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Volume n°7

40 ans de féminisation de la démocratie belge : la prise en compte du genre dans la régulation de la représentation et de la participation politiques

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Introduction

§1 Depuis la création du Centre de droit public de l’Université libre de Bruxelles en 1979, l’une des évolutions les plus spectaculaires et significatives de la démocratie belge consiste en la féminisation du personnel politique en général et des membres des organes législatifs et exécutifs en particulier. Cette évolution est le fruit de plusieurs réformes ayant abouti à l’adoption de normes visant, d’une part, la composition des listes de personnes candidates aux élections, d’autre part, la mixité au sein des organes exécutifs. La première partie de cette contribution reviendra sur ces différentes normes et s’attachera à en dresser un premier bilan quantitatif qui mettra en évidence l’évolution constatée entre la création du Centre et la célébration de son quarantième anniversaire1.

§2 Si ces normes relèvent indubitablement du droit public, il n’en demeure pas moins qu’historiquement, le droit public a pu constituer la matrice d’arguments et de raisonnements qui ont longtemps fait obstacle à l’adoption de dispositifs visant à augmenter la présence des femmes au sein des organes législatifs et exécutifs. Cette fonction d’obstruction demeure encore réelle aujourd’hui même si une évolution notable doit être constatée : davantage qu’auparavant, le droit public joue désormais un rôle moteur dans l’adoption de nouvelles normes plus exigeantes sur ce point. La deuxième partie de cette contribution visera à saisir cette évolution relative aux usages politiques du droit public et à prendre la mesure de l’ambivalence du droit public et de ses acteurs dans la féminisation du personnel politique belge.

§3 Dans le sillage de nombreux travaux développés depuis plusieurs années au sein du Centre et visant à étudier conjointement les mobilisations sociales et la régulation juridique2, la troisième partie de cette contribution aura pour objectif de rapidement décrire quelles ont été les acteurs sociaux – et, en l’espèce, les actrices sociales – qui ont été à l’origine de cette évolution et de l’adoption des normes l’ayant permise. En effet, sur ce point aussi, l’évolution constatée ces quarante dernières années apparait décisive. Peu ancrée au sein des associations féministes de terrain, la revendication relative à l’augmentation de la présence des femmes dans les instances parlementaires et gouvernementales est davantage due à la mobilisation de femmes politiques ; elle est à ce titre le produit de l’apparition, puis de la consolidation, d’un féminisme d’État désormais installé dans le paysage institutionnel belge, européen et international. Cette partie sera ainsi consacrée à cette spécificité que présente le mouvement féministe et qu’illustrent particulièrement bien les débats relatifs à la démocratie paritaire et aux quotas réservés aux femmes.

§4 Si à l’heure actuelle, les voix opposées à la féminisation accrue du personnel politique se font plus discrètes et si, dès lors, l’existence d’actions positives en faveur de la représentation politique des femmes semble durablement installée dans le droit public belge, la question se pose aujourd’hui de la pertinence contemporaine de telles actions spécifiques aux femmes. En effet, par un arrêt récent3, la Cour constitutionnelle a remis en cause la division sexuelle binaire sur laquelle repose notamment l’ensemble des normes favorisant la présence des femmes au sein des parlements et gouvernements du pays. Ce faisant, la Cour a invité les autorités publiques à reconnaitre l’existence de personnes à l’identité sexuelle non binaire et au genre plus fluide. Cette jurisprudence semble remettre en question certaines modalités par lesquelles le droit public a permis aux femmes de se faire une place parmi le personnel politique de la démocratie belge. La quatrième et dernière partie de cette contribution s’interrogera succinctement et à titre prospectif sur les conséquences potentielles de cette jurisprudence quant au maintien ou à l’aménagement des dispositifs qui, au cours des quarante dernières années, ont contribué à féminiser un monde très longtemps conçu par et pour les seuls hommes.

Les normes visant à favoriser la présence des femmes au sein des parlements et gouvernements : un premier bilan quantitatif

§5 La première loi adoptée en vue de favoriser la présence des femmes au sein des différents parlements du Royaume est la loi du 24 mai 1994 visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, aussi appelée la loi « Smet-Tobback »4. Cette loi, de portée générale dès l’instant où elle vise tout type de scrutin (fédéral, régional, communautaire, provincial ou communal), fixe un seuil maximal de candidat·e·s du même sexe : « sur une liste, le nombre de candidats d'un même sexe ne peut excéder une quotité de deux tiers du total constitué par la somme des sièges à pourvoir pour l'élection et du nombre maximum autorisé de candidats suppléants »5. C’est ce système qui a présidé aux élections européennes du 24 mai 1994, aux élections fédérales, régionales et communautaires tenues le 13 juin 1999 et aux élections communales et provinciales du 8 octobre 20006.

§6 Une deuxième réforme est opérée par l’adoption, le 18 juillet 2002, de deux lois plus exigeantes que celle du 24 mai 19947. En effet, cette législation prévoit que « sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un »8. En outre, « les deux premiers candidats de chacune des listes doivent être de sexe différent »9. Tel est toujours aujourd’hui le système présidant aux élections à la Chambre des représentants, au Parlement flamand et au Parlement de la Communauté germanophone. En effet, au titre de leur autonomie constitutive telle qu’acquise à la suite de la sixième réforme de l’État, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale se sont chacune dotées depuis lors de règles plus drastiques qui imposent une stricte alternance des sexes parmi les listes de candidat·e·s. Ce système, généralement qualifié de « tirette »10, a été respectivement introduit par le décret spécial du 11 mai 2018 modifiant l’article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue d’instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement wallon11 et par l’ordonnance spéciale du 17 décembre 2020 modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le sexe des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale12.

§7 L’impact quantitatif de ces réformes est relativement spectaculaire13. En effet, en 1979, année de création du Centre de droit public de l’ULB, la Chambre compte 16 femmes sur 212 députés (soit 7,6%)14 et le Sénat 19 sur 181 membres (soit 10,5%)15. Vingt ans plus tard, à la suite des élections législatives du 13 juin 1999 organisée sous l’égide de la loi du 24 mai 1994, soit quand le Centre fête son vingtième anniversaire16, le nombre de femmes députées à la Chambre s’élève à 35 sur 150 (soit 23,3%)17 et celui de femmes sénatrices à 21 sur 71 (soit 29,6%)18. Un an avant le vingt-cinquième anniversaire du Centre19, les élections législatives fédérales du 18 mai 2003, élections qui ne sont pas encore totalement régies par les lois de 2002, ont abouti à l’augmentation de quasi 80% du nombre de femmes à la Chambre par rapport au scrutin de 1999 (53 femmes sur 150, soit 35,3%) et de 25% pour les élues directes au Sénat (pour un total, sénatrices de communautés et cooptées comprises, de 22 femmes sur 71, soit 31%)20. À l’heure de célébrer le quarantième anniversaire du Centre, douze ans après les premières élections, celles du 10 juin 2007, organisées sous le régime prévu par les lois de 2002, la Chambre compte, à la suite des élections du 26 mai 2019, 65 femmes (25 francophones sur 61 et 40 néerlandophones sur 89), soit un total, historiquement haut, de 43,3%21. Au Sénat qui, depuis la réforme constitutionnelle opérée en 201422, est composé uniquement de 50 personnes désignées par les parlements communautaires et régionaux et de 10 personnes cooptées, on compte 28 femmes, soit 46,7%23. Cette réforme de 2014 a du reste prévu que le Sénat ne peut compter qu’un maximum de deux tiers de membres du même genre24. En Belgique, il s’agit là du seul « quota de sièges »25 prévu pour une assemblée parlementaire.

§8 Du côté des entités fédérées, l’impact des législations présentées ci-dessus n’est pas moins spectaculaire. Les premières élections d’une assemblée parlementaire fédérée se déroulent en 1986 et concernent le Conseil de la Communauté germanophone26 : 1 seule femme est élue sur les 25 membres de ce Conseil (soit 4%)27. En 1989, dix ans après la création du Centre, c’est au tour de la Région bruxelloise de connaitre son premier scrutin législatif à l’issue duquel 18 femmes sont élues sur 75 membres (soit 24%). En 1999, ces deux assemblées comptent respectivement 8 femmes sur 25 (soit 32%)28 et 27 femmes sur 75 membres (soit 34,6%)29. À la suite des élections du 13 juin 2004, le nombre de femmes membres du Conseil de la Communauté germanophone tombe à 7 ; tandis qu’au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, il est de 41 sur 89 membres (soit 46%)30. Du côté du Conseil de la Région wallonne, ce sont 8 femmes sur 75 (10,7%) qui siègent à la suite du scrutin de 199931 et 14 à la suite du scrutin de 2004 (soit 18,7%, ce qui demeure un « pourcentage fort faible »32). Enfin, le Conseil flamand compte 25 femmes sur 124 membres en 1999 (soit 20,2%)33 et 40 en 2004 (soit 32,3%)34. Quinze ans plus tard et dix ans après les premières élections régionales et communautaires, celles du 7 juin 2009, organisées sous le régime adopté en 2002, ces chiffres ont encore augmenté à la suite des élections de mai 2019, à l’exception du Parlement bruxellois. Ainsi, ce scrutin a mené à l’élection directe de 9 femmes parmi les 25 membres du Parlement de la Communauté germanophone (36%), de 39 femmes parmi les 89 député·e·s bruxellois·e·s (43,8%), de 31 femmes parmi les 75 député·e·s wallon·ne·s (41,3%) et de 58 femmes parmi les 124 membres du Parlement flamand (46,8%)35.

§9 Aux côtés de la représentation parlementaire des femmes, plusieurs normes relevant du droit public ont également favorisé la présence féminine au sein des différents gouvernements de la Belgique fédérale. La principale est bien entendu l’article 11bis de la Constitution, adopté en 2002, qui prévoit une obligation de mixité au sein du Conseil des ministres36. Ce principe est, l’année suivante, décliné au sein des lois spéciales du 8 août 1980 et du 12 janvier 1989 et de la loi du 31 décembre 1983 pour être applicable aux gouvernements communautaires et régionaux37. Plus récemment encore, en vertu de leur autonomie constitutive acquise lors de la quatrième réforme de l’État et amplifiée lors de la sixième, la Région wallonne38 et la Communauté française39 se sont dotées chacune d’un décret spécial prévoyant que leur gouvernement respectif compte minimum un tiers de membres du même sexe. Une telle mesure a également été adoptée par la Région de Bruxelles-Capitale40 malgré l’avis négatif donné par la section de législation du Conseil d’État sur lequel nous reviendrons ultérieurement41. L’exigence constitutionnelle de mixité au sein des gouvernements, le cas échéant renforcée par l’adoption de normes spéciales au niveau des entités fédérées, a également eu un impact non négligeable42.

§10 L’année de la création du Centre, le gouvernement Martens I qui avait été installé le 20 avril 1979 compte 25 ministres dont 1 seule femme Hendrika De Backer-Van Ocken en charge des affaires communautaires néerlandaises, et 8 secrétaires d’État dont 2 femmes toutes deux néerlandophones également43. Vingt ans plus tard, le gouvernement Verhofstadt I, installé le 12 juillet 1999, comporte 15 ministres dont 3 femmes mais aucune femme n’est recensée parmi les 3 secrétaires d’État ou parmi les 3 commissaires du gouvernement. En d’autres termes, la mixité désormais exigée par la Constitution était déjà observée, au niveau fédéral, avant l’adoption de son article 11bis. Si 5 femmes sur 15 ministres et 2 femmes sur 6 secrétaires d’État font partie du gouvernement Verhofstadt II installé le 12 juillet 2003, le gouvernement De Croo, en place depuis le 1er octobre 2020, compte lui 8 femmes sur 15 ministres et 2 femmes sur 5 secrétaires d’État. C’est bien entendu la première fois, dans l’histoire belge, qu’un gouvernement fédéral est strictement paritaire ; il s’agit là d’un progrès significatif a fortiori dans la mesure où il fait suite au gouvernement Michel I qui, lors de son installation le 11 octobre 2014, ne compte que 3 femmes sur 14 ministres et 1 femme sur 4 secrétaires d’État. Ce constat doit cependant être nuancé : si l’on n’envisage que la seule composition du Conseil des ministres restreint (le « kern ») du gouvernement De Croo, on observe que seules 2 de ses 8 membres sont des femmes. Aux côtés d’autres indicateurs – à commencer par le nombre très réduit de femmes présidentes de parti particulièrement du côté francophone44 –, cette observation semble confirmer que plus l’on se rapproche du noyau dur du pouvoir et de son exercice, moins les femmes y sont associées.

§11 Du côté des entités fédérées, le premier exécutif wallon, celui Dehousse I installé le 23 décembre 1981 est exclusivement masculin ; celui dirigé par Elio Di Rupo à partir du 12 juillet 1999 l’est encore. Ce n’est qu’un an plus tard qu’une femme, en la personne de Marie Arena, fait pour la première fois son entrée au sein de l’exécutif wallon dans le gouvernement Van Cauwenberghe I installé le 5 avril 2000. Le gouvernement Di Rupo III, en fonction depuis le 13 septembre 2019, compte 3 femmes sur ses 8 membres. Au nord du pays, le premier exécutif flamand, celui Geens I, entré en fonction le 22 décembre 1981, ne compte qu’une femme, en charge de la Famille et du Bien-être, parmi ses 9 membres ; le gouvernement Dewael mis sur pied le 13 juillet 1999 en compte 3 sur 9. Cette proportion d’un tiers n’a pas évolué vingt ans plus tard : l’actuel gouvernement Jambon, installé le 2 octobre 2019 compte toujours 3 femmes parmi ses 9 membres. Du côté de la Région bruxelloise, le premier exécutif, Picqué I, installé le 12 juillet 1989, est exclusivement masculin. Cette situation perdure durant dix ans puisqu’il faut attendre le gouvernement Simonet I, installé le 14 juillet 1999, pour qu’une femme devienne ministre régionale, Annemie Neyts-Uyttebroeck. Dix ans plus tard, le 16 juillet 2009, le gouvernement Picqué IV compte 2 femmes ; depuis le 18 juillet 2019, le gouvernement Vervoort III compte 1 ministre femme et 2 femmes secrétaires d’État ce qui fait 1 femme de moins que le gouvernement Vervoort II qui comptait 1 femme ministre sur 5 et 3 femmes secrétaires d’État sur 3. En Communauté germanophone, il faut attendre le 6 juillet 2004, date de formation du gouvernement Lambertz II (soit le 6e exécutif germanophone), pour qu’une femme soit ministre. Aujourd’hui, le gouvernement Paasch II ne compte toujours qu’une seule femme (il s’agit d’ailleurs toujours de la même personne, Isabelle Weykmans). Enfin, après quatre exécutifs exclusivement masculins, Madga de Galan est la première femme à siéger au sein du gouvernement de la Communauté française et ce le 7 janvier 1992, date de la mise sur pied de l’exécutif Anselme. Moins de deux ans plus tard, le 6 mai 1993, Laurette Onkelinx est la première femme élue Ministre-Présidente d’une entité fédérée ; elle le resta jusqu’au 6 juillet 199945. C’est d’ailleurs dans cette entité fédérée, la Communauté française, que l’on observe les seuls exécutifs majoritairement féminins dans l’histoire de la Belgique. D’une part, entre le 19 juillet 2004 et le 20 mars 2008, le gouvernement Arena compte 4 femmes pour 2 hommes ; d’autre part, l’actuel gouvernement Jeholet compte 3 femmes pour 2 hommes. Le fait que la Communauté française soit principalement en charge de compétences traditionnellement associées aux femmes – l’aide aux personnes, le soin, la jeunesse, l’enseignement, bref autant de compétences renvoyant à une certaine éthique du care46 – n’est évidemment pas étranger à ce constat47.

§12 Que retenir de ce premier bilan quantitatif ? D’un point de vue strictement numéraire, l’adoption continue d’un arsenal de règles de droit public destinées à favoriser la présence des femmes au sein des organes législatifs et exécutifs fait une différence. Certes, les parlements peinent à atteindre une stricte parité dans leur composition, à l’exception de la parenthèse enchantée observée au Sénat entre 2014 et 2019. Certes encore, les progrès ne semblent jamais définitivement acquis et cette situation justifie empiriquement le maintien sans doute encore pour de nombreuses années de tels quotas, mais la féminisation des assemblées parlementaires est indéniable et sur ce point, le système de la parité, et a fortiori de la tirette, sur les listes de personnes candidates aux élections a permis d’engendrer puis de consolider de substantielles améliorations. L’impact de telles règles sur la composition des gouvernements est lui aussi indéniable : comme on l’a vu, des exécutifs exclusivement masculins ont longtemps été la norme en Belgique et l’adoption de règles prévoyant à tout le moins leur mixité a pu renforcer une tendance parfois déjà à l’œuvre auparavant. Mais à l’exception de rares exemples – le gouvernement Arena en Communauté française ou le gouvernement De Croo au niveau fédéral –, les exécutifs, qu’ils soient fédéral, régionaux ou communautaires, restent majoritairement composés d’hommes.

§13 D’un point de vue plus qualitatif cependant, ces règles semblent, à court terme, relativement impuissantes à profondément transformer ce que la politologue Petra Meier appelle « les fondations normatives » de la sphère politique – soit ses procédures, ses règles et ses pratiques, qui restent encore largement dominées par une représentation virile de la vie publique48. De nombreux exemples en témoignent : le fait que les femmes actives en politique restent dans leur immense majorité victimes de propos ou d’attitudes sexistes49, leur difficulté à briser le « plafond de verre » et à accéder aux plus hautes fonctions exécutives, leur cantonnement, régulièrement observé, à des portefeuilles ministériels peu visibles, ou encore leur surreprésentation au sein d’exécutifs communautaires, certainement au niveau francophone, dont les compétences renvoient davantage à une logique de care et non au noyau dur des fonctions régaliennes. Notre étude n’a cependant pas pour objectif de dresser un tel bilan qualitatif. Ancrée dans une analyse critique du droit public et de ses usages, elle entend plus modestement montrer que si les règles de droit public ont pu assurément jouer un rôle favorable à la représentation des femmes dans l’arène politique, des raisonnements propres à cette discipline juridique et à ses fondements théoriques ont pu aussi et peuvent toujours constituer de puissants obstacles à l’accroissement de cette représentation. La partie suivante de notre article sera précisément consacrée à l’examen de cette ambiguïté. L’on y constatera une évolution assez notable : autant au moment de la création du Centre, le droit public semblait tendanciellement être interprété comme interdisant ou limitant les mesures destinées à accroître la représentation politique des femmes, autant au moment de célébrer le quarantième anniversaire du Centre, la tendance semble s’être durablement inversée.

Le dépassement d’un droit public comme réservoir d’arguments défavorables à l’adoption de mesures favorisant la présence des femmes dans les organes législatifs et exécutifs

§14 De façon générale, trois types d’arguments relevant du droit public ont pu être mobilisés en vue de faire obstacle à l’adoption de règles favorisant la présence des femmes au sein des parlements et des exécutifs : le premier type relève des droits humains, le deuxième renvoie à certaines règles propres à la dimension représentative de la démocratie belge, le troisième est plus spécifique à l’organisation du système fédéral de la Belgique. Les lignes suivantes passeront en revue ces trois types d’arguments et s’attacheront à saisir l’évolution rencontrée quant à leur persistance dans les débats juridiques contemporains et relatifs à l’accroissement de la présence des femmes au sein des cénacles parlementaires et gouvernementaux. À l’issue de ce rappel, nous constaterons que si certains de ces arguments semblent relever de l’histoire (récente) du droit public – ainsi l’interprétation restrictive de l’égalité juridique –, d’autres conservent toute leur actualité – par exemple, l’impossibilité, d’après le Conseil d’État, pour la Région de Bruxelles-Capitale mais par extension pour toute entité fédérée, de prévoir une présence minimale garantie de femmes au sein de son gouvernement.

Des droits de l’homme aux droits de la femme, de l’obstacle à la ressource

§15 L’on sait qu’historiquement, les droits de l’homme devaient s’entendre littéralement : à la fin du XVIIIe siècle, il s’agissait bien de consacrer des droits aux seuls citoyens masculins à l’exclusion des citoyennes50. Par la suite, de nombreux droits « de l’homme » – ainsi le droit à la protection de la vie privée51 – ont été convoqués en vue de maintenir les femmes dans une position de subordination juridique et matérielle. Ce n’est que durant la seconde moitié du XXe siècle que la pensée féministe a pu se réapproprier la grammaire des droits humains et y voir le socle d’une protection juridique accrue en faveur des femmes52. Le débat sur la démocratie paritaire et l’adoption de quotas destinés à favoriser la présence des femmes dans l’espace politique ne font pas exception à cette évolution. En effet, alors qu’au moment des premières initiatives en vue d’augmenter cette présence, les droits humains et leur interprétation dominante y ont tendanciellement fait obstacle, plus récemment, l’on observe un retournement : ces droits humains, désormais « féminisés », peuvent aujourd’hui susciter de nouvelles mesures destinées à accroître la présence des femmes dans les sphères du pouvoir politique.

§16 Le fait que les droits humains ont pu être mobilisés pour justifier une position défavorable à l’adoption de mesures destinées à augmenter la présence des femmes dans les organes législatifs et exécutifs est particulièrement bien reflété par l’avis n° 13.807/1 donné le 8 mai 1981 par la section de législation du Conseil d’État à propos de la proposition de loi dite « D’Hondt-Van Opdenbosch » visant à modifier l’article 23 de la loi électorale communale53. Celle-ci se donnait pour objet de prévoir qu’aucune liste pour les élections communales ne pourrait comprendre plus de trois quarts de candidat·e·s d’un même sexe. Elle n’a jamais été soumise au vote précisément en raison de l’avis extrêmement négatif rendu par le Conseil d’État, un avis qui semble émaner d’une section de législation cherchant le moindre argument défavorable à toute exigence de mixité renforcée sur les listes électorales54. Parmi ces arguments, plusieurs relèvent du registre des droits humains.

§17 Ainsi, la section de législation a estimé que la proposition examinée n’était pas « sans incidence sur la liberté d’association et d’expression dont peuvent se prévaloir, en vertu des articles 10 et 14 de la Constitution [aujourd’hui 19 et 27] les citoyens, et, au même degré qu’eux, les associations électorales et les partis politiques. La Constitution garantit aux citoyens et aux partis le droit de s’associer, en vue des élections, avec quiconque et de la manière que bon leur semble »55. Ce droit impliquerait « tant la liberté d’aller devant les électeurs avec une identité nettement marquée et avec les personnes qu’ils jugent représentatives des opinions politiques défendues par eux que celle de composer leurs listes de candidats en fonction de la physionomie générale de la société au sein de laquelle ils vivent ». Dès lors, des règles impératives qui imposeraient la présence de telle ou telle catégorie de personnes sur les listes électorales « porteraient atteinte à cette liberté »56 et seraient à ce titre contraires à la Constitution. Un tel argument ne résiste pas à l’analyse. D’une part, il est douteux que la liberté d’association s’applique telle quelle aux partis politiques qui, en raison de leur rôle dans la démocratie belge, ne semblent pas pouvoir être assimilés aux associations de droit privé qui, elles, sont visées par cette liberté57. D’autre part, poussé à son extrême, cet argument qui charrie une vision très libérale de la compétition électorale serait de nature à remettre en question une bonne partie de la législation électorale qui, au-delà de la question du sexe des candidat·e·s, s’attache précisément à encadrer la possibilité de fonder un parti et de participer aux élections. Il n’est déjà lors guère surprenant que cet argument ait complétement disparu du paysage juridique par la suite.

