Droit administratif et démocratie ?
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Cet article fait partie de « Miscellanées démocratiques. Actes du colloque tenu à l’occasion du 40e anniversaire du Centre de droit public »
Introduction
§1 À l’invitation des organisateurs du colloque tenu à l’occasion du quarantième anniversaire du Centre de droit public de l’Université libre de Bruxelles, nous nous sommes employé à examiner les rapports qu’ont entretenus ces quarante dernières années la démocratie et notre discipline, le droit administratif.
Démocratie ? Le mot est toutefois multiple ; le concept est porteur de débats ; les significations qui s’y attachent sont nombreuses1. Si l’on s’en tient à sa portée première : le pouvoir ou la souveraineté émane du peuple, il y aurait, en réalité, fort peu à dire des rapports, du moins directs, que la démocratie entretient avec le droit administratif. Seules en effet deux autorités administratives belges sont élues au suffrage universel direct2 : le conseil provincial et le conseil communal (en ce compris, pour la ville d’Anvers, les conseils de district3). Notre contribution à ces journées d’études aurait dès lors pu se résumer à peu de choses.
Mais, de nos jours, qui dit démocratie dit aussi, et sans doute surtout, État de droit démocratique. Dans nos sociétés, la démocratie est devenue indissociable du respect du droit. Au terme d’une évolution séculaire, l’imperium, soit le prolongement armé de la souveraineté, ne peut désormais plus s’exercer de manière légitime que dans le respect de la règle de droit, et ce, quand bien même cette souveraineté émanerait du peuple ; et, faut-il aussitôt ajouter : des mécanismes de contrôle doivent veiller à l’effectivité de ce respect.
C’est dès lors un angle que nous pouvons retenir pour examiner la question du rapport entre droit administratif et démocratie posée par les organisateurs de ce colloque jubilaire : quelle évolution ont connue, ces quarante dernières années, les modes de contrôle de la légalité de l’action de l’administration, soit le corps agissant de ce pouvoir exécutif que, dans son discours prononcé le 15 octobre 1832 lors de l’installation de la Cour de cassation, Etienne-Constantin de Gerlache, désignait comme étant « le plus porté (…) à l’envahissement »4.
Par ailleurs, on sait aussi que, dans le langage commun, démocratie s’entend souvent comme désignant ce qui est accessible au plus grand nombre. Voilà dès lors le deuxième angle que nous retiendrons : l’administration, ces quarante dernières années, est-elle devenue plus accessible au citoyen, plus proche de lui ?
Et nous nous en tiendrons à ces deux questions ; non seulement parce que notre souhait n’est pas de traiter de manière exhaustive de la notion de démocratie en droit administratif, mais aussi parce qu’à nos yeux, elles permettent, par un heureux hasard, de rendre compte des principales évolutions et transformations que le droit administratif (général) belge a connues ces quarante dernières années.
Nous commencerons par l’examen de la seconde question.
L’accessibilité de l’administration
§2 En quarante ans, le progrès est manifeste. L’administration est moins secrète, moins unilatérale, plus transparente et plus accessible.
§3 Une évolution majeure a été réalisée par la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs5.
Avant cette loi, les cas dans lesquels une décision administrative devait énoncer en son instrumentum les motifs de droit et de fait la fondant étaient très limités. Il s’agissait des sanctions disciplinaires, des actes opérant un revirement d’attitude, des actes que le Conseil d’État considérait comme quasi juridictionnels et enfin des actes pour lesquels un texte particulier imposait la motivation en la forme.
Avec la loi de 1991, l’obligation s’étend à présent à tous les actes administratifs à portée individuelle émanant d’une autorité administrative au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État (LCCE). Désormais, dès que le citoyen reçoit le dispositif d’une décision administrative individuelle, il reçoit simultanément l’énoncé des motifs qui doivent lui permettre de comprendre le pourquoi de la décision et d’apprécier en conséquence la pertinence d’un recours.
§4 Cette avancée est d’autant plus importante qu’elle a été confortée par l’inscription, en 1993, dans la Constitution d’un droit à la copie et à la consultation des documents administratifs et que cette disposition constitutionnelle se complète de toute une série de législations fédérales, communautaires et régionales déclinant, dans les différentes sphères de l’action administrative, ce droit à la publicité de l’administration.
Une déclinaison qui va au-delà du droit à la consultation et à l’obtention de la copie d’un document administratif, car elle énonce aussi des mesures simples et concrètes mais simplifiant grandement l’accès du citoyen à l’administration, comme l’obligation d’indiquer sur toute correspondance les noms et coordonnées du gestionnaire du dossier, ou qui rendent plus effectif le droit de recours, comme la mention des voies de recours ouvertes contre une décision administrative qui a été notifiée.
Des avancées constitutionnelles et législatives desquelles émerge peu à peu un nouveau principe général de droit, le principe de transparence6, que l’on peut sans doute désormais élever au rang de loi du service public.
§5 L’administration est aussi moins unilatérale.
On connaissait depuis très longtemps le mécanisme d’information et de consultation de la population via les enquêtes publiques, notamment dans le cadre des législations urbanistiques ou environnementales (autrefois appelées industrielles). Il s’est maintenu et même renforcé7.
Mais, plus fondamentalement, avec l’avènement de la théorie du choix de la voie contractuelle, il est désormais admis que l’administration peut faire choix de recourir aux techniques contractuelles plutôt qu’à celle de l’action par voie de décision unilatérale et ce, sauf dans certaines matières et pour autant que le respect de principes fondamentaux du droit administratif, comme ceux d’indisponibilité des compétences administratives, de l’exercice effectif du pouvoir d’appréciation ou d’égalité soient garantis8.
