Le pacte commissoire tacite dans les contrats multipartites
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Cet article fait partie de « Mémoires »
Rédigé sous la direction du Professeur Paul Alain Foriers, cet article expose les difficultés nées de l’application du pacte commissoire tacite dans les contrats multipartites indivisibles, particulièrement lorsque l’obligation en souffrance ne lie pas toutes les parties. La solution proposée, inspirée des mécanismes d’exclusion d’associés, se fonde sur le critère d’utilité économique du contrat.
Introduction : notions de base et position du problème
Le pacte commissoire tacite dabs les contrats multipartites, ou l’absence de cadre légal spécifique
Position des questions faisant l’objet de cette étude
§1 Aux termes de l’article 1184, alinéa 1er du Code civil, « [l]a condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement ». L’alinéa suivant précise cependant qu’en cas de survenance de cette condition, « [l]e contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ».
En présumant, ainsi qu’elle le fait, l’existence d’un pacte commissoire dans les conventions synallagmatiques, la loi ouvre une option au profit du créancier de l’obligation inexécutée1. Dans sa première branche, cette option autorise le créancier à tirer toutes les conséquences qu’implique la survenance de la condition résolutoire énoncée par l’alinéa 1er de l’article 1184, et à solliciter, sur ce fondement, la résolution judiciaire du contrat2. Dans la seconde, elle permet au créancier de se borner à exiger, ainsi que l’y autorise l’article 1134 du Code civil, l’exécution forcée en nature de l’obligation en souffrance.
La condition résolutoire visée à l’article 1184 est ainsi d’une nature particulière, et se distingue à vrai dire d’une véritable condition résolutoire au sens de l’article 11833, en ce que son accomplissement n’opère pas de plein droit la résolution du contrat : encore faut-il, en effet, que le créancier de l’obligation inexécutée fasse le choix de mettre en œuvre le droit de résolution né dans son chef. C’est précisément l’exercice de ce choix, dans un contexte multipartite en particulier, qui se trouve au cœur de la présente étude.
§2 Les difficultés que suscite la mise en œuvre de l’article 1184 du Code civil dans les conventions multipartites découlent de la lettre même de cette disposition, dont la rédaction reflète l’approche pragmatique des auteurs du Code civil. De façon générale, ceux-ci ont en effet estimé préférable de ne pas verser dans la technicité, et dès lors choisi d’abandonner le détail de la réglementation à la prudence des juges4. Dans cette optique, le champ d’application de l’article 1184 semble se restreindre aux seules conventions liant deux parties5, l’une s’engageant à l’égard de l’autre, et réciproquement puisque le contrat est, par hypothèse, synallagmatique.
L’on sait pourtant que les contrats synallagmatiques peuvent comporter plus de deux parties, comme en témoigne notamment la règle des originaux multiples inscrite à l’article 1325 du Code civil. Plus généralement d’ailleurs, il se déduit traditionnellement de la définition du contrat figurant à l’article 1101 du Code civil6, que tout contrat, qu’il soit synallagmatique ou unilatéral7, peut être multipartite. Il n’en reste pas moins, cependant, que la loi ne règle pas expressément les conséquences découlant de l’application de l’article 1184 à de tels contrats. Par défaut, la mise en œuvre du pacte commissoire tacite est donc soumise aux mêmes règles, qu’elle s’inscrive dans un contrat multipartite ou bipartite, et ce en dépit du fait que les questions suscitées par l’une et l’autre de ces deux catégories de conventions ne sont pas identiques – ou se posent, à tout le moins, en des termes parfois très différents8.
§3 Une différence de taille se manifeste notamment sur le plan du choix qu’offre l’article 1184 au créancier d’une obligation inexécutée. Dans une convention bipartite, l’exercice de ce choix ne suscite guère de difficultés, dans la mesure où il ne s’impose qu’à la partie défaillante, aux torts de laquelle la convention est résolue. Tout au plus faudra-t-il tenir compte, dans cette hypothèse, de l’interdiction générale d’abuser de son droit, dont il résulte que la résolution ne pourra être obtenue qu’à la condition que le manquement reproché présente une certaine gravité (infra, §21)9.
Dans les conventions multipartites, la situation est autrement plus compliquée, dès lors qu’il faudra avoir égard aux droits des autres parties au contrat. Que faut-il décider, en effet, si l’obligation inexécutée comporte plusieurs créanciers qui ne s’accordent pas quant aux suites du manquement, les uns souhaitant poursuivre l’exécution forcée du contrat, les autres, en obtenir la résolution aux torts du débiteur défaillant ? La convention peut-elle être résolue d’une manière propre à concilier les desiderata de tous les créanciers, ou le conflit entre ces derniers appelle-t-il nécessairement une solution plus tranchée ? Enfin, quelle qu’elle soit, cette solution sera-t-elle amenée à varier selon que toutes les parties sont, ou non, concernées par le manquement, en tant que débitrices ou créancières de l’obligation dont l’inexécution justifie la résolution du contrat ?
Ces questions doivent sans doute faire l’objet de réponses nuancées, dont je tenterai de brosser le tableau à la lumière des principes généraux du droit belge des obligations, tels que ceux-ci sont interprétés par la jurisprudence la plus récente.
Présentation du plan de cette étude
§4 Ainsi mise en lumière, la problématique comporte essentiellement deux aspects. D’une part, sur le plan des modalités de la mise en œuvre du pacte commissoire tacite, il s’agit de déterminer si un créancier peut exercer son droit de résolution sans le concours des autres, ou s’il doit, au contraire, obtenir leur aval dans cette démarche (infra, §§21 et s.). Cette question concerne, en d’autres termes, la manière dont s’articulent le droit des uns à la résolution du contrat, et celui des autres à son respect et à son exécution en nature. Pour l’exprimer de façon lapidaire, le conflit oppose les articles 1134 et 1184 du Code civil, soit deux dispositions cardinales en droit des contrats, « sous l’empire [desquelles] », disait le tribun Favart, « tous les contrats [synallagmatiques] seront formés »10.
La complexité de cette question a déjà été relevée, dans une hypothèse approchante, par M. l’avocat général Genicot. Ce dernier estimait en effet, au sujet de la cession partielle de créance11, que « le morcellement de l’action résolutoire au profit conjoint des créanciers cédant et [cessionnaire] créerait inévitablement un conflit insoluble, l’un pouvant souhaiter la résolution du contrat pour inexécution de sa propre créance, l’autre s’y opposant en raison de la parfaite exécution de la sienne »12. Cette situation appelle, selon lui, une solution radicale, mais difficilement transposable aux contrats multipartites : le droit de résolution ne pourrait être cédé à titre d’accessoire qu’avec l’intégralité de la créance cédée, et pour autant que le créancier cédant ne soit plus titulaire, après la cession, d’aucun droit à l’égard du débiteur cédé. Quoiqu’elle ne porte pas directement sur l’objet de la présente étude, cette assertion met en évidence les difficultés que génère la mise en œuvre du pacte commissoire tacite, lorsque cette mise en œuvre produit des effets immédiats sur les droits d’un « tiers », étranger au manquement justifiant la résolution.
D’autre part, sous l’angle cette fois des conséquences de la résolution, le caractère multipartite du contrat conduit à s’interroger sur la possibilité d’une résolution partielle ratione personæ, c’est-à-dire à l’égard de la partie défaillante uniquement, le contrat subsistant alors entre toutes les autres (infra, §§14 et s.). Paradoxalement, la réponse qu’il convient d’apporter à cette dernière question est susceptible d’exercer une influence sur le débat relatif à la mise en œuvre du pacte commissoire13, pourtant situé plus en amont, dans la mesure où la résolution partielle, dont il résulterait en définitive une « application distributive »14 des deux dispositions susmentionnées, permettrait de résoudre l’antagonisme apparent entre ces dernières. C’est la raison pour laquelle il conviendra d’examiner cet aspect de la problématique en premier lieu.
Le contrat multipartite, une notion multiforme aux contours incertains
Définition
§5 Le Code civil n’offre aucune définition de la notion de contrat multipartite. Tout au plus en admet-il l’existence en son article 1101. Dès lors, conformément au sens usuel que revêt le terme « multipartite », la doctrine estime généralement qu’il s’agit de « la convention qui se conclut entre plus de deux parties »15. Cette définition, certes très large et sans doute peu éclairante, doit toutefois être approuvée.
Certains auteurs ont tenté d’en réduire la portée, en ajoutant que les parties multiples au contrat devraient encore disposer d’un intérêt distinct au sens de l’article 1325 du Code civil, pour qu’il soit question d’un véritable contrat multipartite16. Une convention à plus de deux parties, ne représentant toutefois que deux intérêts distincts, ne se différencierait pas d’une convention bipartite sous l’angle du régime qui lui est applicable. Il faut cependant s’entendre sur la notion d’intérêt distinct. La meilleure doctrine indique à cet égard que ne disposent pas d’un intérêt distinct au contrat de vente d’un bien indivis, les copropriétaires ou coacheteurs de ce bien17. Or, un tel contrat, comme je l’indiquerai plus loin, soulève bel et bien certaines questions spécifiques sous l’angle de l’article 1184 du Code civil, de sorte qu’il se distingue nettement d’une convention bipartite.
Distinctions externes
§6 La notion de contrat multipartite est traditionnellement distinguée d’une série d’institutions, telles que l’action directe et la stipulation pour autrui, qui mettent en place une relation triangulaire. Encore peut-on se demander si le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui, dès lors qu’il en a accepté le bénéfice, n’est pas devenu partie au contrat par adhésion. L’irrévocabilité de la stipulation, qui résulte de son acceptation (soit l’expression d’un consentement) s’explique alors par l’effet de l’article 1134 du Code civil. L’article 1165 explique, quant à lui, la révocabilité de la stipulation avant son acceptation. Mais il est vrai également que ce raisonnement ne rend pas entièrement compte des spécificités de la stipulation pour autrui18, laquelle ne constitue pas, du reste, l’objet de cette étude. Quant à l’action directe, sa nature et son origine légale la distinguent plus clairement des contrats multipartites.
§7 Le contrat multipartite ne peut davantage se confondre avec l’hypothèse dans laquelle existe une multiplicité de contrats bipartites parallèles, mais distincts et autonomes. Dans le même ordre d’idées, un groupe de contrats n’est normalement pas considéré comme un contrat multipartite19. Le groupe de contrat se définit, en effet, comme « un ensemble de contrats distincts ayant un certain lien entre eux, soit qu’ils aient le même objet soit qu’ils participent à la réalisation d’une même opération »20, tandis que le contrat multipartite constitue un contrat unique. Ceci étant, il faut remarquer que la distinction n’est pas entièrement étanche, en particulier parce que l’existence de plusieurs instrumenta ne permet pas, en soi, d’exclure qu’il n’y ait qu’un seul negotium, et inversement21. Ainsi, l’opération de leasing impliquant, d’une part, une vente entre le fournisseur et le lessor, et d’autre part, une location entre ce dernier et le lessee, est analysée par la Cour de cassation « davantage comme un contrat [multipartite] unique que comme un contrat complexe ou un groupe de contrats distincts »22. La Cour examine l’opération dans son ensemble plutôt que dans chacune de ses parties considérées séparément, et admet par conséquent que la nature de la relation établie entre le lessee et le lessor soit déterminée, au moins en partie, par les liens existant entre ce dernier et le fournisseur. De la sorte, elle reconnaît le caractère essentiellement financier des prestations fournies au lessee par le lessor, et rejette les conséquences juridiques qui découleraient de la qualification de leur relation contractuelle en contrat de bail.