§18 Mais c’est le principe de l’égalité et de la non-discrimination qui a été, au sein du registre des droits humains, l’argument clef justifiant l’avis négatif du Conseil d’État. En effet, dans ce même avis du 8 mai 1981, la section de législation a estimé que des dispositions qui se fondent sur la distinction de sexe en vue de régler l’exercice d’un droit politique, en l’occurrence le droit d’éligibilité aux conseils communaux, étaient incompatibles avec l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre le principe de non-discrimination et qui vise notamment la jouissance des droits politiques, ainsi ceux consacrés par l’article 3 du premier protocole additionnel de la Convention relatif au droit à des élections libres. Selon elle, « l’application de la disposition proposée peut aboutir à ce qu’un candidat se voie écarté en raison de son sexe, et ce serait là une discrimination contraire au principe d’égalité consacré par les articles 6 et 6bis de la Constitution [aujourd’hui 10 et 11]. Ainsi, en supprimant une inégalité de fait, la proposition engendrerait-elle une inégalité de droit inadmissible »58. La vigueur de cet argument présenté comme définitif a sans aucun doute généré ce que l’on appelle un chilling effect59, soit le gel de ce débat qui, en Belgique, restera dans les tiroirs durant une décennie. D’ailleurs, il faut constater qu’à l’époque, cet avis et son argument clef ne semblent pas avoir suscité un débat important dans la doctrine publiciste : nous n’avons pas trouvé d’articles critiques contemporains à cet avis ; ce n’est qu’ultérieurement que la doctrine publiciste a pris distance avec cette interprétation du principe de non-discrimination alors que le Conseil d’État l’avait déjà lui-même abandonnée60.

§19 Pourtant, en 1981, d’autres lectures du principe d’égalité, en particulier lorsque ce dernier vise l’égalité entre les sexes, étaient déjà disponibles et il est révélateur que l’avis du Conseil d’État n’y fasse aucune référence. Nous songeons ainsi à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée le 18 décembre 1979 dont l’article 7 est spécifique à l’égalité entre hommes et femmes dans la vie politique mais dont, surtout, l’article 4 prévoit que « l’adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination ». Ce texte, à l’époque non ratifié par la Belgique mais déjà signé en 198061, aurait pu inspirer le Conseil d’État et en particulier l’inciter à nuancer sa lecture rigoriste de la non-discrimination.

§20 Cet argument, reposant sur une interprétation particulièrement stricte du principe d’égalité, a donc été abandonné par le Conseil d’État qui ne l’a plus convoqué dans l’avis que sa section de législation a rendu le 17 novembre 1993 à propos du projet de loi qui aboutira à la législation dite « Smet-Tobback » précitée62. Dans cet avis, bien plus modéré que celui rendu en 1981, seule la question de la sanction envisagée en cas de non-respect des quotas prévus par cette loi – soit l’irrecevabilité de la liste – avait suscité une critique de la part du Conseil d’État, critique balayée par le ministre avec une fermeté qui tranche avec la docilité affichée en 198163.

§21 Depuis l’adoption de cette législation fondatrice, l’argument tiré du principe d’égalité ne semble plus faire obstacle à l’adoption de règles contraignantes en matière de composition des listes électorales. Ainsi il n’a pas été soulevé à l’occasion de l’adoption du décret spécial wallon précité du 11 mai 201864. Il n’en demeure pas moins que c’est au prix de la modification constitutionnelle de 2002 – qui a explicitement prévu, d’une part, l’égalité entre hommes et femmes au sein de l’article 10 de la Constitution et, d’autre part, le principe de l’action positive en vue de favoriser l’égal accès des femmes aux mandats électifs et publics au sein de son article 11bis – que le Conseil d’État a validé les projets ayant abouti aux lois précitées du 18 juillet 200265.

§22 Sur ce point, apparaît décisif le fait que le principe même de l’action positive, pourtant constitutionnalisé en 2002, demeure en périphérie du droit de l’égalité et de la non-discrimination. En effet, compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle inaugurée en 199466, toute action positive doit répondre à plusieurs critères : l’inégalité à laquelle s’attaque la mesure envisagée doit être manifeste, la disparition de cette inégalité doit être désignée par le législateur comme un objectif à promouvoir, la mesure envisagée doit être temporaire et elle ne peut inutilement porter atteinte aux droits d’autrui. Cette jurisprudence qui a été régulièrement confirmée depuis lors67 et qui, en pratique, aboutit à un « contrôle de proportionnalité renforcé »68, a d’ailleurs été coulée dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes69. Ce type d’action est donc très clairement présenté comme une anomalie par rapport au droit commun de l’égalité et de la non-discrimination et non tel un outil légitime et nécessaire en vue de réaliser pleinement cette égalité70. En particulier, la dimension temporaire d’une telle action peut poser question tant les exemples de retours en arrière – ainsi l’exemple du Sénat moins féminin en 2019 qu’en 2014 – sont, dans ce domaine, régulièrement observés71.

§23 Enfin, l’évolution la plus frappante quand on compare les débats parlementaires relatifs aux réformes de 1994 et de 2002 d’une part à ceux plus récents d’autre part est la présence de plus en plus prégnante de la Convention précitée des Nations Unies de 1979. Absente des débats noués à l’occasion de la réforme opérée en 1994, cette Convention a tout d’abord été pointée, de façon assez fugace, par les constitutionnalistes interrogés lors des débats ayant abouti à la révision constitutionnelle de 200272. Ce constat d’une relative sous-exploitation de ce texte majeur73 semble devoir aujourd’hui être nuancé. Certes, ni le législateur wallon, ni le législateur bruxellois ne l’ont invoqué lorsqu’ils ont chacun adopté des règles plus exigeantes en matière de présence de femmes sur les listes électorales. En revanche, tant le législateur wallon que celui de la Communauté française ont explicitement mobilisé ce texte dès les premières lignes de l’exposé des motifs des propositions ayant abouti aux décrets spéciaux précités du 2 mai 201974 et du 11 mars 202175. Et la récente ordonnance spéciale adoptée par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale – qui prévoit, pour rappel, un seuil minimal d’un tiers de personnes de chaque sexe au sein du gouvernement régional bruxellois – se positionne également et dès le départ sous les auspices de cette Convention76. D’ailleurs, lu au regard de cette Convention, l’article 11bis de la Constitution qui ne prévoit qu’une obligation de mixité au sein des gouvernements est pointé, par les parlementaires bruxellois, wallons et de la Communauté française comme un socle minimal qu’il convient de dépasser précisément pour satisfaire aux ambitions plus élevées que porte le texte de 1979.

§24 En d’autres termes, en quarante ans, le Belgique est passée d’une lecture restrictive de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et d’une ignorance du texte international le plus signifiant en la matière à une vision moins formelle du principe d’égalité, vision alimentée par la Convention des Nations Unies de 1979 dont les ressources sont de plus en plus maitrisées par le parlementaires belges. Si elle a certes été suscitée par la diffusion accrue d’un texte international, cette évolution du droit public belge et de son usage à des fins de justification d’une décision politique est probablement l’élément le plus notable observé ces quarante dernières années en la matière. Elle constitue en tout cas l’écho tangible des nombreux travaux féministes visant à dépasser la « tare originelle » du principe de l’égalité juridique qui aboutit à « son propre inaboutissement »77.

Une femme parlementaire représente-t-elle nécessairement les femmes ?

§25 Dans son avis du 8 mai 1981, le Conseil d’État développe une interprétation pour le moins curieuse de l’article 42 de la Constitution (à l’époque 32) qui dispose que « les membres des deux Chambres représentent la nation, et non uniquement ceux qui les ont élus ». D’après la section de législation du Conseil d’État, l’obligation de porter sur les listes des candidat·e·s de sexe différent constituerait une innovation qui pourrait être l’amorce d’une réforme profonde du système électoral : « en lâchant le principe énoncé à l’article 32 de la Constitution, en vertu duquel les élus représentent l’ensemble de la population intéressée, on ouvrirait la voie à des initiatives tendant à prescrire que les listes de candidats soient composées, selon des pourcentages déterminés, de candidats qui sont censés représenter certains groupes sociaux ». Ainsi et toujours aux yeux du Conseil d’État, « le corps élu évoluerait (...) vers une représentation institutionnalisée de certains groupes et classes, évolution qui irait manifestement à l’encontre de la conception exprimée à l’article 32 de la Constitution et que, partant, il n’appartient pas au législateur ordinaire d’amorcer »78. Un tel argument, qui ne semble étrangement pas s’appliquer aux parlementaires de sexe masculin – personne ne prétend qu’un homme élu ne représente que les électeurs de sexe masculin – procède d’une lecture erronée de l’actuel article 42.

§26 En effet, comme le souligne la doctrine, cet article 42 ne vise que les personnes élues en tant que telles mais il n’a pas vocation à s’appliquer aux personnes qui ne sont que candidates à une élection79. En outre, cette disposition vise la dimension « territoriale » plutôt que l’origine « personnelle » du mandat parlementaire comme en témoigne sa formulation originelle qui se terminait par l’expression « et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés ». En d’autres termes, les électeurs et électrices dont il est fait mention dans la version actuelle de cet article sont situé·e·s à partir de leur circonscription électorale et non en fonction de leur sexe, genre ou autre caractéristique sociale. Enfin, force est de constater que cette disposition est considérée par la doctrine constitutionnaliste dans son ensemble comme reposant sur une fiction autant juridique que politique datant d’une Belgique au sein de laquelle les partis n’avaient pas acquis l’importance qu’ils ont actuellement80. Bref, cet argument déjà fantaisiste en 1981 a, par la suite, complètement disparu de la légisprudence du Conseil d’État.

§27 Si, du point de vue du droit constitutionnel, cet argument relatif à la représentation nationale convoqué par le Conseil d’État en 1981 est nul et non avenu, il n’en demeure pas moins qu’il soulève, sur le plan de la théorie politique cette fois, une série de questions vertigineuses que l’on peut résumer comme suit : les femmes ont elles des intérêts différents de ceux des hommes et leur présence au sein des parlements ou des gouvernements est-elle susceptible de mieux répondre à leurs besoins spécifiques ? Cet argument, qui renvoie aux différentes conceptions, descriptive ou substantielle81, de la représentation politique est ainsi fréquemment avancé par les personnes favorables aux quotas bénéficiant aux femmes82. Relevant plutôt d’un féminisme anglo-saxon, cet argument a été soulevé à l’occasion du vote de la loi « Smet-Tobback »83 sans sembler pour autant décisif.

§28 En réalité, le débat parlementaire noué à cette occasion a surtout illustré un certain éclectisme : on note en effet la présence simultanée et pas toujours cohérente de plusieurs arguments, puisant à des cadres théoriques relativement distincts – en bref, du féminisme universel à la française qui plaide pour une parité stricte et réservée aux seules femmes84 jusqu’aux postures anglo-saxonnes, qui sont plus empiriques et davantage enclines à la multiplication de quotas85. Loin de suivre un fil rouge parfaitement identifiable, les discussions menées à cette époque ont plutôt traduit la volonté de faire aboutir cette réforme trop longtemps attendue et avortée dix ans plus tôt en raison du rigorisme affiché par le Conseil d’État. Bref, loin d’embrasser les controverses particulièrement sophistiquées observées dans la littérature consacrée à la parité86, les parlementaires belges ont affiché un certain pragmatisme : il faut voter cette réforme, et ce quels que soient la justification privilégiée ou les doutes exprimés quant à son impact pratique et immédiat sur la légitimité et l’efficacité du travail parlementaire. Surtout, l’adoption de cette réforme a trouvé en Belgique un terreau relativement fertile compte tenu de l’existence de nombreux quotas qui structurent l’ensemble du système politique belge traditionnellement qualifié de « consociatif ». Les lignes suivantes seront consacrées à cet argument, ainsi qu’à une autre spécificité du système institutionnel belge, à savoir l’existence d’entités fédérées dotées d’une autonomie constitutive.

Les spécificités de la Belgique fédérale au service de la démocratie paritaire ?

§29 Lors de la discussion relative au projet qui aboutira à la loi « Smet-Tobback », la députée écologiste néerlandophone Magda Alvoet, après avoir entendu les objections exprimées à l’encontre de l’instauration d’un système de quotas, interrogea l’assemblée : « combien de membres francophones marqueraient leur accord sur la suppression des nombreux quotas fixés au niveau national pour les protéger »87 ? Apparemment teintée d’une ironie faussement naïve, la question, purement rhétorique, semble avoir convaincu les plus sceptiques puisqu’aucun membre de l’assemblée ainsi interpellé ne se risqua à y répondre. Ce faisant, Magda Alvoet mettait en exergue le constat suivant : le système politique belge, qui connait de multiples quotas linguistiques ou philosophiques, constitue une structure d’accueil propice à l’instauration de quotas sexués en droit électoral88.

§30 En effet, l’on sait que la Belgique constitue un exemple prototypique d’une démocratie dite « consociative », soit un système institutionnel et procédural visant à gérer la pluralité sociale et politique de façon pacifique en privilégiant le consensus89. Son objectif est en substance de permettre à l’ensemble des groupes formant société de participer à l’exercice du pouvoir en principe en fonction de leur importance respective au sein de cette société. Un tel modèle s’oppose à la notion de « démocratie majoritaire » qui marque la prévalence du fait majoritaire et qui concentre la prise de décision aux seules mains du groupe ou du parti dominant. La France constitue sur ce point un bon exemple de démocratie majoritaire et il n’est évidemment pas anodin de constater à quel point tout débat « communautaire » – et celui sur la démocratie paritaire et l’instauration de quotas sexués ne fait pas exception – génère des tensions importantes dans la classe politique et intellectuelle outre-Quiévrain.

§31 Cette philosophie consociative fut, en bref, juridiquement consacrée au début des années 1970, à l’heure de baliser ce qui deviendra ultérieurement un État fédéral proprement dit. « Il convient en effet de rappeler que la dynamique fédérale, qui marque l’évolution institutionnelle de la Belgique, ne peut être conçue indépendamment d’une dynamique consociative. Cette logique voire cet esprit de compromis explique la physionomie de nombreux mécanismes institutionnels qui ne se limitent pas au clivage linguistique et culturel, mais qui touchent aussi à des équilibres d’ordre philosophique ou idéologique, par exemple »90. Ainsi, la révision constitutionnelle opérée le 24 décembre 1970, que l’on a qualifiée par la suite de « première réforme de l’État »91, a introduit dans l’ordre juridique belge différents éléments destinés à protéger la minorité francophone au sein des institutions politiques nationales : création des groupes linguistiques à la Chambre et au Sénat, parité linguistique au sein du Conseil des ministres, consécration de la notion de « loi spéciale », adoption du mécanisme de la sonnette d’alarme, etc. Autant de garanties qui par la suite, lors de la troisième réforme de l’État opérée en 1988-1989, seront reproduites en miroir au sein de la Région de Bruxelles-Capitale mais cette fois au bénéfice de la minorité linguistique flamande92. Avant cela, la deuxième réforme de l’État avait également vu, en 1980, l’apparition de nouvelles mesures de protection de la minorité francophone, ainsi la composition du Comité de concertation ou celle de la Cour d’arbitrage.

§32 Bref, que ce soit en amont de toute réforme de l’État – la procédure d’adoption des lois spéciales – ou en aval – la résolution par le Comité de concertation ou la Cour constitutionnelle des conflits politiques ou juridiques que la mise en œuvre de ces réformes engendre inévitablement –, l’ensemble du système fédéral belge repose sur la volonté de ménager aux minorités linguistiques une position inexpugnable et décisive au sein des principaux lieux du pouvoir et de son exercice. Et lorsque de telles garanties prennent la forme de sièges réservés au sein de telle ou telle institution politique ou judiciaire, l’on peut sans difficulté parler de quota. Bref, au début des années 1990, lorsque le débat sur la démocratie paritaire revient sur la table de la Chambre, cela fait près de vingt ans que la Belgique désormais fédérale évolue au gré de quotas linguistiques. À l’instar de Magda Alvoet, il n’est pas interdit de penser qu’une telle configuration institutionnelle permet de faciliter l’acceptation de quotas sexués sur les listes de personnes candidates aux élections, puis ultérieurement au sein des organes exécutifs. On ne voit en effet pas très bien sur quelle base ce que l’on admettrait en raison du fait de parler le français ou le néerlandais serait vigoureusement rejeté lorsque la variable sociologique de référence a trait au sexe des individus. Pour le dire autrement, tout argument défavorable à l’instauration de quotas au bénéfice des femmes pourrait sans trop de difficulté être transposé à l’égard des francophones, ce qui aboutirait à une rupture explosive avec la dimension consociative du fédéralisme belge. Et la façon dont l’argument soulevé par Magda Alvoet semble avoir clos les débats relatifs à la loi « Smet-Tobback » confirme cette hypothèse.

§33 La réforme constitutionnelle de 1970 n’a pas seulement pavé la voie vers le fédéralisme belge. Elle fut aussi, en raison de la création de Conseils culturels, l’occasion de constitutionnaliser la protection des minorités idéologiques et philosophiques par la modification des articles 6 et 6bis (aujourd’hui 10 et 11) de la Constitution et du principe de non-discrimination qu’ils consacrent. Cette protection constitutionnelle trouva son prolongement politique et législatif dans l’adoption de la loi dite du « pacte culturel » 93. Cette législation, centrale dans l’organisation d’une Belgique pilarisée94 , vise en substance à protéger l’ensemble des tendances idéologiques observées en Belgique et, notamment, à organiser leur participation effective à la gestion des institutions culturelles créées par les autorités publiques. Sans entrer dans le détail de la mise en œuvre effective de cette exigence de participation, il suffit ici de constater que celle-ci repose généralement sur l’existence de postes réservés : au sein des organes de gestion des institutions culturelles ou parmi les organes consultatifs qui accompagnent leurs activités, les différentes tendances idéologiques doivent être représentées en proportion de leur poids politique respectif observé dans l’assemblée parlementaire de l’autorité qui gère l’institution culturelle concernée. En d’autres termes, dans le domaine de la participation à la gestion d’institutions culturelles, règne un système de quotas fixés en fonction d’une clef D’Hondt savamment appliquée à la suite de tout scrutin. Ainsi, le système érigé par cette législation et l’accord politique dont elle provient reposent sur une lecture dynamique et catégorielle du principe d’égalité dont ce système reconnait une dimension collective95. À nouveau, un tel dispositif, certes controversé mais globalement validé et positivement apprécié par la doctrine ou le Conseil d’État96, permet de nuancer considérablement les critiques, philosophiques ou juridiques, émises à l’égard des règles favorisant la présence des femmes au sein des parlements ou des gouvernements : comment raisonnablement s’opposer à une règle permettant aux femmes de bénéficier de places réservées sur les listes électorales ou au sein d’organes exécutifs si dans le même temps l’on accepte que des sièges soient proportionnellement attribués aux personnes représentant telle ou telle tendance philosophique et ce au sein de différentes structures essentielles à la vie politique belge ?

§34 Outre l’existence structurante de quotas linguistiques ou idéologiques dans le régime démocratique de la Belgique fédérale, une autre caractéristique du système institutionnel belge, formalisée dans différentes normes relevant du droit public, mérite ici d’être mentionnée tant elle a pu tantôt autoriser l’adoption de règles favorisant la participation politique des femmes, tantôt servir d’argument s’y opposant : il s’agit de l’autonomie constitutive dont bénéficient les entités fédérées, soit la possibilité –reconnue à la Région wallonne, à la Communauté française et à la Flandre par la quatrième réforme de l’État97, et approfondie par la sixième réforme de l’État qui l’a également conférée à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone – de modifier certaines règles relatives à la composition et au fonctionnement de leurs organes législatifs et exécutifs98. C’est en vertu de ce principe, généralement explicitement mentionné dans les travaux parlementaires de ces différentes réformes, que la Région wallonne99 et la Région de Bruxelles-Capitale100 ont adopté le système de la tirette sur les listes électorales pour l’élection de leur parlement respectif. C’est également au nom de ce même principe que la Région wallonne101 et la Communauté française102 ont récemment adopté la règle selon laquelle leur gouvernement respectif compte minimum un tiers de membres du même sexe. Sur ce point, les deux entités francophones ont usé de la faculté qui leur avait été explicitement reconnue à l’occasion de l’adoption de la loi spéciale précitée du 5 mai 2003103. La section de législation du Conseil d’État n’a soulevé aucune réserve sur ces initiatives, se contentant de rappeler les conditions relatives à l’adoption de mesures de discrimination positive et en particulier l’exigence d’une évaluation régulière de leur impact104.

§35 Mais lorsque la Région bruxelloise a émis le souhait d’adopter une règle similaire pour la composition de son propre gouvernement, la section de législation, siégeant cette fois en chambres réunies105, a déclaré qu’une telle réforme ne pouvait relever de l’autonomie constitutive : « par le passé, dans ses avis 65.453/2 et 68.138/2 sur des réglementations similaires concernant, respectivement, la Région wallonne et la Communauté française, le Conseil d’État n’a pas formulé d’observation à ce sujet. Après avoir réexaminé cette question dans le cadre des demandes d’avis à l’examen concernant la Région de Bruxelles-Capitale, le Conseil d’État estime devoir toutefois conclure à présent que le régime proposé ne peut pas s’inscrire dans le cadre de l’autonomie constitutive »106. En substance, l’argument soulevé par le Conseil d’État – qui conteste l’interprétation développée à l’occasion de l’adoption de la loi spéciale du 5 mai 2003 – repose sur le fait que, lors de l’extension de l’autonomie constitutive opérée lors de la sixième réforme de l’État107, le législateur spécial avait à cette occasion explicitement mentionné, dans les travaux préparatoires, la possibilité de favoriser la présence des femmes au sein des parlements. Or, lors de la quatrième réforme de l’État, lorsque la possibilité avait été reconnue aux entités fédérées de modifier le nombre de membres de leur gouvernement respectif, aucune référence expresse n’avait été faite à celle de prévoir une représentation garantie de l’un ou l’autre sexe. Dès lors, « on aperçoit mal pourquoi l’introduction d’un quota de genre pour les gouvernements pourrait s’inscrire dans l’autonomie constitutive concernant la fixation du nombre (maximal) de membres, alors qu’à l’égard des parlements, le législateur spécial a estimé nécessaire, à cette fin, d’étendre explicitement l’autonomie constitutive »108. Ainsi, d’après le Conseil d’État, l’autonomie constitutive conférée à la Région de Bruxelles-Capitale par les articles 34, § 1er, alinéa 3, et 41, § 8, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 porterait exclusivement sur la seule fixation du nombre maximum de ministres et de secrétaires d’État mais non sur leur sexe et il appartiendrait dès lors à l’Autorité fédérale, par loi spéciale, soit d’étendre l’autonomie constitutive des entités fédérées, soit d’adopter pour la Région de Bruxelles-Capitale une règle de composition équilibrée de son exécutif identique à celle que la Région wallonne et la Communauté française ont déjà adoptée toutes seules. La section de législation ajoute encore que l’« on ne peut pas non plus invoquer l’article 11bis de la Constitution comme fondement de l’introduction de quotas de genre par un décret spécial ou une ordonnance spéciale » car il ne peut pas être interprété en ce sens qu’il autoriserait le législateur décrétal ou ordonnanciel à déroger à des dispositions relatives à la composition des gouvernements communautaires et régionaux fixées par le législateur spécial conformément à une disposition constitutionnelle spécifique. En effet, en pareil cas, « l’article 11bis emporterait une révision implicite flagrante de l’article 123, § 2, ce qui ne peut se concevoir »109.

