. Parl., Ch. repr., 1992-1993, 725‑6, p. 64. ↩
Leroy M., « Les régions et les communautés, bancs d’essai de réformes nationales », in Uyttendaele M. (coord.), A l’enseigne de la Belgique nouvelle, op. cit., p. 151. ↩
Cette solution nous parait impraticable parce qu’elle reviendrait à donner à certains Bruxellois le droit de voter, au sein d’une même législature, pour des députés qui siègeraient au Parlement de la Communauté française et pour des députés qui siègeraient au Parlement de la Communauté flamande. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1969-1970, 424, p. 13. ↩
Ancien article 3bis dernier alinéa de la Constitution désormais devenu l’article 4, dernier alinéa de la Constitution. Voyez Doc. Parl, Sénat, 1969-1970, 402, p. 12. Voyez une liste des matières font l’objet des lois spéciales dans Lejeune Y., Droit constitutionnel belge, op. cit., pp. 96-97. Pour la répartition en groupes linguistiques, voyez la loi du 3 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux conseils culturels pour la communauté culturelle française et pour la communauté culturelle néerlandaise ; M.B., 6 juillet 1971. ↩
Ancien article 86bis de la Constitution, désormais art. 99, al. 2 de la Constitution ↩
Doc. Parl., Sénat, 1968-1969, 347, p. 12. Voyez sur cette question, voyez Reuchamps M., La parité linguistique au sein du conseil des ministres, Mémoire de fin d’études, Université de Liège, 2004-2005, pp. 7-8. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1968-1969, 347, p. 15. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1969-1970, 424, p. 13. ↩
Art. 54 de la Constitution. Sur cette procédure voyez Sinardet D., « Le fédéralisme consociatif belge : vecteur d’instabilité ? », Pouvoirs, n° 136, 2011, pp. 30-31 ; Lejeune Y., Droit constitutionnel belge, op. cit., pp. 559-560 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 372-376. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1969-1970, 424*,* p. 30. ↩
Voyez sur cette démission en cas de désaccord Doc. Parl., Sénat, 1969-1970, 424*,* p. 4 et p. 29 ; Doc. parl, 1968, 10-35/2, p. 3 ainsi que El Berhoumi M., Pitseys J., Woelfle A., « L’obstruction parlementaire en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP*,* n° 2289-2290, 2016, p. 43 et Lejeune Y., Droit constitutionnel belge, op. cit., p. 560. ↩
Ibidem, p. 12. ↩
Il s’agit de la situation issue des élections du 26 mai 2019. ↩
En effet, pour atteindre 75 % du groupe linguistique français, il faut quarante-cinq députés (75,4 %). ↩
Voyez sur son historique : Motion, C.R.I., Ch. repr., 1984-1985, 4 juillet 1985, p. 3146. Voyez aussi Dumont P., De Winter L., Dandoy R., « Démissions gouvernementales et performances électorales des majorités sortantes (1946-1999) », Courrier hebdomadaire, CRISP*,* n° 1722, 2001, p. 28 ; Govaert S., « Les discussions communautaires sous le gouvernement Leterme II (2009-2010) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2126, 2012, pp. 29-30 et Blero B., « Bruxelles-Hal-Vilvorde, couronne d’épines de l’État fédéral belge ? », Pouvoirs, n° 136, 2011, pp. 113-114. ↩
Par exemple, le gouvernement De Croo est composé de cinq secrétaires d’État dont trois francophones et deux néerlandophones. Le gouvernement Michel I comptait quant à lui quatre secrétaires d’État, tous néerlandophones afin de compenser le fait que le MR comptabilisait la moitié des ministères dans la mesure où il était le seul parti francophone du gouvernement. ↩
Voyez notamment les discours de de Mérode F. du 14 décembre 1830, de Delehaye J. du 15 décembre 1830 et de Devaux P. du 16 décembre 1830 dans Huyttens E., Discussions du Congrès national de Belgique, t. 1, Bruxelles, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, pp. 420, 490 et 513. ↩
Stengers J., « Les caractères généraux de l’évolution du Sénat depuis 1831 », Les réformes institutionnelles de 1993 : vers un fédéralisme achevé ? Actes du colloque organisé le 6 octobre 1989 par le Centre de droit public de la Faculté de droit de l’ULB, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 27-31. ↩
Voyez à ce sujet Stepan A. C., « Federalism and Democracy: Beyond the U.S. Model», op. cit., pp. 26-27 ; Van Der Biesen G., « De nieuwe wetgevingsprocedure », in Alen A. et al. (dir.), Het federale Belgïe na de Zesde Staatshervorming, Bruges, Die Keure, 2014, pp. 131-139 ; Rigaux L., « Pour une réforme du Sénat. La chambre des entités fédérées, véritable lieu de coordination multipolaire et de pacification du fédéralisme belge », C.D.P.K., 2019/2, pp. 383-385 et pp. 389-395 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel., op. cit., pp. 822-835. ↩