En d’autres mots, la Cour fait fi, dans les opérations de leasing, de la circonstance suivant laquelle les relations entre les trois parties concernées sont organisées par deux contrats distincts, dès lors que ces relations forment clairement un tout indivisible. Dans un ordre d’idées comparable, d’ailleurs, le juge peut fragmenter un contrat dont il estime que les engagements ne forment pas un tel tout indivisible. J’y reviendrai toutefois plus loin, au sujet de la notion d’(in)divisibilité (infra, §§14 et s.). Toujours est-il que ce qui semble être un contrat multipartite s’analysera parfois comme un groupe de contrats, tandis que « des contrats multipartites au sens large se dissimulent parfois derrière ce qui formellement apparaît comme des groupes de contrats »[^23].
Distinctions internes
§8 Outre ces premières précisions permettant de faire le départ entre ce qui constitue un contrat multipartite et ce qui s’en différencie (distinctions externes), la doctrine établit également une distinction interne à la notion, fondée sur l’agencement des liens obligataires que mettent en œuvre de tels contrats[^24]. Selon la terminologie doctrinale la plus répandue, ces derniers peuvent ainsi être répartis en trois catégories : les conventions multipartites symétriques, les conventions multipartites asymétriques, et enfin, les conventions dites de coopération[^25].
§9 Les contrats du premier type établissent « un seul rapport juridique avec, de chaque côté, un ou plusieurs débiteurs et/ou créanciers occupant une position égale »[^26]. En d’autres termes, les parties à une convention multipartite symétrique peuvent être divisées en deux pôles sur la base d’une similitude trouvée entre leurs intérêts respectifs. Par exemple, le contrat de bail multipartite sera en principe symétrique, dès lors que les parties qu’il comporte ne peuvent adopter que l’une parmi deux positions distinctes : celle de bailleresse ou celle de locataire. De même, les parties à un contrat de vente d’un immeuble en indivision peuvent aisément être départagées entre vendeurs et acheteurs.
Selon le Professeur Wéry, cette configuration « ne diffère guère d’un contrat entre deux parties »[^27], puisque les multiples parties peuvent être regroupées en deux ensembles homogènes du point de vue de leurs droits et obligations. Sous l’angle de l’article 1184 du Code civil, cette opinion n’est cependant pas exacte, dès lors que diverses raisons pourraient conduire les multiples créanciers d’une obligation inexécutée à opter, les uns pour la résolution judiciaire du contrat, et les autres pour son exécution forcée en nature[^28]. La superposition de leurs intérêts respectifs est donc dépourvue d’incidence à cet égard.
§10 A la dissection, l’idée du contrat multipartite symétrique semble pouvoir se rattacher à deux concepts plus familiers en droit des obligations : d’une part, l’indivisibilité des obligations au sens des articles 1222 et suivants du Code civil, et d’autre part, l’intérêt distinct des parties au sens, cette fois, de son article 1325. Il semble en effet que la symétrie d’un contrat multipartite soit due à la circonstance que celui-ci comporte des obligations indivisibles, dont les débiteurs et/ou créanciers ne possèdent par ailleurs pas un intérêt distinct.
Ainsi, si une partie se trouve débitrice, à l’égard de deux autres, d’une obligation indivisible, par exemple l’obligation de délivrer un cheval, ces dernières ont nécessairement le même intérêt à l’exécution de cette obligation, et ce parce que sa nature indivisible implique qu’elle doive être exécutée dans sa totalité et à l’égard des deux créancières à la fois. L’obligation ne peut être exécutée qu’en totalité, et lorsqu’elle le sera, les créancières obtiendront simultanément satisfaction ; ce qui signifie que les démarches entreprises en ce sens par l’une profitent directement à l’autre, témoignant ainsi de leur unité d’intérêt.
A l’inverse, si l’obligation porte, non plus sur un cheval, mais sur une quantité déterminée de viande de cheval, de sorte qu’elle soit naturellement divisible (et pour autant que les parties n’aient pas décidé conventionnellement de la traiter comme indivisible), les deux créancières disposent d’un intérêt distinct car l’une et l’autre ne pourront exiger que leur part (virile, à défaut de précision) de la viande.
§11 A l’opposé, les contrats multipartites asymétriques se caractérisent par des divergences entre les intérêts de leurs parties, lesquelles ne peuvent donc faire l’objet d’un rapprochement, ou être réduites à seulement deux groupes, sur cette base[^29]. Selon les termes employés par la Cour de cassation, « elke partij een eigen rechtspositie inneemt » [^30]. Il est alors envisageable que l’une des parties au contrat, victime de l’inexécution d’une obligation dont elle est créancière, soit fondée à demander la résolution dudit contrat, cependant qu’une autre, étrangère à l’obligation inexécutée (c’est-à-dire ni débitrice, ni créancière de celle-ci) et donc à tout manquement contractuel, ne disposerait ni d’un droit, ni même d’un intérêt, à obtenir cette résolution.
Afin d’illustrer cette situation, je propose l’exemple d’un contrat conclu entre trois restaurants, situés à proximité les uns des autres et proposant à leur clientèle respective une carte identique de desserts « faits maison ». Afin d’offrir un choix aussi large que possible, tout en maintenant leurs coûts de production à un niveau raisonnable, ils décident de collaborer de la manière suivante : les desserts à base de fruits seront préparés dans les cuisines du premier restaurant, ceux à base de chocolat, dans les cuisines du deuxième, et tous les autres, dans celles du dernier. En fonction des commandes du jour, les pâtisseries sont ainsi échangées, de manière quotidienne, entre les parties.
Peuvent également être mentionnés, afin d’illustrer la notion de contrat multipartite asymétrique, les contrats de délégation et de liquidation-partage, ou encore le contrat par lequel est organisée la cession d’un contrat synallagmatique[^31].
§12 J’observe que la situation, du point de vue de la mise en œuvre du pacte commissoire tacite, se présente sous un jour différent selon que le contrat multipartite est symétrique ou asymétrique. Dans le premier cas, le conflit surgissant, le cas échéant, d’une demande en résolution opposera plusieurs créanciers ayant chacun effectué un choix, certes différent (les uns ayant opté pour la résolution, les autres pour l’exécution forcée), mais reposant en tout cas sur le fondement de l’article 1184 du Code civil. Tel serait le cas de deux cobailleurs qui, face aux arriérés de paiement de leur locataire, ne s’accordent pas quant à la sanction à prendre à son égard. A l’inverse, dans le cas du contrat asymétrique, il est concevable que certaines des parties au contrat, n’étant pas créancières de l’obligation inexécutée, ne disposent pas d’un choix entre résolution et exécution forcée. En effet, n’ayant pas elles-mêmes été victimes d’une inexécution fautive, aucun droit de résolution n’est né dans leur chef, et le principe de convention-loi énoncé à l’article 1134 du Code civil s’impose pleinement à elles.
Ainsi, dans l’exemple offert ci-dessus, il est évident que l’inexécution de l’engagement contracté par le Restaurant 1 à l’égard du Restaurant 2 ne donnera naissance à aucun droit de résolution du contrat dans le chef du Restaurant 3. Par hypothèse, ce dernier reçoit les desserts aux fruits dûment préparés par le Restaurant 1, et ne manque jamais de remplir ses propres obligations, de sorte que de son point de vue, la convention est parfaitement exécutée. Dès lors, si le Restaurant 2 demande la résolution du contrat, la question se posera de savoir si son choix peut être imposé au Restaurant 3.
§13 Enfin, les contrats de coopération se caractérisent par le fait que les parties y contractent chacune des obligations propres, mais qui toutes « tend[ent] à la réalisation d’un projet commun »[^32], lequel constitue, pour ainsi dire, le centre de gravité du contrat. Tel est notamment le cas du contrat de société de droit commun, du contrat de cartel ou de consortium, ou encore du fonds d’investissement. En déviant légèrement de l’exemple précédent, l’on peut imaginer que les trois restaurants concernés ouvrent ensemble une pâtisserie et s’engagent à l’approvisionner en desserts d’un certain type. En principe, chaque partie s’engage donc dans les mêmes termes à l’égard de toutes les autres (mais pas nécessairement à la même chose), de sorte que l’inexécution fautive des obligations de l’une d’elles fera naître un droit de résolution dans le chef de toutes les autres.
Le contrat de coopération semble ainsi combiner certaines des caractéristiques des deux catégories précédentes. D’un côté, chaque partie y adopte une position juridique propre, mais de l’autre, en tant qu’elle s’engage de la même façon à l’égard de toutes les autres parties, ses manquements auront les mêmes conséquences que si le contrat multipartite était symétrique.
Les effets de la résolution du contrat : la résolution partielle personnelle
La résolution partielle, conséquence de la divisibilité du contrat et manifestation de la flexibilité des sanctions contractuelles
§14 L’objet de cette étude ayant été défini, et les contours des notions sur lesquelles il repose, précisés, il reste à examiner la manière dont la problématique est appréhendée en droit positif belge. Ceci conduit, dans un premier temps, à opérer une distinction selon que le contrat peut être fractionné en plusieurs conventions partielles – la résolution étant alors limitée à l’une de ces fractions – ou constitue à l’inverse un tout indivisible – et dès lors non susceptible d’une telle résolution partielle.
A cet égard, il échet de remarquer que les cours et tribunaux, depuis un certain temps déjà, élaborent une jurisprudence offrant toujours davantage de flexibilité aux sanctions contractuelles[^33], parmi lesquelles la résolution, qui n’échappe certainement pas à cette tendance[^34]. En cette matière, le critère de la divisibilité (ou de l’indivisibilité) du contrat se trouve au cœur du débat. Il explique et justifie, en effet, que la résolution d’un contrat pour inexécution fautive puisse être partielle, ratione temporis, materiæ et personæ.
§15 Il doit être précisé que l’indivisibilité dont il est question ici n’est pas nécessairement celle que visent les articles 1222 et suivants du Code civil. Ces derniers traitent en effet de l’indivisibilité de l’obligation, et non de celle du contrat. Les deux notions sont évidemment proches, puisque l’une et l’autre impliquent le rejet d’une exécution partielle, tantôt d’une obligation portée au contrat, tantôt du contrat dans son ensemble, c’est-à-dire de toutes les obligations issues de ce contrat. Elles ne peuvent cependant être confondues, et n’entretiennent d’ailleurs pas toujours des liens d’interdépendance.
D’une part, il est clair qu’un contrat peut être indivisible sans pour autant comporter d’obligations indivisibles : il suffit pour cela que les engagements d’une partie ne se conçoivent pas, dans l’esprit des parties, sans les engagements d’une autre. C’est, en fait, dans cette indivisibilité des engagements des parties que réside le caractère synallagmatique du contrat (infra, §24). Ceci explique d’ailleurs que la résolution partielle soit possible, et même inévitable, lorsque le contrat est divisible, puisqu’en quelque sorte, dans la mesure exacte de cette divisibilité, le contrat n’est pas synallagmatique. La divisibilité entre deux engagements correspond en effet à l’idée que l’un n’est pas la cause de l’autre, ni réciproquement, de sorte que l’article 1184 du Code civil ne saurait justifier la résolution de celui-ci, pour inexécution de celui-là. Dans les contrats multipartites, cette réciprocité ne doit toutefois « pas nécessairement [se situer] entre les mêmes parties. L’obligation de A vis-à-vis de B peut trouver sa raison d’être dans l’obligation de B vis-à-vis de C. Une telle réciprocité suffit pour fonder la résolution »[^35] (infra, §24).