§36 Le revirement est gênant. Selon les interprétations, rien n’aurait changé au Conseil d’État depuis 1981, et l’on y chercherait encore à fouiller la boîte à outils du droit public pour y déceler le moindre argument défavorable à l’émergence d’une démocratie paritaire. Une analyse plus nuancée et optimiste inviterait à tenir davantage compte des deux premiers avis favorables – que le Conseil d’État n’aurait pas émis s’il avait vraiment été aussi rétrograde qu’en 1981 – pour déplorer la survenance un peu tardive d’un questionnement à l’aune de la répartition des compétences à propos des propositions d’ordonnance spéciale bruxelloise. Or, malheureusement, dès que se pose une question de répartition des compétences, son examen prime celui du respect des droits et libertés, puisqu’un législateur ne peut protéger ceux-ci que s’il est compétent dans la matière qu’il entend régler. On croit deviner l’embarras de la section de législation qui, outre qu’elle reconnaît son revirement, expose comment il faudrait faire pour accroître l’autonomie constitutive des entités fédérées pour qu’elles puissent ancrer leurs réformes dans le périmètre de leurs compétences, et se sent encore obligée de signaler qu’il n’est pas indispensable de légiférer pour atteindre l’objectif poursuivi : « La circonstance que la Région de Bruxelles-Capitale ne soit pas compétente pour adopter le régime proposé ne l’empêche évidemment pas, dans l’état actuel de la législation, de prévoir sur une base volontaire la présence d’au moins un tiers de femmes et un tiers d’hommes parmi les membres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et parmi les secrétaires d’État régionaux ».

§37 Soulignant l’incertitude de la légisprudence du Conseil d’État sur les contours exacts de l’autonomie constitutive qu’illustrent ces avis contrastés rendus en moins de deux ans, le Parlement régional bruxellois a résolument choisi d’écarter cet argument110 et a adopté cette ordonnance spéciale le 15 juillet 2022. Premièrement, un tel avis contredit selon lui le principe de l’interprétation large des compétences attribuées aux entités fédérées, alors que ce principe est régulièrement convoqué par le Conseil d’État lui-même et consacré par la Cour constitutionnelle même dans le cas où est en jeu une question d’autonomie constitutive111. Deuxièmement et corrélativement, il est douteux d’exiger, comme le Conseil d’État, que chaque aspect de l’autonomie constitutive fasse l’objet d’une mention explicite à l’occasion des débats présidant à son extension. Troisièmement, il considère que dès l’instant où d’autres entités fédérées ont déjà adopté de telles mesures, refuser à la Région de Bruxelles-Capitale de procéder à l’identique laisserait entendre que l’entité régionale bruxelloise est une sous-entité sachant que les limites posées à son autonomie constitutive ne visent que l’équilibre linguistique présidant à la composition de ses organes112.

§38 Même en se gardant de suspecter la section de législation du Conseil d’État d’être animée d’une forme de male gaze, cet épisode récent doit nous mettre en garde. Si en quarante ans, la tendance majoritaire consiste à désormais envisager le droit public comme moteur et véhicule de normes destinées à augmenter la présence des femmes dans les institutions parlementaires ou gouvernementales, si cette tendance est particulièrement perceptible dans l’usage des droits humains, jadis défavorables aux femmes, aujourd’hui moteur indubitable de leur présence politique, force est de constater qu’aucun combat n’est, en ce domaine, définitivement gagné : à chaque instant, ce même droit public peut être réinvesti avec pour objectif ou pour conséquence de faire obstacle à une mesure destinée à augmenter le nombre de femmes au parlement ou au gouvernement. Mais notre étude n’a pas seulement pour objectif de rappeler et d’illustrer la plasticité de la plupart des normes de droit public qui peuvent, en caricaturant à peine, être successivement convoquées pour soutenir tout et son contraire. La liberté d’association, la représentation nationale et le principe de l’autonomie constitutive ne sont évidemment pas des coquilles vides. Les normes qui consacrent ces principes sont néanmoins et assurément des normes à « texture ouverte »113 : leur contenu précis, leurs limites ou encore les ressources qu’elles offrent sont sans cesse réactualisés et indexés au regard du contexte politique et social dans lequel leur usage prend cours. En d’autres termes, l’évolution que cette partie a succinctement synthétisée n’est pas le fruit du seul développement de la science juridique ; elle est aussi et surtout le produit d’une mobilisation sociale assez singulière que la partie suivante s’attachera à caractériser en quelques pages.

Le combat pour la féminisation de la démocratie : un combat singulier parmi les luttes féministes

§39 Le combat de la démocratie paritaire serait-il « une cause sans mouvement »114, s’interroge l’une des plus fines observatrices de cette question ? Se penchant sur le cas français, cette autrice poursuit : « comment une revendication initialement défendue par une poignée de militantes et suscitant l’ignorance, l’ironie ou les vives oppositions de la plupart des élites politiques et des intellectuels dominants a-t-elle pu donner lieu, en quelques années, à une réforme de la Constitution et à une loi électorale imposant une représentation égale des femmes et des hommes à la plupart des élections politiques ? »115. En effet, par rapport à d’autres luttes féministes – on songe évidemment au premier chef à la question de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse –, le combat mené en vue d’augmenter la présence des femmes au sein des institutions politiques ne semble pas, à première vue, avoir reposé sur une mobilisation de masse ou avoir suscité un débat prégnant et visible dans l’opinion publique. Aussi, il ne semble pas avoir été au cœur des principales revendications portées par le mouvement féministe belge et les associations le composant. Ce combat peut dès lors constituer une énigme dans le chef des personnes étudiant les mouvements sociaux dès l’instant où le contraste entre l’intensité de la lutte – faible et cantonnée à certaines sphères sociales – et son résultat – un arsenal assez performant de règles sans cesse affinées – frappe les imaginations.

§40 Pour résoudre ce paradoxe, trois éléments apparaissent devoir être brièvement évoqués ici. Premièrement, il faut rappeler qu’historiquement, à l’inverse de mobilisations féministes observées à l’étranger, le féminisme belge a longtemps été rétif à réclamer des droits politiques au bénéfice des femmes. Deuxièmement, la question des droits politiques des femmes, si elle n’a pas été inscrite au cœur des revendications avancées par les associations féministes, a cependant été portée, à partir des années 1970, par des femmes actives au sein des différents partis politiques. En ce sens, le débat sur la démocratie paritaire marque la naissance et le développement de ce que l’on appellera un « féminisme d’État ». Enfin et troisièmement, la cause de la démocratie paritaire a pu bénéficier d’un puissant levier situé au niveau international : tant les Nations Unies que les organisations européennes ont développé sur ce point une expertise assez remarquable qui a nourri un agenda militant que se sont appropriées les femmes politiques belges.

Un féminisme belge historiquement peu concerné par la question des droits politiques

§41 L’histoire belge de la représentation politique des femmes est une « histoire lente »116. En effet, contrairement à la situation observée dans les pays nordiques ou anglo-saxons – où se développe un « mouvement féministe, suffragiste, massivement et rapidement organisé à la fin du XIXe siècle »117 –, le mouvement féministe belge qui se structure à la même époque rechigne à revendiquer les droits politiques que leur dénie la Constitution belge adoptée en 1831. Cette charte fondamentale est d’ailleurs emblématique du climat profondément misogyne qui préside aux débats politiques et juridiques de l’époque et qui est le produit d’une révolution dont les femmes ont été les grandes absentes118. Ce mouvement naissant préfère, par exemple, mettre l’accent sur l’éducation des femmes ou sur leur accès à l’enseignement119 : « la recherche de l’égalité politique est prématurée », assène d’ailleurs la Ligue belge du droit des femmes en 1893 quelques mois après sa création120. Quatre ans plus tard, en 1897, la question des droits politiques des femmes ne figure pas au programme du premier Congrès féministe international organisé à Bruxelles en août 1897 et ce n’est qu’en 1912, lors du deuxième congrès de ce type, que le droit de vote devient une revendication prioritaire121.

§42 Ce mouvement naissant va, en outre et très vite, être articulé aux piliers de la société belge, puis aux partis politiques qui en sont le prolongement. Ainsi, les groupes féministes belges vont voir leurs revendications indexées et soumises à la doctrine générale des différents piliers dans lesquels ils sont inscrits : pour le féminisme chrétien, l’agenda sera familialiste et tout entier orienté vers la réalisation de valeurs traditionnelles peu propices à l’émancipation publique des femmes ; pour le féminisme libéral, la perspective universaliste, le culte de l’égalité des chances ou encore parmi d’autres tropismes de la pensée libérale, le primat de l’individu, feront longtemps obstacle à toute revendication catégorielle et collective, par exemple en matière de droits politiques ; enfin, les revendications portées par le féminisme socialiste seront longtemps étouffées par le seul combat digne d’être mené – à savoir la lutte des classes – dont l’issue, nous dit-on, verra mécaniquement l’égalité entre les sexes assurée. Au-delà de ce constat, certes ici schématisé à l’extrême, sur la question plus spécifique des droits politiques, les groupes féministes pilarisés doivent composer avec les considérations stratégiques portées par les trois partis qui structurent à l’époque la vie politique belge : il ne s’agit pas que les femmes réclament une mesure – le droit de vote et d’éligibilité – dont l’adoption pourrait compromettre l’intérêt supérieur des partis. Ainsi, le débat sur le suffrage universel est intégralement déterminé par les craintes réciproques qu’expriment ces partis quant au bouleversement que pourrait impliquer un suffrage étendu aux femmes122. Le long et laborieux débat sur la reconnaissance du droit de vote aux femmes123 est ainsi emblématique d’un « détournement politique du féminisme »124.

§43 Si, d’un point de vue juridique, comme nous l’avons vu précédemment, l’organisation de la société belge en piliers a pu, dans la seconde moitié du XXe siècle, constituer un terreau favorable à l’adoption de quotas électoraux sexués, d’un point de vue plus sociologique, l’existence de ces piliers a longtemps cornaqué le mouvement féministe et toute volonté visant à l’émanciper de cette emprise idéologique et stratégique a fait long feu. À ce titre, l’on peut citer la tentative menée en 1921 à l’initiative de la Ligue belge du droit des femmes et qui « tourne court »125, consistant à créer un « Parti général des femmes belges ». Le texte de cet appel illustre autant la volonté de transcender les piliers que de la réticence à construire un agenda revendicatif de droits politiques : « Le P.G.F.B. s’est constitué dans le but de grouper toutes les femmes de Belgique et d’établir entre elles une union et une entente sur la base de quelques principes fondamentaux. Ce groupement dominera les luttes et les querelles de partis et s’écartera le plus possible de la politique pour diriger tous ses efforts vers la solution des questions sociales »126. En réalité, il faudra attendre près d’un demi-siècle pour voir ce type de tentative aboutir : il faudra d’abord que les groupes féministes acquièrent au sein des partis une certaine légitimité et reconnaissance, puis qu’ils se fédèrent par-delà leur divergence politique en vue de porter, d’une seule voix, la question de la démocratie paritaire.

La démocratie paritaire : la victoire du féminisme d’État

§44 Les années 1960 semblent avec le recul constituer une décennie pivot dans l’articulation entre le mouvement féministe et les structures partisanes ou étatiques. En effet, si la Chambre compte 11 femmes sur 212 députés en 1961, ce chiffre tombe à 6 dix ans plus tard. Pire, en 1968 et pour la seule fois de son histoire depuis 1921, le Sénat ne compte aucune femme parmi ses 178 membres. En France, les évènements de mai 1968 vont durablement influencer le positionnement du mouvement féministe à l’égard des institutions étatiques : cette « année zéro » du féminisme voit en effet l’émergence d’un féminisme « anti-institutionnel »127 particulièrement méfiant à l’égard d’un État perçu comme patriarcal et structurellement incapable de satisfaire les revendications d’égalité et d’autonomie portées par les associations féministes. « La plupart des militantes féministes qui battent le pavé dans les années 1970 dans la majorité des États occidentaux entendent avant tout changer la société, plutôt que de changer l’État et revendiquer une inclusion au sein des institutions existantes »128. À première vue, ce climat marqué par une distanciation croissante entre les principales associations féministes et la sphère électorale apparait peu propice à la cause de la parité politique129. En réalité et paradoxalement, il est le terreau d’une évolution qui, vingt ans plus tard, aboutira aux premières normes obligeant les partis politiques et les gouvernements à laisser une place aux femmes. En effet, l’apparition de ce féminisme dit de la « deuxième vague »130, aux revendications inédites et dont les stratégies s’inscrivent en marge des processus institutionnalisés de contestation, va en quelque sorte provoquer une double prise de conscience : aux seins de partis politiques d’une part, et à l’intérieur même des structures étatiques d’autre part.

§45 C’est en effet à partir de la fin des années 1960 et du début des années 1970 que les femmes actives au sein des différents partis politiques se structurent en instances permanentes et progressivement reconnues par les statuts respectifs des partis : émergent ainsi les Femmes PSC, la Commission des femmes du parti socialiste, la Fédération nationale des femmes libérales, etc. et surtout, l’association Vrouw en Maatschappij qui, active au sein du parti flamand social-chrétien – à l’époque, le plus important parti du paysage politique belge –, servira d’« exemple aux groupes de pression féminins d’autres partis »131. En substance, ces femmes, inquiètes de voir leur mouvement d’origine développer une méfiance au pire, une indifférence au mieux, à l’égard des institutions étatiques et des organisations partisanes, tentent en quelque sorte de réconcilier les sphères féministes militantes et partisanes en pesant sur le contenu programmatique de leur parti. Il s’agit non seulement d’y injecter certaines des revendications portées par le féminisme de la deuxième vague – égalité salariale, droit à disposer de son corps, etc. – mais également d’œuvrer à la création de relais entre ces deux sphères. Cette dernière préoccupation sera ainsi à la base des premières réflexions relatives à la démocratie paritaire et aux quotas électoraux que chaque groupe féminin partisan mènera avec plus ou moins de persévérance et de succès.

§46 Un autre évènement conduit également les partis politiques à institutionnaliser en leur sein une réflexion sur les questions qui animent le mouvement féministe : la création en 1972 d’un Parti féministe unifié, constitué à l’initiative de femmes impliquées au sein des familles politiques socialistes, chrétiennes ou libérales, et sa présentation aux élections législatives de 1974 à l’issue desquelles il n’obtient cependant aucun siège132. Cet échec électoral « n’est pas pour autant un coup d’épée dans l’eau ; son mérite principal est d’avoir sensibilisé les partis à la faible participation des femmes dans la décision politique, et de les inciter à ‘‘féminiser’’ les listes présentées lors de ces élections. Remettant l’accent sur l’action politique comme moyen principal de lutte pour les féministes, le PFU incite les militantes à s’organiser à l’intérieur des partis et à y avoir leur mot à dire. En ce sens, il joue indubitablement un rôle d’aiguillon »133. C’est ainsi que, à partir des années 1970, plusieurs partis mèneront des campagnes destinées à renforcer la visibilité de leurs femmes candidates et à appeler leur électorat à « voter femme »134. Ces campagnes portent leur fruit : lors des élections de 1974, la présence des femmes à la Chambre et au Sénat, bien qu’encore marginale (moins de 7%), atteint un maximum historique135.

§47 Parmi ces femmes qui portent le combat féministe à l’intérieur de leur parti, l’une mérite une attention particulière tant sa carrière est révélatrice de l’évolution observée entre les années 1970 et 1990 : il s’agit de Miet Smet qui a été la première présidente du groupe Vrouw and Maatschappij et surtout la première personne à devenir secrétaire d’État à l’Environnement et à l’Émancipation constitué en 1985 au sein du gouvernement Martens VI (1985-1987), une fonction qu’elle a assumée jusqu’en 1992 avant d’être nommée ministre de l’Emploi et du Travail en charge de la Politique d’égalité des chances entre hommes et femmes au sein des gouvernements Dehaene I et II (1992-1999)136. Avant d’être à l’initiative, au côté de Louis Tobback, de la première loi destinée à prévoir des quotas féminins sur les listes des personnes candidates aux élections, Miet Smet déploie une énergie considérable à fédérer l’ensemble des femmes militant au sein des partis politiques. Cette entreprise culmine le 22 mars 1988 avec l’adoption par dix représentantes de groupes féminins partisans (les partis francophones et néerlandophones traditionnels, les deux partis écologistes ainsi que le FDF et la Volksunie) de la Charte des femmes dans la politique. Parmi d’autres revendications, ce texte appelle les partis politiques à développer « une stratégie concrète, comme l’instauration ou le renforcement de quotas » en vue de parvenir à « une représentation égale d’hommes et de femmes sur les listes électorales »137. C’est également Miet Smet qui est à l’initiative de la création, du « Groupe pour la démocratie paritaire » qui rassemble nombres de femmes actives dans les partis politiques et qui organisera, dès 1991, plusieurs campagnes publiques en vue de favoriser la présence des femmes en politique138.

§48 La création en 1985 d’un secrétariat d’État à l’Émancipation, son évolution plus explicite en un portefeuille ministériel consacré à la Politique de l’égalité des chances entre hommes et femmes, puis en 2002, la naissance d’un Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes (IEFH), sont autant de manifestations de ce que l’on appelle un « féminisme d’État ». Cette expression, apparue dans les années 1980 et conceptualisée dans un ouvrage publié en 1990139, renvoie aux « activités des instances gouvernementales et administratives qui sont officiellement responsables de la promotion des droits des femmes et plus largement de l’égalité des sexes »140. L’apparition, puis le développement de ces instances, peuplées de « fémocrates »141 qui pour la plupart proviennent du secteur associatif, sont révélateurs d’une profonde transformation des relations entretenues entre l’État et la société civile, en l’espèce le mouvement féministe, et tendent à brouiller la frontière qui, traditionnellement, distingue ces deux sphères sociales142. L’État n’est plus cette « réalité externe à la vie des femmes »143, il ne représente plus seulement un pouvoir sur lequel elles n’auraient aucun contrôle : il peut désormais constituer un allié du combat féministe. Cette évolution aura au moins deux conséquences majeures. D’une part, les structures étatiques deviennent poreuses et le mouvement féministe bénéfice désormais en son sein de relais ou de leviers permettant la mise à l’agenda des revendications qu’il porte de longue date. D’autre part, certaines thématiques, au départ peu investies par les associations féministes – dont évidemment et au premier chef, celle de la démocratie paritaire – sont désormais directement pilotées par des femmes situées à l’intérieur de l’État et qui bénéficient à ce titre d’une autorité et d’une légitimité incontestables mais également de ressources décisives (budget, administration, expertise). Sur ce point, la trajectoire politique de Miet Smet est emblématique du succès qu’a rencontré le féminisme d’État, en particulier s’agissant de l’instauration de quotas électoraux et de règles imposant la mixité au sein des organes exécutifs, autant de mesures souvent pointées comme prototypiques de la nouvelle alliance qui réunit le féminisme associatif et le féminisme étatique144. Une telle évolution a pu en outre bénéficier d’un contexte international particulièrement favorable et qui sera brièvement présenté ci-dessous.

La démocratie paritaire : un combat transnational porté par plusieurs organisations internationales

§49 Dès ses origines, l’Organisation des Nations Unies a tenu à faire de l’égalité entre les sexes un axe de travail décisif, comme en atteste la Charte des Nations Unies dont le préambule proclame explicitement l’égalité entre hommes et femmes et dont l’article 8 prévoit en outre une égalité d’accès au sein des principaux organes de l’organisation. En 1946 est créée la Commission de la condition de la femme, qui est toujours active à l’heure actuelle, et qui exerce « une influence unique et particulière au sein des systèmes des Nations Unies »145. Cette Commission est ainsi partie prenante à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948146 et à l’origine des premiers textes internationaux relatifs aux droits des femmes – ainsi, la Convention sur les droits politiques des femmes du 31 mars 1953, à laquelle la Belgique a adhéré le 20 mai 1964, qui garantit un accès égal entre hommes et femmes aux emplois publics sans prévoir la possibilité d’adopter des mesures de discrimination positive.

§50 C’est notamment cette Commission qui est à l’initiative de la première Année internationale de la femme, organisée par les Nations Unies en 1975. Celle-ci fait office de « déclic »147 aux yeux de plusieurs groupes féminins constitués à l’intérieur des partis politiques belges qui profitent de cette occasion pour multiplier leurs activités et légitimer leur existence. La Déclaration finale du Sommet de Mexico tenu dans le cadre de cette première année internationale enjoint ainsi les États à « mobiliser les ressources nécessaires pour permettre aux femmes de participer à la vie politique de leur pays ». Ce texte contient aussi un chapitre spécifique relatif à la « participation politique des femmes » qui recommande « d’apporter des transformations profondes aux structures économiques et sociales ainsi qu’au structures politiques et culturelles qui empêchent la revalorisation de la femme ainsi que sa participation active et massive dans les domaines politique, économique et social »148. Quatre ans plus tard, la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes franchit un pas décisif en consacrant, comme nous l’avons vu précédemment, la possibilité pour les États parties de prévoir des quotas destinés à favoriser la présence des femmes dans l’arène politique.

§51 À la suite de cette première conférence tenue à Mexico en 1975, la Nations Unies réitèrent l’exercice tous les cinq ou dix ans – en 1980 à Copenhague, en 1985 à Nairobi, en 1995 à Bejing149. Cette dernière conférence voit d’ailleurs l’adoption de l’ambitieux Programme d’action de Bejing dont l’un des chapitres porte sur la participation des femmes à la vie politique et dont l’une des mesures envisagées consiste à « introduire (…) dans les systèmes électoraux, des mesures qui encouragent les partis politiques à faire en sorte que les femmes soient présentes dans les postes publics électifs et non électifs dans les mêmes proportions et au même niveau que les hommes »150. Ainsi, ces différentes conférences et les textes qui les ont clôturées ont constitué « de puissants leviers d’action permettant d’influencer les politiques adoptées au niveau national mais ont aussi offert un point de ralliement international aux mouvements des femmes »151. À partir de ces conférences, c’est tout un réseau de « relayeuses pour la parité »152 qui s’est constitué et organisé en vue de partager informations et expériences, ce qui a nourri et perfectionné les différentes campagnes nationales menées à leur initiative153. En Belgique et s’agissant du développement du droit public en ce domaine, l’effet de levier est particulièrement perceptible, non seulement, comme on l’a vu, en raison des nombreuses références faites à la Convention internationale de 1979 à l’appui des projets de textes visant à prévoir des quotas électoraux mais également en raison des renvois explicites que font régulièrement les parlementaires au Programme d’action adopté à Bejing en 1995154.