Aux niveaux provincial et communal, le législateur a par ailleurs institué des mécanismes permettant d’associer plus directement le citoyen à la gestion publique. Ainsi, à partir des années 90, un droit d’interpellation directe du collège communal devant le conseil communal ou du collège provincial devant le conseil provincial a été reconnu aux habitants de la commune ou de la province, d’abord dans des règlements d’ordre intérieur puis de manière législative9.
De même, consacrant une pratique déjà suivie par les communes dans le cadre de leur autonomie, une loi du 11 juillet 1994, significativement intitulée « loi modifiant la nouvelle loi communale en vue de renforcer la démocratie communale », a introduit un article 120bis dans la nouvelle loi communale réglant la possibilité pour le conseil communal d’instituer des conseils consultatifs destinés à recueillir l’avis de citoyens sur des questions relevant de la compétence communale10. Une loi du 20 septembre 1998 en fit de même pour les conseils consultatifs créés par les provinces11.
De même encore, prenant ici aussi le relais de diverses initiatives réglementaires communales, le législateur, par une loi du 10 avril 199512, a défini un cadre juridique permettant l’organisation au niveau communal d’une consultation populaire communale (non décisionnelle) et ce, à l’initiative du conseil communal ou, moyennant le respect d’une série de conditions, des habitants de la commune13. Une loi du 25 juin 1997 a quant à elle organisé la consultation populaire provinciale14.
§6 Tout naturellement, cette évolution vers une atténuation de l’unilatéralisme de l’action de l’administration s’est aussi marquée dans la terminologie utilisée. Les termes de gouverné et d’administré cèderont, souvent, le pas à ceux d’utilisateur15 ou d‘usager16 du service public ou encore de client17.
§7 Moins unilatérale, l’administration l’est aussi – parfois – devenue dans ses rapports avec les administrations qui lui sont subordonnées. Ainsi, au début des années 90 a fleuri la notion de contrat de gestion, instrument juridique qui a permis de contractualiser une partie du contrôle de tutelle administrative.
L’exemple le plus connu est celui du contrat de gestion conclu entre l’État belge et les entreprises publiques autonomes (en abrégé EPA) régies par la loi du 21 mars 199118. À intervalles réguliers, le Gouvernement fédéral et l’EPA concluent un tel contrat qui permet de définir de commun accord ce que va requérir concrètement l’intérêt général durant une période donnée ; ensuite, durant cette période, le contrôle de tutelle d’opportunité ne s’exercera plus qu’au regard des prévisions de ce contrat de gestion, autrement dit, au regard des exigences d’intérêt général ainsi définies de commun accord.
Dans d’autres exemples, le contrôle de conformité à l’intérêt général subsiste à côté du contrôle de conformité à la loi et au contrat de gestion. C’est notamment le cas de la STIB19.
Dans d’autres cas encore, le contrat de gestion est utilisé comme mécanisme de contrôle en dehors d’un véritable rapport de tutelle. Tel est le cas des contrats conclus pour régler les relations juridiques entre une commune ou une province et l’asbl ou la régie autonome à qui cette commune ou province a confié certaines compétences20.
§8 Une avancée démocratique n’est cependant jamais définitivement acquise. Aussi, en ce qui concerne la transparence administrative, on sera, dans les prochaines années, attentif à ce que les administrations ne se retranchent pas trop aisément derrière un droit à la protection des données personnelles, mal compris, pour redevenir plus opaques et ainsi, par exemple, refuser de communiquer à un candidat à une nomination publique les motifs ayant conduit au choix d’un autre.
Le contrôle de légalité de l’administration et son effectivité
§9 En ce qui concerne le contrôle de légalité de l’action administrative, deux pas de géant avaient été franchis avec l’arrêt La Flandria rendu par la Cour de cassation le 5 novembre 192021 et la création d’un Conseil d’État par une loi du 23 décembre 194622.
Par l’arrêt La Flandria, la Cour de cassation rompt avec la croyance, erronément importée du droit français, selon laquelle « juger l’administration, c’est encore administrer » et accepte de soumettre pleinement la responsabilité civile pour faute de l’administration aux prévisions de l’article 1382 du Code civil et au contrôle du juge judiciaire dès lors que des droits subjectifs sont en jeu.
Le Conseil d’État, puisant dans le riche héritage de son homologue français et recourant à la technique des principes généraux de droit, allait quant à lui progressivement, mais fermement, enserrer l’action de l’administration, et singulièrement l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, dans les mailles de son contrôle de légalité.
§10 Ces quarante dernières années, on n’a bien entendu pas connu de semblable rupture. Le contrôle juridictionnel de l’administration s’est poursuivi sur les bases précédemment posées et il s’est surtout affiné.
Au contentieux de la responsabilité aquilienne, on relèvera ainsi la consécration, par des arrêts de la Cour de cassation des 19 décembre 1980 et 13 mai 1982, de la thèse de l’identité de l’illégalité et de la faute extracontractuelle, sauf erreur invincible ou autre cause d’exonération de responsabilité23.
Le contrôle de légalité des décisions administratives s’est également affiné et approfondi.
Ainsi tout d’abord, le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, exercé pour la première fois par un arrêt du 28 avril 1966, n° 11.782, Vermeulen, rendu au contentieux des immeubles insalubres, s’est généralisé à tous les contentieux24. Il en découla la consécration de deux nouveaux principes généraux de droit, le principe du raisonnable et celui de proportionnalité, sachant qu’en droit administratif belge, ces deux principes sont quasiment interchangeables et n’autorisent tous deux qu’un contrôle marginal. Dans certains contentieux, comme celui des sanctions administratives ou disciplinaires ou encore celui des mesures de police administrative, auteurs et juges préfèrent généralement recourir à la notion de proportionnalité, mais c’est sans incidence sur l’étendue du contrôle juridictionnel. Seule la terminologie varie : la disproportion manifeste se substitue à l’erreur manifeste.