D’autre part, et par identité de motifs, un contrat comportant des obligations indivisibles peut être divisible. Tel serait le cas, par exemple, d’un contrat de coopération comportant notamment deux parties s’étant engagées à mettre un bien indivis entre elles à la disposition des autres, mais dont les prestations ne sont pas jugées déterminantes pour l’exécution du contrat.
Les différents cas de résolution partielle, l’unité d’un critère face à la diversité de ses applications
La résolution partielle temporelle
§16 La résolution partielle dans le temps consiste à limiter l’effet rétroactif attaché à la résolution, de manière à laisser subsister le contrat pour toute la période durant laquelle il a fait l’objet d’une exécution à la satisfaction des parties[^36]. Cette modalisation de l’effet rétroactif lié à la résolution, en principe réservée aux contrats à prestations successives[^37], a été justifiée par l’impossibilité matérielle de restituer certaines prestations déjà effectuées par les parties, ainsi que par l’équilibre entre leurs prestations réciproques[^38].
Ce raisonnement a toutefois, et à juste titre, fait l’objet de vives critiques[^39] pour le motif que l’impossibilité de restitution en nature ne fait pas obstacle, en soi, à l’effet rétroactif de la résolution, mais implique seulement que les restitutions devront s’opérer par équivalent. En outre, l’impossibilité de restituer certaines prestations en nature n’est, d’une part, pas systématique dans les contrats à prestations successives, ni, d’autre part, propre à ceux-ci.
Plus appropriée, est la thèse qui fait reposer les restrictions apportées à la rétroactivité de la résolution sur la divisibilité du contrat dans le temps, ou l’idée de son fractionnement en une série de conventions successives[^40]. Si une telle divisibilité est relevée par le juge, la résolution peut être limitée à celles des conventions successives pour lesquelles un manquement a été constaté. A l’inverse, il ne se justifie pas de remettre en cause les prestations réciproquement effectuées dans le passé par les parties au contrat[^41].
La résolution partielle matérielle
§17 La résolution partielle ratione materiæ, ou dans l’espace contractuel, limite quant à elle l’effet de la résolution à certaines clauses du contrat, qui subsiste pour le surplus[^42]. Ainsi, ne sont jamais affectés, les clauses arbitrales, d’élection de for et de droit applicable, le pacte commissoire exprès, les clauses de confidentialité et de non-concurrence, etc.[^43]. Selon le Professeur Foriers, « on pourrait même affirmer que toute résolution est nécessairement partielle puisqu’elle laisse subsister une action contractuelle en dommage-intérêts »[^44].
Outre ces droits parfois qualifiés de post-contractuels[^45], peuvent également être épargnées par la résolution les droits et obligations constituant (une partie de) la substance même du contrat. Ainsi, le contrat stipulant l’achat de deux photocopieuses peut n’être résolu que concernant l’une des deux, et subsister pour l’autre[^46]. Cette modalisation des effets de la résolution repose à nouveau sur la divisibilité du contrat, cette fois dans l’espace contractuel : le contrat doit conserver un sens économique pour les parties, même s’il ne porte plus que sur une seule photocopieuse.
§18 En matière de nullité, la Cour de cassation est allée plus loin encore, en jugeant de manière implicite qu’une clause contractuelle peut, en elle-même, être divisible et dès lors faire l’objet d’une nullité partielle. Dans un arrêt du 25 juin 2015, la Cour a en effet considéré que « [l]a clause qui impose une limitation excessive de la concurrence quant à l’objet, au territoire ou à la durée est [...] nulle. Le juge peut, si une nullité partielle d’une telle clause est possible, en limiter la nullité à la partie contraire à l’ordre public, pour autant que le maintien de la clause partiellement annulée réponde à l’intention des parties »[^47]. Transposé à la résolution, peut-être cet arrêt ouvre-t-il la porte à une extension du champ d’application de certaines sanctions contractuelles, reconnues par les usages, en matière de ventes commerciales. En particulier, la réfaction, qui permet de sanctionner les manquements légers quant à la qualité ou la quantité des marchandises fournies par une réduction du prix de vente[48], pourrait être appliquée en matière civile également – sous bénéfice de l’intervention du juge, comme l’impose en principe l’article 1184, alinéa 3 du Code civil.
Une telle extension octroierait ainsi une option au créancier confronté à un manquement dont la gravité ne justifie pas la résolution du contrat. Comme je l’indiquerai plus loin (infra, §22), cette gravité doit s’examiner à la lumière de l’intérêt économique que présente encore le contrat en dépit du manquement[49] ; or l’on sait que le même critère d’utilité économique préside à l’appréciation de la divisibilité de la convention (infra, §19). D’aucuns pourraient donc être tentés d’en déduire que dans la mesure où le manquement n’est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat, la part inexécutée de l’obligation est divisible du reste de celle-ci, puisqu’elle conserve, même sans cette part, son utilité économique. Elle pourrait donc faire l’objet d’une résolution partielle, par analogie avec l’enseignement issu de l’arrêt du 25 juin 2015.
Encore cette réflexion apparaît-elle un peu théorique, puisqu’une demande en exécution forcée par équivalent sera toujours possible, si le prix a déjà été payé. S’il ne l’a pas été, le créancier invoquera en pratique l’exception d’inexécution pendant une durée indéfinie ; la résolution partielle apparaît alors comme une alternative permettant d’éviter que ce moyen de défense, par nature temporaire, ne soit détourné de sa finalité première. En tout état de cause, elle ne constitue pas l’objet de la présente étude.
La résolution partielle personnelle
§19 Un arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 2008 suggère enfin, pour compléter ce tableau, que la notion de divisibilité permet également de justifier la résolution d’un contrat multipartite à l’égard de certaines parties seulement. Selon la Cour, « een meerpartijenovereenkomst waarin elke partij een eigen rechtspositie inneemt en waarin de rechten en de verplichtingen van de partijen dusdanig ondeelbaar met elkaar zijn verbonden dat de overeenkomst niet kan worden gesplitst in deelovereenkomsten, kan niet gedeeltelijk worden ontbonden »[50]. Il s’en déduit a contrario qu’une convention multipartite divisible peut être résolue à l’égard de certaines parties, et subsister entre les autres[51]. La résolution partielle procèdera ici de la fragmentation du contrat multipartite en autant de conventions partielles (« deelovereenkomsten ») qu’il existe de rapports distincts entre les parties, afin d’appliquer ensuite l’article 1184 du Code civil au seul rapport concerné par le manquement contractuel. Dans ce contexte, comme d’ailleurs dans celui d’une résolution partielle dans le temps ou dans l’espace contractuel[52], la divisibilité du contrat s’appréciera à l’aune de l’utilité économique qu’il présenterait encore pour les autres parties s’il était résolu partiellement[53]. Ainsi, « [e]nkel wanneer een gedeeltelijke niet-uitvoering het economische nut van de hele overeenkomst voor de andere partijen aantast, zal een gehele ontbinding aanvaardbaar zijn »[54].
Les questions concernant la mise en œuvre du droit de résolution ne se posent donc pas lorsque le contrat est divisible[55]. Pour le surplus, si la Cour semble limiter cet enseignement aux contrats multipartites asymétriques (« een meerpartijenovereenkomst waarin elke partij een eigen rechtspositie inneemt »), je n’aperçois pas les raisons pour lesquelles la résolution des contrats multipartites symétriques devrait être régie par d’autres principes.
§20 Quant aux contrats de coopération divisibles, tels qu’un contrat de société de droit commun non intuitu personae, ils posent à mon avis, compte tenu de leur structure, une question supplémentaire : est-il concevable que la résolution ne porte que sur le lien contractuel, par hypothèse divisible du reste du contrat, unissant deux associés, sans que soit également affectée la relation de ceux-ci, ou de l’un d’eux, avec tous les autres associés ? Une réponse affirmative entraînerait une situation schizophrénique, en ce qu’un associé resterait partie au contrat à l’égard de certains de ses pairs, tout en étant exclu de celui-ci à l’égard des autres.
En droit des sociétés, le législateur a tenté de régler la question en mettant en place un régime spécifique, logé à l’article 45 du Code des sociétés[56], qui dispose notamment que « [l]a dissolution des sociétés à terme ne peut être demandée par l’un des associés avant le terme convenu, qu’autant qu’il y en a de justes motifs, comme lorsqu’un autre associé manque à ses engagements [...] ». Lorsqu’elle se fonde sur ce prétexte, la dissolution pour de justes motifs constitue en réalité une application de l’article 1184 du Code civil[57]. L’article 45 du Code des sociétés consacre ainsi le caractère intuitu personæ du contrat de société, et partant, son indivisibilité sur le plan personnel.
Encore cette disposition n’est-elle que supplétive, comme le confirme l’article 42 du Code des sociétés aux termes duquel il peut avoir « été stipulé qu’en cas de mort de l’un des associés, la société continuerait avec son héritier ». Il est même admis que le contrat de société contienne des mécanismes d’exclusion et de retrait des associés[58], dont ressort l’absence d’intuitus dans le chef de l’associé, respectivement, exclu ou de démissionnaire. Même lorsque le contrat n’entre pas dans ce niveau de détail, sa résolution à l’égard d’un seul associé reste envisageable, pour autant qu’il soit divisible sur le plan personnel. Dans ce cas, et même si la résolution n’est demandée que par un seul associé (sur cette possibilité, infra), elle doit évidemment être opposable à tous les autres[59], car de toute évidence, l’on ne peut à la fois être partie et ne pas être partie à un même contrat.
La mise en œuvre du pacte commissoire tacite : l’exercice du droit de résolution dans les contrats multipartites
La mise en œuvre du pacte commissoire dans le contrat multipartite, une question controversée
Une zone de clarté : l’application de la théorie de l’abus de droit
§21 Il convient de souligner que la Cour s’est abstenue, dans son arrêt précité du 17 octobre 2008, d’énoncer les conditions moyennant le respect desquelles la résolution in totum d’une convention multipartite indivisible peut être prononcée. En particulier, elle ne fournit pas de réponse à la question de savoir si cette résolution peut être sollicitée par un seul créancier, ou doit nécessairement recueillir l’accord de tous[60].
A la marge, la solution peut provenir de l’interdiction qui est faite à tout créancier d’exercer son droit de façon manifestement déraisonnable[61]. En règle, la sanction de l’abus d’un droit réside seulement dans sa réduction à un usage normal, tel qu’en ferait une personne normalement raisonnable placée dans les mêmes circonstances[62]. Il est cependant admis que le juge puisse, dans certains cas, aller jusqu’à « substituer un autre remède à la sanction réclamée par le créancier » [63], voire même, si les circonstances le justifient, dénier au créancier l’exercice de son droit[64].