§52 « Parallèlement à la mobilisation onusienne, les institutions européennes et communautaires se sont elles aussi engagées dans des politiques antidiscriminatoires prônant la mise en œuvre ‘‘d’actions positives’’ à l’égard des femmes »155. En effet, l’action des Communautés européennes, puis de l’Union européenne, en cette matière est tout aussi décisive que celle menée au sein des Nations Unies. L’égalité entre les hommes et les femmes fait partie des objectifs fondateurs des Communautés européennes et ce dès leur création en 1957156. Cet objectif génère une importante production législative inaugurée à la fin des années 1970 avec la Directive du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale157. Cet arsenal n’a de cesse de se perfectionner par la suite et il demeure « un catalyseur important dans la naissance et l’extension des lois nationales sur l’égalité des sexes en vue de protéger les droits des femmes au travail »158. Cet impératif d’égalité, rappelé avec force à l’occasion de l’adoption, en 2000, de la Charte de l’Union européenne sur les droits fondamentaux159, puis en 2007, du (nouveau) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne160, a très vite autorisé le maintien ou l’adoption de « mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté »161. En outre, la Commission européenne développe une Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes dont la dernière version (2020-2025) comporte une partie relative à la participation des femmes aux instances politiques de l’Union et envisage à court terme la stricte parité au sein du collège des commissaires162. Enfin, sur le plan plus institutionnel, deux éléments doivent être rappelés. Premièrement, dès 1979, le Parlement de l’Union européenne institue une Commission des droits des femmes, plus tard une Commission des droits des femmes et pour l’égalité des genres163. Deuxièmement, en 1990, la Commission européenne crée un réseau d’experts sur « les femmes dans la prise de décision » qui, d’une part, collecte et forge une série de statistiques inédites destinées à objectiver le faible taux de participation des femmes aux prises de décisions politiques et, d’autre part, organise plusieurs séminaires visant à sensibiliser les États membres sur cette question avec un certain succès164. Enfin, la porosité, en ce domaine, entre les sphères institutionnelles et les groupes militants et la collaboration entre ces deux univers politiques sont également observées au niveau européen. En effet, l’action de l’Union européenne a également consisté à soutenir les mobilisations féministes. Ainsi, elle finance la création, en 1990, du Lobby européen des femmes, structure coupole de toute une série d’associations nationales, « interlocuteur et partenaire privilégié de la Commission européenne »165 et dont l’un des axes de travail consiste précisément à augmenter la place des femmes en politiques166.

§53 Enfin, évoquons rapidement l’activité importante menée par la dernière institution internationale à la pointe du combat sur la démocratie paritaire, le Conseil de l’Europe. Cette organisation a en effet été une alliée décisive pour les femmes (voire les hommes, assez rares à l’époque167) qui militent, sur la scène nationale, en vue de faire adopter des mesures susceptibles d’accroître la participation politique des femmes. Dès les années 1980, le Conseil de l’Europe publie une série de rapports sur la présence des femmes en politique168 et organise, à destination des délégations des États membres, plusieurs séminaires de sensibilisation – dont celui tenu en 1989 intitulé « Démocratie paritaire » et considéré comme « l’un des actes fondateurs de la revendication paritaire »169. Dix ans plus tard, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adopte la Recommandation 1413 sur la représentation paritaire dans la vie politique qui, faisant suite à une précédente Résolution (1008) adoptée en 1985 et relative à la place des femmes en politique, appelle les États membres à « mettre en œuvre le principe d’égalité et à adopter des mesures spéciales telles qu’elles sont prévues par la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes ». Un pas supplémentaire est franchi en 2003 avec l’adoption, par le Comité des ministres cette fois, de la Recommandation (2003) sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique qui propose une série de mesures à l’attention des États membres. L’une d’entre elles consiste à « envisager une éventuellement modification de la constitution et/ou de la législation, y compris des mesures d’actions positive, pour favoriser une participation plus équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique ».

§54 Aussi, non seulement l’institution développe une expertise incontestable qui permet de suivre de façon systématique les progrès constatés ou non dans le domaine de la participation des femmes à la vie politique170, mais également, elle crée plusieurs groupes de spécialistes – celui sur l’égalité et la démocratie171, celui sur l’approche intégrée de l’égalité172 ou encore celui sur les actions positives dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes173 – qui s’attachent à collecter et diffuser les bonnes pratiques en la matière et à l’attention des États membres. Bref, parmi l’ensemble des questions traitées par le Conseil de l’Europe en matière d’égalité entre les sexes et les genres174, celle interrogeant la place des femmes en politique occupe une place de choix. Indiscutablement, cette activité prolifique a largement participé à la légitimation d’une revendication au départ portée par une poignée de femmes marginalisées au sein de leur formation politique et a contribué à la diffusion d’un horizon – celui de la démocratie paritaire – et de l’une des stratégies privilégiées pour l’atteindre – la possibilité, voire la nécessité, d’adopter des mesures de discrimination positive dont la légitimité et la légalité, notamment au regard du principe d’égalité, semblent désormais incontestables.

§55 En conclusion de cette brève section consacrée aux aspects internationaux de la lutte pour la démocratie paritaire, l’on peut sans aucun doute constater que cette lutte constitue un exemple prototypique d’une articulation féconde entre différentes échelles militantes. Au départ délaissée par les associations féministes, la revendication d’actions positives en faveur de l’augmentation de la présence politique des femmes est d’abord portée, sans succès, par des femmes politiques pour la plupart issues du monde associatif. Cependant, ces mêmes femmes investissent ensuite et cette fois avec succès différentes arènes internationales au sein desquelles il semble plus aisé de porter cette lutte, notamment parce qu’elles échappent largement aux considérations relevant de la compétition électorale et des oppositions partisanes. D’une part, ces arènes constituent le foyer d’une expertise, juridique, sociologique et politologique permettant de vider de leur substance les principaux arguments défavorables à la démocratie paritaire et qui servira de substrat à l’adoption de normes internationales de plus en plus exigeantes. D’autre part, elles permettent la consolidation d’un réseau de femmes qui, fortes de la légitimité que ces institutions leur reconnaissent, pourront par la suite réinvestir une scène politique nationale qui n’aura plus la possibilité de rester sourde à leurs revendications. À ce titre, ce cas d’étude se prête particulièrement bien aux analyses empruntées au paradigme du « cycle de vie des normes »175 et aux effets de « boomerang » ou de « cascade »176 ainsi qu’aux processus de « diffusion », de « domestication » et d’« externalisation »177 qu’elles mettent en évidence dans la mise à plat généalogique de normes, nationales et internationales, dont l’adoption fait suite à un mobilisation sociale transnationale. Enfin, d’un point de vue plus sociologique, ce type d’analyse montre également comment certaines personnalités phares d’un mouvement social naviguent successivement entre différentes sphères (académiques, associatives ou institutionnelles), ce qui leur permet d’accumuler par sédimentation différents capitaux symboliques qui renforcent leur légitimité et celle de leur combat. Le fruit de ce combat, en l’espèce les normes évoquées dans la première partie de cette étude, pourrait cependant et paradoxalement être remis en question à la suite d’un arrêt rendu en 2019 par la Cour constitutionnelle qui impose au législateur de progressivement abandonner une lecture seulement binaire des identités de sexe et de genre. La dernière partie de cette contribution sera ainsi consacrée à la présentation de cette jurisprudence singulière et à l’identification de l’impact potentiel qu’elle pourrait présenter à l’égard des différentes modalités par lesquelles la place des femmes en politique a été accrue ces quarante dernières années.

L’impact de la reconnaissance constitutionnelle de la fluidité des identités sexuelles sur les règles favorisant la participation politique des femmes

§56 Si l’on veut s’interroger sur l’avenir des mesures favorisant la présence des femmes dans les organes législatifs et exécutifs en des termes adéquats, peut-être cela implique-t-il que l’on considère qu’il n’y pas que des hommes et des femmes, et qu’un projet tendant à partager l’exercice du pouvoir par moitiés entre deux sexes est lui-même rétrograde. Comment ne pas tenir compte, à cet égard, de l’important pas posé par la Cour constitutionnelle en faveur d’une reconnaissance des genres non binaire et fluide pour évaluer son impact sur les diverses mesures adoptées jusqu’à présent aux fins de favoriser la présence des femmes au sein des organes législatifs et exécutifs ?

L’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 99/2019 du 19 juin 2019

§57. Par son arrêt n° 99/2019 du 19 juin 2019, la Cour constitutionnelle a accueilli le recours en annulation partielle introduit contre la loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets178. La loi attaquée réforme la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité qui avait permis aux personnes ayant recouru à une intervention chirurgicale d’adapter l’enregistrement de leur sexe et de leur prénom dans des documents tels que l’acte de naissance et la carte d’identité. La loi du 25 juin 2017 supprime tous les critères médicaux à remplir pour obtenir un changement officiel de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance et privilégie l’approche de l’autodétermination : personne ne doit poser un diagnostic médical quant à l’identité de genre de la personne concernée.

§58 Des associations sans but lucratif ont toutefois fait valoir avec succès auprès de la Cour que la loi attaquée viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. D’une part, la loi confirme le caractère en principe irrévocable de la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance et du changement de prénom pour des raisons de transidentité. D’autre part, elle ne tient pas compte des personnes dont l’identité de genre est non binaire. La loi attaquée néglige ainsi les personnes dont l’identité de genre est fluide et celles dont l’identité de genre ne correspond pas aux catégories binaires « homme » ou « femme ».

§59 Le Conseil des ministres, pour défendre le système attaqué, a soutenu que le législateur avait visé exclusivement les personnes qui se sentent homme ou femme et pour qui ce sentiment ne correspond pas à l’enregistrement du sexe de naissance. Selon lui, les associations requérantes ont saisi l’occasion de la réforme pour revendiquer devant la Cour des droits supplémentaires pour des personnes dont la loi attaquée ne prétend pas régler la situation. Or, a-t-il ajouté, les modifications demandées pour les personnes en question, « exigent un renversement total du paradigme de la classification traditionnelle de la population en hommes et en femmes. La création d’un troisième choix de sexe ou la suppression de l’enregistrement officiel actuel du sexe aurait d’importantes répercussions sur l’ensemble du système juridique. Si le système actuel d’enregistrement du sexe était étendu par l’instauration d’une troisième option ou s’il devait être supprimé, il faudrait adapter toutes sortes de domaines du droit »179.

§60 La Cour, tenant compte de tous les objectifs mis en avant dans les travaux parlementaires, et notamment de la volonté que la loi reconnaisse la diversité dans l’identité de genre de sorte que des personnes ne soient pas poussées vers l’un ou l’autre sexe, a considéré que « le législateur n’[utilisait] pas un critère de distinction pertinent en prévoyant la possibilité de modifier l’enregistrement pour les personnes dont l’identité de genre est binaire et en ne prévoyant pas une telle possibilité pour les personnes dont l’identité de genre est non binaire. Pour les deux catégories de personnes, le principe de l’autodétermination doit faire en sorte que, lors de la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance, il puisse être tenu compte de la même manière pour les deux catégories de personnes de l’identité de genre vécue intimement, que celle-ci soit binaire ou non binaire »180. Et de poursuivre sur sa lancée, invitant à une remise en question plus fondamentale du système : « B.6.6. En outre, la nécessité d’autres adaptations du système juridique qui tiennent compte des besoins des personnes dont l’identité de genre est non binaire ne justifie pas que ces personnes, contrairement aux personnes dont l’identité de genre est binaire, soient tenues d’accepter, dans l’acte de naissance, un enregistrement qui ne correspond pas à leur identité de genre. Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a jugé, on peut raisonnablement exiger de la société qu’elle accepte certains inconvénients afin de permettre à des personnes de vivre dans la dignité et le respect, conformément à l’identité sexuelle choisie par elles au prix de grandes souffrances (CEDH, grande chambre, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, § 91). Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires que la mention du sexe disparaîtrait sans doute totalement de la législation à terme (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2403/004, p. 17). Enfin, la circonstance que la Constitution accorde, à travers ses articles 10, alinéa 3, et 11bis, une importance particulière à l’égalité des hommes et des femmes n’implique pas que les catégories ‘‘homme’’ ou ‘‘femme’’ puissent être considérées comme un principe de base de l’ordre constitutionnel belge et n’empêche pas davantage de prendre des mesures visant à lutter contre des différences de traitement fondées sur une identité de genre non binaire. À la lumière de ces considérations, il n’est pas raisonnablement justifié que, contrairement aux personnes dont l’identité de genre est binaire, les personnes dont l’identité de genre est non binaire soient tenues d’accepter dans leur acte de naissance un enregistrement qui ne correspond pas à leur identité de genre. Par conséquent, en limitant à un choix binaire la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance, la loi attaquée présente une lacune, laquelle viole le principe d’égalité, lu en combinaison avec le droit à l’autodétermination ».

§61 La Cour refuse de maintenir provisoirement les effets des dispositions annulées et de combler elle-même la lacune constatée : « B.7.3. (…) la Cour ne peut pas préciser davantage le constat d’une lacune exprimé en B.7.1 dès lors qu’elle ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation équivalent à celui du législateur. Il y a effectivement, pour remédier à cette inconstitutionnalité, plusieurs possibilités, parmi lesquelles la création d’une ou de plusieurs catégories supplémentaires permettant de tenir compte, tant à la naissance qu’après, pour toutes les personnes, du sexe et de l’identité de genre, mais également la possibilité de supprimer l’enregistrement du sexe ou de l’identité de genre comme élément de l’état civil d’une personne. C’est donc au législateur, et à lui seul, qu’il appartient d’adopter, dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, une réglementation visant à remédier à l’inconstitutionnalité constatée. » Elle avait par ailleurs déjà eu l’occasion, en 2004, de souligner que « la circonstance que la Constitution attribue une importance particulière à l’égalité entre hommes et femmes, par le biais des articles 10, alinéa 3, et 11bis, n’a pas pour effet que la ‘‘dualité sexuelle fondamentale du genre humain’’ puisse être considérée comme un principe de l’ordre constitutionnel belge », comme le pensaient pourtant ceux qui lui demandaient d’annuler la loi du 13 février 2003 ouvrant le mariage à des personnes de même sexe181. Mais, donc, si « [p]ar les articles 10, alinéa 3, et 11bis, le Constituant a voulu, d’une part, inscrire expressément le principe de l’égalité des hommes et des femmes dans la Constitution et, d’autre part, fournir un fondement constitutionnel aux mesures visant à combattre les inégalités entre femmes et hommes »182, il n’a pas, selon la Cour, pu vouloir empêcher par la même occasion de prendre des mesures visant à lutter contre des différences de traitement fondées sur une identité de genre non binaire.

Implications de la reconnaissance du genre non binaire en ce qui concerne les mesures tendant à favoriser la présence des femmes au sein des organes législatifs et exécutifs

§62 Sans attendre la réforme annoncée par le ministre de la Justice, qui a déclaré, début novembre 2020, que « la législation sur l’enregistrement du sexe serait modifiée pour être conforme à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle »183, la lutte contre les différences de traitement fondées sur une identité de genre non binaire ne rend-elle pas immédiatement nécessaire de réévaluer toutes les mesures législatives prises pour combattre les inégalités entre femmes et hommes, notamment dans la représentation politique ? Du reste, en dépit des théories relatives à la démocratie paritaire qui ont été invoquées pour les justifier, ces mesures législatives relèvent davantage de la catégorie des mesures de discrimination positive, sujettes à évaluation et à adaptation ou abrogation en fonction des avancées engrangées au bénéfice des personnes – en l’occurrence les femmes – qui en sont les bénéficiaires184.

§63 La Cour a sans doute raison de dire que les articles 10, alinéa 3, et 11bis, de la Constitution n’empêchent pas les législateurs de prendre en compte les personnes qui ne se reconnaissent dans aucun des deux sexes. Par exemple, quand l’article 11bis, alinéa 1er, impose à la loi, au décret ou à l’ordonnance de favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs et publics, rien ne dit que cet égal accès doit être favorisé au détriment injustifié de ceux ou de celles qui ne sentent ni hommes ni femmes, ce que les articles 10 et 11 ne permettraient d’ailleurs pas. Autre exemple, quand l’article 11bis, alinéa 2, de la Constitution prévoit que « le Conseil des ministres et les gouvernements de Communauté et de Région comptent des personnes de sexe différent », il n’exclut pas que ces exécutifs comptent en partie des personnes qui ne se sentent ni homme ni femme. Il en va de même quand l’article 11bis, alinéa 3, impose aux différents législateurs compétents d’organiser « la présence de personnes de sexe différent au sein des députations permanentes des conseils provinciaux, des collèges des bourgmestre et échevins, des conseils de l'aide sociale, des bureaux permanents des centres publics d'aide sociale et dans les exécutifs de tout autre organe territorial interprovincial, supracommunal, intercommunal ou intracommunal ».

§64 Il faut donc se pencher sur les normes législatives adoptées en exécution de l’article 11bis de la Constitution pour vérifier si, bien qu’elles soient certes justifiées par le souci légitime de rattraper vis-à-vis des femmes un retard historique indéniable dans leur accès aux mandats électifs, elles ne sont pas susceptibles de donner lieu à des discriminations à l’égard des personnes qui, au plus profond d’elles-mêmes, vivent l’absence de « dualité sexuelle fondamentale du genre humain » en ne se reconnaissant dans aucun sexe ou genre qui leur serait assigné. La loi spéciale du 12 janvier 1989 relative à la Cour constitutionnelle nous paraît à cet égard avant-gardiste et devrait servir de modèle pour les instances politiques, elle qui prévoit depuis sa modification par la loi spéciale du 4 avril 2014 que la Cour devra compter « au moins un tiers de juges de chaque sexe »185, laissant ainsi au besoin un tiers de sièges potentiellement disponibles à des juges ne se reconnaissant dans aucun des deux sexes. Il en va de même du décret spécial wallon du 2 mai 2019 modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d'hommes au sein du gouvernement wallon qui tend également à imposer la présence d’au moins un tiers de femmes et d’au moins un tiers d’hommes au sein de cet exécutif, et auquel un décret spécial de la Communauté française a emboité le pas186.

§65 Mais, que penser aujourd’hui des différentes règles qui imposent qu’un organe ou une assemblée ne compte qu’au maximum deux tiers de personnes d’un même sexe ? La Région de Bruxelles-Capitale a adopté un dispositif de ce type187 lorsqu’elle a légiféré, comme on l’a vu, en dépit des objections de la section de législation du Conseil d’État relatives à son défaut d’autonomie constitutive en la matière188. Selon ce législateur, « cette limitation au maximum des deux tiers, contrairement à une limitation au minimum d’un tiers, permet d’inclure une personne agenre sans pour autant imposer une contrainte forte sur cette inclusion »189. Interprétées et appliquées dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, de telles règles impliqueraient néanmoins qu’il soit renoncé à ce que le tiers laissé disponible au sein de ces instances ne soit occupé que par des femmes – ou, théoriquement à ce stade, par des hommes – pour laisser de l’espace à des personnes ne se sentant ni homme ni femme. On pourrait aussi, au prix d’une interprétation large, considérer que l’article 67, § 3, de la Constitution, qui prévoit que « le Sénat ne compte pas plus de deux tiers de sénateurs du même genre », inclut d’ores et déjà le « genre » non binaire dans cette pondération190. Mais on pourrait alors vouloir rediscuter la potentielle relégation – certes théorique encore – des hommes et des femmes au sein d’un petit tiers de l’assemblée. Autrement dit, si une règle du maximum des deux tiers n’impose pas aujourd’hui concrètement un contrainte forte sur l’inclusion des personnes agenres, elle est moins égalitaire lorsque la logique est poussée aussi loin que possible – ce que la règle du tiers minimum permet d’éviter, garantissant un tiers complet d’une assemblée aux hommes, un autre tiers complet aux femmes et encore un tiers, mais rien qu’un tiers, aux personnes ne se reconnaissant dans aucune de ces deux assignations genrées.

§66 Les difficultés augmentent d’un cran supplémentaire lorsque l’on appréhende les différentes dispositions qui, depuis 2002, prévoient que sur les listes de candidatures aux élections, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un et que les deux premiers candidats de chaque liste doivent être de sexe différent. Que faire également des dispositions plus récentes qui prévoient le principe de la tirette intégrale pour la confection des listes électorales ? Comment ne pas pressentir la nécessité que celles-ci soient revues à la lumière de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 99/2019 ? Ainsi le Code électoral communal bruxellois comme le Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation ont-ils pour rappel prévu en substance pour les élections communales de 2018 que, sur chacune des listes, deux candidats qui se suivent doivent être de sexe différent, le choix du sexe du candidat de la dernière place étant libre pour les listes comportant un nombre impair de candidats. Que fera le bureau de circonscription confronté à une liste ou, dans l’alternance ainsi présentée, sont mentionnées des candidatures de personnes se refusant à une identification sexuelle, cela alors que, en l’absence de réforme fédérale, leur identité sexuelle officielle serait telle que l’alternance ne serait pas respectée (trois « hommes » se suivant dans la liste, par exemple) ? En cas de rejet de la liste pour ce motif, l’inconstitutionnalité de l’un ou l’autre des deux codes ne risque-t-elle pas d’être soulevée avec succès, moyennant une invitation préjudicielle adressée à la Cour constitutionnelle par la juridiction qui serait saisie du litige ?

§67 Cette inconstitutionnalité serait d’ailleurs susceptible d’être déclarée sans devoir attendre que s’y ajoute une discordance potentielle entre un tel système électoral fédéré et un régime fédéral finalement mis à jour dans le respect de l’arrêt de la Cour constitutionnelle pour ce qui concerne les mentions enregistrées à l’état civil ou sur les documents d’identité. D’ailleurs, cette réforme fédérale n’aurait d’impact à cet égard que si elle avait pour effet d’ajouter une catégorie à côté des catégories « H » et « F ». Dans ce cas, il serait encore plus aisé pour le candidat « X » de prouver au bureau de circonscription qu’il s’insère dans une tirette qui ne tient pas compte de lui en ne tolérant que des « H » ou des « F ». Si la mention du sexe disparaissait de l’état civil et des documents d’identité définis par l’Autorité fédérale191, l’inadéquation du régime de la tirette en tant qu’il se fonderait sur un système probatoire fédéral serait non seulement plus patente encore, puisque celui-ci ne serait en réalité plus d’aucune aide (pas plus pour les « X » que pour les « H » et les « F ») mais laisserait toujours irrésolue la question du sort à réserver à un candidat s’insérant dans la tirette en refusant d’y être identifié comme « H » ou « F ». La « parité » au lieu de la « mixité » reflétée notamment par le système de tirette intégrale serait donc inconstitutionnelle, non pas parce qu’elle affecterait le droit à l’éligibilité des hommes, comme la section de législation du Conseil d’État l’a, dans des avis rédigés exclusivement par des hommes, pensé avant que la loi « Smet-Tobback » ne soit adoptée, mais parce que, en partageant le pouvoir par moitié entre les deux seuls « sexes », elle laisserait sur le carreau une autre partie de l’humanité.

§68 L’acuité de ces questionnements n’a pas manqué de caractériser les discussions autour de la proposition d’ordonnance spéciale modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le sexe des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale192. Mais, plutôt que de revoir immédiatement le texte en tenant compte de ces interrogations, l’évolution du régime a été subordonnée à la modification du « cadre juridique fédéral impliquant la reconnaissance de la non-binarité à côté des genres masculin et féminin » 193, subordination qui ne semblait pourtant pas juridiquement nécessaire. Après tout, il n’y a pour le coup pas de doute sur le fait que la Région de Bruxelles-Capitale dispose de l’autonomie constitutive requise pour fixer des règles complémentaires concernant sa composition, cette faculté ayant été présentée comme permettant aux entités fédérées bénéficiaires de « tendre à assurer certains équilibres dans la composition de son assemblée parlementaire (notamment hommes-femmes, mandataires locaux ou non, etc.) »194. La Région de Bruxelles-Capitale est également tenue de garantir le respect des droits et libertés, dont le droit à la vie privée et à l’autodétermination découlant de l’article 22 de la Constitution et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans le champ des politiques qui relèvent de sa compétence195. Il nous semble que, en adaptant sa réglementation en matière électorale de manière à y concevoir une prise en considération objective voire subjective de l’identité sexuelle ou de genre des candidats, indépendamment des avancées ou des retards de l’Autorité fédérale en matière de réglementation de l’état des personnes196, elle ne bafouerait aucun principe régissant la répartition des compétences. En supposant même que se pose la question de savoir si elle touche à la compétence fédérale précitée, son intervention pourrait en effet se justifier sur la base de l’article 10 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et de la théorie des pouvoirs implicites dont cette disposition est le reflet197.