Par ailleurs, par un arrêt du 27 mars 1992, la Cour de cassation a consacré le principe de légitime confiance qu’elle rattache aux « principes de bonne administration », et ce faisant, donne aussi une reconnaissance juridique à cette notion de principe général de bonne administration que la doctrine flamande25 a importée du droit néerlandais et désigne par les termes de beginselen van behoorlijk bestuur. L’assemblée générale de la section du contentieux administratif (alors appelée section d’administration) du Conseil d’État précisa l’exacte portée de ce « principe de confiance » par son arrêt du 6 février 2001, n° 93.104, Missorten.
Enfin, la Haute juridiction administrative a aussi enrichi son arsenal de contrôle de la décision administrative par de nouveaux principes généraux de droit ou des extensions de principes existants, même si le contour de certaines de ses avancées est encore discuté ou non encore achevé. On pense ainsi au devoir de collaboration procédurale, au principe de l’exercice effectif du pouvoir d’appréciation et ses corollaires, aux principes de la procédure collégiale ou encore au principe du délai raisonnable.
§11 L’évolution est sans doute plus marquée en doctrine. Alors que jusqu’aux années 1990, l’étude de l’acte administratif et de son contrôle était surtout présentée dans les ouvrages généraux de droit administratif essentiellement de manière empirique et directement au travers de l’exposé de tels et tels arrêts bien précis, à présent, les auteurs exposent une véritable théorie générale de l’acte administratif qui constitue en quelque sorte le pendant de la théorie générale de l’obligation que connaît depuis longtemps le droit civil. Dès lors que la jurisprudence s’est à la fois enrichie et stabilisée, la présentation doctrinale de l’acte administratif se veut plus systématique et analytique.
Ceci contribue bien évidemment à une meilleure diffusion de ces règles et principes de droit administratif et, par voie de conséquence, du moins peut-on l’espérer, à leur plus grande effectivité.
§12 À ce dernier égard, on doit aussi saluer les efforts déployés depuis une vingtaine d’années par les diverses administrations, et spécialement l’administration fédérale, pour assurer la formation continue de leurs agents, ce qui, à titre préventif, contribue à l’amélioration de la légalité des actes administratifs.
§13 À partir de 1991, de nouveaux acteurs investis d’une mission de contrôle de l’administration sont également apparus dans le paysage institutionnel belge, soit des autorités, appelées médiateurs ou d’un terme équivalent, qui sont investies notamment du pouvoir de connaître des réclamations introduites par les citoyens estimant être confrontés à une déficience d’un service public26. La compétence de ces médiateurs n’est certes pas limitée au traitement de difficultés nées d’une illégalité mais concerne plus généralement toute réclamation relative à un dysfonctionnement de l’administration ; elle n’emporte en outre que des pouvoirs de persuasion et de recommandation. À l’expérience, toutefois, il apparait que ces services contribuent à améliorer le respect du droit par l’administration.
§14 Mais l’évolution majeure de ces quarante dernières années concerne plutôt la mise en place, tant par le législateur que par le juge, de mécanismes permettant de rendre le contrôle de légalité plus effectif.
Il est heureux en effet d’ouvrir au citoyen les portes du prétoire pour lui permettre de dénoncer une illégalité ou un comportement fautif de l’administration, mais il est mieux de lui garantir que le jugement ou l’arrêt obtenu recevra, en temps utile, une suite adéquate.
On peut à ce propos principalement mentionner les avancées suivantes :
- reconnaissance, en 1980, au juge judiciaire27 puis, en 1990, au Conseil d’État28, du pouvoir d’assortir leurs décisions d’astreintes ;
- en 1980, extension au dommage causé par la faute de l’administration du principe de la réparation en nature (sauf impossibilité matérielle ou abus de droit)29 ;
- dans les années 1980, assouplissement prétorien des conditions de recours à l’article 584 du Code judiciaire (qui fonde la compétence de référé du président du tribunal de première instance) à l’encontre de l’administration et, en conséquence, important développement du référé judiciaire administratif30 ;
- introduction, en 1980, puis généralisation, en 1989 et surtout en 1991, de la possibilité pour le Conseil d’État de prononcer la suspension de l’exécution d’un acte administratif ainsi que des mesures provisoires31 et ce, afin d’éviter qu’une annulation, prononcée au terme d’une longue procédure, ne donne qu’une satisfaction insuffisante ou platonique ;
- abandon par la Cour de cassation en 1993, et par le législateur en 1994, du dogme de l’immunité absolue d’exécution des personnes morales de droit public afin de lui substituer une immunité relative d’exécution fondée sur l’utilité à la continuité du service public32 ;
- adoption de diverses mesures destinées à réduire l’arrière juridictionnel devant le Conseil d’État dont la création en 2006 du Conseil du Contentieux des Étrangers, juridiction administrative spécialisée en contentieux des étrangers33 ;
- au contentieux de l’acte détachable du contrat, renforcement, depuis une dizaine d’années, de l’effectivité de l’annulation de la décision de conclure un contrat34;
- extension en 2014 des compétences du Conseil d’État, avec notamment la possibilité pour le Conseil d’État d’indiquer dans son arrêt « les mesures à prendre pour remédier à l’illégalité ayant conduit à cette annulation »35, et surtout, d’octroyer une indemnité réparatrice à la partie requérante ou intervenante qui poursuit l’annulation d’un acte et qui a subi un préjudice du fait de l’illégalité de cet acte, ce qui permet à ces parties de faire l’économie d’une procédure en responsabilité civile devant les juridictions judiciaires36.