§22 Ainsi le juge devra-t-il refuser de prononcer la résolution lorsque les conséquences du manquement invoqué ne lui paraissent pas être d’une gravité suffisante pour justifier cette sanction[65]. Cette appréciation, d’après le Professeur Stijns, doit s’effectuer à l’aune de l’intérêt économique que présentait le contrat pour le créancier, et qu’il présente encore pour lui, le cas échéant, en dépit des manquements constatés[66]. Dans l’autre sens, il est concevable – mais sans doute plus rare – que le créancier abuse de son droit de poursuivre l’exécution forcée du contrat[67], en particulier « si les avantages qui résulteraient pour [lui] du maintien du contrat [sont] sans commune mesure avec les inconvénients qui résulteraient de celui-ci pour la partie qui entend y mettre fin »[68]. Le juge tiendra également compte, dans son appréciation, des conséquences qui découleraient de la résolution pour le débiteur fautif[69].
Ceci étant, il faut souligner que le juge ne saurait dicter son choix au créancier[70] ; tout au plus peut-il le contrôler, et le censurer lorsqu’il apparaît manifestement déraisonnable. Cette solution est la seule qui soit conforme à la fois à la lettre et à l’esprit de l’article 1184 du Code civil, lequel, en effet, n’impose au créancier « [auc]une préférence pour l’exécution ou la résolution du contrat en souffrance »[71]. Par conséquent, et sauf à manipuler les concepts, la théorie de l’abus de droit n’est pas de nature à fournir une solution générale et systématique au problème, car elle n’opère qu’à la marge, c’est-à-dire, comme indiqué plus haut, en cas de manquement manifeste à la bonne foi. Or, il est des circonstances dans lesquelles ni la résolution du contrat, ni son exécution forcée, ne peuvent être tenues pour manifestement déraisonnables et entachées d’abus.
Les zones d’ombre : l’application du critère de l’indivisibilité
§23 En-dehors des cas, en principe marginaux, d’application de la théorie de l’abus de droit, la solution est moins claire. La doctrine semble en effet divisée, tandis que la jurisprudence de la Cour de cassation s’avère surprenante au regard des principes issus du Code civil. La Cour a notamment jugé, à l’occasion d’un arrêt du 28 juin 2013, que « [l]a nature indivisible du contrat de location [...] implique uniquement que, lorsqu’un contrat de location est conclu par plusieurs preneurs ou bailleurs, les droits indivisibles résultant de ce contrat de location doivent être exercés ensemble par ces preneurs ou bailleurs à peine de non validité de l’acte accompli »[72].
D’emblée faut-il préciser, toutefois, que la Cour ne s’est ainsi exprimée qu’à titre d’obiter dictum, sa décision en cette branche du moyen se fondant, en définitive, sur les règles de la copropriété (articles 577-2, §§ 5 et 6 C. civ.) et le principe de la relativité des effets des conventions (article 1165 C. civ.). Certains auteurs font dès lors preuve de prudence, et s’interrogent quant à la portée à attribuer à cet arrêt[73]. La référence explicite qui y est faite au contrat de bail, plutôt qu’aux contrats indivisibles en général, conduit encore à renforcer le doute à cet égard.
Tous, cependant, ne partagent pas ces réserves. Ainsi, après avoir relevé quelques décisions dans la lignée desquelles semble s’inscrire l’arrêt du 28 juin 2013[74], le Professeur Jafferali déduit de ce dernier un raisonnement en deux temps. Dans un premier temps, la Cour de cassation consacre « le caractère indivisible du droit de résolution, tant dans sa dimension active que passive, lorsque le contrat multipartite présente lui-même un caractère indivisible » [75]. Dans un second temps, elle déduit comme conséquence de l’indivisibilité du droit de résolution, que la demande tendant à mettre celui-ci en œuvre doit « en principe être introduite par l'ensemble des créanciers à l'encontre de l'ensemble des débiteurs »[76], sous réserve de l’hypothèse « où l’un des créanciers commettrait un abus de droit en refusant indûment d'agir en résolution »[77].
Quant au sort qu’il convient de réserver à l’action en résolution introduite par l’un des créanciers sans le concours des autres, il est mentionné dans le même arrêt : l’action est frappée d’invalidité (ou de « non validité », suivant les mots employés par la Cour), c’est-à-dire d’irrecevabilité, s’agissant d’une action en justice[78]. Telle est également la solution qui semble être retenue en France, sur la base de la règle inscrite à l’actuel article 1320, alinéa 1er du Code civil français[79], correspondant à l’article 1224 du Code civil belge[80].
Les Professeurs Stijns, Goethals et Jansen, sans mentionner l’arrêt analysé par le Professeur Jafferali, aboutissent à la même solution sur la base de la connexité (« samenhang ») entre les engagements des parties au contrat, c’est-à-dire l’indivisibilité de celui-ci sur le plan personnel. En effet, selon ces auteures, « [i]n beginsel moeten de partijen in beide soorten (zowel symmetrische als asymmetrische) meerpartijenovereenkomst samen de ontbinding inroepen en hierover overleg plegen »[81], étant toujours entendu que lorsque « een partij weigert instemming te verlenen met de ontbinding, kan dit rechtsmisbruik uitmaken »[82].
§24 A l’autre extrémité du spectre, le Professeur Dirix, dont l’opinion est par ailleurs relayée par le Professeur Samoy[83], estime que dans les contrats multipartites « kan een partij op eigen initiatief de ontbinding van de overeenkomst vorderen zonder dat zij de medewerking behoeft van de medecontractanten »[84], sous réserve de l’obligation, résultant du principe d’exécution de bonne foi des conventions, qui peut être imposée à cette partie, de porter ses intentions à la connaissance de ses cocontractants. En principe, le droit de résolution peut donc être exercé par un seul des créanciers, sans le concours des autres[85].
Cette position doctrinale, cependant, ne semble concerner que les contrats multipartites asymétriques[86], et l’auteur ne s’appuie d’ailleurs que sur des exemples illustrant cette hypothèse particulière[87]. Est ainsi évoqué le cas d’un contrat conclu entre trois parties, l’une d’entre elles prenant une machine en location auprès de la deuxième, tandis que la dernière s’engage à lui fournir les matières premières nécessaires afin d’employer ladite machine[88]. Il s’agit-il là, sans nul doute, d’un contrat multipartite asymétrique, et par ailleurs indivisible dès lors que le locataire ne s’est engagé que dans la mesure où il savait son approvisionnement en matières premières assuré par la troisième partie au contrat. Si, par la suite, cette dernière vient à manquer à ses obligations, le locataire pourra opposer cette inexécution au propriétaire de la machine, et ainsi résister à une action tendant au paiement des loyers. Il pourra même, à l’estime du Professeur Dirix, solliciter la résolution du contrat dans son ensemble, malgré que le propriétaire de la machine soit totalement étranger au manquement allégué. Dans le même ordre d’idées, lorsqu’une partie à un contrat d’échange tripartite reste en défaut d’exécuter ses obligations à l’égard d’une autre, celle-ci peut réclamer la résolution du contrat et l’imposer à la dernière, par hypothèse sa créancière, celle-ci fût-elle étrangère au manquement.
Pour être complet, je dois rappeler que la doctrine moderne n’hésite pas à admettre que « [m]ême un contrat multipartite asymétrique peut avoir un caractère synallagmatique [...]. La réciprocité ne se situe pas nécessairement entre les mêmes parties. L’obligation de A vis-à-vis de B peut trouver sa raison d’être dans l’obligation de B vis-à-vis de C. Une telle réciprocité suffit pour fonder la résolution »[89]. Qui ne voit, à la lumière de cette assertion, les liens étroits qu’entretiennent la notion d’indivisibilité du contrat et le caractère synallagmatique de celui-ci ? En effet, l’article 1101 du Code civil requiert, pour que le contrat soit synallagmatique, que « les contractants s’engagent réciproquement les uns envers les autres », ce dont la doctrine déduit, conformément à l’enseignement traditionnel de Domat, que dans de tels contrats, la cause de l’engagement de l’une des parties se trouve dans l’engagement de l’autre[90]. Or, le mécanisme de l’article 1184 du Code civil, réservé aux contrats synallagmatiques, s’explique également « par l’interdépendance des obligations réciproques des parties »[91]. Un arrêt de la Cour de cassation du 22 avril 2002 souligne ainsi que « [l]e droit de résiliation et l’exception d’inexécution qui sont fondés sur l’interdépendance des obligations réciproques des parties, sont inhérents à la nature du contrat synallagmatique »[92]. Le Professeur De Page résumait ceci, avec la clarté qui le caractérise, en écrivant que « dans les contrats synallagmatiques, la réciprocité est [...] de l’essence même du contrat [...]. Il en résulte que les obligations de chacun des contractants sont si intimement liées qu’elles se servent mutuellement de raison d’être, de justification, de cause [...]. Si l’une disparaît, l’autre devient sans fondement, sans base ; l’équilibre contractuel est rompu, puisque le contrat n’existe que par leur union, leur fusion »[93].
§25 Plus raffiné est le point de vue adopté par le Professeur Foriers. Selon lui, « lorsque le contrat en cause est indivisible, l’action tendant à sa résolution est elle-même indivisible [...] car son objet n’est pas susceptible d’être divisé et donc de donner lieu à des jugements distincts »[94]. Par conséquent, si un créancier peut solliciter la résolution du contrat sans le concours des autres, il devra néanmoins, à peine d’irrecevabilité de son action, mettre toutes les parties à la cause de sorte que celles-ci puissent faire valoir leurs arguments.
Il faut noter que l’indivisibilité d’une action, procédant de celle de son objet, n’est en rien semblable à l’indivisibilité d’un litige. La première consiste en ce que le jugement auquel donnerait lieu l’action affecte plusieurs parties, mais n’est pas susceptible d’être exécuté partiellement, tandis que la seconde, définie à l’article 31 du Code judiciaire, implique que « l’exécution conjointe des décisions distinctes auxquelles [le litige] donnerait lieu, serait matériellement impossible ». La distinction entre ces deux notions est rappelée avec netteté par un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 24 décembre 2009[95], qui rattache l’indivisibilité du litige au droit judiciaire et la sépare ainsi clairement de l’indivisibilité de l’action, relevant, quant à elle, du droit civil. Au sujet de cette dernière, le tribunal rappelle également les termes d’un arrêt de la Cour de cassation du 7 février 1964[96], selon lesquels la divisibilité d’une action signifie « qu’il appartient à chacun de ceux qui y ont intérêt [...] d’apprécier s’il y a lieu de l’intenter, sans avoir égard à l’existence d’autres intéressés demeurant inactifs ». Il s’en déduit que, lorsque l’action est au contraire indivisible, toutes les parties intéressées doivent être mises à la cause, car toutes ont « un intérêt identique à la solution à donner au problème litigieux »[97]. L’indivisibilité d’une action a donc pour conséquence que celle-ci doive être dirigée par ou contre toutes les parties concernées[98].
Lorsque l’action tend à la résolution totale d’un contrat multipartite indivisible, il va de soi qu’elle est également indivisible, car le jugement auquel elle donnera lieu, le cas échéant, ne pourra être exécuté qu’entièrement et à l’égard de toutes les parties au contrat – c’est là le propre de la résolution totale (infra, §§14 et s.).
§26 Le Professeur Foriers indique que sa position peut se prévaloir de deux arrêts de la Cour de cassation des 9 janvier 1978 et 13 juin 1997, tous deux rendus en matière de bail[99]. Ces décisions ne se caractérisent cependant pas par leur clarté, pas plus que leur interprétation ne constitue un exercice aisé. Il est d’ailleurs intéressant de relever qu’elles sont également signalées par le Professeur Jafferali, qui y décèle l’expression des principes énoncés dans l’arrêt du 28 juin 2013, précité[100], tandis que pour sa part, le Professeur Foriers juge que cette dernière décision, si tant est que les doutes quant à sa portée exacte soient écartés, opère plutôt un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt de 1997[101].