Conclusion

§69 Menée à l’occasion du quarantième anniversaire du Centre de droit public de l’Université libre de Bruxelles, cette recherche entendait poursuivre quatre objectifs : premièrement, présenter les règles ayant eu pour objectif l’augmentation de la présence des femmes au sein des assemblées parlementaires et des gouvernements et tracer un bilan quantitatif de leurs effets ; deuxièmement, interroger le rôle du droit public dans cette évolution et pointer les usages politiques contrastés dont il a fait et fait encore l’objet tout au long de ce combat ; troisièmement, montrer en quoi la lutte pour une participation accrue des femmes en politique constitue un terrain singulier, emblématique de certaines caractéristiques du mouvement féministe et de son étude ; quatrièmement, envisager à titre prospectif l’évolution des dispositifs consacrés par le droit public en matière de démocratie paritaire à l’aune de la récente reconnaissance par la Cour constitutionnelle de la fluidité des identités sexuelles et genrées. Au terme de cette analyse, plusieurs constats sont établis.

§70 Tout d’abord, il est indéniable que d’un point de vue quantitatif, le développement continu d’un arsenal législatif visant à augmenter la place des femmes en politique a fait une différence : la féminisation du personnel politique belge constitue assurément l’une des évolutions les plus notables de la démocratie belge depuis la création du Centre en 1979. Cette politique du nombre est-elle capable de transformer durablement la manière dont les institutions politiques belges fonctionnent et agissent ? En d’autres termes, sur le plan qualitatif, que produit cette féminisation sur la façon dont les parlements et les gouvernements remplissent leur office et pour le dire plus crument encore, est-elle susceptible de rompre avec une conception historiquement masculine du monde politique ? En toute hypothèse, en admettant même qu’apporter une réponse à cette question soit scientifiquement possible, une telle entreprise dépasse largement le cadre limité de notre étude et exigerait quoi qu’il en soit une méthodologie qui semble étrangère à la science juridique.

§71 Ensuite, si le droit public constitue logiquement le véhicule privilégié des normes adoptées en vue de faire émerger une démocratie paritaire, force est de constater que cette branche du droit a fait l’objet d’investissements contrastés tant par les personnes qui étaient opposées à l’adoption de telles normes – membres du Conseil d’État en tête – que par celles qui au contraire militaient pour leur adoption. Sur ce point, si l’interprétation du principe d’égalité et de non-discrimination a évolué en vue d’intégrer en son sein la possibilité d’actions positives, et si, plus généralement, les droits humains et les organisations internationales chargées de leur développement – au premier chef, le Conseil de l’Europe – ont pu appuyer la revendication d’une démocratie paritaire, d’autres institutions relevant du droit public ont pu faire et font toujours l’objet, parfois de façon surprenante – ainsi l’exemple de l’autonomie constitutive des entités fédérées – de lectures restrictives destinées à freiner le mouvement entamé avec la loi « Smet-Tobback » de 1994. Notre objet d’étude constitue ainsi un terrain stimulant permettant de saisir à quel point le droit public et son interprétation sont des sports de combat, combat dont l’issue est toujours provisoire et sans cesse remise en question en fonction du contexte dans lequel il se déroule et des rapports de force qui le traversent, et ce souvent indépendamment de la rigueur des raisonnements juridiques proposés.

§72 En outre, l’évolution dont notre étude rend compte a révélé certains bougés observables au sein de la galaxie féministe et a permis d’envisager l’apparition d’un féminisme d’État. Ce dernier a trouvé dans la démocratie paritaire l’une de ses premières manifestations et la base d’une collaboration accrue entre sphère militante et institutions étatiques, ce qui a pu profiter à d’autres combats toujours en cours. Aussi, notre recherche illustre comment, confrontées à une opposition interne persistante, des militantes ont réussi à investir d’autres arènes plus accueillantes, telle que les organisations internationales, non seulement en vue d’y développer une expertise non partisane et massivement diffusée mais également afin d’y puiser une légitimité renforcée qu’elles ont ensuite pu faire fructifier de retour au pays. Cette fois encore, l’étude du combat pour la démocratie paritaire constitue un excellent cas d’étude qui montre, tant d’un point de vue scientifique que dans une perspective militante, comment l’internationalisation d’une lutte offre des résultats souvent décisifs.

§73 Enfin, si le combat pour la démocratie paritaire renvoie inévitablement au constat d’une division sexuée de l’humanité, la question se pose de savoir si des normes qui reposent sur une distinction binaire entre les sexes pourront subsister à l’heure où cette distinction est de plus en plus remise en question au point de convaincre la Cour constitutionnelle de son caractère lacunaire. La dernière partie de notre étude a ainsi, à titre prospectif, envisagé l’impact que pourrait présenter la reconnaissance, par la Cour constitutionnelle, de la fluidité des identités de sexe et de genre sur les différentes modalités par lesquelles la présence des femmes a été imposée sur les listes électorales ou à la table d’un gouvernement. Sur ce point, il nous semble que certains dispositifs – tels que celui de la « tirette intégrale » – devront être réaménagés pour demeurer compatibles avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle née à l’occasion de la réforme de la loi sur le droit des personnes transgenres. Á terme, la question de la représentation politique des personnes non binaires ou au genre fluide sera inévitablement adressée à la classe politique et à la doctrine publiciste et celle-ci devra, une fois de plus, évoluer vers une lecture plus inclusive des principes situés au cœur de son objet.

§74 Précisément, nous aimerions clôturer cette étude en interrogeant le rôle de la doctrine publiciste – et plus particulièrement encore celui des membres du Centre de droit public de l’ULB – dans le combat mené ces quarante dernières années en vue d’augmenter la présence des femmes en politiques. Force est de constater que, dans cette lutte, le Centre et ses membres ne se sont guère mobilisés alors qu’ils se sont durablement investis dans d’autres combats sociaux – ainsi la lutte contre l’extrême-droite ou plus généralement contre le racisme. Nous aurons beau fouiller les curriculum vitae des différents membres du Centre, nous n’y trouverons aucun plaidoyer résolu en faveur de la démocratie paritaire ou des actions positives au-delà de (rares) commentaires convenus sur certaines réformes ponctuelles et au mieux poliment accueillies… Est-ce dû au fait que durant de nombreuses années, jusqu’à la fin du XXe siècle, le Centre de droit public est resté une sorte de boys club, très peu ouvert aux femmes, à l’image d’une discipline juridique exclusivement incarnée, jusqu’il y a peu, par des hommes dont les joutes verbales, souvent très viriles, ont animé nombre de colloques scientifiques et de débats télévisés ? Probablement. Gageons dès lors que l’apparition récente de femmes constitutionnalistes visibles sur la scène publique contribuera à féminiser une discipline et les centres de recherche qui la font vivre et que pourra se développer, en Belgique francophone, un constitutionnalisme féministe que l’on observe notamment dans la littérature anglo-saxonne et dont l’agenda scientifique apparait particulièrement stimulant en ce qu’il est susceptible de renouveler en profondeur la façon dont sont étudiées les normes et les institutions constitutionnelles198.

§75 Entre le mois de novembre 2019 et le moment où nous terminons de rédiger cet article, soit en août 2022, une révolution s’est produite : le Centre de droit public a changé de nom ! En effet, depuis son assemblée générale de 2021, il s’appelle désormais le Centre de droit public et social, cette évolution s’expliquant par l’intégration et le développement au sein du Centre de l’équipe qui, à la Faculté de droit et de criminologie de l’ULB, étudie et enseigne le droit du travail et celui de la sécurité sociale. Si notre Centre avait, depuis sa création en 1979, réuni ces personnes aux côtés des publicistes, les lignes qui précèdent auraient pu être différentes. En effet, sur la scène juridique belge francophone, l’une des rares personnes qui s’est constamment engagée en faveur de la démocratie paritaire était une professeure de droit du travail et de droit social : Éliane Vogel-Polsky décédée en 2015199. Ainsi et à titre posthume, Éliane Vogel-Polsky pourrait être considérée comme membre de notre Centre et, rétroactivement, nous pourrions de façon quelque peu forcée nous approprier ses travaux et en particulier les nombreuses études qu’elle a jadis consacrées à la démocratie paritaire et à l’égalité politique. Certes. Mais ce ne serait guère élégant, ni même et surtout conforme à la vérité historique, et nous nous contenterons plus modestement de garder à l’esprit la farouche volonté d’Éliane Vogel-Polsky de faire évoluer le droit et notamment le droit public en vue de soutenir une société plus inclusive et plus juste à l’égard des femmes. Puisse son exemple inspirer les jeunes générations et en particulier les membres qui ont récemment rejoint le Centre pour que, lorsqu’il s’agira de célébrer son cinquantième anniversaire, nous puissions être en mesure cette fois de revendiquer avec fierté notre contribution à l’avènement d’un droit qui ne soit pas seulement élaboré, pensé et interprété par les hommes et pour les hommes.

Annexe à l’article 40 ans de féminisation de la démocratie belge : la prise en compte du genre dans la régulation de la représentation et de la participation politiques

Tableaux récapitulatifs de la présence des femmes dans les assemblées parlementaires et les gouvernements belges

Différentes sources ont été consultées pour forger ces tableaux. Pour les chiffres relatifs à la présence des femmes au sein des différentes assemblées parlementaires, nous avons consulté les Courriers hebdomadaires du CRISP consacrés à l’analyse de chaque scrutin et, plus récemment, les rapports réalisés par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ainsi que le livre d’Éliane Gubin et de Leen van Molle, Femmes et politiques en Belgique, Bruxelles, Racine, 1998. Pour les années plus récentes, les sites des différents parlements ont également été visités. Ces chiffres portent sur la composition des assemblées lors de leur installation et ne tiennent pas compte des remaniements opérés en cours de législature. Pour les tableaux relatifs à la composition des différents gouvernements, la source principale est les Documents politiques du CRISP, disponibles sur son site internet et qui offrent la composition de tous les gouvernements nationaux, fédéraux et fédérés depuis 1944. Ces chiffres concernent la composition de ces exécutifs au moment de leur installation et ne tiennent donc pas compte d’éventuels remaniements ministériels opérés par la suite. Malgré le soin mis dans le recoupement de ces différentes sources et l’aide précieuse apportée par plusieurs personnes (au premier chef Michael Plastria et Cédric Istasse du CRISP que nous remercions tout particulièrement), des erreurs restent possibles.

Tableau 1 : la présence des femmes au sein du Parlement fédéral (1921-2019)

Chambre des Représentants Sénat
Années Chiffres absolus Pourcentages Chiffres absolus Pourcentages
1921 (première élection au suffrage universel masculin) 0/186 0 1/153 0,65
1925 0/187 0 1/153 0,65
1929 1/187 0,5 1/153 0,65
1932 1/187 0,5 1/159 0,6
1936 2/202 1 3/167 1,8
1939 2/202 1 2/167 1,2
1946 3/202 1,5 5/167 3
1949 (première élection au suffrage universel) 6/212 2,8 7/175 4
1950 7/212 3,3 7/175 4
1954 9/212 4,2 6/175 3,4
1958 9/212 4,2 6/175 3,4
1961 11/212 5,2 3/175 1,7
Chambre des Représentants Sénat
Années Chiffres absolus Pourcentage Année Chiffres absolus
1965 7/212 3,3 2/178 1,1
1968 8/212 3,7 0/178 0
1971 6/212 2,8 5/178 2,8
1974 14/212 6,6 12/181 6,6
1977 15/212 7 16/181 8,8
1978 16/212 7,6 19/181 10,5
1981 12/212 5,6 21/181 11,6
1985 16/212 7,5 21/183 11,4
1987 18/212 8,5 15/183 8,2
1991 20/212 9,4 20/184 10,8
1995 18/150 12 17/71 (seul·e·s 40 membres du Sénat sont désormais élu·e·s directement) 23,9
1999 (élections organisées sous le régime de la loi de 1994) 35/150 23,3 21/71 29,6
Chambre des Représentants Sénat
Années Chiffres absolus Pourcentage Chiffres absolus Pourcentages
2003 (élections organisées sous le régime transitoire des lois de 2002) 53/150 35,3 22/71 31
2007 (premières élections organisées sous le régime des lois de 2002) 55/150 36,7 27/71 38
2010 60/150 40 27/71 38
2014 59/150 39,3 30/60 (le Sénat ne compte plus de personnes élues directes) 50
2019 65/150 43,3 28/60 46,7

Tableau 2 : la présence des femmes au sein des parlements communautaires et régionaux Parlement fédéral (1986-2019)

Dès l’instant où il n’est composé que de personnes élues indirectement, nous n’avons pas repris les chiffres du Parlement de la Communauté française.

Communauté germanophone Région de Bruxelles-Capitale Communauté flamande Région wallonne
Années Chiffres absolus Pourcentages Chiffres absolus Pourcentages Chiffres absolus Pourcentages Chiffres absolus Pourcentages
1986 1/25 4 - - - - - -
1989 - - 18/75 24 - - - -
1990 3/25 12 - - - - - -
1995 5/25 20 22/75 29,3 21/124 16,9 6/75 8
1999 (élections organisées sous le régime de la loi de 1994) 7/25 28 27/75 34,6 25/124 20,2 8/75 10,7
2004 (élections organisées sous le régime transitoire des lois de 2002) 7/25 28 41/89 46 40/124 32,3 14/75 18,7
2009 (premières élections organisées sous le régime des lois de 2002) 8/25 32 39/89 43,8 51/124 41,1 26/75 34,7
2014 7/25 28 36/89 40,4 55/124 44,4 30/75 40
2019 9/25 36 39/89 43,8 58/124 46,8 31/75 41,4

Tableau 3 : la présence des femmes au sein du gouvernement national, puis fédéral (1944-2019)

Les chiffres intègrent le cas échéant la présence de secrétaires d’État et/ou de commissaires du gouvernement.

Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Pierlot IV (1944-1944) 0/19 0
Pierlot V (1944-1945) 0/16 0
Van Acker I (1945-1945) 0/18 0
Van Acker II (1945-1946) 0/18 0
Spaak II (1946-1946) 0/16 0
Van Acker III (1946-1946) 0/19 0
Huysmans (1946-1947) 0/19 0
Spaak III (1947-1948) 0/19 0
Spaak IV (1948-1949) 0/17 0
Eyskens I (1949-1950) 0/17 0
Duvieusart (1950-1950) 0/15 0
Pholien (1950-1952) 0/16 0
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Van Houtte (1952-1954) 0/16 0
Van Acker IV (1954-1958) 0/16 0
Eyskens II (1958-1958) 0/15 0
Eyskens III (1958-1961) 0/19 0
Lefèvre (1961-1965) 0/20 0
Harmel (1965-1966) 1/27 3,7
Vanden Boeynants I (1966-1968) 1/23 4,3
Eyskens IV (1968-1971) 0/29 0
Eyskens V (1972-1972) 0/29 0
Leburton (1973-1974) 2/36 5,5
Tindemans I (1974-1974) 1/25 4
Tindemans II (1974-1977) 1/27 3,7
Tindemans III (1977-1977) 1/29 3,4
Tindemans IV (1977-1978) 1/30 3,3
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Vanden Boeynants II (1978-1978) 1/29 3,4
Martens I (1979-1980) 3/33 9
Martens II (1980-1980) 4/33 12
Martens III (1980-1980) 4/36 11
Martens IV (1980-1981) 4/32 12,5
Eyskens (1981-1981) 4/32 12,5
Martens V (1981-1985) 4/25 16
Martens VI (1985-1987) 3/28 10,7
Martens VII (1987-1987) 3/28 10,7
Martens VIII (1988-1991) 4/32 12,5
Martens IX (1991-1991) 4/25 16
Dehaene I (1992-1995) 3/16 18,7
Dehaene II (1995-1999) 2/17 11,8
Verhofstadt I (1999-2003) 3/21 14,2
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Verhofstadt II (2003-2007) 7/21 33
Verhofstadt III (2007-2008) 3/14 21,4
Leterme I (2008-2008) 7/22 31,8
Van Rompuy (2008-2009) 6/22 27,3
Leterme II (2009-2010) 5/23 21,7
Di Rupo (2011-2014) 6/19 31,6
Michel I (2014-2018) 4/18 22,2
Michel II (2018-2018) 3/13 23
Wilmès I (2018-2019) 4/13 30,8
Wilmès II (2020-2020) 4/13 30,8
De Croo (2020-…) 10/20 50

Tableaux 4 : la présence des femmes au sein des gouvernements communautaires et régionaux (1981-2019)

Région wallonne Communauté flamande
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Dehousse I (1981-1982) 0/6 0 Geens I (1981-1985) 1/9 11
Damseaux (1982-1982) 0/6 0 Geens II (1985-1988) 1/9 11
Dehousse II (1982-1985) 0/6 0 Geens III (1988-1988) 0/9 0
Wathelet (1985-1988) 0/6 0 Geens IV (1988-1992) 0/11 0
Coëme (1988-1988) 0/6 0 Van den Brande I (1992-1992) 2/7 28,5
Anselme (1988-1992) 0/6 0 Van den Brande II (1992-1992) 2/8 25
Spitaels (1992-1994) 0/7 0 Van den Brande III (1992-1995) 2/8 25
Collignon I (1994-1995) 0/7 0 Van den Brande IV (1995-1999) 2/9 22
Collignon II (1995-1999) 0/7 0 Dewael (1999-2003) 3/9 33
Di Rupo I (1999-2000) 0/9 0 Somers (2003-2004) 3/10 30
Van Cauwenberghe I (2000-2004) 1/9 11 Leterme (2004-2007) 3/10 30
Van Cauwenberghe II (2004-2005) 3/9 33 Peeters I (2007-2009) 3/10 30
Di Rupo II (2005-2007) 3/9 33 Peeters II (2009-2014) 4/9 44
Demotte I (2007-2009) 1/9 11 Bourgeois (2014-2019) 4/9 44
Demotte II (2009-2014) 1/8 12,5 Homans (2019-2019) 3/8 37,5
Magnette (2014-2017) 1/8 12,5 Jambon (2019-…) 3/9 33
Borsus (2017-2019) 2/7 28,5
Di Rupo III (2019-…) 3/8 37,5
Communauté française Communauté germanophone
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Moureaux I (1981-1985) 0/3 0 Fagnoul (1984-1986) 0/3 0
Monfils (1985-1988) 0/3 0 Maraite I (1986-1990) 0/3 0
Moureaux II (1988-1988) 0/3 0 Maraite II (1990-1995) 0/3 0
Féaux (1988-1992) 0/3 0 Maraite III (1995-1999) 0/3 0
Anselme (1992-1993) 1/4 25 Lambertz I (1999-2004) 0/3 0
Onkelinx I (1993-1995) 1/4 25 Lambertz II (2004-2009) 1/4 25
Onkelinx II (1995-1999) 1/4 25 Lambertz III (2009-2014) 1/4 25
Hasquin (1999-2004) 3/8 37,5 Paasch I (2014-2019) 1/4 25
Arena (2004-2008) 4/6 66 Paasch II (2019-…) 1/4 25
Demotte I (2008-2009) 3/7 43
Demotte II (2009-2014) 3/7 43
Demotte III (2014-2019) 2/7 28,5
Jeholet (2019-…) 3/5 60
Région de Bruxelles-Capitale
Gouvernements (années) Chiffres absolus Pourcentages
Picqué I (1989-1995) 0/8 0
Picqué II (1995-1999) 0/8 0
Simonet I (1999-2000) 1/8 12,5
de Donnea (2000-2003) 0/8 0
Ducarme (2003-2004) 0/8 0
Simonet II (2004-2004) 0/8 0
Picqué III (2004-2009) 3/8 37,5
Picqué IV (2009-2013) 2/8 25
Vervoort I (2013-2014) 3/8 37,5
Vervoort II (2014-2019) 4/8 50
Vervoort III (2019-…) 3/8 37,5

  1. Nous remercions très chaleureusement l’évaluateur externe de cet article pour ses nombreuses et précieuses suggestions qui ont permis de préciser et de clarifier un propos qui n’engage bien entendu que son seul auteur et sa seule autrice. 

  2. Voyez notamment la thèse de doctorat de Laura Van Den Eynde intitulée Interpreting Rights Collectively. Comparative Arguments in Public Interest Ligitgants’s Briefs on Fundamental Rights, Faculté de droit et de criminologie de l’ULB, 2015 ainsi que celle de Patricia Naftali ayant pour titre La construction du « droit à la vérité » en droit international et publiée aux éditions Bruylant en 2017. Voyez également les travaux de Julien Pieret (e.a. « Conclusions. Étudier les droits humains pour mieux comprendre les mouvements sociaux ? », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2015/2, 73, pp. 167-188), ainsi que ceux développés à l’occasion de l’Action de recherche concertée 2015-2019 intitulée Contentieux stratégique : utiliser les tribunaux pour obtenir un changement social ? Lutte contre la pauvreté et l’impunité dans les arènes judiciaires et coordonnée par Annemie Schaus. Plusieurs membres du Centre ont ainsi dirigé le numéro spécial de la revue e-legal intitulé La mobilisation du droit par les mouvements sociaux et la société civile (vol. 5, 2021) qui rassemble plusieurs travaux présentés dans le cadre de cette ARC, en ligne in [http://e-legal.ulb.be/volume-n05]. 

  3. Cour Const., arrêt n° 99/2019 du 19 juin 2019. 

  4. M.B., 1er juillet 1994. 

  5. Article 1er de la loi du 24 mai 1994 qui vise l’élection des membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Cette formule est ensuite reproduite pour l’ensemble des scrutins. 