Ce sont là autant d’avancées majeures de notre État de droit qui se sont ainsi peu à peu concrétisées au cours des quarante dernières années, et, faut-il le relever, sans entraîner en pratique une paralysante mise sous tutelle juridictionnelle de l’administration que d’aucuns auraient pu craindre.
§15 En matière de contrôle de l’administration, et ce, tant de légalité que d’opportunité, deux situations méritent cependant une attention toute particulière. Il s’agit d’une part du contrôle des autorités administratives indépendantes (AAI) et d’autre part du contrôle de tutelle sur les entités décentralisées territorialement.
§16 Les autorités administratives indépendantes, tout d’abord.
Par définition, de telles entités doivent échapper aux modes de contrôle administratif qui s’appliquent habituellement, en droit belge, en cas de décentralisation par service, à savoir le contrôle de tutelle et le contrôle hiérarchique.
La Cour constitutionnelle l’a clairement rappelé par son arrêt n° 130/2010 du 18 novembre 2010, rendu à propos de la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz : « La CREG est une autorité administrative qui dispose d’une large autonomie qui n’est pas compatible avec la soumission de cette autorité à un contrôle hiérarchique ou à une tutelle administrative. » Si la Cour n’a pas conclu au caractère inconstitutionnel de ce mode particulier d’organisation administrative, elle en a cependant fixé le cadre ; il faut, premièrement, que les compétences confiées par le législateur à l’AAI soient des « compétences exécutives spécifiques » relatives à « une matière technique déterminée » et, deuxièmement, que cette autorité soit « soumise tant au contrôle juridictionnel qu’au contrôle parlementaire ».
Il en découle que les AAI sont soumises à ce que nous avons proposé d’appeler un contrôle diffus37, qui peut prendre des formes variées, la combinaison de ces diverses formes permettant, au gré des espèces, d’assurer que s’exerce sur l’AAI un contrôle démocratique suffisant.
On peut à cet égard notamment citer : l’encadrement du pouvoir d’appréciation de l’AAI par des critères légaux précis, le vote de son budget, le pouvoir de nommer et de révoquer ses membres, la fixation de ses règles de fonctionnement, l’établissement par l’AAI d’un rapport d’activités à l’attention du Gouvernement et du Parlement, la possibilité d’introduire des recours administratifs et juridictionnels contre les décisions de l’AAI, le cas échéant par une autorité ministérielle dans l’intérêt de la loi, l’audition par le Parlement du ministre en charge de l’AAI ou, plus directement, des gestionnaires de l’AAI.
Il faut cependant bien admettre que l’organisation de ces contrôles n’en est encore qu’à ses débuts. Il existait certes de longue date en droit belge des autorités répondant à la définition de l’AAI, comme les jurys d’examen, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ou la Commission bancaire, mais la doctrine belge ne s’était, jusqu’il y a peu, pas intéressée au mécanisme de l’AAI envisagé dans son ensemble ; elle ne le fit que depuis que le recours à ce type de véhicule juridique s’est généralisé, principalement suite à la désétatisation de certains secteurs de l’économie et à la disparition de monopoles dont jouissaient diverses entreprises publiques38.
De prime abord, on peut dire que le contrôle juridictionnel sur les activités des A.A.I. fonctionne globalement bien. Le contrôle parlementaire devrait sans doute quant à lui être amélioré. L’objectif est en effet que ce dernier s’exerce utilement avant que les dérapages n’interviennent. Ainsi, ne faudrait-il pas généraliser la pratique consistant à imposer la tenue d’au moins une audition annuelle de la direction de l’A.A.I. par la commission parlementaire compétente pour le secteur d’activité de cette entité39 ? Ou impliquer davantage les médiateurs dans ce contrôle ?
§17 Les autorités décentralisées territorialement, ensuite.
Depuis le début des années 2000, de manière récurrente, des scandales importants viennent défrayer l’actualité. À Charleroi, à Liège, à Bruxelles, etc. Il s’agit tantôt de communes, tantôt de régies communales autonomes, d’associations sans but lucratif, d’intercommunales, tantôt encore de sociétés privées dans lesquelles des collectivités locales ont des participations directes ou indirectes, etc.
Des failles sont apparues dans le contrôle de tutelle. Tantôt, il n’était pas organisé car l’entité de droit public n’était pas reprise dans la liste décrétale des personnes décentralisées soumises au contrôle de tutelle ordinaire ; tantôt, il était organisé mais insuffisamment exercé. On a, à chaque fois, adopté en réaction une série de réformes législatives. On a posé des règles de bonne gouvernance. On a complété les listes d’autorités soumises à tutelle ; récemment, on a même rompu, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, avec le dogme selon lequel une personne morale de droit privé ne peut pas être soumise à un contrôle de tutelle administrative40. À chaque fois, toutefois, de nouveaux scandales ressurgissent. À l’analyse de certains cas, on ne peut cependant s’empêcher de penser qu’au-delà des failles du système juridique, une certaine proximité politique entre contrôleur et contrôlé grippe aussi les mécanismes de tutelle administrative.
Aussi nous inclinons à penser qu’il faudrait repenser fondamentalement ce contrôle de tutelle. Les services régionaux en charge des pouvoirs locaux devraient être renforcés dans le rôle, qu’ils exercent au demeurant depuis longtemps de manière informelle, de conseillers juridiques des autorités décentralisées, tout en conservant un pouvoir de contrôle, la carotte n’allant que rarement sans le bâton. Mais surtout, on devrait envisager la création d’un corps spécial d’inspecteurs des pouvoirs locaux, constitué en véritable autorité para-parlementaire indépendante, qui aurait pour mission d’auditer41 périodiquement le fonctionnement des entités décentralisées et ce, tant au regard de critères légaux que de bonne gestion administrative et financière. Il faudrait en outre passer du stade des bonnes intentions politiques à celui de la mise en œuvre effective et, ainsi, limiter réellement et drastiquement le recours à ces nombreuses formes d’entités para-communales ou para-provinciales.