La difficulté provient sans doute, en partie du moins, de ce que le moyen sur lequel la Cour avait à se prononcer à l’occasion de cet arrêt était fondé sur les règles de la copropriété. Le tribunal de première instance statuant en degré d’appel avait, semble-t-il, décidé que l’action tendant à la résolution du bail commercial introduite par l’un des bailleurs était irrecevable, au motif que la résolution répondait à la qualification d’acte de disposition au sens de l’article 577bis, alinéa 6 du Code civil[102], qui ne pouvait être valablement accompli que « moyennant le concours de tous les copropriétaires ». Le moyen en cassation invoquait une violation de cette disposition, au motif que l’action tendant à la résolution d’un bail était, en principe et en l’espèce, un acte purement conservatoire ou d’administration provisoire. Si la Cour ne suit pas cette argumentation, il lui faut cependant admettre que « l’article 577bis, alinéa 6, du Code civil n’est applicable qu’entre copropriétaires », or l’action était dirigée contre le locataire. Toutefois, ajoute-t-elle, « en ce qui concerne le preneur, la nature indivisible du bail commercial s’oppose à ce qu’un copropriétaire demande valablement la rupture du bail, sans appeler les autres copropriétaires à la cause ». Sa décision semble donc, en définitive, se fonder sur l’application d’une règle différente de celle dont la violation était invoquée par le moyen.
Ceci semble indiquer qu’une seule partie puisse demander la résolution du bail, pour autant que toutes les autres soient appelées à la cause, et ainsi mises en mesure de faire valoir leurs arguments. La Cour sème cependant l’incertitude, en concluant qu’est légalement justifiée, la décision du tribunal suivant laquelle « la demande tendant à la rupture d’un bail commercial constitue un acte de disposition requérant le concours de tous les copropriétaires ». Faut-il en déduire que tous les créanciers doivent concourir à la demande en résolution, avec pour conséquence qu’ils doivent nécessairement s’être accordés entre eux quant à la mise en œuvre de cette sanction contractuelle ? A la lumière de l’arrêt du 28 juin 2013, la réponse semble affirmative.
Examen critique et tentative de solution, conciliation entre principes théoriques et opportunité pratique
Appréciation des thèses en présence
§27 La solution prétorienne mise en évidence par le Professeur Jafferali présente une vertu incontestable, en ce qu’elle est d’application aisée. Il suffira au juge de constater, d’une part, que le contrat est indivisible et, d’autre part, que toutes les parties n’ont pas été mises à la cause par le demandeur, pour déclarer l’irrecevabilité de l’action en résolution. Elle appelle cependant de sérieuses réserves.
En premier lieu, comme je l’ai déjà indiqué, la jurisprudence de la Cour a été construite exclusivement à l’occasion de litiges survenus en matière de bail. Cette matière constitue certes un terrain propice à de tels développements compte tenu de la nature indivisible du bail, mais elle ne constitue pas la généralité des situations. En particulier, le contrat de bail multipartite est en principe symétrique, ce qui n’est pas sans incidence sur les droits des parties. En effet, ces dernières pourront, en théorie, être réparties en deux pôles – les bailleurs d’une part, les locataires d’autre part – unis dans un rapport juridique unique. Ceci se traduira[103] normalement par l’existence d’une ou plusieurs obligations contractuelles indivisibles au sens des articles 1222 et suivants du Code civil (supra, §10), c’est-à-dire une ou plusieurs obligations plurales dont l’exécution partielle est inenvisageable, soit matériellement, soit intellectuellement. Or, le manquement à une telle obligation concernera, en principe, toutes les parties au contrat, celles-ci étant soit créancières, soit débitrices de l’obligation inexécutée. En d’autres termes, si les parties appartenant à l’un des pôles viennent à manquer à leurs obligations, toutes celles relevant de l’autre pôle verront naître dans leur chef un droit de résolution fondé sur l’article 1184 du Code civil. Il est donc admissible que ce droit soit également indivisible.
§28 L’hypothèse est fort différente en présence d’un contrat multipartite asymétrique, lequel peut certes être indivisible, mais ne comportera en revanche aucune obligation indivisible au sens technique défini par le Code civil. Un tel contrat n’est indivisible, le cas échéant, qu’en ce que les engagements pris par les parties ne se conçoivent pas, dans l’esprit de celles-ci, indépendamment les uns des autres. Le contrat forme un tout indivisible, mais pour autant, aucune des obligations qu’il stipule n’est, en elle-même, indivisible. Deux formes d’indivisibilité doivent ainsi être nettement distinguées : d’une part, l’indivisibilité de l’obligation, visée aux articles 1222 et suivants du Code civil, et qui suppose une obligation plurale (à sujets multiples) non susceptible d’être exécutée partiellement, et d’autre part, l’indivisibilité du contrat, qui trouve sa source non dans la multiplicité des sujets, mais dans la connexité existant entre plusieurs obligations contractuelles (supra, §15). Cette connexité, dont l’existence confère au contrat son indivisibilité, résulte de la circonstance que les engagements des parties se causent réciproquement.
Dans cette configuration, il est concevable que l’une des parties au contrat commette un manquement contractuel à l’égard d’une autre, tout en respectant ses engagements vis-à-vis d’une troisième qui n’est pas, quant à elle, créancière de l’obligation inexécutée. Ce cas de figure implique que seule l’une des deux parties auxquelles aucun manquement contractuel n’est imputable, peut se prévaloir d’un droit de résolution, l’autre n’étant pas en position, à mon sens, d’invoquer le bénéfice de l’article 1184 du Code civil. Ce droit de résolution ne saurait par conséquent être considéré comme indivisible. Dès lors, le raisonnement développé par la Cour de cassation dans son arrêt de 2013 semble inapplicable aux contrats multipartites asymétriques.
Compte tenu des observations qui précèdent, la thèse défendue par le Professeur Dirix ne semble d’ailleurs pas condamnée par la jurisprudence de la Cour, les deux points de vue n’étant pas mutuellement exclusifs. Les hypothèses décrites par cet auteur correspondent en effet, ainsi qu’il a été mentionné plus haut, à des conventions multipartites asymétriques, c’est-à-dire des contrats dans lesquels chaque partie assume une « position juridique propre » et est titulaire de droits et obligations propres. Les deux doctrines pourraient donc être perçues comme complémentaires, celle de la Cour s’appliquant lorsque la résolution porte sur une obligation indivisible, et celle du Professeur Dirix, en l’absence d’une telle obligation. Encore peut-on s’interroger sur la pertinence d’une telle distinction au regard de l’application de l’article 1184 du Code civil.
§29 L’une et l’autre de ces positions aboutissent en outre à des conséquences extrêmes, puisque chaque partie, considérée individuellement, se verra conférer tantôt la faculté de résoudre le contrat (selon le Professeur Dirix), tantôt, en creux, celle d’empêcher sa résolution (suivant la Cour de cassation). Seule la théorie de l’abus de droit semble limiter, à la marge, l’exercice de ces prérogatives, dont la reconnaissance est, en soi, difficile à justifier.
En outre, des incertitudes subsistent quant au fondement légal sur lequel repose l’arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2013. Même s’il est admis, en effet, que le droit de résolution d’un contrat multipartite symétrique est indivisible, il reste difficile d’apercevoir la raison pour laquelle il devrait nécessairement être exercé conjointement par tous les créanciers. Cette solution se départit manifestement des principes du Code civil, dont l’article 1224 énonce, en son alinéa 1er, que « [c]haque héritier du créancier peut exiger en totalité l’exécution de l’obligation indivisible ». Ainsi que le note le Professeur Jafferali, « le souci pratique de traiter de manière globale une situation juridique complexe finit par l’emporter sur les principes édictés par le Code »[104].
Ceci étant, un tel « souci pratique », au demeurant parfaitement pris en compte par la thèse du Professeur Foriers, ne saurait justifier, en droit, que violence soit faite à la loi. De même, je ne m’explique pas sur quels principes se fonde l’opinion du Professeur Dirix, opinion dont les conséquences pratiques sont, au surplus, dérangeantes.
§30 Plus fondamentalement, il est possible de s’interroger sur la cohérence de la solution retenue par la Cour de cassation. Pour rappel, la Cour a estimé que « [l]a nature indivisible du contrat de location [...] implique uniquement que, lorsqu’un contrat de location est conclu par plusieurs preneurs ou bailleurs, les droits indivisibles résultat de ce contrat de location doivent être exercés ensemble par ces preneurs ou bailleurs à peine de non validité de l’acte accompli »[105]. Tous les droits découlant du contrat de bail multipartite, « tels que le droit de donner congé, d’agir en résolution ou en nullité ou encore celui d’accorder son renouvellement »[106], sont donc indivisibles. Dès lors, par identité de motifs, le droit d’exiger l’exécution forcée du contrat doit également être considéré comme indivisible, avec pour conséquence qu’il ne peut être exercé que de manière conjointe par l’ensemble des créanciers.
Sur un plan théorique, cette observation génère un blocage complet de la situation lorsque les parties ne s’accordent pas quant à la sanction contractuelle pour laquelle opter, toujours sous réserve de la théorie de l’abus de droit. En effet, aussi longtemps que les créanciers ne parviennent pas à s’entendre, ils sont dans l’incapacité d’agir, que ce soit pour exiger l’exécution forcée du contrat ou pour en faire prononcer la résolution. Le conflit oppose ainsi deux catégories de parties, dont les prétentions sont rigoureusement inconciliables, mais qu’aucune faute ne permet de départager ; les unes se prévalent de l’application de l’article 1134, alinéa 1er du Code civil, tandis que les autres invoquent l’article 1184 du même code.
§31 L’idée selon laquelle l’action en résolution totale du contrat multipartite est indivisible, avec pour conséquence qu’elle doit être dirigée contre toutes les parties intéressées, semble indiscutable au regard des principes rappelés plus haut (supra, §25). Pour ce motif, il apparaît clairement que l’opinion soutenue par le Professeur Dirix, qui consiste à dire qu’un créancier peut agir en résolution sans le concours des autres, moyennant simple notification à ceux-ci lorsque la bonne foi le requiert[107], ne peut être suivie. En revanche, l’option retenue par la Cour de cassation n’est pas contradictoire avec la nature indivisible de l’action en résolution, puisqu’elle exige que celle-ci soit formée par tous les créanciers et dirigée contre tous les débiteurs. En d’autres mots, l’arrêt du 28 juin 2013 évacue cette question préliminaire en imposant des conséquences plus contraignantes que celles résultant de l’indivisibilité de l’action.
Le rejet de la solution dégagée par la Cour de cassation fait resurgir une autre question encore. En effet, si tous les créanciers ne doivent pas exercer leur droit de résolution ensemble, et par conséquent s’entendre sur la mise en œuvre de cette sanction contractuelle, mais qu’ils sont néanmoins tous mis à la cause par celui d’entre eux à l’initiative duquel l’action a été introduite, il est nécessaire d’identifier les considérations sur la base desquelles le juge pourra les départager.