  6. Lors des élections communales et provinciales du 9 octobre 1994, le seuil était fixé à trois quarts ; voyez la disposition transitoire prévue à l’article 16 de la loi précitée du 24 mai 1994. Pour des raisons de concision, le présent article ne s’attardera pas à la situation observée au sein des conseils et collèges communaux ou provinciaux, ni à celle constatée dans la présence belge au sein du Parlement européen. Sur le cas des organes communaux ou provinciaux, on rappellera d’une part, qu’à la suite de la 5e réforme de l’État qui a acté la régionalisation des compétences relatives aux pouvoirs locaux, les Régions ont adopté diverses normes favorisant la présence des femmes en leur sein, d’autre part, qu’à la suite d’un transfert de compétence de la part de la Région wallonne, la Communauté germanophone est également compétente en la matière depuis 2014. Pour la Région wallonne, il convient de mentionner les normes suivantes : le décret du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (M.B., 2 janvier 2006) ; le décret du 1er juin 2006 modifiant le Livre Ier de la quatrième partie du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (M.B., 9 juin 2006) ; le décret du 21 février 2013 assurant une présence égale et alternée entre les femmes et les hommes sur les listes de candidatures aux élections communales et provinciales organisées en Région wallonne (M.B., 4 mars 2013) ; le décret du 9 mars 2017 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation relatives aux élections locales (M.B., 23 mars 2017) ; le décret du 29 juin 2017 visant à modifier l'article L4142-7 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (M.B., 25 juillet 2017) et le décret du 7 septembre 2017 portant modification du Code de la démocratie locale et de la décentralisation afin de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein des collèges communaux et provinciaux de Wallonie (M.B., 9 octobre 2017). Pour la Région de Bruxelles-Capitale, on peut citer les normes suivantes : l’ordonnance du 17 février 2005 assurant une présence égale des hommes et des femmes aux élections communales (M.B., 9 mars 2005) ; l’ordonnance du 15 mars 2012 assurant une présence égale et alternée entre les hommes et les femmes sur les listes de candidatures aux élections communales organisées dans la Région de Bruxelles-Capitale (M.B., 28 mars 2012) ; l’ordonnance du 27 octobre 2016 modifiant le Code électoral communal bruxellois et renforçant la parité hommes-femmes sur les listes de candidatures aux élections communales organisées dans la Région de Bruxelles-Capitale (M.B., 10 novembre 2016) et l’ordonnance du 3 mai 2018 modifiant l’article 23, § 9, du Code électoral communal bruxellois (M.B., 22 mai 2018). Pour la Région flamande, on peut citer les normes suivantes : le décret du 7 mai 2004 réglant le contrôle des dépenses électorales et l’origine des fonds engagés pour l’élection du Parlement flamand (M.B., 28 mai 2004) ; le décret du 10 février 2006 modifiant la loi électorale communale coordonnée le 4 août 1932, la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales, la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé et le décret du 8 juillet 2011 portant organisation des élections locales et provinciales et portant modification du décret communal du 15 juillet 2005, du décret provincial du 9 décembre 2005 et du décret du 19 décembre 2008 relatif à l’organisation des centres publics d’aide sociale (M.B., 25 août 2011). Enfin, pour la Communauté germanophone, on peut citer les normes suivantes : le décret du 21 novembre 2016 portant modification du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, notamment en ce qui concerne les élections au conseil communal (M.B., 22 décembre 2016) et le décret-programme 2018 du 26 février 2018 (M.B., 26 mars 2018). Sur l’impact des législations instaurant des quotas féminins sur les listes électorales communales et provinciales, voyez Meier P., Verlest D., « La position des femmes en politique locale belge et l’impact des quotas », Swiss Political Science Review, vol. 14, n° 4, 2008, pp. 715-740 ; Nennen C., « L’article 11bis de la Constitution ou la traduction d’une préférence abstraite du constituant en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Analyse des actions positives favorisant une présence équilibrée d’hommes et de femmes dans les collèges communaux », Administration publique, 2018/4, pp. 417-432 et plus récemment, à la suite des élections d’octobre 2018, Istasse C., Van Den Abbeel D., « Les facteurs déterminant la proportion de femmes parmi les élus. L’exemple du scrutin local du 14 octobre 2018 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2410-2411, 2019. 

  7. Loi du 18 juillet 2002 assurant une représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales et du Conseil de la Communauté germanophone (M.B., 28 août 2002) et loi spéciale du 18 juillet 2002 organisant une présence égale des hommes et des femmes sur les listes des candidats aux élections du Conseil régional wallon, du Conseil flamand et du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale (M.B., 13 septembre 2002). Voyez également la loi du 13 décembre 2002 portant diverses modifications en matière de législation électorale (M.B., 10 janvier 2003). À l’occasion d’une réforme électorale de plus grande ampleur visant principalement à réintroduire la distinction entre candidat·e·s effectifs·ves et candidat·e·s suppléant·e· qui avait été brièvement abolie, cette seconde loi du 18 juillet 2002 fut abrogée mais les exigences quant au sexe des personnes présentes sur les listes de candidat·e·s furent directement introduites dans la loi spéciale du 8 août 1980 et celle relative aux institutions bruxelloises du 12 janvier 1989 ; voyez la loi spéciale du 2 mars 2004 portant diverses modifications en matière de législation électorale (M.B., 26 mars 2004). Compte tenu de l’existence de dispositions transitoires prévues par les lois de 2002, les premières élections fédérales à se dérouler en application de la loi du 18 juillet 2002 sont celles du 10 juin 2007. Au niveau régional et communautaire, les premières élections à être organisées sous ce régime sont celles du 7 juin 2009. 

  8. Article 2 de la loi du 18 juillet 2002 assurant une représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales et du Conseil de la Communauté germanophone ; M.B., 28 août 2002. Cette formule est reproduite, dans cette même loi, s’agissant de l’élection des membres du Conseil de la Communauté germanophone et, dans la seconde loi du 18 juillet 2002, s’agissant de l’élection des membres des Conseils flamand, wallon et bruxellois. 

  9. Article 2 de la loi du 18 juillet 2002 précitée. À l’occasion de la réforme électorale de 2004, il a été précisé que pour l’élection des membres des parlements flamand, wallon et bruxellois, « ni les trois premiers candidats titulaires, ni les trois premiers candidats suppléants de chacune des listes ne peuvent être du même sexe » ; voyez l’article 19 de la loi spéciale du 2 mars 2004 précitée. 

  10. Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, 3e éd., Bruxelles, Anthémis, 2020, p. 223 ; Kaisergruber S., « Le contrôle de l’établissement des listes de candidats », Administration publique, 2020/1, p. 19 et Bourgaux A.-E., « La parité en politique, phénix de la démocratie belge », in Bernard D., Harmel C. (dir.), Droits des femmes. Codes commentés 2020, Bruxelles, Larcier, p. 274. On trouvera aussi dans la littérature l’expression de « liste chabadabada » en référence à la bande originale du film de Claude Lelouch Un homme et une femme (1966) ; voyez e.a. idem

  11. M.B., 28 mai 2018. Voyez aussi le décret spécial interprétatif du décret spécial du 11 mai 2018 modifiant l’article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue d’instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement wallon qui précise que cette règle s’applique « de manière distincte à la liste des candidats effectifs et à la liste des candidats suppléants » (article unique du décret) ; M.B., 2 janvier 2019. Enfin, précisons que cette règle est impérative « excepté à la dernière place de la liste dans le cas de listes qui, au moment de leur arrêt définitif, comprennent un nombre impair de candidats » (article 1er du décret spécial du 11 mai 2018). 

  12. M.B., 17 mai 2021. À noter que cette ordonnance spéciale prévoit une exception à la règle de la stricte alternance s’agissant des trois premières places de la liste. En effet, l’article 2 de ce texte dispose que « le candidat ou la candidate occupant la troisième place peut être du même sexe que le candidat ou la candidate occupant la deuxième place ». Cette exception vise à « offrir aux partis politiques un peu plus de flexibilité quant à l’ordre des candidat·e·s aux places les plus stratégiques de leur liste, sans pour autant leur permettre, de quelque manière que ce soit, de favoriser indûment la visibilité ou l’élection de candidat·e·s d’un sexe déterminé, par comparaison avec l’application stricte de la tirette » ; Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le sexe des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, s.o. 2019-2020, 11 février 2020, A-146/1, p. 3. 

  13. Un tableau de synthèse reprenant le nombre de femmes présentes dans les différentes assemblées parlementaires du Royaume depuis la reconnaissance de leur droit d’éligibilité lors de la vaste réforme électorale de 1919 jusqu’aux dernières élections du 26 mai 2019 est fourni en annexe du présent article. On notera que les chiffres fournis ci-dessous sont relatifs à la situation observée au moment de l’installation des différentes assemblées à la suite immédiate des élections. Ils ne tiennent donc pas compte des éventuelles modifications dues aux, par exemple, remplacements de personnes effectives par des personnes suppléantes. 

  14. Résultat faisant suite aux élections législatives anticipées organisées le 17 décembre 1978 à la suite de la démission du gouvernement Tindemans IV. Sur les motifs de cette démission et la crise politique qui l’a précédée, voyez Brassinne J., Mabille X., « La crise politique d’octobre 1978 », vol. 1 et vol. 2, Courrier hebdomadaire, CRISP, respect. n° 817 et n° 819, 1978. Ces chiffres proviennent de l’ouvrage suivant : Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, Bruxelles, Racine, 1998, p. 368. 

  15. Ces 181 membres sont déclinés comme suit : 106 élu·e·s direct·e·s, 50 désigné·e·s par les 9 conseils provinciaux et 25 coopté·e·s et parmi les 19 membres femmes du Sénat, on compte à l’époque 11 élues directes, 5 sénatrices provinciales et 3 cooptées (ces chiffres s’entendent hormis les sénateurs de droit) ; idem. Les autrices citées à la note précédente soulignent que c’est la première fois dans l’histoire parlementaire belge que la « barrière symbolique » de 10% est franchie ; ibidem, p. 66. Cette barrière sera toujours franchie par la suite au Sénat, à l’exception des élections législatives du 13 décembre 1987 à l’issue desquelles, les femmes ne représenteront plus que 8,1% des membres du Sénat (ibidem, p. 368). Elle ne sera définitivement franchie à la Chambre des représentants qu’à la suite des élections législatives du 21 mai 1995 qui verront 12% de ses membres être des femmes (idem). 

  16. On se souviendra qu’à cette occasion, le Centre avait organisé, avec la collaboration du Musée des Sciences et des Techniques de Parentville, une exposition intitulée « L’avenir des Belges : le fédéralisme à l’épreuve » qui reçut cette année 1999 le prix Wernaers du FNRS récompensant les initiatives originales dans le domaine de la vulgarisation scientifique. 

  17. Verzele V., Joly C., « La représentation des femmes en politique après les élections du 13 juin 1999. Évaluation de l’application de la loi Smet-Tobback », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1662-1663, 1999, p. 32. 

  18. Ibidem, pp. 23-25. 

  19. On se souviendra que cet anniversaire fut marqué par l’organisation d’un cycle de conférences et de débats en ligne sur l’autonomie du droit public, cycle intitulé Le droit public existe-t-il ? et qui fut lui aussi récompensé par l’attribution du prix Wernaers du FNRS. 

  20. Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, La participation politique des femmes à l’issue des élections du 18 mai 2003, pp. 13-18 ; disponible sur le site de l’Institut, consulté pour la dernière fois le 21 août 2021 in [https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/pol%20deelname%20na%202003_fr.pdf]. 

  21. Biard B., Blaise P., Faniel J., Istasse C., Sägesser C., « Les résultats des élections fédérales et européennes du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2433-2434, 2019, p. 106. 

  22. Article 67 de la Constitution tel que révisé par la loi du 6 janvier 2014 opérant révision de l’article 67 de la Constitution ; M.B., 31 janvier 2014. Sur l’évolution de la composition du Sénat, voyez Istasse C., Sägesser C., « Le Sénat et ses réformes successives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2219-2220, 2014 et Feyt A., Vandernacht P., « La réforme du Sénat, un tableau inachevé… », in Sautois J., Uyttendaele M. (dir.), La sixième réforme de l’État (2012-2013). Tournant historique ou soubresaut ordinaire ?, Limal, Anthemis, 2013, pp. 81-101. 

  23. Biard B., Blaise P., Faniel J., Istasse C., Sägesser C., « Les résultats des élections fédérales et européennes du 26 mai 2019 », op. cit., p. 113-114. On notera que ce chiffre est moins élevé que celui issu des élections législatives du 25 mai 2014 qui avaient vu, pour la première et à ce jour seule fois dans l’histoire parlementaire belge, une assemblée composée à la stricte parité. D’aucunes ont d’ailleurs noté, non sans amertume, que plus le Sénat a vu réduire ses compétences à partir du milieu des années nonante, plus il s’est féminisé ; voyez en ce sens et entre autres Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, op. cit., p. 367. 

  24. Voyez le §3 de l’article 67 de la Constitution introduit par la révision constitutionnelle précitée du 6 janvier 2014. 

  25. La littérature distingue en effet les « quotas de sièges » qui réservent un certain nombre de sièges parlementaires aux femmes des « quotas de candidatures » qui visent la présence de femmes sur les listes des personnes candidates à des élections. Sur cette distinction, voyez Sénac R., « Quota/parité », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, spéc. p. 438. 

  26. Les membres de ce Conseil avaient précédemment fait l’objet d’une élection directe (en 1974, en 1977, en 1978 et en 1981) mais, jusqu’en janvier 1984, ce Conseil ne disposait que d’un pouvoir réglementaire et ne pouvait donc être considéré comme une assemblée législative. Pour l’histoire, on notera qu’une seule femme fut élue en 1974 (sur 25 membres) mais qu’elle démissionna et fut remplacée par un homme quelques semaines après son élection. Source : site du Parlement de la Communauté germanophone, consulté pour la dernière fois le 11 août 2021 in [https://www.pdg.be/PortalData/34/Resources/dokumente/abgeordnete/Mitgliederverzeichnis_-_Legislaturperioden.pdf]. Nous remercions Cédric Istasse pour nous avoir fourni cette information. Ce n’est qu’à la suite de la révision constitutionnelle opérée le 1er juin 1983 (M.B., 10 juin 1983) que ce Conseil fut doté du pouvoir décrétal. Sur l’évolution de la Communauté germanophone, voyez Sägesser C., Germani D., « La Communauté germanophone : histoire, institution, économie », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1986, 2008 et Bouhon F., Niessen C., Reuchamps M., « La Communauté germanophone après la sixième réforme de l’État : état des lieux, débats et perspectives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2266-2267, 2015. 

  27. Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, op. cit., p. 370. 

  28. Verzele V., Joly C., « La représentation des femmes en politique après les élections du 13 juin 1999. Évaluation de l’application de la loi Smet-Tobback », op. cit., p. 53. 

  29. Ibidem, p. 45. 

  30. Arcq É., Blaise P., de Coorebyter V., Sägesser C., « Les résultats des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1853-1854, 2004, resp. p. 56 et p. 35. 

  31. Verzele V., Joly C., « La représentation des femmes en politique après les élections du 13 juin 1999. Évaluation de l’application de la loi Smet-Tobback », op. cit., p. 38. 

  32. Arcq É., Blaise P., de Coorebyter V., Sägesser C., « Les résultats des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004 », op. cit., p. 27. 

  33. Verzele V., Joly C., « La représentation des femmes en politique après les élections du 13 juin 1999. Évaluation de l’application de la loi Smet-Tobback », op. cit., p. 50. 

  34. Arcq É., Blaise P., de Coorebyter V., Sägesser C., « Les résultats des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004 », op. cit., p. 52. 

  35. Biard B., Blaise P., Faniel J., Istasse C., Sägesser C., « Les résultats des élections régionales et communautaires du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2414-2415, 2019, respectivement p. 113, p. 58, p. 32 et p. 93. On notera que le Parlement de la Communauté française uniquement, qui est composé uniquement de personnes élues indirectement, compte, à la suite du scrutin du 26 mai 2019, 40 femmes sur ses 94 membres, soit 42,6% (ibidem, p. 66). 

  36. Opérée le 21 février 2002 ; M.B., 26 février 2002. C’est également à cette date qu’est consacrée, à l’article 10 §3 de la Constitution, l’égalité entre les femmes et les hommes. Sur cette révision, voyez e.a. Van Drooghenbroeck S., Hachez I., « L’introduction de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution », Revue belge de droit constitutionnel, 2002, pp. 153-182. 

  37. Voyez la loi spéciale du 5 mai 2003 garantissant la présence de personnes de sexe différent dans le gouvernement flamand, le gouvernement de la Communauté française, le gouvernement wallon, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et parmi les secrétaires d’État régionaux de la Région de Bruxelles-Capitale (M.B., 12 juin 2003) et la loi du 5 mai 2003 garantissant la présence de personnes de sexes différent (sic) dans le gouvernement de la Communauté germanophone (M.B., 12 juin 2003). 

  38. Décret spécial du 2 mai 2019 modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du Gouvernement wallon ; M.B., 22 mai 2019. Ce décret ne semble cependant pas avoir été d’emblée parfaitement maitrisé par l’ensemble de la classe politique wallonne comme en témoigne la volonté du président du MR, Georges-Louis Bouchez, de substituer, contra legem, une membre de ce gouvernement par un homme lors de la constitution du gouvernement fédéral en octobre 2020. Sur ce point, voyez Sägesser C., « La formation du gouvernement De Croo (mai – 2019-octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2741-2742, 2020, pp. 64-65. 

  39. Décret spécial du 11 mars 2021 portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 afin de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du Gouvernement de la Communauté française ; M.B., 23 mars 2021. 

  40. Ordonnance spéciale du 20 juillet 2022 modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les Ministres et Secrétaires d’État régionaux ; M.B., 27 juillet 2022. Comme cet intitulé l’indique, la règle porte également sur les secrétaires d’État et s’applique par groupe linguistique. 

  41. Voyez en effet ses avis n° 69.200/VR et 69.201/VR du 22 juin 2021 sur une proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 34 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en vue de garantir la présence d’au moins un tiers de femmes et d’hommes au sein du gouvernement bruxellois et sur une proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les ministres et secrétaires d’État régionaux. Voyez aussi le contre-argumentaire développé par les auteurs de cette proposition qui contestent l’interprétation très restrictive de l’autonomie constitutive fondant la critique du Conseil d’État, in Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les Ministres et Secrétaires d’État régionaux, s.o. 2020-2021, 9 septembre 2021, A-435/1, spéc. pp. 7-11. 

  42. Sauf mention contraire, les chiffres qui suivent sont tous issus des Documents politiques disponibles en ligne sur le site du CRISP et qui reprennent les compositions de tous les exécutifs belges depuis 1944 ; consulté la dernière fois le 26 août 2021, in [https://www.crisp.be/documents-politiques/gouvernements/]. On précise que les chiffres reproduits ici ne tiennent pas compte des remaniements éventuellement opérés en cours de législature. Un tableau de synthèse reprenant l’ensemble des chiffres relatifs à la présence des femmes au sein des différents gouvernements du pays depuis 1944 est fourni en annexe du présent article. 

  43. La première femme nommée ministre fut Marguerite De Riemacker-Legot, sociale-chrétienne flamande, en charge de la Famille et du Logement au sein du Gouvernement Harmel installé le 28 juillet 1965, portefeuille qu’elle continua d’assumer au sein du gouvernement Vanden Boeynants I entre le 19 mars 1966 et le 17 juin 1968. Avant cette carrière ministérielle, couronnée par l’octroi du titre de Ministre d’État en 1974 – la première femme élevée à ce rang dans l’histoire de Belgique –, Marguerite De Riemacker-Legot avait aussi été la première femme membre du Conseil national du PSC/CVP et la première femme secrétaire de la Chambre. Voyez la notice qui lui est consacrée in Gubin É., Jacques C., Piette V., Puissant J. (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, Racine, 2006, pp. 363-364. 

  44. Ainsi, Antoinette Spaak et Joëlle Milquet sont les deux seules femmes à avoir présidé un parti francophone, respectivement le FDF entre 1977 et 1982 et le PSC/CDH entre 1999 et 2011. Le cas du parti ECOLO est quelque peu différent, ce parti ayant dès le départ adopté un mode collégial de présidence sous la forme d’un secrétariat fédéral (au sein duquel une femme a toujours siégé, à l’une ou l’autre exception limitée dans le temps) ou d’une coprésidence comptant nécessairement une femme. Du côté néerlandophone, tous les partis dits traditionnels ont été au moins une fois présidé par une femme, ne serait-ce que de manière très limitée comme par exemple le CD&V présidé par Marianne Thyssen entre mai 2008 et juin 2010. 

  45. Elle a longtemps été la seule femme avoir dirigé un exécutif en Belgique. Marie Arena a été la deuxième, toujours à la Communauté française et ce entre 19 juillet 2004 et 20 mars 2008. Ce n’est que beaucoup plus récemment qu’une femme – Liesbeth Homans – a dirigé l’exécutif flamand mais seulement durant quelques semaines, entre juillet et octobre 2019, et à titre temporaire (en étant qui plus est limitée à la gestion des affaires courantes), à savoir le temps que le gouvernement Janbon soit formé. Enfin, au niveau fédéral, Sophie Wilmès a occupé la fonction de première ministre entre le 27 octobre 2019 et le 1er octobre 2020. 

  46. Sur ce care féminin et l’éthique qui lui est associée, soit en français ce que l’on nomme l’éthique de la sollicitude, voyez les travaux fondateurs de la philosophe féministe Carrol Gilligan et en particulier son ouvrage Une si grande différence, Paris, Flammarion, 1986 (première traduction française de son ouvrage intitulé In a Different Voice publié en 1982). Cette perspective est depuis lors âprement discutée, d’aucunes lui reprochant, en résumé, une dimension différentialiste et essentialiste affirmée. Pour une synthèse de ces débats, voyez Ledoux C., « Care », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., pp. 79-90. 

  47. Ce type de considération renvoie au courant, assez développé dans le champ politologique anglo-saxon mais encore marginal dans la littérature francophone, consistant à étudier le fédéralisme dans une perspective de genre. Pour une présentation de cette perspective assez stimulante, voyez le n° spécial de la revue Publius: The Journal of Federalism, vol. 43, n° 1, 2013 intitulé « Gendering Federalism » et coordonné par Jill Vickers, Petra Meier et Louise Chappell. Voyez également le numéro spécial intitulé « Étudier les systèmes fédéraux à travers le prisme du genre » de la revue en ligne Fédéralisme Régionalisme de l’Université de Liège, vol. 14, 2014, consulté le 6 octobre 2019, in [https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=1270]. L’état des lieux que fournit l’article introductif de Petra Meier dans ce numéro offre un panorama assez complet de l’agenda de recherche que ce courant s’est fixé. 

  48. Voyez Meier P., « Paradoxes in the Meaning of Quotas in Belgium », in Franceschet S., Lena Krook M., Piscopo J. M. (eds.), The Impact of Gender Quotas, New-York, Oxford University Press, 2012, pp. 157-172. 

  49. Voyez par exemple le travail réalisé par Johanne Montay qui a interrogé 55 élues belges parmi lesquelles 77% déclaraient avoir fait l’objet de tels propos ou attitudes ; Quelles sont les principales manifestations du sexisme en politique belge ? Le cas des assemblées électives, mémoire réalisé dans le cadre du Master interuniversitaire de spécialisation en études de genre, 2018. Un résumé de ce travail à notre connaissance inédit est disponible en ligne sur le site de l’ARES, consulté la dernière fois le 23 août 2021, in [https://www.ares-ac.be/images/Femmes_sciences/Sexisme-en-politique-belge-J.Montay.pdf]. 

  50. Voyez not. Morin-Rotureau É. (dir.), 1789-1799 : combats de femmes. La Révolution exclut les citoyennes, Paris, Autrement, 2003. 

  51. Voyez sur ce sujet Bereni L., Revillard A., « La dichotomie ‘’public-privé’’ à l’épreuve des critiques féministes, : de la théorie à l’action publique », in Muller P., Sénac-Slawinski R., (dir.), Genre et action publique : la frontière public-privé en questions, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 27-55. 

  52. Voyez not. Binion G., « Human Rights: a Feminist Perspective », Human Rights Quarterly, vol. 17, 1995, pp. 509-526 et Bunch C., « Transforming Human Rights from a Feminist Perspective », in Peters J. S., Wolper A. (eds.), Women’s Rights, Human Rights. International Feminist Perspectives, New York, Routledge, 1995, pp. 11-17. 

  53. Doc. Parl., Sénat, Proposition de loi modifiant l’article 23 de la loi électorale communale, s.o. 1979-1980, 22 janvier 1980, n° 370/1. 

  54. Est-il besoin de préciser qu’exception faite de la greffière, la composition de la chambre de la section de législation ayant rendu cet avis était exclusivement masculine. 