Doc. Parl., Sénat, 1991-1992, 5-100-20/1, pp. 1 et 2. Voyez entre autres pour certaines critiques ou certaines perspectives de réformes Goosens C., « Le bicaméralisme en Belgique et son évolution », in Liber amicorum F. Dumon, t. Il, Anvers, Kluwer, 1983, pp. 835-838 ; Henrion R., « Une chambre d’enregistrement », Journ. Proc., 14 novembre 1986, p. 7 ; Uyttendaele M., « Le Sénat et la réforme des institutions », Courrier hebdomadaire, CRISP*,* n° 11-12, 1988 , pp. 25-33 et pp. 40-50 ainsi que Beirlaen A., « De voorstellen tot hervorming van de Senaat seder de tweede wereldoorlog » et Leroy M., « Le Sénat dans le nouvel État belge questions et perspectives »in La réforme du Sénat. Actes du colloque organisé à la Maison des Parlementaires le 6 octobre 1989 par le Centre de droit public de la Faculté de Droit de l’Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Bruylant, 1990, pp. 45-70 et p. 89. ↩
En 1993, l’article 119 de la Constitution met fin au système du double mandat, mais il prévoit une exception pour ces sénateurs. ↩
Ancien article 67 de la Constitution. ↩
Sohier J., « La réforme du Sénat et la nouvelle organisation du bicaméralisme », in Les réformes institutionnelles de 1993 vers un fédéralisme achevé ?, Actes du colloque organisé dans la salle du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale le 26-27 mars 1993 par le Centre de droit public de la Faculté de Droit de l’Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 398-407. ↩
Ancien article 67 de la Constitution ↩
Doc. Parl., Sénat, 1991‑1992, 100‑20/2, p. 34. ↩
Ancien article 68 de la Constitution. ↩
Magnette P., « Le parlementarisme dans une démocratie de compromis. Réflexions sur le cas belge », in Vers un renouveau du parlementarisme en Europe ?, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2004, p. 99 et Delwit P., La vie politique en Belgique de 1830 à nos jours, 2e édition, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2010, p. 371. ↩
L’expression « Sénat des entités fédérées » est reprise dans l’Accord de gouvernement, Un État fédéral plus efficace et des entités plus autonomes. La sixième réforme de l’État, 11 octobre 2011, p. 7. Voyez également dans ce sens Doc. Parl., Sénat, 2013-2014, 5-1720/3, p. 8. ↩
Doc. Parl., Sénat, 2013-2014, 5-1720/1, p. 2. ↩
Art. 68, §1er, al. 3 de la Constitution combiné avec l’article 210decies du Code électoral. ↩
Art. 67, §1er, 6° et 7° de la Constitution. ↩
Voyez au sujet de ce principe de participation et de son rôle essentiel dans le fédéralisme : Rivero J., Fédéralisme et décentralisation dans la structure de l’État moderne, cours commun, École nationale d’administration, Paris, 1949, p. 157 ; Bowie R.R. et Friedrich C. J., Études sur le fédéralisme, Paris, L.G.D.J., 1960, pp. 12-13 ; Delmartino F. et Deschouwer K., « Les fondements du fédéralisme », Le fédéralisme. Approches politique, économique et juridique, Centre d’étude du fédéralisme, Bruxelles, De Boeck, 1994, pp. 12-13 ; Parent C., Le concept d'État fédéral multinational : Essai sur l'union des peuples, Bruxelles, Peter Lang, 2011, pp. 422-423 ; Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 739-741 et Rigaux L., « Pour une réforme du Sénat. La chambre des entités fédérées, véritable lieu de coordination multipolaire et de pacification du fédéralisme belge », op. cit., pp. 381-394. ↩
Uyttendaele M., « Les grands axes d’une nouvelle réforme du Sénat », Quelles réformes pour le Sénat ? Proposition de 16 constitutionnalistes, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 30. Voyez aussi Lijphart A., Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-six Countries, 2e éd., New Haven, Yale University Press, 2012, p. 38. ↩
Nous sommes partis du postulat que la Région de Bruxelles-Capitale est représentée bien que nous avons vu que ce n’était pas réellement le cas. ↩
Il faut toutefois nuancer cette affirmation dans la mesure où la composition du Sénat est arrêtée par la Constitution de sorte qu’elle ne fluctue pas, comme celle de la Chambre au gré des évolutions démographiques. Constitutionnellement, la répartition des sièges n’est donc pas proportionnelle, mais à l’heure actuelle, elle l’est dans les faits. ↩