La solution de l’équité
§32 Le conflit entre deux droits équivalents ne saurait être réglé autrement qu’en équité, du moins lorsque la loi n’offre aucune autre issue. Ce résultat semble permis sur la base de l’article 1135 du Code civil, suivant lequel « [l]es conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».
La solution proposée n’a d’ailleurs rien d’original eu égard à la jurisprudence relative aux procédures de résolution des conflits internes à certaines sociétés[108]. Les cours et tribunaux, en effet, ont parfois été amenés à se prononcer sur des demandes croisées en exclusion introduites par deux associés ou actionnaires appartenant à une même société. Dans ce contexte, et en-dehors de toute prévision légale, ils ont développé les critères sur la base desquels trancher ce type de différend en faveur de l’un et au détriment de l’autre, en dépit du fait que leurs demandes respectives soient, en tant que telles, pleinement fondées. Dans une situation de cette nature, « c’est l’intérêt social qui commande la solution du litige : le juge devra exclure celui des associés dont l’absence est la moins préjudiciable à l’intérêt social, dans le respect du principe de proportionnalité »[109]. En application de ces principes, la cour d’appel de Gand, statuant sur des actions réciproques en exclusion, a jugé que les parts de la société devaient être attribuées par préférence à celui des associés qui offrait le plus de garanties pour la continuité de la société[110].
Une fraction de la doctrine va même jusqu’à admettre qu’exceptionnellement, il pourrait être fait droit à la demande introduite par un associé ayant causé la mésintelligence grave à l’origine du litige, fût-ce même par son comportement fautif, dans la mesure où l’intérêt social commande que cet associé reste dans la société[111]. Dans un ordre d’idées voisin, il échet de noter que la jurisprudence ne requiert pas l’existence d’une faute pour accueillir la demande en exclusion d’un associé[112]. Il suffira, en principe, que les relations entre associés soient affectées d’une mésentente sérieuse et profonde conduisant à un blocage du fonctionnement de la société[113]. La focalisation sur l’intérêt social implique en outre, par voie de conséquence naturelle, que le juge favorisera dans la mesure du possible une solution permettant la continuité de la société, avant d’envisager sa dissolution[114].
Ce qu’il importe de noter, pour l’objet de la présente étude, est que la prise en compte de l’intérêt social en tant que critère de règlement d’un conflit, conflit que le législateur semble ne pas avoir envisagé et qui présente la particularité de mettre aux prises deux justiciables dont les demandes sont d’une légitimité égale, résulte d’une construction prétorienne édifiée au départ du seul esprit de la loi. Je propose, sommes toutes, de tenter une transposition de ces concepts de droit des sociétés à la matière des contrats multipartites. A nouveau, le raisonnement n’est guère surprenant : les deux domaines sont intimement liés, et ce lien a été mis en évidence il y a déjà bien longtemps. Ainsi, déjà Demogue affirmait-il que « [l]es contrats forment une sorte de microcosme ; c’est une petite société où chacun doit travailler pour un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacun, absolument comme dans la société civile ou commerciale. Alors, à l’opposition entre le droit du créancier et l’intérêt du débiteur, tend à se substituer une certaine union »[115].
§33 Suivant quels critères le juge est-il supposé départager deux demandes tendant respectivement à la résolution et à l’exécution forcée d’un contrat ? Selon moi, la réponse peut être rattachée à l’article 1184 du Code civil, dès lors que celui-ci confère au créancier d’une obligation inexécutée un choix entre les deux sanctions contractuelles envisagées. Comme je l’ai déjà indiqué plus haut (supra, §24) et le rappelle ici, des liens étroits (sinon d’identité) existent entre la réciprocité des engagements des parties, et le caractère indivisible sur le plan personnel du contrat qui les lie. Il est admis que le critère central en la matière est celui de l’utilité économique du contrat et l’impact de la résolution ou du maintien de celui-ci sur ses parties[116]. Si le contrat peut être divisé en plusieurs conventions partielles dont chacune, prise isolément, conserverait un sens pour les parties, il doit être considéré comme divisible et pourra le cas échéant faire l’objet d’une résolution partielle. A l’inverse, seule la résolution totale sera concevable si la convention ne présente d’utilité pour les parties que lorsqu’elle est envisagée dans son ensemble, dans sa totalité.
Lorsque l’une des parties au contrat manque à ses obligations, il faudra donc examiner si l’importance de cette exécution est telle, que l’utilité de la convention s’en est trouvée affectée. Autrement dit, le contrat conserve-t-il le sens qui lui était donné par les parties, en dépit du manquement allégué ? Dans la négative, le maintien du contrat ne se conçoit évidemment pas, car de même que la résolution partielle doit être prononcée lorsqu’elle n’affecterait pas l’utilité économique du reste du contrat, la résolution totale doit être décidée si l’utilité de l’ensemble du contrat a été affectée par le défaut, fût-ce d’une seule de ses parties. Au contraire, le juge pourra toujours estimer qu’au regard de la faible gravité de l’inexécution fautive, le contrat conserve tout son sens, et ne peut dès lors être résolu.
Du reste, l’idée selon laquelle l’utilité d’un contrat justifie son existence même, n’est pas récente. Déjà Laurent affirmait-il que « [l]es contrats sont sanctionnés pour l’utilité des hommes ; quand une convention est inutile, il n’y a plus de raison pour que le législateur intervienne et que l’autorité publique prête son concours afin d’en procurer l’exécution forcée »[117]. Il eût été difficile de dire plus clairement que lorsque le contrat ne présente plus d’utilité, l’application de l’article 1134 du Code civil ne se conçoit pas. Si la perte d’utilité résulte de l’inexécution fautive d’une obligation, seule la résolution reste donc possible.
§34 Quant à la question de savoir ce que l’utilité du contrat recouvre, il s’agit bien évidemment d’une question de fait que le juge appréciera dès lors souverainement. Il me paraît toutefois possible de s’inspirer de Demogue, tout en remettant ses idées au goût du jour. L’on sait en effet que « deux grandes optiques s’affrontent »[118] quant à la teneur de l’intérêt social en droit des sociétés : selon les uns, cette notion se réduit à la somme des intérêts des associés, propriétaires économiques de la société, tandis que les autres l’interprètent plus largement, comme recouvrant également les intérêts des associés futurs, bailleurs de fonds, travailleurs et autres créanciers ou parties prenantes.[119] Sans prendre position sur une question que d’autres ont traitée en profondeur, j’observe seulement que l’utilité du contrat ne doit pas nécessairement se réduire à « la somme des buts individuels poursuivis par chacun »[120]. Elle peut, selon les circonstances, prendre en compte des intérêts variés, dépassant parfois le simple champ contractuel.
Conclusion
§35 La résolution judiciaire d’un contrat multipartite soulève deux ordres de questions, tout autant distincts conceptuellement qu’ils sont intimement liés. D’une part, il s’agit de déterminer si, et dans quelles conditions le cas échéant, la résolution d’une convention à plus de deux parties peut épargner certaines d’entre elles, et n’opérer donc la dissolution du contrat qu’à l’égard d’une ou plusieurs autres. Tel est le domaine de la résolution partielle personnelle, d’ores et déjà exploré tant par les juges que par divers auteurs, qui l’ont éclairé à la lumière du critère de l’(in)divisibilité du contrat. La solution est donnée implicitement, mais dans la droite ligne des principes régissant les modalisations des effets de la résolution judiciaire, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 2008. Aux termes de celui-ci, un contrat multipartite dans lequel les droits et obligations des parties sont indissociablement liés entre eux de telle façon que le contrat ne puisse être divisé en conventions partielles, ne peut qu’être résolu dans sa totalité.
§36 D’autre part, lorsque le contrat multipartite s’avère indivisible entre ses parties, et ne peut en conséquence faire l’objet d’une résolution partielle, la question se pose de la mise en œuvre du droit de résolution qui appartient à plusieurs contractants. Sur ce point, la loi ne fournit aucune réponse satisfaisante. La jurisprudence actuelle n’emporte pas davantage la conviction, cependant que la doctrine semble incapable de se rassembler autour des principes issus du droit belge des obligations. Le nœud du problème réside sans doute dans la circonstance que cette situation oppose plusieurs parties, investies de droits équivalents mais exprimant des intérêts opposés, que rien, a priori, ne permet de départager. La tentation est grande d’opter pour la simplicité, en reconnaissant à chaque partie, considérée individuellement, le même pouvoir discrétionnaire (sous réserve, s’entend, de l’interdiction qui lui est faite d’abuser de son droit), que ce soit en permettant à tout créancier d’exercer seul le droit de résolution appartenant à tous, ou, au contraire, en exigeant qu’ils l’exercent ensemble, conférant ainsi, en creux, un droit de véto à chacun. La majorité de la doctrine et la Cour de cassation elle-même semblent d’ailleurs y avoir succombé, reniant au passage les principes énoncés par le Code civil.
En réalité, cette problématique se compose de deux aspects distincts : le premier, d’ordre procédural, consiste à identifier celles des parties au contrat qui peuvent ou doivent participer à l’action en résolution, tandis que le second, d’ordre substantiel, concerne la détermination des critères sur la base desquels cette action sera tranchée.
§37 Sur le plan de la procédure, il résulte de l’indivisibilité de l’action en résolution que toutes les parties au contrat devront nécessairement être mises à la cause. En effet, l’objet de cette action étant indivisible, puisqu’il s’agit d’entendre prononcer la résolution, par hypothèse totale, d’un contrat indivisible entre ses multiples parties, ces dernières ont toutes un intérêt identique au règlement du litige. L’action en résolution doit donc être dirigée contre tous les intéressés, à peine d’irrecevabilité. L’indivisibilité de l’action condamne ainsi la thèse suivant laquelle il appartient à chaque créancier, sans le concours des autres, d’obtenir la résolution du contrat.
§38 Sur le plan des critères à l’aune desquels il sera statué sur l’action, la solution est moins évidente. Le recours à la théorie de l’abus de droit peut certes offrir une solution, mais celle-ci ne sera que très partielle, dès lors que cette théorie vise uniquement les hypothèses, somme toute marginales, dans lesquelles il est fait usage d’un droit de façon manifestement déraisonnable. Par définition, donc, la solution qu’elle procure ne saurait être systématisée.
La réflexion pourrait utilement s’inspirer des principes dégagés par la jurisprudence dans une hypothèse analogue, soit celle des demandes réciproques en exclusion d’un associé, que le Code des sociétés institue dans certaines sociétés. De même que le législateur du 21 mars 1804 n’avait pas envisagé le conflit opposant plusieurs créanciers autour de l’application de l’article 1184 du Code civil, celui du 7 mai 1999 semble avoir ignoré un cas de figure qui n’a pourtant rien d’exceptionnel en pratique : celui d’une demande reconventionnelle introduite par un associé, défendeur à une action principale en exclusion, tendant elle-même à l’exclusion du demandeur au principal. Ce contentieux, à l’instar de celui qui fait l’objet de la présente étude, comporte la particularité de ne pas nécessiter l’existence d’une faute quelconque dans le chef de l’une des parties ; et lorsqu’une telle faute existe, elle n’impose d’ailleurs pas de trancher dans un sens particulier. C’est au contraire sur la base de l’intérêt social que le juge devra se prononcer.