Conclusion
§18 Il peut à présent être répondu aux deux questions posées en introduction à cette contribution.
Si l’on envisage la notion de démocratie dans les deux sens que nous avons retenus (accessibilité au processus administratif et effectivité du contrôle de la soumission de l’administration aux règles de droit), on peut conclure qu’assurément, la dimension démocratique de notre droit administratif s’est renforcée au cours des quarante dernières années.
§19 Tout d’abord, notre administration est devenue moins secrète et plus transparente. On pense principalement à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et à l’avènement en cours d’une nouvelle loi du service public, celle de la transparence.
L’administration est également devenue moins unilatérale. Au niveau local, de nouveaux mécanismes permettant d’associer le citoyen à la gestion administrative ont été institués (droit d’interpellation directe, conseils consultatifs, consultation populaire). Le recours à la voie contractuelle comme substitut ou complément à l’acte administratif unilatéral est désormais plus librement admis. Les avancées sont toutefois ici moins significatives qu’en matière de transparence. Fondamentalement, l’administration demeure unilatérale et c’est bien normal dès lors qu’elle est investie de l’imperium afin de satisfaire les besoins d’intérêt général.
Un point d’attention, toutefois, pour les prochaines années. Veillons à ce que le droit à la protection des données personnelles ne soit pas invoqué à tort et à travers avec cette conséquence, notamment, que l’administration s’en retournerait vers une moindre transparence.
§20 Ensuite, en ce qui concerne le contrôle du respect de la règle de droit par l’administration, force est de constater que depuis quarante ans, une série de mécanismes ont été institués pour le rendre plus effectif ; et ce, tant à l’initiative du législateur que du juge.
On pense en particulier au développement du référé administratif, spécialement devant le Conseil d’État, à la possibilité d’obtenir des astreintes, à la consécration du principe de la réparation en nature du dommage causé par la faute de l’administration, à la relativisation de la règle de l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public ou à une meilleure compréhension de la théorie de l’acte détachable du contrat.
En ce qui concerne les contrôles non juridictionnels de l’administration, deux domaines devraient cependant, à notre sens, retenir l’attention de nos législateurs. Celui du contrôle parlementaire des autorités administratives indépendantes et celui du contrôle administratif des collectivités locales.
§21 Deux observations additionnelles.
Premièrement, nombre de ces progrès de notre droit administratif que nous venons d’exposer étaient inscrits dans la charte du 4 décembre 1992 de l’utilisateur des services publics et ce, sous les intitulés généraux de « transparence », « souplesse » et « protection juridique ». Le document était dénué de valeur juridique, mais il eut une véritable force programmatique.
Deuxièmement, à l’heure où d’aucuns recherchent le Graal dans un repli derrière le mur d’une démocratie nationale, il faut aussi constater que plusieurs des avancées de notre État de droit démocratique mises en avant dans la présente contribution trouvent aussi leur source dans des recommandations du Comité des ministres du Conseil de l’Europe42. On pense en particulier à :
- la résolution (77) 31 du 28 septembre 1977 sur la protection de l’individu au regard des actes de l’administration ;
- la recommandation n° R (80) 2 du 11 mars 1980 concernant l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de l’administration ;
- la recommandation n° R (84) 15 du 18 septembre 1984 relative à la responsabilité publique ;
- la recommandation n° R (89) 8 du 13 septembre 1989 relative à la protection juridictionnelle provisoire en matière administrative.
Aussi qu’il nous soit permis de renvoyer celles et ceux, qui veulent se livrer à un jeu d’anticipation des évolutions que notre droit administratif pourrait connaître dans les prochaines années, à la lecture de la recommandation CM/Rec (2007)7 du 20 juin 2007 relative à la bonne administration.
Voyez la contribution de Vincent de Coorebyter dans le présent volume. ↩
Signalons toutefois le régime exceptionnel adopté par la loi dite de pacification communautaire du 9 août 1988 qui, pour les six communes dites périphériques (Wemmel, Kraainhem, Wezembeek-Oppem, Drogenbos, Linkebeek et Rhode-Saint-Genèse) ainsi que pour les communes de Comines-Warneton et de Fourons, prévoit que les échevins et les membres du conseil de l’aide sociale sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune. Voyez à ce sujet. Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, Limal, Anthemis, 2020, pp. 767 et s.. ↩
Art. 117 du décret flamand du 22 décembre 2017 sur l’administration locale ; M.B., 15 février 2018. ↩
Bull., 1833, p. 18 cité par Cambier C., Principes du contentieux administratif, t. 1, Bruxelles, Larcier, 1961, p. 160. ↩
M.B., 12 septembre 1991. ↩