  55. Conseil d’État, avis n° 13.807/1 du 8 mai 1981, p. 9. 

  56. Idem

  57. Voyez en ce sens Uyttendaele M., Sohier J., « Les quotas féminins en droit électoral ou les paradoxes de l’égalité », Journal des tribunaux, 1995, p. 255. 

  58. Conseil d’État, avis n° 13.807/1 du 8 mai 1981, p. 8. En ce sens aussi, voyez la décision du Conseil constitutionnel français du 17 novembre 1982 qui, saisi d’une loi française prévoyant que les listes électorales pour le scrutin municipal de villes de plus de 3500 habitants comptent maximum 75% de candidats d’un même sexe, a estimé cette mesure contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette décision est disponible en ligne sur le site internet du Conseil constitutionnel : [https://www.conseil-constitutionnel.fr]. Sur cette décision française qui fait remarquablement écho à l’avis du Conseil d’État, voyez Lochak D., « Les hommes politiques, les ‘‘sages’’ (?)… et les femmes (à propos de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982) », Droit social, n° 2, 1983, pp. 131-137. Pour un commentaire accueillant favorablement la décision du Conseil constitutionnel français, voyez l’entrée « Quota » in Dekeuwer-Defossez F., Dictionnaire juridique. Droits des femmes, Paris, Dalloz, 1985, pp. 351-353. 

  59. Sur ce sujet et en matière d’actions positives, voyez O’Cinneide C., « Positive Action and the Limits of Existing Law », Maastricht Journal of European and Comparative Law, vol. 3, n° 13, 2006, pp. 351-364. 

  60. Voyez par exemple Uyttendaele M., Sohier J., « Les quotas féminins en droit électoral ou les paradoxes de l’égalité », op. cit., pp. 252-255. On notera que ces deux auteurs, pas plus que le Conseil d’État en 1981 ou en 1993, ne font référence à la Convention des Nations Unies de 1979. 

  61. Cette convention n’a été ratifiée par la Belgique que le 10 juillet 1985 moyennant l’adoption d’une réserve relative à l’application en Belgique, de la loi salique qui, prétend-t-on, réservait l’exercice de la fonction royale aux seuls hommes. Voyez le texte de cette réserve in Recueil des traités 1985, vol. 1402, I, n° 23441-23450, Nations Unies, New York, 1994, p. 376. Cette réserve sera levée en septembre 1998, sept ans après la modification de l’article 60 (aujourd’hui 85) opérée par la révision constitutionnelle du 21 juin 1991 (M.B., 10 juillet 1991) qui a supprimé la mention du sexe « mâle » et l’exclusion des femmes de la succession au trône, ce dont s’est félicité le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ; voyez Rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, 15e session, Supplément n° 38 (A/51/38), Nations Unies, New York, 1996, p. 26. 

  62. Doc. Parl., Chambre, Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, s.o. 1993-1994, 9 février 1994, n° 1316/1, Avis du Conseil d’État du 17 novembre 1993, pp. 18-21. 

  63. Doc. Parl., Chambre, Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, s.o. 1993-1994, 9 février 1994, n° 1316/1, Exposé des motifs, p. 4. L’irrecevabilité d’une liste est en effet une sanction relativement commune dans le droit électoral ; voyez sur ce sujet, Uyttendaele M., Sohier J., « Les quotas féminins en droit électoral ou les paradoxes de l’égalité », op. cit., pp. 255-256 et, plus récemment, Kaisergruber S., « Le contrôle de l’établissement des listes de candidats », op. cit., pp. 17-27. 

  64. Doc. Parl., Parlement wallon, Projet de décret spécial modifiant l’article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue d’instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement wallon, s.o. 2017-2018, 23 mars 2018, n° 1065/1, Avis du Conseil d’État n° 62.971/4 du 28 février 2018, p. 5. 

  65. Doc. Parl., Sénat, Projet de loi assurant une présence égale des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales et du Conseil de la Communauté germanophone, s.o. 2001-2002, 28 janvier 2002, n° 1023/1, Avis du Conseil d’État du 2 août 2000, p. 12. Le Constituant a d’ailleurs insisté sur cet avis lorsqu’il a procédé à la révision constitutionnelle de 2002 ; voyez Doc. Parl., Sénat, Révision du titre II de la Constitution, en vue d’y insérer un article nouveau relatif au droit des femmes et des hommes à l’égalité, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires institutionnelles, s.o. 2000-2001, 6 mars 2001, n° 2-465/4, spéc. p. 6 et p. 9. 

  66. Cour Const., arrêt n° 9/94 du 27 janvier 1994, voy. spéc. § B.6.2. 

  67. Voyez not. Cour Const., arrêt n° 145/2015 du 22 octobre 2015, spec. § B.10.1 (à propos de décrets wallons du 9 janvier 2014 destinés à promouvoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans plusieurs organismes d’aide aux personnes agréés par la Région). 

  68. Rasson-Roland A., Theunis J., « Genre, égalité et non-discrimination. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle belge », Commission de Venise, Conseil mixte sur la justice constitutionnelle, Lausanne, 28 juin 2018, Conseil de l’Europe, CDL-JU(2018)006 ; cité par Renauld B., Verdussen M., « Belgique », Annuaire international de justice constitutionnelle, Paris, Economica, XXXIV-2018, p. 168, note 85. 

  69. Voyez l’article 16 § 2 de cette loi ; M.B., 30 mai 2007. Voyez aussi l’arrêté royal du 11 février 2019 fixant les conditions de l’action positive ; M.B., 1er mars 2019. Sur cette législation et cet arrêté, voyez Ganty S., Vincent S., « Discrimination sur la base du genre en droit belge : aperçu de la loi ‘‘genre’’ du 10 mai 2007 », in Bernard D., Harmel C. (dir.), Droits des femmes. Codes commentés 2020, op. cit., pp. 89-94. 

  70. En ce sens, voyez la prise de position de la vice-Première ministre Laurette Onkelinx lors de l’adoption de l’article 11bis de la Constitution ; Doc. Parl., Chambre, Révision du titre II de la Constitution, en vue d’y insérer une disposition relative au droit des femmes et des hommes à l’égalité et favorisant leur égal accès aux mandats électifs et publics, Rapport fait au nom de la Commission de la révision de la Constitution et de la réforme des institutions, s.o. 2001-2002, 18 janvier 2002, n° 1140/002, p. 21. Voyez aussi Doc. Parl., Sénat, Révision du titre II de la Constitution, en vue d’y insérer un article nouveau relatif au droit des femmes et des hommes à l’égalité, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires institutionnelles, s.o. 2000-2001, 6 mars 2001, n° 2-465/4, p. 5. 

  71. On notera que la condition relative à la nature temporaire de toute action positive est également présente à l’article 4 de la Convention des Nations Unies précitée de 1979. 

  72. Doc. Parl., Sénat, Révision du titre II de la Constitution, en vue d’y insérer un article nouveau relatif au droit des femmes et des hommes à l’égalité, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires institutionnelles, s.o. 2000-2001, 6 mars 2001, n° 2-465/4, pp. 22-23 (Paul Lemmens) et p. 67 (Jan Velaers). Les parlementaires ayant participé à ces débats n’ont jamais mentionné explicitement ce texte si ce n’est à travers la vague référence faite aux « textes » ou « engagements internationaux » de la Belgique ; voyez p. 84. 

  73. De façon générale, la doctrine s’entend pour reconnaitre que cet « instrument révolutionnaire » présente, en Belgique, un « potentiel encore sous-exploité » ; Bribosia E., Rorive I., « Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes et Pactes onusiens : quel potentiel pour les droits des femmes ? », in Bernard D., Harmel C. (dir.), Droits des femmes. Codes commentés 2020, op. cit., p. 31. 

  74. Doc. Parl., Parlement wallon, Proposition de décret spécial modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement wallon, s.o. 2017-2018, 12 mars 2018, n° 1045/1, p. 3. 

  75. Doc. Parl., Parlement de la Communauté française, Proposition de décret spécial portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 afin de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement de la Communauté française, s.o. 2020-2021, 7 octobre 2020, n° 123/1, p. 3. 

  76. Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les ministres et secrétaires d’État régionaux, s.o. 2020-2021, 9 septembre 2021, A-435/1, p. 1. 

  77. Vogel-Polsky É., « Genre et droit : les enjeux de la parité », Cahiers du GEDISST, n° spécial « Les enjeux de la parité », n° 17, 1996, p. 11. Sur la critique féministe (et postcoloniale) de l’égalité juridique, voyez aussi Sénac R., L’égalité sous conditions. Genre, parité, diversité, Paris, Presses de Sciences Po, 2015. 

  78. Conseil d’État, avis n° 13.807/1 du 8 mai 1981, p. 8. 

  79. Uyttendaele M., Sohier J., « Les quotas féminins en droit électoral ou les paradoxes de l’égalité », op. cit., p. 254. 

  80. En ce sens, voyez Sohier J., Système électoral, état particratique, régime représentatif. 10 propositions pour réformer la démocratie belge, Limal, Anthemis, 2021, p. 150 et les références en note 419. 

  81. Pour une synthèse de cette distinction, voyez Tremblay M., « Représentation », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., pp. 456-468. En substance, l’approche descriptive envisage la représentation politique comme décalque de la société et des différents groupes la composant ; la perspective substantielle, elle, dissocie l’identité du représentant de son activité politique. En d’autres termes, un représentant peut selon cette deuxième approche tout à fait défendre les intérêts d’une classe ou d’un genre à laquelle il n’appartient pas. Voyez aussi l’ouvrage fondateur de Pitkin H. F., The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967 ainsi que la thèse suivante : Diaz M. M., Are Women in Parliament Representing Women ? From Descriptive to Substantive Representation… And Back Again ?, Thèse, Facultés des sciences économiques, sociales et politiques, UCL, 2002 dont un résumé a été publié dans la revue Sophia, n° 32, 2002, pp. 38-41. Enfin, on lira avec attention le très complet état de l’art sur le sujet des quotas et de la représentation livré dans l’introduction de l’ouvrage suivant : Stojanovic N., Dialogue sur les quotas. Penser la représentation dans une démocratie multiculturelle, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 21-45. 

  82. Degauquier C., « Retour sur les arguments fondant la demande d’une représentation accrue des femmes en politique », Res Publica, vol. 36, 1994, pp. 122-124 ; Crasset V., Parité, quotas : quelles figures de la citoyenneté ? Dans quelle mesure parité et quotas remettent ou non en question les représentations collectives de la citoyenneté en France et en Belgique ?, Mémoire, Faculté des sciences sociales, politiques et économiques, ULB, 2002, pp. 86-94. 

  83. « Elles constituent de surcroît un groupe social ayant des besoins et des intérêts spécifiques, dont la défense pourrait sans doute être mieux assurée par les intéressées elles-mêmes » ou encore « Cette présence renforcée constituerait à coup sûr un enrichissement de la vie politique, étant donné que les femmes perçoivent différemment certains thèmes et y sont plus sensibles » ; Doc. Parl., Chambre, Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, Rapport fait au nom de la Commission de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique, s.o. 1993-1994, 24 mars 1994, n° 1316/4, p. 5 et p. 11. 

  84. D’après Popelier, P. et Vrielink, J., la tradition juridique et politique belge serait davantage influencée par ce féminisme universel français (« Alle mensen zijn gelijk, maar sommige mensen zijn meer gelijk dan anderen. Over mannen, vrouwen, paritaire democratie en geslachtsdiscriminaties », Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publikrecht, n° 10, 2003, pp. 682-696). Une telle affirmation nous semble quelque peu discutable et les différents débats et normes examinés dans la présente contribution tendent à la nuancer. 

  85. On notera que plusieurs parlementaires, opposés à l’adoption de la loi « Smet-Tobback » ont d’ailleurs agité le spectre d’autres quotas – par exemple fondés sur l’appartenance à une classe sociale, l’âge, l’origine ethnique ou l’orientation sexuelle – pour délégitimer l’initiative à l’examen. Cet argument justifia une réponse ferme de la part des deux ministres à la base du projet, Louis Tobback d’une part (« en ce qui concerne l’observation selon laquelle le projet peut donner lieu à des revendication d’autres groupes, tels que les jeunes, les personnes âgées, etc., le ministre fait remarquer que l’on semble oublier une chose : contrairement à ces groupes, les femmes constituent non pas un groupe minoritaire, mais un groupe majoritaire, qui est refoulé politiquement par la minorité ») et Miet Smet d’autre part (« Il est […] pénible […] que les femmes soient, dans ce débat replacées chaque fois au même niveau que d’autres groupes de la société. En effet, les femmes constituent un groupe de base de celle-ci, et non un sous-groupe ! ») ; Doc. Parl., Sénat, Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, Rapport fait au nom de la Commission de l’Intérieur, s.o. 1993-1994, 24 avril 1994, n° 1053/2, pp. 9-10 et p. 11. Cet argument visant à dé-spécifier la question de la place des femmes par rapport à celle d’autres groupes sociaux fut également présent lors des débats relatifs à la révision constitutionnelle opérée en 2002 : la réponse fut identique, insistant sur la nature universelle et non contingente de la division sexuelle de l’humanité ; Doc. Parl., Chambre, Révision du titre II de la Constitution, en vue d’y insérer une disposition relative au droit des femmes et des hommes à l’égalité et favorisant leur égal accès aux mandats électifs et publics, Rapport fait au nom de la Commission de la révision de la Constitution et de la réforme des institutions, s.o. 2001-2002, 18 janvier 2002, n° 1140/002, pp. 13-14. Sur la présence de cet argument dans le débat français, voyez Bereni L., Lépinard É., « ‘‘Les femmes ne sont pas une catégorie’’. Les stratégies de légitimation de la parité en France », Revue française de sciences politiques, vol. 54, 2004/1, pp. 71-98. 

  86. Les travaux de l’historienne américaine Joan W. Scott sur le débat français sont sur ce point emblématiques de cette sophistication théorique ; voyez notamment son ouvrage clef Parité ! L’universel et la différence des sexes, Paris, Albin Michel, 2005. 

  87. Doc. Parl., Chambre, Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, Rapport fait au nom de la Commission de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique, s.o. 1993-1994, 24 mars 1994, n° 1316/4, p. 23. 

  88. En ce sens, voyez Van Meensel R., « La politique belge menée vis-à-vis de la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision : un position charnière entre le nord et le sud », in Peemans-Poullet H. (dir.), La démocratie à l’épreuve du féminisme, Bruxelles, Université des femmes, 1998, p. 137. 

  89. Sur cette notion telle qu’observée en Belgique, voyez Sinardet D., « Le fédéralisme consociatif belge : vecteur d’instabilité ? », Pouvoirs, n° 136, 2011/1, pp. 21-35. Antérieurement, l’expression « démocratie de concordance » était également utilisée par la littérature pour qualifier le système belge ; voyez Claeys P. H., Loeb-Mayer N., « Le ‘para-fédéralisme’ belge. Une tentative de conciliation par le cloisonnement », Revue internationale de science politique, vol. 5, n° 4, 1984, pp. 473-490. 

  90. Faniel J., Istasse C., Lefebve V., Sägesser C., « La Belgique, un État fédéral singulier », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2500, 2021, p. 66. 

  91. Sur cette réforme, voyez entre autres ibidem, pp. 34-37 et Uyttendaele M., Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., pp. 715-716. 

  92. Ainsi la Région de Bruxelles-Capitale est-elle présentée comme une « petite Belgique inversée » ; Reuchamps M., « Structures institutionnelles du fédéralisme belge », in Dandoy R., Matagne G., Van Wynsberghe C. (dir.), Le fédéralisme belge. Enjeux institutionnels, acteurs socio-politiques et opinions publiques, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2013, p. 50. 

  93. Loi du 17 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques ; M.B., 16 octobre 1973. Sur cette législation, voyez de Coorebyter V., Le pacte culturel, Bruxelles, CRISP (dossier n° 60), 2003. 

  94. Sur cette notion et sa pertinence contemporaine, voyez Bruyère L., Crosetti A.-S., Faniel J., Sägesser C. (dir.), Piliers, dépilarisation et clivage philosophique en Belgique, Bruxelles, CRISP, 2019. 

  95. Dumont H., Delgrange X., « La loi du pacte culturel et la direction de l’équilibre idéologique et philosophique dans les nominations : sagesse ou monstruosité ? », Journal des tribunaux, 1994, p. 7. 

  96. Ainsi au sujet des nominations politiques prévues à l’article 20 de la loi du 17 juillet 1973, article qui fit l’objet d’un arrêt négatif de la Cour d’arbitrage, l’arrêt n° 65/93 du 15 juillet 1993, sans pour autant que cet arrêt ne conduise le législateur à revoir sa copie. Voyez pour une critique de cette jurisprudence, ibidem, pp. 2-12. 

  97. Voyez notamment les articles 118 et 123 de la Constitution. Voyez aussi Uyttendaele M., « L’autonomie constitutive en droit fédéral belge. Réflexions sur l’unicité du pouvoir constituant dans un État fédéral », Administration publique trimestrielle, 1993, pp. 221-230 et Mertes C., « L’autonomie constitutive des Communautés et des Régions », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1650-1651, 1999. 

  98. Voyez Peiffer Q., « L’autonomie constitutive des entités fédérées », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2350-2351, 2017. 

  99. Doc. Parl., Parlement wallon, Projet de décret spécial modifiant l’article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue d’instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le genre des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement wallon, s.o. 2017-2018, 23 mars 2018, n° 1065/1, p. 3. 

  100. Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le sexe des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, s.o. 2019-2020, 11 février 2020, A-146/1, p. 5. Si l’expression « autonomie constitutive » n’est pas explicitement mobilisée par les parlementaires bruxellois, le fait que l’article 1er de cette ordonnance spéciale renvoie à l’article 118 § 2 de la Constitution confirme que le fondement de cette réforme est bel et bien la notion d’autonomie constitutive. 

  101. Doc. Parl., Parlement wallon, Proposition de décret spécial modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement wallon, s.o. 2017-2018, 12 mars 2018, n° 1045/1, p. 4. 

  102. Doc. Parl., Parlement de la Communauté française, Proposition de décret spécial portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement de la Communauté française, s.o. 2020-2021, 7 octobre 2020, n° 123/1, p. 4. 

  103. Lors des débats parlementaires noués pour l’adoption de cette loi, la vice-première ministre Laurette Onkelinx (également en charge de l’Égalité des chances) avant en effet déclaré que « l’autonomie constitutive conférée à certaines entités fédérées est limitée par l’obligation de compter au moins une personne de sexe différent au sein de leur gouvernement. L’autonomie constitutive ne leur permet pas de contrevenir à cette exigence, mais elle leur permet d’aller au-delà » ; Doc. Parl., Sénat, Projet de loi spéciale assurant la présence de personnes de sexe différent dans le gouvernement flamand, le gouvernement de la Communauté française, le gouvernement wallon, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et parmi les secrétaires d’État de la Région de Bruxelles-Capitale, Rapport fait au nom de la Commission des affaires institutionnelles, 12 décembre 2002, n° 2-1359/2, p. 4. 

  104. Doc. Parl., Parlement wallon, Proposition de décret spécial modifiant les articles 60 et 64 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement wallon, Avis du Conseil d’État n° 65.453/2, s.o. 2017-2018, 12 mars 2018, n° 1045/2 et Doc. Parl., Parlement de la Communauté française, Proposition de décret spécial portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement de la Communauté française, Avis du Conseil d’État n° 68.138/2, s.o. 2020-2021, 17 février 2021, n° 123/2. 

  105. La section de législation siège en chambres réunies, sur décision du Premier président ou du président s’il préside la section de législation, lorsque la demande d'avis soulève une question relative aux compétences respectives de l'État, des communautés ou des régions. Voyez l’article 85bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État. Les avis donnés sur les textes wallon et de la Communauté française n’ont pas été déférés à ces chambres réunies, ce qui permet de penser que la question des limites de l’autonomie constitutive n’avait pas été aperçue à ces deux occasions. 

  106. Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les ministres et secrétaires d’État régionaux, Avis du Conseil d’État n° 69.201, s.o. 2020-2021, 27 juin 2022, A-435/2, p. 4. On notera que parmi les six conseillers et les quatre assesseurs qui ont participé à la rédaction de cet avis, on ne compte qu’une seule femme, déjà présente au sein de la chambre francophone de la section de législation qui, en février 2021, donnait son feu vert au texte de la Communauté française. 

  107. Sur cet aspect de la sixième réforme de l’État, voyez Peiffer Q., Sautois J., « L’autonomie constitutive après la sixième réforme de l’État », in Sautois J., Uyttendaele M. (dir.), La sixième réforme de l’État (2012-2013). Tournant historique ou soubresaut ordinaire ?, op. cit., pp. 103-144. 

  108. Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les Ministres et Secrétaires d’État régionaux, Avis du Conseil d’État n° 69.201, s.o. 2020-2021, 27 juin 2022, A-435/2, p. 6. 

  109. On notera cependant, avec Uyttendaele M., que « les exemples de révisions implicites [de la Constitution] foisonnent dans notre histoire institutionnelle récente » et qu’elles constituent la « dérive inévitable, inhérente à la rigidité de notre procédure de révision constitutionnelle » ; Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 100. 

  110. Voyez Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les Ministres et Secrétaires d’État régionaux, s.o. 2020-2021, 9 septembre 2021, A-435/1, spéc. pp. 7-11. 

  111. Cour Const., arrêt n° 81/2012 du 28 juin 2012, spéc. §§ B.3.2 à B.6. Le fait est tout de même que l’autonomie constitutive est l’exception au principe de la plénitude des compétences du législateur spécial, qui règle notamment la composition et le fonctionnement des gouvernements régionaux et communautaires. Or, donc, toute exception à un principe de plénitude des compétences se conçoit normalement de manière restrictive. 

  112. Voyez sur ce point Peiffer Q., « L’autonomie constitutive des entités fédérées », op. cit., spéc. pp. 40-44. 

  113. Cette expression est empruntée au théoricien du droit Herbert Hart ; voyez Le concept de droit, Bruxelles, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, 1976 [1961], spéc. pp. 155-168. 

  114. Béréni L., La bataille de la parité. Mobilisations pour la féminisation du pouvoir, Paris, Economica, 2015, p. 10. 

  115. Idem

  116. Istasse C., « Engagement et participation politique des femmes : évolution et effets des règles électorales », Les @nalyses du CRISP en ligne, 11 septembre 2018, p. 1 ; consulté le 11 octobre 2021 in [http://www.crisp.be/2018/09/engagement-participation-politique-femmes-evolution-effets-regles-electorales/], Pour une présentation de cette histoire jusqu’à la reconnaissance du droit de vote aux femmes opérée en 1948, voyez Jacques C., Les féministes belges et les luttes pour l’égalité politique et économique (1918-1968), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2013, spéc. pp. 17-53. 

  117. Achin C., Levêque S., Femmes en politique, Paris, La Découverte, 2006, p. 10. 

  118. Voyez sur ce point Pieret J., « La Constitution a-t-elle un sexe ? », in Bernard D., Harmel C. (dir.), Droits des femmes. Codes commentés 2020, op. cit., pp. 70-73. 

  119. Le féminisme belge de la deuxième moitié du XIXe siècle est ainsi qualifié de « féminisme pédagogique » ; Jacques C., « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2012-2013, 2009, p. 6. 

  120. Gubin É., « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de philologie et d’histoire, t. 77, vol. 2, 1999, p. 370. 