Recensement de la population applicable pour les dix prochaines années. Voyez Arrêté royal du 19 novembre 2012 portant publication des chiffres de population à prendre en considération pour effectuer la répartition des membres de la Chambre des représentants entre les circonscriptions électorales ; M.B., 27 novembre 2012. ↩
Il n’est pas pris en compte des députés selon leur groupe linguistique, mais selon le nombre de sièges par circonscription. ↩
Sur les dix, trois doivent appartenir au groupe linguistique français ↩
2014-2019 : aucun bruxellois, 2019-… : aucun bruxellois ↩
En retirant les électeurs des neuf communes germanophones. ↩
En retirant les électeurs des neuf communes germanophones. ↩
On a retiré celui qui est doit habiter à Bruxelles le jour des élections ↩
En 2014 et en 2019, le sp.a a à chaque fois désigné un Bruxellois à savoir Bert Anciaux. ↩
Art. 80 de la Constitution de l’Inde. ↩
Durant la législature 2014-2019, ils étaient douze et non dix parce que Christophe Lacroix (PS) a été désigné comme sénateur coopté avant de devenir ministre wallon. Il a donc laissé sa place à Philippe Mahoux (PS). Il a finalement récupéré sa place en 2017 lorsque le gouvernement wallon PS-cdH a été renversé par une nouvelle majorité MR-cdH. Par ailleurs, Benjamin Dalle (CD&V) a remplacé Steven Vanackere (CD&V) au début de l’année 2019 dans la mesure où ce dernier a intégré la direction de la Banque nationale de Belgique. ↩
Il s’agit de Jan Becaus, un journaliste devenu sénateur NV-A et de Maud Vanwalleghem, une consultante, préalablement directrice de la Liga voor Mensenrechten et proche du CD&V pour y avoir travaillé qui est devenue sénatrice cooptée. ↩
Bien sûr, ces chiffres ne donnent qu’une indication quant au rôle des sénateurs cooptés. Ils doivent être nuancés parce qu’un expert peut s’être présenté aux élections puis être repris en tant que sénateur coopté. Toujours est-il que les sénateurs cooptés n’ont aucune légitimité démocratique pas plus qu’ils ne représentent une entité fédérée. ↩
Stepan A. C., « Federalism and Democracy: Beyond the U.S. Model », op. cit., p. 23-25 et Lijphart A., Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-six Countries, op. cit., p. 38. ↩
Voyez à ce propos Matthys H., « De hervorming van de Senaat », C.D.P.K., 2013/1, p. 58 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 833. ↩
Stepan A. C., « Federalism and Democracy: Beyond the U.S. Model », op. cit., p. 24-25. ↩
Voyez notamment Verdussen M., « Les données comparatives », in Delpérée F. (dir.), La procédure de révision de la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 101 et les sources citées. ↩
Delpérée F. (dir.), La procédure de révision de la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 2003 ; B. Blero, « L’article 195 de la Constitution, une pierre angulaire à retailler ? », et Vandenbossche E., « De Herziening van artikel 195 van de Grondwet. Een noodzaak tot demystificatie », in De Becker A., Vandenbossche E. (éds), Scharnier- of sleutel-elementen in het grondwettelijk recht/Eléments charnières ou éléments clés en droit constitutionnel, Bruxelles, La Charte, Bruges, die Keure, 2001, spéc. pp. 15‑29 et pp. 59-86 et Scholsem J.-C., « Brèves réflexions sur une éventuelle révision de l’article 195 de la Constitution », R.B.D.C., 1999, pp. 99-105. ↩
Il s’agit des Constitutions des pays suivants : États-Unis, Allemagne, Suisse, Canada et Inde. ↩
Dumont H., Delgrange X. et Van Drooghenbroeck S. rejettent à cet égard une critique consistant à dire qu’au regard de l’article 42 de la Constitution, les membres des groupes linguistiques ne sont pas les mandataires de communautés. Selon eux, ces membres « n’en sont pas moins les représentants indirects des Communautés, eu égard à leur appartenance linguistique et compte tenu soit du collège électoral d’où ils proviennent, soit de leur mode de désignation » ; « La procédure de révision de la Constitution : suggestions », in F. Delpérée (dir.), La procédure de révision de la Constitution, op. cit., p. 147. Il n’en reste pas moins que ce point de vue, qui continue de structurer l’État belge en deux composantes, revient à effacer la consécration constitutionnelle de la Région wallonne en tant que telle, de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Communauté germanophone. Compte tenu des évolutions de ces trois composantes, cette simplification résiste de moins en moins en fait et semble inadmissible en droit. ↩