Voyez notamment C.E., arrêt du 4 octobre 2010, n° 207.848, s.p.r.l. Joiris-Rousseaux ; arrêt du 29 avril 2011, n° 212.877, s.a. Groupe De Boeck ; arrêt du 13 juillet 2012, n° 220.328, n.v. Immorocha ; arrêt du 30 janvier 2015, n° 230.062, n.v. Immorocha ; arrêt du 23 décembre 2015, n° 233.355, s.a. Kinepolis Mega ; arrêt du 23 octobre 2018, n° 242.755, s.a. Fedimmo ainsi que l’intitulé de l’article 4 de la loi du 17 juin 2016 sur les marchés publics (M.B., 14 juillet 2016) et de l’article 24 de loi du 17 juin 2016 sur les contrats de concession (M.B., 14 juillet 2016) ou encore l’article 4 du décret-cadre flamand du 22 mars 2019 relatif au maintien administratif (M.B., 13 mai 2019). ↩
Voyez notamment Delnoy M., La participation du public en droit de l’urbanisme et de l’environnement, Bruxelles, Larcier, 2007. ↩
Voyez notre Dictionnaire de droit administratif, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2016, pp. 643-649 ainsi que Van Gerven W., Wijckaert M., « Overeenkomsten met de overheid », T.P.R., 1987, p. 1750 ; Pâques M., De l’acte unilatéral au contrat dans l’action administrative, Bruxelles, Story Scientia, 1991 ; D’Hooghe D., « De mogelijkheid voor openbare besturen om beleidsovereenkomsten te sluiten ten deel te nemen aan de oprichting van rechtspersonen », T. Gem., 1995, pp. 78-87 ; Andersen R., « Autorité et contrat dans l’administration moderne en Belgique », Annuaire européen d’administration publique, 1997, pp. 39-40 et, du même auteur, « Les conventions sectorielles en droit de l’environnement », Amén., 1997, pp. 34-35 ; Opdebeek I., De Somer S., Algemeen bestuursrecht, Anvers/Cambridge, Intersentia, 2017, pp. 139 et s.. ↩
En Région wallonne, pour les provinces, voyez l’art. 29 du décret du 14 février 2004 organisant les provinces wallonnes (à présent, art. L2212-29 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, en abrégé CDLD) ; et pour les communes, l’art. L1122-14 CDLD ; pour les communes de la région de langue allemande, voyez les art. 33 et s. du décret communal du Parlement de la Communauté germanophone du 23 avril 2018 (en abrégé DC) ; M.B., 8 juin 2018. En Région flamande, pour les provinces, voyez l’art. 191bis du décret provincial du 9 décembre 2005 (M.B., 29 décembre 2005) et pour les communes, voyez l’art. 304 du décret du 22 décembre 2017 sur l’administration locale (en abrégé DAL) ; M.B., 15 février 2018. En Région de Bruxelles-Capitale, voyez l’art. 89bis de la nouvelle loi communale (en abrégé NLC). ↩
À présent, en Région wallonne, voyez l’art. L1122-35 CDLD. ; et pour les communes de la région de langue allemande, voyez l’art. 38 DC En Région flamande, l’art. 41 et 304 DAL. En Région de Bruxelles-Capitale, voyez l’art. 120bis NLC. ↩
Art. 50bis de la loi provinciale ; art. L2212-30 CDLD. Voyez aussi les conseils participatifs introduits par l’art. 31 du décret provincial du 12 février 2004 ; actuellement repris à l’article L2212-31 CDLD. En Région flamande, voyez les art. 43 et 191bis du décret provincial. ↩
M.B., 21 avril 1995. ↩
Art. 318 et s. NLC, tels qu’insérés par la loi du 10 avril 1995 ; dispositions toujours en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale. Pour la Région wallonne, voyez les art. L1141-1 et s. CDLD. et pour les communes de la région de langue allemande, voyez les art. 78 et s. DC En Région flamande, art. 305 et s. DAL. ↩
Voyez à présent, en Région wallonne, les art. L2214-1 et s. CDLD ; et en Région flamande, les art. 198 et s. du décret provincial. ↩
Voyez par exemple la charte du 4 décembre 1992 de l’utilisateur des services publics ; M.B., 22 janvier 1993. ↩
Voyez par exemple les art. 3 et 43 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques ; M.B., 27 mars 1991. ↩
Que l’on songe à toute la communication publicitaire d’une entreprise publique autonome comme Belgacom, devenue Proximus. Voyez à ce sujet Loroy D., « La satisfaction des usagers/clients/citoyens du service public », novembre 2014 ; publié sur le site internet de l’Union des Villes et Communes de Wallonie in [http://www.uvcw.be/impressions/toPdf.cfm?urlToPdf=/articles/0,0,0,0,583.htm]. ↩
M.B., 27 mars 1991. ↩
Art. 12 de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 novembre 1990 relative à l’organisation des transports en commun dans la Région de Bruxelles-Capitale ; M.B., 28 novembre 1990. ↩
Voyez les art. L1231-9 (régies communales autonomes), L1234-1 (a.s.b.l. communales), L2223-9 (régies provinciales autonomes), L2223-13 (asbl ou autres associations provinciales) CDLD ; pour les communes de la région de langue allemande, voyez l’art. 160 (régies communales autonomes) du décret communal germanophone du 23 avril 2018 et l’art. L1234-1, CDLD, disposition non abrogée par l’article 205, 1°, du décret communal germanophone précité (asbl communales) ; en Région de Bruxelles-capitale, voyez les art. 10 (contrat de gestion avec la régie communale autonome) et 38 (« convention » avec l’asbl communale) de l’ordonnance du 5 juillet 2018 relative aux modes spécifiques de gestion communale et à la coopération intercommunale ; M.B., 12 juillet 2018. En Région flamande, voyez par exemple l’art. 227 DAL (agence autonomisée externe communale). ↩
Cass., 5 novembre 1920, Pas., 1920, I, p. 193 et concl. Paul Leclercq. ↩
M.B., 9 janvier 1947. ↩
Cass., 19 décembre 1980, Pas., I, p. 453 et 13 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1056 et concl. Jacques Velu. ↩
Voyez Lagasse D., L’erreur manifeste d’appréciation en droit administratif. Essai sur les limites du pouvoir discrétionnaire de l’administration, Bruxelles, Bruylant, 1986 et du même auteur « L’évolution du contrôle exercé par le Conseil d’État au contentieux de l’annulation », in Blero B. (dir.), Le Conseil d’État de Belgique. Cinquante ans après sa création (1946-1996), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 427. ↩