  121. Jacques C., « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 », op. cit., p. 10 et p. 13. 

  122. C’est pour cette raison que les premières revendications du droit de vote pour les femmes émanèrent du féminisme chrétien : il était espéré que le vote des femmes bénéficie essentiellement au parti catholique. Sur le féminisme chrétien, voyez Gérin P., « Louise Van Den Plas et les débuts du ‘‘féminisme chrétien’’ en Belgique », Revue d’histoire belge contemporaine, n° 2, 1969, pp. 254-275. Pour une analyse fouillée des débats parlementaires relatifs au suffrage universel et la mise en évidence de considérations stratégiques partisanes, voyez Gaudin Th., Démocratiser, confisquer, monopoliser les élections. Le rôle et les fonctions des partis politiques dans les grandes réformes électorales (1830-1948), thèse de doctorat en sciences juridiques, ULB, 2020, pp. 191-254. 

  123. Pour une synthèse de ces débats, voyez ibidem, pp. 255-290. 

  124. Gubin É., « Les femmes et la citoyenneté politique en Belgique. L’histoire d’un malentendu », Sextant, vol. 7 « Citoyenneté » , 1997, p. 169. 

  125. Gubin É., Jacques C., Piette V., Puissant J. (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, op. cit., p. 355 (in l’entrée consacrée à Léonie Lafontaine). 

  126. Voyez la reproduction de cet appel par l’encyclopédie en ligne Wikipedia, consulté le 28 août 2022, in [https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Parti_g%C3%A9n%C3%A9ral_des_femmes_belges_-_%22Appel_aux_femmes%22.jpg]. Les expressions ici en italique sont en caractères gras dans le texte de cet appel qui est signé par Marie Parent et Léonie Lafontaine et qui se clôture par cinq revendications : lutte contre l’alcoolisme ; lutte contre l’ignorance ; protection de la mère et de l’enfant ; lutte contre la débauche et lutte pour la suppression de la guerre. Il n’est donc pas question de réclamer prioritairement une extension des droits politiques au bénéfice des femmes. Du reste, lorsque la question de leur droit de vote et d’éligibilité sera davantage au cœur d’un agenda féministe, le combat sera en réalité instrumental : il ne s’agira pas de revendiquer de tels droits pour eux-mêmes mais bien, via leur effectivité, de participer au travail législatif en vue de contribuer à la moralisation de la vie sociale. Voyez sur ce point Gubin É., « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », op. cit., p. 373. 

  127. Bereni L., Revillard A., « Des quotas à la parité : ‘‘féminismes d’État’’ et représentation politique (1974-2007) », Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 67, 2007, p. 8. 

  128. Perrier G., « Féminisme », in Mbongo P., Hervoüet F., Santulli C. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de l’État, Paris, Berger-Levrault, 2014, p. 436. 

  129. Bereni L., « Du MLF au Mouvement pour la parité. La genèse d’une nouvelle cause dans l’espace de la cause des femmes », Politix. Revue des sciences sociales du politique, n° 78, 2007, pp. 107-132. 

  130. Bien que régulièrement contestée, la métaphore des vagues pour scander l’évolution du mouvement féministe à travers l’histoire est souvent convoquée tant par les associations militantes qu’au sein du champ académique. Sur cette métaphore, voyez Pavard B, « Faire naître et mourir les vagues : comment s’écrit l’histoire des féminismes », Itinéraires [En Ligne], 2017-2 | 2018, mis en ligne le 10 mars 2018, consulté le 26 août 2022, in [http://journals.openedition.org/itineraires/3787]. 

  131. Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, op. cit., p. 137. Le troisième chapitre de cet ouvrage (pp. 95-247) est consacré à l’étude, parti par parti, de l’évolution des groupes féminins en leur sein. 

  132. Sur la création du Parti féministe unifié, voyez Bihin C., « Les origines du PFU », Les cahiers du GRIF, n° 6, mars 1975, pp. 43-47. 

  133. Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, op. cit., p. 155. 

  134. Carton A., « L’électeur/trice et la force de sa voix », in Peemans-Poullet H., (dir.), La démocratie à l’épreuve du féminisme, Bruxelles, op. cit., p. 148. 

  135. Piette V., « Des difficultés d’être outsiders dans le paysage politique belge : de la bonne ménagère à Miss Flandres », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, n° 19, 2013/1, p. 70. 

  136. Sur la vie et la carrière de Miet Smet, voyez Cockx R., Miet Smet. Trois décennies de politique d’égalité des chances, Bruxelles, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2009. 

  137. Cette charte est notamment accessible en ligne, sur le site de l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES), consulté le 22 août 2022, in [https://ihoesd.ideesculture.fr/index.php/Detail/objects/140919]. 

  138. Degraef V., Zaïd L., Kemajou F., Évaluation des politique, des actions et des recherches menées depuis 1985 en matière d’égalité des chances entre hommes et femmes, Bruxelles, Ministère de la Politique à l’égalité des chances, 2000, p. 48. 

  139. Stoffel S., « Le féminisme d’État : une notion polysémique au service de la représentation », Revue française de science politique, vol. 59, n° 2, 2009, p. 362. L’ouvrage en question est le suivant : Watson S. (ed.), Playing the State. Australian Feminist Interventions, Londres, New York, Pluto, 1990. 

  140. Dauphin S., « L’élaboration des politiques d’égalité ou les incertitudes du féminisme d’État : une comparaison France/Canada », Cahiers du Genre, Hors-série n° 1, 2006/3, , p. 96. 

  141. L’expression « fémocrate », soit la contraction de « féministe » et de « bureaucrate », vise les personnes en charge de la cause des femmes à l’intérieur de l’État ; voyez Perrier G., « Politiques publiques », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., p. 398. 

  142. En ce sens, voyez Revillard A., La cause des femmes dans l’État. Une comparaison France-Québec, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2016. 

  143. Waylen G., « Le genre, le féminisme et l’État », in Ballmer-Cao T.-H., Mottier V., Sgier L. (dir.), Genre et politique. Débats et perspectives, Paris, Gallimard, 2000, p. 205. 

  144. Bereni L., Revillard A., « Des quotas à la parité : ‘‘féminismes d’État’’ et représentation politique (1974-2007) », op. cit., pp. 20-21. 

  145. Gaspard F., « Du patriarcat au fratriarcat. La parité comme nouvel horizon du féminisme », Cahiers du Genre, Hors-série n° 2, 2011/3, p. 139. 

  146. Lagerwall A., « Les droits de l’homme se conjuguent-ils au féminin ? », in Bernard D., Harmel C. (dir.), Droits des femmes. Codes commentés 2020, op. cit. p. 21. 

  147. Gubin É., Van Molle L., Femmes et politique en Belgique, op. cit., p. 112. 

  148. Nations Unies, Rapport de la Conférence mondiale de l’année internationale de la femme. Mexico 19 juin - 2 juillet 1975, New York, 1976, E/CONF.66/34, p. 5 et pp. 110-111. 

  149. Pour une présentation de chacune de ces conférences et des textes auxquels elles ont donné lieu, voyez la partie du site des Nations Unies qui leur est consacrée : [https://www.un.org/fr/conferences/women]. 

  150. Nations Unies, Rapport de la quatrième conférence sur les femmes. Bejing 4-15 septembre 1995, New York, 1996, A/CONF.177/20/Rev.1, p. 86. 

  151. Paternotte D., « Transnationalisation/mobilisations transnationales », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., p. 510. En ce sens voyez aussi Bereni L., Revillard A., « Des quotas à la parité : ‘‘féminismes d’État’’ et représentation politique (1974-2007) », op. cit., p. 13. 

  152. Lépinard É., L’égalité introuvable. La parité, les féministes et la République, Paris, Presses de Sciences Po, 2007, p. 65. 

  153. Krook M. L., « Reforming Representation: The Diffusion of Candidate Gender Quotas Worldwide », Politics & Gender, n° 2, 2006, p. 309. 

  154. Pour un exemple récent, voyez Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les ministres et secrétaires d’État régionaux, s.o. 2020-2021, 9 septembre 2021, A-435/1, p. 1. 

  155. Bereni L., Lépinard É., « ‘‘Les femmes ne sont pas une catégorie’’. Les stratégies de légitimation de la parité en France », op. cit., p. 75. 

  156. L’égalité entre hommes et femmes est en effet consacrée comme objectif de l’Union européenne aux articles 2, 3.2 et 137.1 de la version consolidée du Traité sur l’Union européenne (TUE 2002). 

  157. Journal officiel des Communautés européennes, 10 janvier 1979, n° L 6/24, pp. 182-183. 

  158. Mazey S., « Chapitre 10. L’Union européenne et les droits de femmes : de l’européanisation des agendas nationaux à la nationalisation d’un agenda européen ? », in Balme R., Chabanet D., Wright V. (dir.), L’action collective en Europe. Collective Action in Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 405. 

  159. Voyez son article 23. 

  160. Voyez son article 8 qui prévoit que « pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ». 

  161. Article 141.4 du Traité consolidé sur l’Union européenne (2002). Voyez également l’article 23.2 de la Charte de l’Union européenne sur les droits fondamentaux qui généralise ce dispositif au départ cantonné à la sphère professionnelle : « le principe de l’égalité n’empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ». On lira aussi la recommandation du Conseil du 2 décembre 1996 concernant la participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision (96/694/CE) qui suggère aux États membres « d’adopter une stratégie intégrée d’ensemble visant à promouvoir la participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision et de développer ou instaurer pour y parvenir les mesures appropriées législatives, réglementaires ou d’incitation ». 

  162. Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions. Une Union de l’égalité : stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025, 5 mars 2020, COM (2020) 152 final, pp. 16-17. 

  163. Zanatta M., « La conquête de la citoyenneté politique des femmes belges : obstacles et soutiens, d’hier à aujourd’hui », Analyse de l’IHOES, n° 200, 10 avril 2019, p. 14, en ligne, consulté la dernière fois le 24 août 2022 ; in [http://www.ihoes.be/PDF/IHOES_Analyse200.pdf]. 

  164. Gaspard F., « Les enjeux internationaux de la parité », Politique étrangère, n° 1, 2000, pp. 205-206. 

  165. Paternotte D., « Transnationalisation/mobilisations transnationales », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., p. 510. 

  166. Voyez ainsi la partie de son site internet consacrée à cette question, consulté la dernière fois le 24 août 2022 ; in [https://www.womenlobby.org/Women-in-Politics-507?lang=fr]. 

  167. Il n’est pas certain qu’à l’heure actuelle, une majorité d’hommes soit en faveur de quotas bénéficiant aux femmes ; voyez sur ce point l’éclairante étude suivante qui, questionnaire à l’appui, montre l’hostilité qu’une majorité d’homme nourrit à l’égard de ce type de dispositif : Meier P., « Les quotas : une renégociation partielle de l’espace public », in Marques-Pereira B. (dir.), Femmes : enjeux et combats d’aujourd’hui, Bruxelles, Cedil, 2007, pp. 85-99. 

  168. Voyez notamment Mossuz-Lavau J., Sineau M., Les femmes dans le personnel politique en Europe, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1984 ; Sineau M., Voies et moyens pour améliorer la situation des femmes dans la vie politique, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1989 ; Vogel Polsky É., Les actions positives et les contraintes institutionnelles et législatives qui pèsent sur leur mise en œuvre dans les États membres du Conseil de l’Europe, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1989. 

  169. Bereni L., Lépinard É., « ‘‘Les femmes ne sont pas une catégorie’’. Les stratégies de légitimation de la parité en France », op. cit., p. 76. 

  170. Voyez par exemple Conseil de l’Europe, Démocratie paritaire : une réalisation encore lointaine. Étude comparative sur les résultats des premier et deuxième cycles de suivi de la Recommandation Re (2003) 3 du Conseil de l’Europe sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2010, et plus récemment le rapport suivant établi par Celis K. et pour le compte de la Commission pour l’égalité de genre, intitulé Participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision. Rapport analytique – données 2016, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2017. 

  171. Conseil de l’Europe, Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes sur l’égalité et la démocratie, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1996. 

  172. Conseil de l’Europe, L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des bonnes pratiques. Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2004. 

  173. Conseil de l’Europe, Actions positives dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes. Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes sur les actions positives dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2004. 

  174. Voyez ainsi la partie du site internet du Conseil de l’Europe consacrée à cette égalité : [https://www.coe.int/fr/web/genderequality]. 

  175. Voyez les travaux fondateurs de Keck M. E., Sikkink K., Activists Beyond Borders: Advocacy Newtworks in International Politics, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1998 et Finnemore M., Sikkik K., « International Norms Dynamics and Political Change », International Organization, vol. 52, n° 4, 1998, pp. 887-917. Pour un usage de cette théorie dans le domaine de la participation politique des femmes, voyez not. Krook M. L., « Reforming Representation: The Diffusion of Candidate Gender Quotas Worldwide », op. cit., pp. 303-327. 

  176. Paternotte D., « Transnationalisation/mobilisations transnationales », in Achin C., Bereni L. (dir.), Dictionnaire genre & science politique, op. cit., p. 512. 

  177. Siméant J., « Transnationalisation/internationalisation », in Fillieule O., Mathieu L., Péchu C. (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 555. Voyez aussi les travaux réunis in Della Porta D., Tarrow S. (eds.), Transnational Protest and Global Activism, Lanham, Rowman and Littlefield, 2005. 

  178. À propos de cet arrêt, voyez not. Mathieu, G., « L’établissement de la filiation », in X., Familles: union et désunion. Commentaire pratique, II.II.1.1 – 28 à II.II.1.1 – 30 (et les références citées), Peters, M., « La loi de 2017 et le principe d ‘auto-détermination de l’individu », note sous Cour Const., n° 99/2019 du 19 juin 2019, Revue générale de droit civil, 2020, pp. 357-364 ; Willems, G., « Le genre non binaire et fluide consacré par la Cour constitutionnelle : faut-il flexibiliser ou abolir l ‘enregistrement civil du sexe ? », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 124/2020, pp. 895-920. 

  179. Cour Const., arrêt n° 99/2019 du 19 juin 2019, A.4.2.2. 

  180. Cour Const., arrêt n° 99/2019 du 19 juin 2019, B.6.5. Voyez aussi B.7.1 : « l’inconstitutionnalité constatée ne porte pas sur le texte même de l’article 3 de la loi du 25 juin 2017, dans la mesure où cette disposition prévoit une possibilité de modifier l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance sur la base d’une identité de genre binaire, mais sur l’absence dans la législation d’une possibilité comparable de modifier l’enregistrement du sexe sur la base d’une identité de genre non binaire. » 

  181. Cour Const., arrêt n° 159/2004 du 20 octobre 2004, B.5.6. 

  182. Ibidem

  183. Doc. Parl., Chambre, Exposé d’orientation politique du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, 4 novembre 2020, n° 1610/015, p. 13. 

  184. Dans ses arrêts n° 122/2006 du 18 juillet 2006 et n° 189/2006 du 29 novembre 2006, la Cour constitutionnelle a confirmé que les dispositions décrétales imposant la parité sexuelle sur les listes électorales donnaient exécution à l’article 11bis de la Constitution. Or, dans le respect de la jurisprudence de la Cour en la matière (voyez ses arrêts n° 9/94 du 27 janvier 1994, n° 42/97 du 14 juillet 1997, n° 145/2015 du 22 octobre 2015), il a été confirmé lors des travaux relatifs à l’insertion de l’article 11bis de la Constitution que toutes mesures d’action ou de discrimination positives sont des mesures appelées à disparaître une fois l’objectif atteint (Doc. Parl., Chambre, Révision du titre II de la Constitution en vue d’y insérer un article nouveau relatif aux droits des femmes et des hommes à l’égalité, Rapport fait au nom de la Commission de la Révision de la Constitution et de la Réforme des institutions, s.o.. 2001-2002, 18 janvier 2002, n° 50 1140/002, p. 21). 

  185. Article 34 § 5 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. 

  186. Doc. Parl., Parlement de la Communauté française, Proposition de décret spécial portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 afin de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement de la Communauté française, s.o. 2020-2021, 7 octobre 2020, n° 123/1 et 123/2, et à propos duquel la section de législation du Conseil d’État a donné un avis n° 68.138/2 le 17 février 2021, devenue le décret spécial du 11 mars 2021 portant modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 afin de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein du gouvernement de la Communauté française ; M.B., 23 mars 2021. 

  187. En prévoyant que « la proposition des secrétaires d’État régionaux présentée par le Gouvernement est constituée de telle sorte que, par groupe linguistique, l’ensemble des ministres et secrétaires d’État régionaux compte au minimum un tiers de personnes appartenant au même sexe ». 

  188. Ordonnance spéciale du 20 juillet 2022 modifiant l'article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d'hommes parmi les ministres et les secrétaires d'État régionaux ; M.B., 27 juillet 2022. 

  189. Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant l’article 41 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises en vue de garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes parmi les ministres et secrétaires d’État régionaux, s.o. 2020-2021, 9 septembre 2021, A-435/1, p. 11. 

  190. À propos de la confusion dans les textes, et notamment dans celui-là, entre les concepts de genre et de sexe, voyez toutefois Wattier S., « L’égalité de genre au sein des parlements et des gouvernements », Revue générale, n° 2022/1. 

  191. Dans leur « Rapport au sujet de l’arrêt n° 099-2019 de la Cour constitutionnelle du 19 juin 2019 annulant partiellement la loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres, et de ses conséquences en droit belge à la lumière du droit comparé », établi le 23 décembre 2019 à la demande de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes et disponible en ligne (consulté le 16 septembre 2022) in [https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/rapport_elc_-_cc_099-2019_-_fr.pdf], les professeures Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive, ainsi que Hania Ouhnaoui, exposent que « l’approche consistant à supprimer définitivement l’enregistrement du sexe/genre en tant qu’élément de l’identité juridique d’une personne est celle qui paraît, de prime abord, la plus conforme au droit à l’autodétermination » (p. 28). Elles reconnaissent toutefois là un « nœud gordien », dans la mesure où « le principal argument avancé contre la suppression du sexe/genre de l’état civil et/ou des documents d’identité est tiré de la nécessité d’établir des statistiques ventilées selon le sexe et du recours aux ‘‘statistiques de genre’’ pour lutter contre les discriminations entre les femmes et les hommes et pour intégrer la dimension de genre dans les politiques publiques (gender mainstreaming) » (pp. 30-31, voyez aussi pp. 41-43). La suppression envisagée renvoie selon elles à la mise en œuvre des actions positives destinées à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes et à la manière d’identifier les bénéficiaires de ces mesures, soit le plus souvent les femmes en pratique. Il en va ainsi particulièrement des mesures qui aboutissent à octroyer un traitement préférentiel au bénéfice des membres du sexe/genre sous-représenté (pp. 50-51). « Depuis la réforme constitutionnelle de 2002 », écrivent-elles, « les dispositifs législatifs visant ainsi à mettre en œuvre une telle parité aux différents niveaux de pouvoir se sont multipliés ». Or, « l’ensemble de ces dispositifs, qu’ils relèvent de la logique des quotas ou de celle de la parité, soulèvent la question de l’identification de leurs bénéficiaires, et implique de se demander qui est amené à déterminer si une personne est ‘‘une femme’’ (ou ‘‘un homme’’, le cas échéant), aux fins de bénéficier de ces mécanismes. S’agit-il de l’employeur (si l’on est dans le domaine de l’emploi), de la personne elle-même conformément au principe d’auto-identification ou d’autres approches doivent-elles être envisagées? Dans son rapport publié en 2019 sur les actions positives, le professeur Christopher McCrudden souligne que l’étude des 28 États membres de l’Union européenne montre que seuls quelques États se sont réellement penchés sur cette question. De manière générale, il distingue deux types d’approches. La première est dite objective : elle règle la question sur la base soit du genre attribué à la naissance ou figurant sur les documents d’identité, en tenant compte de la modification éventuellement intervenue à la suite d’une transition, soit en la confiant à l’appréciation de l’employeur. La seconde, dite subjective, est fondée sur l’auto-identification. Cette méthode est plus rare car on ne la retrouve qu’à Malte et aux Pays-Bas. Il ne s’agit dès lors pas d’un enjeu totalement méconnu, même s’il se posera assurément avec plus d’acuité en cas de suppression de l’enregistrement du sexe/genre à l’état civil. » (p. 51). 

  192. M.B., 17 mai 2021. 

  193. Voyez Doc. Parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance spéciale modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et visant à instaurer l’obligation d’alterner systématiquement le sexe des candidats sur les listes pour l’élection des membres du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, s.o. 2019-2020, 11 février 2020, p. 3 : « la présente ordonnance est appelée à être précisée en ce qui concerne le droit à l’autodétermination de leur genre pour les personnes qui ne se définissent ni du genre masculin, ni du genre féminin. En effet, si dans notre pays, le droit au changement de sexe est déjà reconnu, nous ne devons pas perdre de vue qu’environ 5 % de la population est transgenre (3 %) ou intersexe (1,7 %) et ne se considère dès lors pas comme appartenant au genre féminin ou masculin. La présente ordonnance sera dès lors appelée à évoluer en cas de modification du cadre juridique fédéral impliquant la reconnaissance de la non-binarité à côté des genres masculin et féminin ». Voyez aussi le Compte rendu intégral de la séance plénière du matin du vendredi 20 novembre 2020, pp. 39 et 42. 

  194. Doc. parl., Chambre, Projet de loi spéciale modifiant la législation électorale en vue de renforcer la démocratie et la crédibilité du politique, Rapport fait au nom de la Commission de Révision de la Constitution et de la Réforme des institutions, s.o. 2011-2012, 9 juillet 2012, n° 53 – 2291/03, p. 12. 

  195. Á propos des compétences des entités fédérées en ce qui concerne les droits et libertés, en ce compris le droit au respect de la vie privée, voyez le résumé de Reybroeck K. et Sottiaux S., De federale bevoegdheden, Anvers – Cambridge, Intersentia, 2019, pp. 113 et suiv. 

  196. Pour une description de cette compétence, voyez ibidem, pp. 232 et suiv. 

  197. En ce sens, voyez Peiffer Q., « L’autonomie constitutive des entités fédérées », op. cit., spéc. p. 45, lequel rappelle que « selon une jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, les Régions et Communautés ne peuvent recourir à ce mécanisme qu’à la triple condition que, primo, la règle adoptée soit nécessaire à l’exercice des compétences de la Région ou de la Communauté, secundo, la matière se prête à un régime différencié et, tertio, l’incidence des dispositions en cause sur cette matière ne soit que marginale. » Or, tel nous paraît être le cas d’un régime de composition des listes électorales pour les élections au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale qui tiendrait compte de cas où s’insère dans la tirette intégrale une personne qui s’estime non identifiable en tant qu’homme ou femme. 

  198. Sur ce courant développé depuis une dizaine d’années, voyez les deux ouvrages suivants considérés comme fondateurs : Banes B., Rubio-Marin R., The Gender of Constitutional Jurisprudence, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 et Banes B., Barak-Erez D., Kahana T. (eds.), Feminist Constitutionalism. Global Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 2012. 

  199. Pour une présentation de cette juriste extraordinaire, voyez le numéro spécial que lui a consacré la revue de la Faculté de droit et de criminologie de l’ULB ; De Greef V., Dermine É., Vielle P. (dir.), « Hommage à Éliane Vogel-Polsky », e-legal, 2019, vol. 3, en ligne ; in [http://e-legal.ulb.be/volume-n03]. 

Julien Pieret

Joëlle Sautois