Un tel mandat impératif permettrait de garantir le débat démocratique au niveau des entités fédérées – et, à ce titre, une participation de celles-ci – sans risque de voir une entité bloquer par son seul vote le processus de révision de la Constitution. Le principal défaut d’une telle solution tient dans le fait que, quelle que soit la manière d’organiser le principe de majorité, on se heurtera à des problèmes politiques insolubles. En effet, si la majorité est établie sur la base du vote des sénateurs (préservant par là le poids dominant de la Communauté flamande), le poids de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Communauté germanophone est quasi inexistant et, en tout cas, pas de nature à bloquer une révision qui porterait atteinte à leurs intérêts. Si, en revanche, la majorité est établie sur la base des types de sénateurs (et donc selon une logique de bloc de votes représentant le vote d’une entité choisissant ses sénateurs), on voit immédiatement, d’une part, la potentielle marginalisation de la Communauté flamande et, d’autre part, la surreprésentation de la Communauté germanophone ou de la Région de Bruxelles-Capitale. ↩
Compte tenu du nombre limité de partenaires à la fédération, on aura tôt fait de déduire de n’importe quelle formule quelle entité est essentielle et laquelle ne l’est pas. On a, en effet, du mal à imaginer une formule dans laquelle les Flamands ou les Wallons ne suffiraient pas ou dans laquelle la Région de Bruxelles-Capitale pourrait être l’élément bloquant. ↩
Cette partie est une version résumée d’une étude plus détaillée de Lucien Rigaux à paraître dans un courrier hebdomadaire du CRISP. ↩
Ancien art. 107ter de la Constitution, désormais art. 142 de la Constitution ; loi du 28 juin 1983 portant l'organisation, la compétence et le fonctionnement de la Cour d'arbitrage (M.B., 8 juillet 1983) ; loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (M.B., 7 janvier 1989). ↩
Voyez notamment les anciens articles 17 à 23 de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles qui ont essentiellement été déplacés aux articles 2 à 6bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État ; M.B., 21 mars 1973. Dans un cadre plus général sur les procédure de concertation et de résolution de conflits, voyez Van Wauven L., Federalisme, utopie of mogelijkheid ? Het probleem Brussels, Nederlandsche Boekhandel, Anvers, 1970, p. 49 ; Ergec R., « Les aspects juridiques du fédéralisme », in Centre d’étude du fédéralisme, Le fédéralisme. Approches politique, économique et juridique, De Boeck, 1994, p. 50 ; Owana J., Droits constitutionnels et institutions politiques du monde contemporain. Étude comparative, Paris, l’Harmattan, 2010, pp. 37-43 ; Vande Lanotte J, Goedertier G., Haeck Y., Goosens J., De Pelsmaeker T., Belgisch Publiekrecht, op. cit., p. 221 et Peeters Y., De plaats van samenwerkingsakkoorden in het constitutioneel kader, Bruges, die Keure, 2016, pp. 23-30. ↩
Art. 32 à 33bis de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles ; M.B., 15 aout 1980. ↩
Le lecteur attentif aura remarqué que la Commission communautaire néerlandaise est exclue et que le Parlement flamand semble pouvoir enclencher la procédure deux fois : l’une au titre de ses compétences régionales, l’autre au titre de ses compétences communautaires (voyez pour plus d’explication l’article de Rigaux L. à paraitre dans un courrier hebdomadaire du CRISP). ↩
CRISP, « Conflit d’intérêts », Vocabulaire politique, 2020, disponible en ligne in [http://www.vocabulairepolitique.be/conflit-d-interets/]. Cette procédure existe aussi pour les exécutifs, mais nous ne l’aborderons pas dans le cadre de cette contribution. ↩
Art. 32, §1erbis de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles. ↩
Art. 32, §1erter de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles. ↩
Art. 32, §1erquater de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles. ↩
Art. 65 de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l’État ; M.B., 20 juillet 1993. ↩
Plus précisément, le Comité de concertation est composé du Premier ministre et de cinq autres membres du gouvernement fédéral, des ministres présidents de l’exécutif flamand, de l’exécutif wallon, de l’exécutif de la Communauté française, de l’exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale et d’un membre de l’exécutif régional bruxellois qui appartient à l’autre groupe linguistique que celui du ministre président.