Suetens L.P., « Algemene rechtsbeginselen en algemene beginselen van behoorlijk bestuur in het Belgisch administratief recht », T.B.P., 1970, p. 379 ; du même auteur, « Algemene beginselen van behoorlijk bestuur in de rechtspraak van de Raad van State », T.B.P., 1981, p. 81 ; Van Gerven W., « Beginselen van behoorlijk handelen », in R.W., 1982-1983 ; Van Mensel A., Het beginsel van behoorlijk bestuur. Een schets, Anvers, Kluwer, 1990 ; De Staercke J., Algemene beginselen van behoorlijk bestuur, Anvers, Kluwer, 2004 et Opdebeek I., Van Damme M. (éd.), Beginselen van behoorlijk bestuur, Bruges, Die keure, 2006. ↩
Le mouvement semble avoir été initié par un décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à la jeunesse qui a institué un délégué général aux droits de l’enfant et à l’aide à la jeunesse (M.B., 12 juin 1991). On peut aussi mentionner le décret régional wallon du 22 décembre 1994 portant création de l’institution du médiateur de la Région wallonne (M.B., 19 janvier 1995) et la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux (M.B., 7 avril 1995). Sur la thématique des médiateurs, voyez notamment Leroy M., Contentieux administratif, 5e éd., Limal, Anthemis, 2011, p. 26 ; Opdebeek I., De Somer S., Algemeen bestuursrecht, op. cit., 2017, p. 503 et Renders D., Droit administratif général, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2019, p. 608 et les références citées. ↩
Loi du 31 janvier 1980 portant approbation de la Convention Benelux portant loi uniforme relative à l’astreinte, et de l’Annexe (loi uniforme relative à l’astreinte), signés à La Haye le 26 novembre 1973 ; M.B., 20 février 1980. ↩
Loi du 17 octobre 1990 modifiant les lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973 (M.B., 13 novembre 1990) et la loi du 5 avril 1955 relative aux traitements des titulaires d’une fonction au Conseil d’État (M.B., 23 avril 1955). ↩
Cass., 26 juin 1980, Pas., 1980, I, p. 1341 et concl. Jacques Velu. ↩
Le juge judiciaire a assoupli les conditions lui permettant de prononcer une mesure urgente et provisoire à l’encontre de l’administration (injonction de ne pas faire ou de faire quelque chose), et ce, en substituant à la condition imposant le constat d’une voie de fait celle se limitant à exiger qu’il y ait « des apparences de droit suffisantes pour justifier une décision » (Cass., 29 septembre 1983, Pas., 1984, I, p. 84). Voyez aussi Cass., 21 mai 1985, J.T., 1985, p. 697 et concl. Jacques Velu : « Attendu que le juge des référés ne s’immisce pas dans les attributions du pouvoir exécutif lorsque, statuant au provisoire dans un cas dont il reconnaît l’urgence, il se déclare, comme en l’espèce, compétent pour, dans les limites de sa mission, prescrire à l’autorité administrative les mesures et notamment les défenses nécessaires aux fins de prévenir ou de faire cesser une atteinte paraissant portée fautivement par cette autorité à des droits subjectifs dont la sauvegarde relève des cours et tribunaux »). Adde Leroy M., Contentieux administratif, op. cit., pp. 741 et s. ↩
Art. 70 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers permettant au Conseil d’État d’ordonner le sursis à exécution d’arrêtés de renvoi ou d’expulsion d’étrangers (M.B., 31 décembre 1980) ; art. 15 de la loi du 16 juin 1989 portant diverses réformes institutionnelles (M.B., 17 juin 1989) réintroduisant des articles 17 et 18 dans les lois coordonnées sur le Conseil d’État afin de lui permettre d’ordonner la suspension de l’exécution des actes administratifs par ailleurs attaqués en annulation devant lui, mais uniquement pour un motif tenant à la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution (alors 6, 6bis et 17) ; loi du 19 juillet 1991 modifiant les lois sur le Conseil d’État coordonnées le 12 janvier 1973 en vue d’introduire un référé administratif et portant création d’un emploi de greffier informaticien (M.B., 12 octobre 1991), qui a étendu le pouvoir de suspension à toutes les illégalités, a introduit une procédure d’extrême urgence et a permis au Conseil d’État de prononcer des mesures provisoires et d’assortir d’astreintes les arrêts décidant de suspension ou de mesures provisoires. À ce sujet, voyez Leroy M., Contentieux administratif, op. cit., pp. 743 et s., et Salmon J., Jaumotte J., Thibaut E., Le Conseil d’État de Belgique, vol. 2, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1497 et s. ↩
Cass., 30 septembre 1993, Pas., 1993, I, p. 778 ; 24 avril 1998, Pas., 1998, I, p. 210 ; 28 janvier 1999, Pas., 1999, I, p. 49. Voyez la loi du 30 juin 1994 insérant un article 1412bis dans le Code judiciaire ; M.B., 21 juillet 1994. Sur ce point, voyez Le Brun J., Déom D., « L’exécution des créances contre les pouvoirs publics », J.T., 1983, pp. 261 et s. ; Dony M., « L’interdiction totale des voies d’exécution à l’égard des personnes publiques est-elle justifiée ? », A.P.T., 1985, pp. 82 et s. ; Brijs S., « Nieuwe wetgeving : de absolute uitvoeringsimmuniteit van de overheid doorbroken », R.W., 1994-1995, pp. 625 et s. et Stranart A.-M., Goffaux P., « L’immunité d’exécution des personnes publiques et l’article 1412bis du Code judiciaire », J.T., 1995, pp. 437 et s. ↩