§39 En matière de résolution judiciaire des contrats multipartites, le critère qui doit être pris en compte est celui de l’utilité économique que présente encore le contrat suite au défaut de l’une de ses parties. Concrètement, il s’agira de balancer les avantages et inconvénients qui découleraient, pour les créanciers, de la résolution du contrat. Si celui-ci présente encore une grande utilité économique en dépit du manquement constaté, il devra être maintenu ; si, au contraire, cette utilité a été impactée substantiellement par l’inexécution, la résolution s’imposera.
Ce critère n’est évidemment pas sélectionné au hasard. Il entretient, au contraire, des liens très étroits avec la problématique de la résolution partielle personnelle des contrats multipartites. Au cœur de celle-ci, ai-je indiqué plus haut, se trouve le critère de l’indivisibilité du contrat, que la jurisprudence lie à l’utilité économique que présente ce dernier en tant que tel. En effet, le contrat n’est considéré comme divisible que dans la mesure où les fractions qui le composent, une fois séparées les unes des autres, conservent en elles-mêmes une certaine utilité économique. Si, au contraire, ces différents morceaux ne présentent d’intérêt que lorsqu’ils sont pris ensemble, le contrat est indivisible.
On le voit, la résolution totale du contrat est justifiée, le cas échéant, par l’utilité économique qu’il comporte dans sa globalité. Il ne peut se voir amputé de l’un de ses membres, car sans ce dernier, il perdrait son identité, c’est-à-dire son utilité, dont découle son identité. Par extension, si le manquement commis par l’une des parties au contrat est d’une gravité telle qu’en fait, l’identité de celui-ci est perdue, sa résolution est justifiée. Encore le juge pourrait-il, bien entendu, accorder un délai au débiteur fautif sur la base de l’article 1184, alinéa 3 du Code civil, dans l’espoir qu’une exécution tardive permette au contrat de retrouver son utilité. Si, au contraire, le manquement n’altère pas l’utilité du contrat, sa résolution n’est pas envisageable.
Cette solution présente, selon moi, le mérite d’être à la fois justifiée sur le plan des principes, et adéquate sur le plan de l’opportunité. Elle laisse, en effet, une certaine latitude au juge tout en encadrant son pouvoir d’appréciation à l’aide d’un critère éprouvé : l’utilité du contrat.
[23] Foriers P. A., op. cit., p. 172, n° 9.
[24] Dirix E., « De meerpartijenovereenkomst », T.P.R., 1983, n° 8-13, pp. 763 et s. ; Samoy I., op. cit., n° 21, p. 17.
[25] Samoy I., « La dissolution des contrats multipartites », op. cit., p. 202 ; Wéry P., op. cit., n° 43, p. 212 ; Samoy I., « Le caméléon du droit des obligations... », op. cit., p. 17.
[26] Samoy I., op. cit., p. 17.
[27] Wéry P., op. cit., n° 43, p. 212.
[28] Foriers P. A., op. cit., pp. 170-171, n° 7.
[29] Wéry P., op. cit., n° 43, p. 212 ; Samoy I., op. cit., p. 17.
[30] Cass., 17 octobre 2008, Pas., 2008, p. 2270, n° 556 ; Larcier Cass., 2008, p. 199, n° 832, somm. ; R.W., 2008-2009, p. 1640, somm. ; T.B.O., 2008, p. 218 ; R.G.D.C, 2011, p. 232.
[31] Samoy I., « La dissolution des contrats multipartites », op. cit., n° 16, p. 202.
[32] Ibidem.
[33] Wéry P., « La flexibilité des sanctions dans le contentieux contractuel », in La flexibilité des sanctions, XXIes Journées juridiques Jean Dabin, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 411 et s.
[34] Foriers P. A. et De Leval Ch., « Les effets de la dissolution du contrat sur les dispositions contractuelles », in Questions spéciales en droit des contrats, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 161 et s.
[35] Samoy I., op. cit., p. 205. Dans le même sens, Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 2, p. 114.
[36] Samoy I., op. cit., pp. 207-211 ; Jafferali R., op. cit., n° 428 et s. ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 56-58, pp. 145-148.
[37] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 56, p. 145.
[38] Cass., 23 juin 2006, Pas., 2006, p. 1488 ; Cass., 19 novembre 2009, Pas., 2009, p. 2697 ; Cass., 8 février 2010, Pas., 2010, p. 393.
[39] Foriers P. A., « Les effets de la résolution des contrats pour inexécution fautive », op. cit., pp. 228-229 et 248-249 ; Stijns S., « La résolution pour inexécution fautive des contrats synallagmatiques, sa mise en œuvre, et ses effets », in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, 2000, n° 49-5 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 57, pp. 147-148.
[40] Delvaux P.-H., « Les effets en droit belge de la résolution des contrats pour inexécution. Rapport belge », in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Paris, Bruxelles, L.G.D.J., Bruylant, 2001, n° 31, p. 691 ; Foriers P. A., « Les effets de la résolution des contrats pour inexécution fautive », op. cit., pp. 229-231 ; Stijns S., De gerechtelijke en de buitengerechtelijke ontbinding van overeenkomsten, Anvers, Apeldoorn, Maklu, 1994, n° 218 et s., pp. 308 et s.
[41] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 57, p. 148 ; Fontaine M., « La rétroactivité de la résolution des contrats pour inexécution fautive », R.C.J.B., 1990, n° 48 et s. ; Stijns S., « La résolution pour inexécution fautive ... », op. cit., n° 50 ; Stijns S., De gerechtelijke en de buitengerechtelijke ontbinding van overeenkomsten, op. cit., n° 218 et s., pp. 308 et s.
[42] Wéry P., « La théorie générale du contrat », op. cit., n° 678, p. 716 ; Jafferali R., op. cit., n° 377 et s. ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 62, p. 150.
[43] Foriers P. A., op. cit., pp. 234 et s.
[44] Ibidem, n° 16, p. 241.
[45] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 62, p. 150.
[46] Ibidem, n° 62, p. 151.
[47] Cass., 25 juin 2015, R.C.J.B., 2016/3, p. 386, et note P. Wéry.
[48] Van Ryn J. et Heenen J., Principes de droit commercial, T. III, Bruxelles, Bruylant, 1983, n° 685.
[49] Stijns S., « La résolution pour inexécution fautive... », op. cit., p. 421.
[50] Cass., 17 octobre 2008, Pas., 2008, p. 2270, n° 556 ; Larcier Cass., 2008, p. 199, n° 832, somm. ; R.W., 2008-2009, p. 1640, somm. ; T.B.O., 2008, p. 218 ; R.G.D.C, 2011, p. 232. Traduction libre : « une convention multipartite dans laquelle chaque partie adopte une position juridique propre et dans laquelle les droits et obligations des parties sont indivisiblement liés les uns aux autres de sorte que la convention ne puisse être scindée en conventions partielles, ne peut être dissoute partiellement ».
[51] Samoy I., op. cit. pp. 196 et 212 ; Wéry P., op. cit., n° 679, p. 717 ; Jafferali R., op. cit., n° 480, pp. 1047 et s. ; Samoy I. et Maes A., « De ontbinding van meerpartijenovereenkomsten na het cassatie-arrest van 17 oktober 2008 », R.G.D.C., 2011, n° 2, p. 190 ; Foriers P. A., op. cit., pp. 240-241 ; Foriers P. A., « Aspects des contrats multipartites en droit positif belge », op. cit., pp. 198-199, n° 50 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 10, p. 119 et n° 71, pp. 154-155.
[52] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 58, p. 148 et n° 62, p. 151, et références citées.
[53] Samoy I., op. cit., p. 204 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 21, p. 125, et n° 71, p. 154.
[54] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 21, p. 125.
[55] Jafferali R., op. cit., n° 481, p. 1050.
[56] Foriers P.A., op. cit., pp. 193 et s., n° 44 et s.
[57] Samoy I., « Les effets de la dissolution du contrat sur les dispositions contractuelles », in Questions spéciales en droit des contrats, Bruxelles, Éditions Larcier, 2010, pp. 188-191 ; Foriers P. A., op. cit., p. 194, n° 44.
[58] Foriers P. A., op. cit., p. 199, n° 45.
[59] Ibidem, p. 202, n° 55.
[60] Jafferali R., op. cit., n° 480, p. 1049.
[61] Stijns S., op. cit., pp. 390 et s. ; Foriers P. A., « Observations sur le thème de l’abus de droit en matière contractuelle », R.C.J.B., 1994, pp. 219 et s. ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 5, p. 116.
[62] Cass., 16 décembre 1982, Pas., 1983, I, p. 472 ; Cass., 18 février 1988, Pas., 1988, I, p. 728 ; Cass., 11 juin 1992, Pas., 1992, I, p. 898 ; Cass., 6 janvier 2011, R.G.D.C., 2012, pp. 393 et s.
[63] Wéry P., « Une nouvelle application de la flexibilité des sanctions dans le contentieux contractuel... », op. cit., pp. 379 et s. ; voy. aussi Van Ommeslaghe P., « La rigueur contractuelle et ses tempéraments selon la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique », in Etudes offertes à Jacques Ghestin, Le contrat au début du XXIè siècle, Paris, L.G.D.J., 2001, pp. 881 et s. ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 4, p. 115.
[64] Cass., 30 janvier 1992, R.C.J.B., 1994, p. 185, note P.A. Foriers ; Cass., 8 février 2001, Pas., 2001, p. 244 ; Cass., 8 février 2010, Pas., 2010, p. 402 ; Cass., 1er octobre 2010, Pas., 2010, p. 2470.
[65] Cass., 9 juin 1961, Pas., 1962, p. 1104 ; Cass., 9 septembre 1965, Pas., 1966, p. 47 ; Cass., 12 novembre 1976, Pas., 1977, I, n° 291 ; Cass., 13 janvier 1991, Pas., 1991, I, n° 520 ; Cass., 24 septembre 2009, Pas., 2009, n° 524 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 18, p. 123. La résolution partielle, évoquée ci-avant, constitue selon la doctrine une autre manière de cantonner l’exercice d’un droit à sa juste mesure : la convention étant par hypothèse divisible, sa résolution totale ne se justifierait pas.
[66] Stijns S., op. cit., p. 421.
[67] Cass., 16 janvier 1986, Pas., 1986, I, n°. 602.
[68] Foriers P. A., « Aspects des contrats multipartites en droit positif belge », op. cit., p. 205, n° 62.
[69] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 20, p. 125.
[70] Cass., 30 janvier 2003, Pas., 2003, I, n° 69 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 4, p. 115.
[71] Samoy I., « La dissolution des contrats multipartites », op. cit., p. 204.
[72] Cass., 28 juin 2013, Pas., 2013, n° 404.
[73] Foriers P. A., op. cit., pp. 202-204, n° 56-58.
[74] Jafferali R., op. cit., n° 481.IV.A., pp. 1056-1057. Voy. Cass., 6 juillet 1933, Pas., 1933, I, p. 285 ; Cass., 23 octobre 1952, Pas., 1953, I, p. 92 ; Cass., 13 juin 1997, Pas., 1997, I, n° 272, dans lequel la Cour estime que « la nature indivisible du bail commercial s’oppose à ce qu’un copropriétaire demande valablement la rupture du bail, sans appeler les autres copropriétaires à la cause ».
[75] Jafferali R., op. cit., p. 1060.
[76] Ibidem.
[77] Ibidem, p. 1057. Voy. aussi Foriers P. A., « Les contrats multipartites en droit positif belge », Bull. Cl. L. et Sc. mor. pol., T. XXIII, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2013, p. 188 ; Samoy I., op. cit., n° 43 et s., pp. 215 et s. ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 11, p. 120.