Le ministre président de la Communauté germanophone ne siège avec voix délibérative que pour les conflits qui intéressent sa communauté (art. 31 de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles). Néanmoins, il est de tradition qu’il soit invité à toutes les réunions du Comité de concertation. Par ailleurs, la Commission communautaire française n’est pas directement représentée alors qu’elle peut adopter des motions en conflit d’intérêts et que ses décrets peuvent en faire l’objet. En effet, la Région de Bruxelles-Capitale est représentée par le ministre président, jusqu’à ce jour toujours francophone, et par un autre membre du gouvernement qui devrait en principe faire partie du groupe linguistique néerlandais, mais ni l’un ni l’autre ne représente directement leur commission communautaire. ↩
Art. 32, §1erquater, premier alinéa de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles. ↩
Si on peut comprendre l’exclusion du Sénat, on comprend moins pourquoi le législateur en 1999 a décidé d’élargir cette interdiction aux motions adoptées par la Chambre, d’autant que depuis la sixième réforme de l’État, le Sénat n’est plus composé d’élus directs. ↩
Art. 32, §1erquater, dernier alinéa de la loi du 9 aout 1980 de réformes institutionnelles. ↩
Notons toutefois six réformes touchant la procédure de conflits d’intérêts. Premièrement, après 1989, la procédure peut être clôturée si les chambres réunies de la section de législation du Conseil d’État rendent un avis qui constate un conflit de compétence. Deuxièmement, en 1993, le nouvel article 143 de la Constitution prévoit que la procédure tendant à prévenir et à régler les conflits d'intérêts ne peut être organisée que par une loi spéciale alors qu’auparavant, une loi à la majorité simple suffisait. Troisièmement, en 1993, toujours, le Sénat devient compétent pour rendre des avis au Comité de concertation. Quatrièmement, le législateur spécial prévoit, en 1999, qu’une motion ne peut pas viser un projet ou une proposition de norme législative qui a déjà fait l’objet d’une motion par la même assemblée, sauf si le projet ou la proposition a depuis lors été amendé. Cinquièmement, l’article 143 de la Constitution est modifié en 2012 pour exclure des procédures en conflit d’intérêts « les lois relatives à la base imposable aux tarifs d'imposition, aux exonérations ou à tout autre élément intervenant dans le calcul de l'impôt des personnes physiques ». ↩
, Doc. Parl., Parl. fl., 2017-2018, 1644/1 ; Doc. Parl., Parl. fl., 2018-2019, 1879/1. ↩
Doc. Parl., Parl. Rég. Brux. Cap., 2016-2017, 550/1. ↩
Doc. Parl., Vl. Parl., 2004-2005, 824/1. ↩
Doc. Parl., Parl. Com. fr., 2005-2006, 286 et 287 ; Doc. Parl., Parl. wal., 2005-2006, 370 et 417. ↩
Doc. Parl., Parl. Com. fr., 2006-2007, 507/1 ; Doc. Parl., Ass. Co. co. fr., 2007-2008, 140/1 ; Doc. Parl., Parl. wal., 2008-2009, 908/1. ↩
Doc. Parl., Parl. fl., 2006-2007, 1163/1. ↩
Dans son histoire, très rares sont les motions pour lesquelles il a précisé les compétences sur la base desquelles il agissait. À notre connaissance, il ne l’a fait que deux fois : une lors de la seconde motion contre le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, et une autre dans une motion qui contestait certaines dispositions du plan de relance économique fédéral pour tenter d’endiguer la crise économique de 2008 (Vlaams Parlement, Handelingen, n° 30, 18 février 2009, p. 50). ↩