Loi du 15 septembre 2006 réformant le Conseil d’État et créant un Conseil du Contentieux des étrangers ; M.B., 6 octobre 2006. Voyez sur cette réforme le numéro spécial de la revue Administration publique Trimestriel, 2006, n° 4. ↩
D’une part, en matière de marchés publics, instauration progressive par diverses lois qui se sont succédé à partir de 2004 d’une période de standstill (ou délai d’attente) pendant lequel l’adjudicateur ne peut pas notifier la décision d’attribution du marché et durant laquelle les soumissionnaires qu’il se propose de ne pas retenir peuvent introduire un recours juridictionnel contre cette décision (voyez e.a. notre étude « Les nouvelles règles relatives à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics introduites par la loi du 23 décembre 2009 », Université libre de Bruxelles et Barreau de Bruxelles, collection UB³, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 115). Une loi du 16 février 2017 étendra ce régime du délai d’attente aux concessions relevant de la loi relative aux concessions ; M.B., 13 mars 2017. D’autre part, consécration par la Cour de cassation de la thèse de l’identité de la décision administrative de contracter et du consentement au contrat (Cass., 5 mars 2012, S.09.0096.F, Pas., 2012, I, p. 498 et concl. Jean-Marie Genicot) ainsi que de la thèse de l’illicéité de l’objet d’une convention conclue en violation d’une règle d’ordre public (Cass., 22 janvier 2021, C.19.0303.N et concl. Ria Mortier). À ce sujet, voyez nos différentes études sur l’acte détachable dont Goffaux P., Lucas M. « Des effets sur le contrat de l’annulation par le Conseil d’État de la décision d’attribuer un marché public », A.P.T., 1998, pp. 56-70 et Goffaux P., « L’acte administratif détachable du contrat, entre fiction et réalité », in Liber amicorum Xavier Dieux, Bruxelles, Larcier, 2022 (sous presse). ↩
Art. 35/1 des LCCE, tel qu’issu de la loi du 20 janvier 2014 portant réforme de la compétence, de la procédure et de l’organisation du Conseil d’État ; M.B., 3 février 2014. ↩
Art. 144 de la Constitution tel que modifié le 6 janvier 2014 (M.B., 31 janvier 2014) et art. 11bis des LCCE tel qu’inséré par la loi du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État concernant les matières visées à l’article 77 de la Constitution (M.B., 31 janvier 2014). ↩
Voyez notre Dictionnaire de droit administratif, 2e éd., op. cit., v° autorité administrative indépendante, spéc. p. 102. ↩
Vagman A., Note sous C.E., arrêt 5 décembre 2001, n° 101.503, s.a. TVi, A.P.T., 2003, p. 253 ; De Roy D., « Le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes en droit belge », in Dirix E et Leleu Y.-H., Rapports belges au congrès de l’académie internationale de droit comparé tenu à Utrecht en 2006, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 719 ; Andersen R., « Les autorités administratives indépendantes en droit belge », Annuaire européen d’administration publique, XXXI, 2008, p. 25 ; Delvax D., « Les contrôles administratifs pesant sur les autorités administratives indépendantes », Rev. Dr. U.L.B., 2008/1, p. 107 ; Pâques M., « Décentralisation, régulation et contrôle démocratique. L’arrêt 130/2010 en question » in Liber amicorum Marc Boes, Bruges, Die keure, 2011, p. 411 ; Slautsky E., « Droit européen, constitution et autorités administratives indépendantes », Note sous C.C., n° 130/2010, 18 novembre 2010 et C.E., 7 avril 2011, n° 212.557, Ville de Wavre, A.P.T., 2012, p. 95 et Nihoul P., « Les autorités administratives indépendantes en Belgique », R.F.D.A., 2013, p. 897. ↩
Rappr. l’art. 3.1.13 du décret flamand sur l’énergie du 8 mai 2009 ; M.B., 7 juillet 2009. ↩
En Région wallonne, art. L3111-1, § 1er, 8° (sociétés à participation publique locale significative au sens de l’article L5111-1, al. 1er, 10°, CDLD) et 9° (asbl locales visées à l’article L5111-1, al. 1er, 18°, CDLD). En Région de Bruxelles-Capitale., ordonnance du 5 juillet 2018 relative aux modes spécifiques de gestion communale et à la coopération intercommunale, art. 31 (filiales des régies communales autonomes), art. 43 (asbl communales), art. 90 (filiales des intercommunales) et art. 97 (asbl pluricommunales) ; M.B., 12 juillet 2018. ↩
Le décret wallon du 4 octobre 2018 modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de réformer la tutelle sur les pouvoirs locaux s’inscrit dans cette direction ; M.B. 10 octobre 2018. Il a introduit un article L3116/1-1 dans le CDLD afin de fonder le Gouvernement régional à charger l’administration « de procéder [au sein des autorités locales] à des contrôles de légalité et de régularité d’opérations spécifiques ou à des investigations sur la gouvernance interne de l’institution ». Mais cela demeure encore embryonnaire et surtout dépend d’une initiative du Gouvernement. Voyez à ce sujet, l’exposé des motifs du projet de décret modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de réformer la tutelle sur les pouvoirs locaux, Doc. Parl., Parlement wallon, Projet de décret modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de réformer la tutelle sur les pouvoirs locaux, session 2018-2019, 7 septembre 2018, n° 1163-1, p. 3 et p. 10. ↩
Sur ce sujet, voyez Stelkens U., Andrijauskaitė A. (éds.), Good Administration and the Council of Europe, Oxford University Press, 2020, avec e.a. la contribution de Marique Y., « Belgian Pluralism and Pragmatism: A Differentiated Reception for the Pan-European General Principles of Good Administration », pp. 123-153. ↩