[78] Jafferali R., op. cit., pp. 1057 et 1060. Encore l’auteur est-il d’avis que ce résultat est d’une rigueur excessive, qu’une application par analogie des dispositions du Code civil relatives au réméré, et en particulier son article 1670, permettrait adéquatement de tempérer.
[79] L’alinéa 1er de l’article 1320 du Code civil français prévoit que « [c]hacun des créanciers d'une obligation à prestation indivisible, par nature ou par contrat, peut en exiger et en recevoir le paiement intégral, sauf à rendre compte aux autres ; mais il ne peut seul disposer de la créance ni recevoir le prix au lieu de la chose ».
[80] Cass. fr., 5 avril 2006, Bull., 2006, III, n° 95, A.J.D.I., 2006, p. 748, note S. Prigent, « Le bail à ferme est indivisible ».
[81] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 11, p. 120.
[82] Ibidem.
[83] Samoy I., op. cit., n° 43, p. 215.
[84] Dirix E., op. cit., p. 789.
[85] Ibidem, pp. 789-790.
[86] Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 11, pp. 119-120 ; Samoy I., op. cit., n°43, p. 215.
[87] Dirix E., op. cit., pp. 789-790.
[88] Civ. Dinant, 5 février 1959, J.T., 1959, p. 552 ; Civ. Liège, 26 octobre 1978, Jur. Liège, 1978-79, p. 114.
[89] Samoy I., op. cit., p. 205. Dans le même sens, Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 2, p. 114.
[90] Dieux X., « Le contrat : Objet et instrument de dirigisme », in Les obligations contractuelles, 1984, pp. 255 et s. ; Samoy I., op. cit., p. 204.
[91] Samoy I., op. cit., p. 203. Voy. aussi Foriers P. A., « Les effets de la résolution des contrats pour inexécution fautive », op. cit., p. 223.
[92] Cass., 22 avril 2002, Pas., 2002, I, n° 243.
[93] De Page H., op. cit., p. 416.
[94] Foriers P. A., « Aspects des contrats multipartites en droit positif belge », op. cit., p. 203, n° 58.
[95] Civ. Bruxelles (9è ch.), 24 décembre 2009, Rev. not. belge, 2010, pp. 530 et s.
[96] Cass., 7 février 1964, Pas., 1964, I, p. 601.
[97] Sace J., « Les libéralités, Dispositions générales », Rép. not., T. III, Les successions, donations et testaments, livre 6, Bruxelles, Larcier, 1993, n° 108, p. 146.
[98] Cass., 9 octobre 1969, R.G. F-19691009-2.
[99] Cass., 9 janvier 1978, Pas., 1978, I, p. 1158 ; Cass., 13 juin 1997, Pas., 1997, I, n° 272.
[100] Jafferali R., op. cit., n° 481.IV.A., pp. 1056-1057.
[101] Foriers P. A., op. cit., n° 58, p. 203.
[102] Actuel article 577-2, § 6 du Code civil, suivant lequel « [n]e sont valables que moyennant le concours de tous les copropriétaires les autres actes d'administration et les actes de disposition. Néanmoins, l'un des copropriétaires peut contraindre les autres à participer aux actes d'administration reconnus nécessaires par le juge ».
[103] Il serait sans doute plus cohérent de dire que la présence d’obligations indivisibles dans le contrat multipartite, conférera à celui-ci une structure symétrique.
[104] Jafferali R., op. cit., n° 481.IV.A., p. 1058.
[105] Cass., 28 juin 2013, Pas., 2013, n° 404.
[106] Jafferali R., op. cit., n° 481.IV.A., p. 1057, et les références citées.
[107] Dirix E., op. cit., pp. 789-790.
[108] Art. 334 à 341 (SPRL) et 635 à 643 (SA), C. soc.
[109] Caprasse O. et Aydogdou R., Les conflits entre actionnaires, Bruxelles, Larcier, 2010, n° 649, p. 333.
[110] Gand, 25 juin 2007, N.J.W., 2008, p. 33. Voy. aussi Liège, 11 octobre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 1067. ; prés. Comm. Turnhout, 28 mars 1997, R.D.C., 1997, p. 460 ; prés. Comm. Tongres, 24 juin 1997, T.R.V., 1999, p. 283 ; prés. Comm. Mons, 16 mars 2001, R.P.S., 2001, pp. 187-200, et note P. Malherbe.
[111] Caprasse O. et Aydogdou R., op. cit., n° 649, p. 333.
[112] Cass., 19 février 2009, R.G. C.07.0171.F-C.07.0514.F/1 ; Bruxelles, 13 mai 2004, R.D.C., 2005, p. 408 ; Bruxelles, 8 juin 2001, J.L.M.B., 2002, n° 31, p. 1350 ; Bruxelles, 7 septembre 1999, Rev. prat. soc., 2000, p. 334 ; Mons, 28 juin 1999, D.A., 1999, n° 50, p. 52.
[113] Bruxelles, 7 septembre 1999, Rev. prat. soc., 2000, p. 334 ; Comm. Bruxelles, 6 octobre 1999, D.A., 2000, n° 54, p. 107, et note T. Delvaux.
[114] Bruxelles, 13 juin 2005, D.A., 2005, p. 348. Dans le même sens, Caprasse O. et Aydogdou R., op. cit., n° 647, p. 332.
[115] Demogue R., Traité des obligations en général, t. VI, 1931, n° 3.
[116] Samoy I., op. cit., n° 39, p. 214. Dans le même sens, Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 20, p. 125.
[117] Laurent F., Principes de droit civil, T. XVI, 3ème éd., n° 81.
[118] Coipel M. et Davagle M., Rép. not., t. XII, liv. 8, Bruxelles, Larcier, 2017, n° 1036.
[119] Corbisier I., La société : contrat ou institution ?, Bruxelles, Larcier, 2011, n°4, p. 27.
[120] Demogue R., idem.
Wéry P., « Une nouvelle application de la flexibilité des sanctions dans le contentieux contractuel : la nullité partielle d’une clause illicite », R.C.J.B., 2016/3, p. 391, note sous Cass., 25 juin 2015, R.C.J.B., 2016/3, p. 379 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., « De ontbinding en de exceptie van niet-uitvoering bij meerpartijenovereenkomsten », in Samoy I. et Wéry P. (éd.), Meerpartijenovereenkomsten, Brugge, die Keure, Bruxelles, La Charte, 2013, n° 4, p. 115. ↩
Voire même anticiper sur cette résolution, lorsqu’il ressort des circonstances que le juge ne pourra accorder au débiteur défaillant un délai de grâce sur pied de l’article 1184, alinéa 3 du Code civil : voy. Cass., 2 mai 2002, Pas., 2002, n° 264, p. 1046 ; R.C.J.B., 2004, note P. Wéry ; Cass., 16 février 2009, Pas., 2009, n° 126, p. 485. ↩
En vertu de l’article 1183 du Code civil, « [l]a condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ». ↩
Van Ommeslaghe P., Droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2013, T. I, p. 2. ↩
A l’alinéa 1er, il est fait mention de « l’une des deux parties », ce qui sous-entend que le contrat ne comporte que deux parties. Au même effet, l’alinéa 2, seconde phrase, emploie quant à lui les termes suivants : « la partie [...] l’autre [...] ». ↩
Wéry P., « La théorie générale du contrat », Rép. not., T. IV, Bruxelles, Larcier, 2010, n° 43, p. 211 ; De Page H., Traité élémentaire de droit civil belge, T. II, Bruxelles, Bruylant, p. 410 ; Dirix E., « De meerpartijenovereenkomst », T.P.R., 1983, p. 757. ↩
Foriers P. A., « Aspects des contrats multipartites en droit positif belge », in Dupont M., Glansdorff E. et Van Den Haute H. (coord.), L’entreprise et ses partenaires commerciaux, Aspects de droit contractuel, Limal, Anthémis, 2015, n° 6, pp. 169-170 ; Stijns S., Goethals C. et Jansen S., op. cit., n° 2, p. 114. ↩
Pour des études abordant le thème des contrats multipartites, voy. not. Dirix E., « De Meerpartijenovereenkomst », R.W., 1981-82, pp. 1585 et s. ; Dirix E., « De oorzaak in een driepartijen-verhouding », note sous Cass., 25 novembre 1982, R.W., 1984-85, pp. 1440 et s. ; Foriers P. A., « Les effets de la résolution des contrats pour inexécution fautive », in La mise en vente d’un immeuble, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 239-242 ; Kruithof R., Bocken H, De Ly F. et Temmerman B., « Overzicht van rechtspraak. Verbintenissenrecht », T.P.R., 1994, pp. 241 et s. ; Samoy I., « Pijnpunten bij het opstellen van consortium- en andere overeenkomsten met meer dan twee partijen », in Themis-cahier Verbintenissenrecht, Bruges, Die Keure, 2006, pp. 51 et s. ; Samoy I., « Le caméléon du droit des obligations : le contrat multipartite, Questions théoriques et pratiques concernant la conclusion des contrats à multiples parties », in Droits des obligations : développements récents et pistes nouvelles, Liège, Anthemis, 2007, pp. 7 et s. ; Wéry P., Droit des obligations, vol. I, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 61-63. ↩
Cass., 24 septembre 2009, Pas., 2009, n° 524. ↩
Fenet P.-A., Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, T. XIII, Paris, Videocq, 1836, p. 327. ↩
Le créancier cédant demeurant créancier aux côtés du créancier cessionnaire, à hauteur du reliquat de sa créance. ↩
Conclusions de Monsieur l’avocat général Genicot avant Cass., 20 septembre 2012, Pas., 2012, n° 476. ↩
Foriers P. A., « Aspects des contrats multipartites en droit positif belge », in L’entreprise et ses partenaires commerciaux, Aspects de droit contractuel, Limal, Anthémis, 2015, p. 191, n° 39. ↩
Jafferali R., La rétroactivité dans le contrat, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 1063, n° 482. ↩
Wéry P., « La théorie générale du contrat », op. cit., n° 43, p. 212. Dans le même sens : Samoy I., « Le caméléon du droit des obligations... », op. cit., p. 13 ; Foriers P. A., op. cit., p. 168, n° 5. ↩
Samoy I., « La dissolution des contrats multipartites », in Questions spéciales en droit des contrats, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 187 ; Foriers P. A., op. cit., p. 169, n° 6. ↩
De Page H., Traité élémentaire de droit civil belge, T. III, Bruxelles, Bruylant, p. 803 ; Van Ommeslaghe P., Traité de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 2013, n° 1734, p. 2459. ↩
Notamment, le fait que l’acceptation de la stipulation par le bénéficiaire n’est pas n’est pas une condition mise à la naissance du droit de créance dans son chef, voy. à cet égard Cass., 13 janvier 1967, Pas., 1967, p. 571. ↩
Wéry P., op. cit., n° 43, p. 212 ; Samoy I., « Le caméléon du droit des obligations... », op. cit., pp. 14-16. ↩
Foriers P. A., op. cit., p. 171, n° 8. ↩
Ibidem, p. 171, n° 9. ↩
Simont L. et Foriers P. A., « Examen de jurisprudence (1992-2012), Les contrats spéciaux », R.C.J.B., 2014/3, pp. 552-553. ↩