À notre estime, le procédé peut être valable si à chaque motion le Parlement précise dans quel cadre il agit et si on considère que ce dédoublement ne vaut que pour les parlements dont la composition change. Ce n’est donc pas le fait d’exercer des compétences communautaires ou régionales qui offre cette possibilité, mais le fait que le Parlement flamand et donc aussi le wallon, sont polyformes selon la compétence qu’ils exercent. ↩
Ce droit pourrait être indéniablement octroyé au Parlement wallon dont la composition change selon la compétence qu’il exerce. En revanche, le Parlement germanophone garde la même composition, quelle que soit la compétence qu’il exerce. ↩
Habituellement à l’écart des querelles linguistiques entre francophones et néerlandophones, la Communauté germanophone a néanmoins décidé d’intervenir dans le cadre de l’épineux problème de la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde en faisant valoir un intérêt existentiel à ce qu’un consensus soit trouvé pour ne pas menacer l’équilibre entre les partenaires de l’État fédéral. La seconde motion en conflit d’intérêts adoptée par le Parlement germanophone à l’égard du Sénat visait, quant à elle, à revendiquer une augmentation de sa dotation financière et est donc étrangère au clivage linguistique ( Doc. Parl., Parl. Com. germ., 2009-2010, 24 ; Doc. Parl., Parl. Com. germ., 1989-1990, 113/1). ↩
Doc. Parl., Parl. fl., 1998-1999, 901/1 ; Doc. Parl., Parl. fl., 1999-2000, 236/1 ; Doc. Parl., Parl. fl., 2000-2001, 415/1 ; Doc. Parl., Parl. fl., 2000-2001, 520/1 ; Doc. Parl., Parl. fl., 2001-2002, 951. ↩
Proposition de motion concernant la proposition de loi relative aux connaissances linguistiques requises en vue d'exercer certains mandats politiques des pouvoirs subordonnés dans l'agglomération bruxelloise, Doc. Parl., Parl. Com. fr., 1983-1984, 143 ; Proposition de motion relative à un conflit d’intérêts, Doc. Parl., Par. Com. fr., 1986-1987, 99. ↩
Doc. Parl., Parl. Com. fr., 2007-2008, 476/1 ; Doc. Parl., Ass. Com. com. fr., 2007-2008, 129/1 ; Doc. Parl., Parl. wal., 2008-2009, 907/1 ; Doc. Parl., Parl. Com. germ., 2009-2010, 24. ↩
Doc. Parl., Ass. Com. com. fr., 2016-2017, 81/1 ; Doc. Parl., Ass. Com. com. fr., 2017-2018, 84/1 ; Doc. Parl., Ass. Com. com. fr., 2017-2018, 84/1 ; Doc. Parl., Ass. Com. com. fr., 2018-2019, 95/1. ↩
Selon que l’on considère les motions du Conseil de la Communauté française et l’Assemblée de la COCOF contre la proposition de décret flamand s’adjugeant la tutelle pédagogique des écoles francophones des communes à facilités a conduit à un résultat favorable ou à un échec. En effet, ces motions ont été suivies d’une ou de deux autres motions qui ont permis de retarder l’adoption du texte et même de le rendre caduc à la fin de la législature. En revanche, la dernière motion adoptée par le Conseil wallon a quant à elle été comptabilisée comme un échec puisqu’aucune motion n’a été adoptée après elle et qu’elle n’a pas pu empêcher l’adoption du décret lors de la législature qui a suivi. ↩
Ici, nous ne traitons que des accords formels qui ont été conclus, car l’objectif est d’examiner les étapes qui sont les plus propices à un accord. ↩
Sur ses trente-sept saisines, il a obtenu six accords formels qui ont été suivis d’effets (16,2 %). Ce taux relativement faible peut même être réduit à 10 % si on écarte les accords obtenus au Comité de concertation qui sont dus à des éléments extérieurs comme un arrêt de la Cour constitutionnelle ou un accord trouvé dans un autre niveau de pouvoir. ↩
Nous avons exclu trois accords obtenus en Comité de concertation, mais qui n’ont pas été respectés. ↩